samedi 28 mai 2016

Quoi de neuf sur le front des mutilations ?

(1998)



Celles des vaches et chevaux américains sur lesquels ces actions abominables continuent inexorablement, et cela en dépit des enquêtes, des autopsies, des analyses. Comme si les coupables se jouaient des efforts entrepris pour les confondre ; comme si, aussi, l’étouffement médiatique, voire le black-out, prêchés par les autorités ne marchait pas, puisque nous sommes encore informés ! Mais combien de cas nous échappent : plus de 90 % ?


L’occasion m’est donnée aujourd’hui – je vous en dirai plus bientôt – de faire le point sur ce phénomène qui perdure depuis plus de 30 ans.       

J’en veux pour preuve ce qui vient de se produire le 5 mars dernier quand un cheval hongre de 6 ans, nommé Skip, appartenant au rancher Kim Miller, a été retrouvé mort et mutilé dans une pâture près de Rio Grande River, au Colorado.

Deux nouveaux Snippy ?
Il lui manquait toute la chair du côté gauche de la mâchoire, l’oreille correspondante et ses parties sexuelles résiduelles avaient mystérieusement disparu. Quel pervers en avait fait son plat du dimanche ?

L’information m’est parvenue par Internet (UFO Roundup, Volume 3, number 11*). Elle symbolise à mon sens un scandaleux retour aux sources plus de 30 ans après, puisque le lieu où l’animal a ainsi été mutilé récemment est tout proche de celui où l’on retrouva le fameux Snippy, en 1967, celui par qui tout a commencé ! Près de la ville d’Alamosa. Seul le mode de diffusion de l’information a changé… et nous avec quelques cheveux en moins !

Ce n’est pas un cas isolé si j’en crois le Valley Courier d’Alamosa du 30 décembre 1997.      Déjà la semaine avant Noël, le corps encore chaud d’un autre cheval avait été découvert, dans la même zone, avec toute la partie arrière évidée, scénario qui va finir par s’inscrire dans l’inconscient collectif des ruraux du Middle West.

1997
Non tout n’est pas fini là-bas !     Le Colorado, la Caroline du Sud, l’Oklahoma ont signalé des cas à la fin de 1996. Début 1997, le Nouveau Mexique, avec une belle vache, le 12 avril, débarrassée d’une oreille, d’un œil et d’un tiers de la langue. Deux larges trous très propres à l’abdomen et dans la zone sexuelle témoignaient du travail toujours soigné des « mutilateurs ». Même chirurgie sur des veaux en février et mars en Floride. En octobre, l’Oregon était confronté à pareille médecine. Et en novembre, décembre, ça recommençait au Nouveau Mexique, puis au Colorado. Qui, pourquoi ?, titrait le Post Dispatch, de Center, CO, le 3 décembre 1997. Les mutilations font-elles partie d’un large complot ?, s’interrogeait le Valley Courier du 12 janvier 1998 ?

Non décidément rien n’a changé depuis la parution de mon « Grand Carnage » en 1986 !

En Colombie Britannique, Canada, une vache fut découverte en février dernier dans une flaque de sang. La langue lui manquait et la moitié de sa tête était emportée jusqu’à l’os. Des coupures nettes, profondes, marquaient sa poitrine. Trop précis pour être l’œuvre d’un prédateur, affirma son propriétaire George Giersch, dont la ferme se situe à Dawson Creek à l’ouest de Vancouver. Bien sûr, il voyait cela pour la première fois, refrain connu qui décidément aura fait recette pendant plus de trois décennies.

Le NIDS au travail

Je vous ai annoncé en août dernier la mise sous surveillance d’un ranch cobaye en Utah. C’est un magnat de Los Angeles qui en a fait l’acquisition, désireux de l’inclure comme champ expérimental in vivo des mutilations de bovins dans le cadre du National Institute of Discovery Science (organisme privé de recherche sur le paranormal qu’il a créé lui-même). Son choix s’est porté sur ce petit ranch de 190 hectares du Bassin Uintah parce que ses propriétaires précédents voulaient le vendre, excédés, suite à plusieurs mutilations (3) de bovins, à disparition d’animaux (chiens et vaches) et autres phénomènes bizarres (boule de lumière volant au-dessus des terres).

Un directeur scientifique a été embauché (ancien employé du Laboratoire National de Los Alamos au Nouveau Mexique ayant travaillé sur les tests d’armes non létales (!)) et du personnel dont un vétérinaire, un microbiologiste et un officier de police en retraite qui a enquêté sur plus de 35 cas de vaches mutilées (G. Valdez).

Les moyens sont donc mis pour débusquer enfin les coupables. Quant aux intentions elles sont affichées : recueillir des données scientifiques sur un phénomène qui sévit depuis trop longtemps. Les fermiers locaux sont exhortés à collaborer en signalant le plus tôt possible (moins de 8 heures) tout incident mutilatoire. Moyennant quoi, l’Institut s’engage à prélever des échantillons et faire effectuer des analyses, voire des autopsies, gratuitement. Tous les résultats scientifiquement valables doivent être diffusés immédiatement sur Internet.

Or c’est là où le bât blesse. Certes on trouve sur le WEB une intéressante enquête effectuée auprès de 4000 vétérinaires pour savoir combien d’entre eux sont sensibilisés par le problème (seulement 5 % ont répondu) mais pas grand chose d’autre. Tout simplement parce que, depuis le début de l’opération, plus rien de suspect ne s’est rien produit sur le ranch. Et d’aucuns s’en étonnent, car il y a eu des cas signalés dans des champs limitrophes. Certains émettent des doutes sur l’efficacité de la surveillance et d’autres, tel l’ufologue atypique James Moseley, suggèrent qu’on ne trouvera jamais rien de cette manière, les mutilateurs étant assez malins pour se servir ailleurs. Cette remarque me paraît ma foi fort pertinente.


* fourniture ufologique et fortéenne hebdomadaire malheureusement disparue en 2005.



Publié dans Dimanche S. & L. du 10 mai 1998. Republié in Presse 1998, SOS OVNI.


vendredi 27 mai 2016

30 ans de mutilation de bétail en Amérique



Depuis déjà trois décennies, les fermiers et les éleveurs du Middle West nord américain sont confrontés à un fléau qui n'a rien à voir avec la vache folle mais a fait quand même des milliers de victimes. Pas une maladie à proprement parler car ce n'est pas tant la mort de ces animaux qui est un mystère, mais les blessures béantes qui leur sont infligées systématiquement en des points très particuliers de leur anatomie.

La question est, certes, de savoir si ces mutilations classiques à dominante sexuelles sont responsables de la mort des animaux ou si, au contraire, il s'agit d'actes survenus après la mort de la bête. Mais, dans un cas comme dans l'autre, on manque de coupable. Jamais quelqu'un n'a été pris sur le fait en train de blesser un animal. Aucune action de mutilation n'a été observée même de loin.

Un crime impuni dont la constance, la cruauté, l'absurdité, fait fantasmer les plus pragmatiques des fermiers yankees.


Tout a commencé précisément il y a 30 ans avec la mort d'un petit cheval. Etait-il hongre ou bien femelle? Peu importe en vérité. De race indienne palomino, Snippy - ou Lady - était parqué(e) dans un ranch reculé et venté du Colorado. En septembre 1967, il fut retrouvé mort, à Alamosa, dans un bien triste état : au niveau du garrot, une plaie affreuse, comme si on lui avait porté là, d'un coup, une horrible entaille, rectiligne, au rasoir et arraché ensuite, vers le haut, peau et chair jusqu'à la tête, laissant les vertèbres du cou et les os du crâne à nu. Pas de sang, ni sur l'animal, ni à côté. Les traces de sabots sur le sol minutieusement relevées suggérèrent qu'après avoir dévalé de la montagne à bride abattue, comme sous l'emprise d'une grande frayeur, l'animal avait alors tourné en rond plusieurs fois, puis s'était effondré comme culbuté par quelque chose ... ou par quelqu'un...

On s'accorde à dire que Snippy fut la première victime de ces insaisissables mutilateurs qui sévissent régulièrement depuis cette date dans quasiment tous les Etats Unis d'Amérique (sauf dans le Maine) et dans toutes les provinces du Canada (sauf le Québec).

Dire qu'en 1986, Paris Match refusa de passer en France un reportage sur ce phénomène, réalisé par Marie Thérèse Debrosses à Chalon-sur-Saône, sous prétexte que le sujet était révolu ! Chaque année depuis est venue démentir cette assertion. Désinformation ? Censure ?

Faisons un saut de 30 ans.

1996, en Californie
Le Mercury News de San José, Californie, sous-titrait, le 2 février dernier, sous la plume de Tracie Cone : Le mystère des mutilations de bétail n'a jamais été aussi loin de sa solution.

Et de faire état, dans les 4 derniers mois de 1996, de 6 bovins au moins mutilés dans les comtés Montery et San Benito tandis qu'une douzaine d'incidents similaires provenaient de Caroline du Sud, du Dakota Sud, du Montana, de l'Oklahoma et du Colorado. Tous l'avaient été dans des conditions similaires aux exactions perpétrées 20 ans plus tôt en Ohio, au Minnesota, au Colorado, au Nouveau Mexique...

Par exemple, un taureau d'une tonne, fauché dans son élan comme Snippy, se voyait chirurgicalement délesté de son pénis par un trou rigoureusement circulaire. Une génisse, à l'extérieur de King City, était retrouvée privée proprement de sa vulve et de sa mamelle...

Tout cela ressemblait rigoureusement à ce qu'avaient subis les bêtes appartenant aux éleveurs Bill et Jean Barton qui, à un an exactement d'intervalle, 16 octobre 1995 et 1996, perdirent deux vaches dans la forêt nationale de Lassen. Toujours les sempiternelles ponctions d'organes, de bas morceaux non comestibles, les steaks catégorie A restant intacts. "Aucune viande ne leur manquait si ce n'est des morceaux de peau, des oreilles, des yeux, des langues, vulves et rectums plus parties génitales. Sang vidé et aucune blessure par balle ", selon Jean Barton.

Le festival de l'absurde continue dans le même décor (herbe verte du Wyoming de Mary O' Hara à la brousse de Chapparal du Texas de Frank Yerby) avec les mêmes acteurs - on parle de 15 000 victimes, sauf le principal toujours masqué, indéfini, insaisissable, et les mêmes théories ressassées stérilement à longueur d'années.

Les sectes?
Cela peut être rapporté à quelque rite ou à quelqu'un de malade, suggérait le fermier John Nino, lui aussi de Californie, dont une vache Hereford eut le pis et les parties génitales réséquées par un trou ovale, à San Benito il y a quelques mois. En effet, la police surveillait deux adolescents suspects mais il est probable qu'ils ont été innocentés depuis de ces atrocités, comme tous ceux qu'on a eu dans le collimateur tout au long de ce Grand Carnage.

Certes les récompenses offertes pour tout indice qui conduirait à l'arrestation des coupables - 4000 dollars par l'association des éleveurs de bovins de Californie en 1996 - étaient moins élevées qu'en 1975 mais elles demeuraient tout de même susceptibles de pousser quiconque à la dénonciation en cas de surprise en flagrant délit. Là encore, l'absence de résultat milite en faveur d'autre chose qu'un charcutage par des mains humaines parfaitement disproportionné avec l'approvisionnement éventuel de quelques abats d'animaux en vue de quelque cérémonie. Satanistes et autres ritualistes de tous poils sont de faciles boucs-émissaires, notamment dans les régions très religieuses des Etats Unis, mais comme le disait T. R Adams, grand spécialiste ès mutilations de bovins, avec humour : Plutôt que de s'approcher d'un taureau pour lui dérober ses bijoux de famille, les sectateurs préfèrent s'entasser dans des cérémonies avec des chandelles et de l'encens.

Autres implications humaines
Certaines mutilations de bétail sont-elles un maquillage destiné à faire jouer les assurances? En marquant de ces blessures manifestement portées avec un instrument tranchant des carcasses écroulées par accident ou maladie, des fermiers, peu scrupuleux, transformeraient une mort naturelle, qui est une perte sèche pour eux, en un acte de vandalisme pour lequel ils sont couverts par leur assurance. Cette hypothèse a circulé sous le manteau, notamment en 1991, en Californie.

Mais comme le souligne Dave Robin, Président des Assureurs du Colorado, la plupart des animaux ne sont pas assurés. Les primes seraient trop élevées compte tenu des dangers auxquels ils sont exposés. Donc le Grand Carnage avec toute son ampleur ne saurait être imputé à ces fraudes qui, si elles existent, ne doivent être que marginales. Et puis il y a aussi les récompenses offertes par les associations d'éleveurs. Non tout cela n'est pas l'œuvre d'une conspiration corporative sans précédent.

Je ne veux pas que ma vache soit morte en vain, déclarait récemment Jean Barton exprimant son vif désir de connaître le coupable.

L'hypothèse des voleurs de bétail parfois évoquée ne tient pas une seconde du fait que ce qui manque à ces animaux n'est pas particulièrement mangeable où alors ces bouchers ont des goûts plutôt bizarres. Le gaspillage de viande, maintes fois signalé, engendré par ces morts inexpliquées est carrément scandaleux.

Alors les prédateurs et des morts naturelles ?
Certes les fermiers perdent régulièrement des têtes de bétail. C'est la dure loi de la nature : maladie, attaque par des animaux sauvages, grand âge. Mais la plupart sont d'accord pour exclure ces morts suivies de mutilations de ces catégories qu'ils connaissent bien. Nous savons quand nos bêtes sont malades, a déclaré M. Nino. Et justement là, elles ne le sont pas ! Souvent les bêtes mutilées ont été décrites comme étant les plus saines du troupeau et ce, la veille même.

Alors la mort est-elle venue d'une attaque de prédateurs suivie de l'action de ceux-ci ? Ce fut la théorie défendue par le rapport Condon de la mutologie (étude des mutilations) - Opération Mutilations Animales de Ken Rommel - et qui classa l'affaire en 1980 pour la modique somme de 50 000 dollars (coût de sa subvention). Les carences et les lacunes de cette enquête officielle firent que personne n'y fait plus référence aujourd'hui, après 15 ans et des centaines de cas supplémentaires dans lesquels les fermiers, sur le terrain, se refusent catégoriquement de reconnaître des actes de prédation. J'ai déjà perdu des vaches victimes des prédateurs, mais je n'ai jamais rien vu de semblable !, affirmait Ken Packer, de Hood River, Oregon, en novembre 1991, à propos d'un de ses bovins mutilés. C'est justement là où le bât blesse pour mettre en accusation les prédateurs des prairies du Middle West : écureuils, sconses, opossums, belettes, blaireaux, busards, moufettes, rats, souris... bien incapables de s'attaquer à de gros bovins avec les résultats que l'on sait et que l'on voit sur les photos. Quel prédateur est susceptible de boire 8 gallons de sang récupérés sans en laisser échapper une seule goutte au sol, s'interroge Jean Barton?

Quant aux coyotes, ils devraient être doués de super pouvoirs (G. Valdez) pour ainsi faire dans le chirurgical plutôt que dans le déchiquetage suivant une habitude largement millénaire. Nos prédateurs ne mangent pas avec un couteau et une fourchette !,  disait avec pertinence le shérif Marvin Quade, comté Lawrence, MO, déjà en 1975.
Il n'empêche que dès 1975, des simulations, notamment celle des Texas Rangers, auraient montré que les rapaces pouvaient  extraire un œil, arracher la langue et le rectum laissant des blessures ressemblant à celles d'un couteau. Mais ces oiseaux ne sont pas aptes à enrouler les intestins autour de la tête de la victime, creuser un trou parfaitement rond pour sortir le cœur, casser les os...


Théories plus complexes
Devant l'insuccès des théories communes ci-dessus, diverses thèses alternatives, pour expliquer ces incontournables et incessantes mutilations de bovins, ont été avancées au cours de ces 30 années de macabres constatations sur le terrain. Elles vont du projet gouvernemental secret à d'obscures méthodes de prospection de minerais faisant appel à des analyses sur les organes accumulateurs d'impuretés du sol de paisibles animaux qui paissent en surface?

En 1982, Carol Werkmeister nous écrivait : Il y a de plus en plus de preuves accumulées récentes qui mettent le gouvernement en accusation. Certes, la fameuse affaire du Watergate a rendu chaque Américain très méfiant vis-à-vis de son administration mais qu'est-ce qui pourrait pousser les instances dirigeantes de la plus grande puissance du monde à s'en prendre de la sorte aux innocents troupeaux dispersés de ses fermiers ?

Des recherches clandestines visant à tester in vivo et à grande échelle des armes chimiques ou biologiques ? Y aurait-il une organisation chargée d'étudier la contamination bactériologique du peuple américain (par quoi ?) par voie aérienne. Des tests de contamination virale seraient-ils faits pour vérifier les modèles mathématiques. Les prélèvements, effectués sur les bovins, permettraient de quantifier les résultats?

La participation de l'US Air Force a été moult fois évoquée comme force logistique idoine à une telle échelle avec l'observation d'hélicoptères non immatriculés qui ne peuvent circuler ainsi impunément sans indulgence de la force de contrôle des airs et plusieurs cas de mutilations recensés à proximité de points névralgiques du système de défense américain ont renforcé cette éventualité.

Ovnis et extraterrestres ?
L'inadaptation de la plupart des explications - communes ou non, leur incapacité à fournir une solution globale au fléau et l'absence de trace au sol - ou bien au contraire des traces caractéristiques  - a conduit à envisager l'hypothèse fantastique d'une intervention des ovnis et de leurs occupants.

Il n'y a aucune trace, aucune empreinte autour du corps et aucune blessure par balle, rien
qui puisse indiquer comment l'animal est mort, déplorait Jean Barton acculée à regarder le ciel. D'autant que l'animal mutilé d'un voisin trouvé la même jour que sa dernière vache avec une corne fichée en terre vient corroborer l'idée, revenant régulièrement, que la bête  a été larguée d'une certaine altitude comme si, emportée dans les airs avant d'être charcutée, elle était ramenée sur son lieu d'origine via un objet volant, adoptant l'iconographie mythique de l'animal suspendu héritée d'un cas dont on n'est même pas sûr qu'il soit authentique (Hamilton, 1897, Kansas). Parfois même la carcasse a été retrouvée dans un champ voisin, comme si les mutilateurs s'étaient trompés dans leurs repères.
           
Reste à se demander les mobiles de ces extraterrestres venus de si loin pour faire moisson de morceaux de peau, de testicules de taureau, de mamelles de vaches, d'oreilles pleines de cire, de langue de bœuf (sans vinaigrette !). La faim ? Le plaisir de la chasse ? Le sexe (si, si, on y a pensé !). Des prélèvements de tissus aux fins d'hybridation ou de clonage ? Dans ce cas, il faut s'interroger pour savoir pourquoi ces créatures d'un autre monde, sensées plus évoluées que nous, ont préféré expérimenter sur les bovins plutôt que sur les humains (les cas allégués de mutilations classiques d'humains sont peu convaincants).

Une variante veut voir dans ces actes à priori dénués de sens des prélèvement effectués sur le biotope par nos Grands Frères du cosmos afin de juger du taux de pollution dont nous sommes capables. Ce paternalisme écologique est certes de bon aloi mais ne reflète-t-il pas plutôt l'expression de nos angoisses face à notre propre nuisance par rapport à notre planète.

La contamination sociale
C'est de ces élucubrations souvent téléguidées qu'est née la théorie de l'hystérie collective et de la contamination sociale qui réduit le phénomène à une berlue induite par l'anxiété, à une projection fantasmatique enfantée par le stress des populations.

Le Dr James R. Stewart, du département de comportement social de l'Université du Sud Dakota, découvrit ainsi en 1980 que les différentes phases de l'épisode correspondaient très exactement à celles de la genèse d'une hallucination collective douce. A propos du comté DeKalb, AL, en 1992 et dans ce contexte, le Dr Fred Hoerr, déclarait : Quelqu'un commence à prêter attention à quelque chose que personne n'avait remarqué auparavant et on commence à voir des choses... L'atmosphère des petites bourgades rurales est très propice à l'éclosion d'une rumeur.

Les deux statuts de classe socio-économique - degré d'instruction bas et religiosité - contribuent à rendre les gens plus imperméables aux argumentations scientifiques et plus susceptibles, réceptifs au mystérieux et à l'incompréhensible.      

Il y aurait alors un phénomène de contamination sociale qui donnerait aux incisions faites par une meute (loups, chiens sauvages, coyotes, etc.) ou des rapaces, l'apparence d'une coupe précise. Ensuite tout essai de rationalisation serait voué à l'échec, le rejet en étant systématique.

Si un simple fait divers tel que la mort de Snippy peut déclencher une psychose telle que ce Grand Carnage qui dure depuis plus de 30 ans, cela doit bien intéresser les sociologues au plus haut point, n'est-ce pas ! Or, bien qu'ils soient nombreux aux Etats Unis et parmi les meilleurs, très peu y ont consacré quelques études si ce n'est Bill Ellis, de l'Université de l'Etat de Pennsylvanie, qui y voit la genèse  d'une légende ou mythologie contemporaine.

C'est pourtant autre chose que les fermiers, les enquêteurs attendent. Et non plus des promesses de certains politiques qui n'ont mené à rien si ce n'est qu'à les faire élire.

Un crime contre la bovinité
Après 30 ans d'exactions insensées: il faut tout mettre en œuvre pour faire cesser cet intolérable bovicide. L'indifférence générale n'est pas une attitude responsable même si ces violences ne touchent qu'à des animaux. Une Brigitte Bardot américaine serait la bienvenue, ils ne manquent pas de stars bon sang !

Et, au cas où les mutilations sont opérées post-mortem et si les morts sont naturelles donc par définition disséminées au hasard des troupeaux, par quel miracle se trouve-t-il toujours à proximité, juste au bon moment (certains corps mutilés étaient encore chauds), un membre du club des mutilateurs qui exécute sa basse besogne selon un rite qui, depuis 30 ans, obéit à la même illogique absurde ?

Si nous ne sommes pas plus proches de la solution qu'il y a 30 ans, c'est bien à cause du laxisme des autorités, lesquelles déclaraient ces faits révolus, il y a 10 ans. Un peuple capable de placer quelques-uns des siens sur la Lune doit être capable de résoudre les mystères de ses terres. Est-ce à dire qu'il faut rester passif devant de tels actes, les bras ballants sans tenter d'étudier le phénomène en le subissant ? A ce niveau, deux bonnes nouvelles sont tombées dernièrement et nous semblent aller dans le sens d'une élucidation prochaine de ce Grand Carnage.

 Un ranch expérimental...
En octobre 1996, Zack Van Eyck annonça que le riche financier Robert T. Bigelow de Las Vegas avait acquit, récemment, pour la somme de 200 000 dollars le petit ranch de 480 acres de Terry et Gwen Sherman, blotti entre Fort Duchesne et Randlett, au coeur du Bassin Uintah, UT.

Le choix de ce millionnaire, qui n'hésite pas à placer son argent dans le secteur du paranormal et de l'ufologie dans le but (sic) de résoudre les mystères les plus grands de la vie, faisait suite à un certain nombre d'événements bizarres rapportés par les Sherman : mutilations de vaches, disparitions d'animaux, lumières célestes émergeant de portes suspendues en l'air, ronds d'herbe aplatie du type crop circles...

Les recherches seront effectuées sous couvert du National Institute for Discovery Science par deux scientifiques et un médecin avec l'assistance du vétérinaire de Roosevelt, Dan Dennis, lequel dit avoir observé une seule mutilation suspecte et ce dans les années 60.
           
Des installations à cet effet ont été construites et des vaches cobayes seront laissées sur le ranch et surveillées 24 heures sur 24, à la merci des mutilateurs.

Une première nécropsie réalisée a conclu à un acte naturel mais tout cela est très prometteur.

... et une surveillance par Internet
A l'été 1996, John Haddington, dans la revue britannique The Cerealogist, proposa quelque chose d'astucieux pour enfin résoudre ce mystère des mutilations qui dure depuis trop longtemps.

Ayant remarqué que certaines mutilations sont concentrées sur une zone relativement restreinte, il fit entourer cette zone de barbelés pour empêcher ses bovins de s'y tenir et le fermier coopérant avec lui n'eut plus à déplorer aucune mutilation dans son troupeau. Une telle constatation, selon M. Haddington, exclut un phénomène aéroporté.

Et de proposer alors d'installer des caméras autour de ces clôtures et de suivre un simple bœuf vaquant à ses occupations de pâturage. Mieux encore, une caméra cachée et miniaturisée (ça se fait couramment aujourd'hui) et un transmetteur pourraient être fixés sur l'animal afin d'enregistrer à distance tous ses mouvements et incidents. Cet équipement de surveillance pourrait être connecté à un ordinateur relié au réseau Internet où il y aurait assez de volontaires pour se relayer en permanence afin de suivre l'animal.

Voilà qui méritait d'être mentionné. La technologie de pointe aura-t-elle raison d'une des énigmes les plus persistantes de cette deuxième moitié du 20ème siècle? Contrairement à ce qui  a été dit plus haut à chaud, on serait donc plus proche que jamais de la solution des mutes ! C'est tout ce que nous pouvons souhaiter même si, l'un et l'autre, semblons habiter des zones où rien de tel n'est arrivé (Europe et Belle Province). La contagion annoncée ne s'est pas produite chez nous. Touchons du bois !

Références:

1/ Le Grand Carnage, Michel Granger, éditions Vertiges-Carrère, 1986, épuisé.
2/ Le Grand Carnage, nouvelle version à paraître aux éditions Chucara, Québec, 1997.
3/ 30 years of animal mutilations, Michel Granger et Jacques Poulet, à paraître aux éditions Chucara, 1997.






Cet article est paru dans Samedi & Cie n°74, un supplément du week-end du Journal de S. & Loire, du  23 août 1997 avec comme coauteur Jacques Poulet.







mercredi 25 mai 2016

Mutilations de gros animaux : bientôt chez nous en France ?



« A quand le tour de nos troupeaux ? », avait cru bon d'imprimer l'éditeur au dos de la couverture de mon livre « Le Grand Carnage » (1986), lequel décrivait cette multitude de violences mutilatrices, perpétrées en Amérique, essentiellement sur du bétail.

Ainsi était signalée l'idée, développée dans un chapitre non retenu pour publication - les éditeurs se réservent le droit de raccourcir les livres qu'ils jugent trop volumineux et ne s'en privent pas, croyez-en mon expérience - selon laquelle nous n'étions pas à l'abri en Europe de telles exactions par une propagation éventuelle.

Vers le Sud.
Et de mentionner différents endroits de la planète où des actes similaires ou apparentés avaient déjà été signalés. Le Mexique, limitrophe des Etats Unis, enregistra dans les années 1970 de nombreuses mutilations classiques sur des bovins. Au Panama, en 1979, on retrouva plusieurs vaches sans langue et vidées de leur sang. Le Paraguay, la Colombie, le Brésil, étaient aussi touchés par le fléau.

Vers l'Est.
Mais l'épidémie ne débordait pas uniquement verticalement. Des moutons vidés de leur sang à Barranco Grande, aux Iles Canaries, témoignaient d'un déplacement vers l'Est, plus préoccupant pour nous européens. Dès 1972, la Suède signalait que, dans la région de Stockholm, des veaux avaient été tués de manière brutale, leur cœur arraché et volé.

D'autres avaient eu la gorge tranchée et des bœufs et des porcs avaient disparu en de mystérieuses circonstances.

Plus près encore.
La menace pour notre cheptel français se précisait avec l'annonce, en 1980, d'un cas désagréable de mutilation au Pays de Galles, dans une ferme : c'était une chèvre qui en avait fait les frais, mais l'idée qui prévalait encore - à savoir que les mutilations classiques de gros animaux de prairies se cantonnaient aux U.S.A. et au Colorado - restait valable.

En France ?
Notre Hexagone demeurait totalement épargné et il le reste, du moins à ce que j'en sais jusqu'à aujourd'hui. Certes, il y a bien, en particulier, dans notre région du Charolais, des bouchers nocturnes qui sévissent épisodiquement, mais ce sont aux pièces de choix de l'animal qu'ils s'en prennent et non aux bas morceaux.

Un lecteur tardif du Grand Carnage, M. G. Hassid, de Montreuil, a eu l'amabilité de me signaler un article du journal Sud Ouest, paru en 1991 et intitulé : La vache et l'extraterrestre. Certes, le dépeçage sur une génisse d'un troupeau de la commune de Tocane (24) avait été particulièrement soigné (pas de trace de sang) mais, malgré une propension très nette au sensationnalisme d'un groupe ufologique local, le soufflé était vite retombé (M. Hassid), le côté viandard de l'acte étant évident.
Donc, toujours calme plat mutologique sur le territoire français à moins que vous ne m'en apportiez le démenti.

Primeur aux Anglais !
Il n'en va pas de même en Grande Bretagne où certains incidents récents donnent à penser que le mal pourrait bien être à nos portes. L'année 1993 a été marquée par des attaques cruelles, souvent à caractère sexuel, sur des juments et des étalons dans le Hampshire et le Buckinghamshire, dont certaines, spécialement atroces, ont été fatales aux victimes.

Au point que le grand magazine Newsweek du 29 mars 1993 parlait d'un Jack l'Eventreur de chevaux... la méthode employée une trentaine de fois jusqu'à cette date semblant toujours la même : coups, pénétrations, blessures au couteau.

Le 2 janvier 1993, par exemple, durant la nuit, une jument de 23 ans eut la région génitale profondément entaillée, comme à l'aide d'un couteau à dents. Elle présentait aussi des contusions internes et serait probablement crevée, saignée à blanc, si on ne l'avait pas découverte tôt le matin. Ce type d'incident s'est multiplié dans ces régions depuis 1983 sans que l'on parvienne à arrêter le coupable sadique et pervers bien qu'un portrait robot en ait été constitué.

Mutilations classiques Outre Manche.
Un nouveau pas a été franchi lorsque de vraies mutilations classiques, du type made in U.S.A., ont été constatées. En mars, un demi-sang de selle femelle, gravide, a été trouvé mort dans un champ, une oreille coupée, un œil désorbité et la partie génitale ouverte. En juillet 1993, dans le Wiltshire près de Dorset, deux jeunes veaux ont été découverts morts, sans oreilles, langue et organes sexuels proprement excisés. Aucun signe de saignement des blessures.

Tout cela ressemble furieusement aux milliers de cas recensés dans les années 1980 dans le Midwest et qui continuent de se produire sporadiquement aujourd'hui. Comme, par exemple, au Colorado, sur un cheval justement dans le comté Weld, en juin dernier. Un œil et la langue aussi étaient portés manquants et la peau avait été découpée en plusieurs endroits de l'animal.

Le Grand Carnage avec de telles monstruosités est-il pour nous en 1994 ? Très sincèrement, je ne le souhaite pas.



Publié dans Dimanche S. & L. du 16 janvier 1994.

mardi 24 mai 2016

La « chose » de Carlos Avery


Imaginez une gigantesque réserve de chasse de plus de 16 000 hectares faite de marécages inexplorés et de forêts pratiquement vierges. Etendue sur plusieurs miles de part et d'autre de la sinueuse Sunrise River, cette région est un vrai paradis pour les diverses espèces de gibier d'eau. Contrôlée par l'Etat américain du Minnesota et située près de la ville de Twin Cities, la réserve Carlos Avery constitue le décor grandiose de l'étrange aventure survenue entre 1971 et 1977 à deux familles de fermiers demeurant sur ce territoire.

A l'instar de Bradley Earl Ayers, détective ès mutilations, et à qui nous devons les circonstances de ces événements mystérieux - après qu'il eut lui-même enquêté sur le terrain -, nous adopterons les pseudonymes de Henry Dubois et Art Dahl pour les deux protagonistes de cet épisode particulièrement insolite.

Henry Dubois est un homme rustre qui a passé son existence à travailler la terre. Sa ferme a une superficie de moins de 2 hectares et la culture y est singulièrement difficile. Mais c'est une exploitation familiale, transmise de père en fils depuis plusieurs générations et Henry Dubois, en bon fermier, n'a jamais songé un jour qu'il puisse faire autre chose. Les profits qu'il tire de sa terre sont ses uniques moyens de subsistance.

La famille Dahl, quant à elle, possède une petite ferme voisine à la limite orientale de la réserve. Lui est instituteur à la ville toute proche et il a obtenu dans sa jeunesse une maîtrise en éducation. Du fait de cette situation, le fermage est pour les Dahl une occupation secondaire limitée à quelques surfaces exploitées. A l'inverse des Dubois qui sont plutôt réservés, les Dahl sont instruits, ouverts et loquaces. Les deux couples ont des enfants - peu importe le nombre puisque certains ne jouent aucun rôle dans l'histoire - et aussi d'énormes chiens de garde. Malgré ces divergences d'éducation et de position sociale, de solides liens d'amitié et de confiance unissent les deux familles.

Mais venons en aux faits qui entrent dans le cadre de notre propos.

Tout commença en 1971 quand les Dubois remarquèrent une lumière flottant au dessus du marais à 5 ou 600 mètres derrière l'étable. C'était l'hiver et la lumière apparut plusieurs jours de suite pendant que Dubois s'affairait à la corvée du soir. Toutes les recherches sur place pour tenter de localiser la source de cette lumière échouèrent.

C'est à la même époque que Dubois trouva l'un de ses veaux mort, apparemment éventré par quelque chose d'extrêmement puissant. Le corps fut découvert dans le parc à fourrage.... le corps, c'est une façon de parler puisque, de l'animal, il ne restait que la tête et une partie de la carcasse. Détail intrigant : aucune trace de sang sur les lieux et alentour.

Dubois bien qu'assez secoué par l'incident garda secrète l'affaire et le temps passa. Il oublia.
Quatre ans plus tard, la mystérieuse lumière au dessus du marais réapparut et vint rappeler ces malheureuses circonstances à la mémoire du fermier. Elle était là à nouveau, se dandinant légèrement et un soir, Dubois la vit filer en direction de la forêt. Comme une mince couche de neige recouvrait le sol, le fermier put entreprendre des recherches dans les marécages, mais encore une fois elles furent vaines.

Et l'été arriva et la lumière était toujours présente à heure fixe jusqu'au jour où elle disparut définitivement sortant simultanément des préoccupations de Henry Dubois qui avait bien d'autres chats à fouetter en cette saison.

Vint la période de la chasse à l'automne et, comme chaque année, pour apporter un succulent supplément à la nourriture familiale, Henry Dubois partit en quête d'un chevreuil qu'il pût abattre. Il n'eut pas de mal à réaliser son dessein et il suspendit l'animal par les pattes de derrière à un grand sapin près de la maison. Ainsi serait-il gardé au froid pendant la nuit - on était en novembre 1975 - et le lendemain, il pourrait l'écorcher pourvoyant alors la famille en steaks et rôtis pour les longs mois d'hiver.

Mais cette nuit -à, il se passa quelque chose...

Quand au matin on se précipita afin d'entreprendre le dépeçage de la bête, celle-ci gisait sur le sol. La branche à laquelle elle avait été accrochée était sectionnée net comme par un monstrueux coup de dent. Et la tête du chevreuil avait été séparée du corps par une force peu commune. Cette vision de l'animal ainsi mutilé resta vivace dans les esprits des Dubois durant tout l'hiver.

C'est alors que le chef de famille, plus remué qu'il n'y paraissait, vint raconter à son ami Art ces curieux incidents survenus sur sa ferme. Tous les deux tentèrent de leur trouver une explication rationnelle, mais marqués par l'absence de toutes traces et d'empreintes susceptibles de les aiguiller vers une interprétation naturelle, Henry Dubois se mit à dormir avec son fusil chargé dressé au pied de son lit. Rien dans les mois suivants ne vint justifier cette attitude.

Mais le 19 juin 1976, la chose - ou du moins ce que c'était - se manifesta une nouvelle fois. L'un des enfants Dubois, dont la tâche matinale était de panser les porcs, fit brusquement irruption dans la cuisine annonçant qu'un porcelet de 50 kilos était mort dans l'enclos. Ses compagnons d'écurie semblaient si choqués qu'ils se tenaient agglutinés à l'opposé du parc refusant même de s'approcher de l'auge pleine. Dubois, sa femme et toute la communauté familiale se ruèrent en direction de l'enclos, lequel est situé à 30 mètres derrière le corps de maison.

Les cochons étaient serrés les uns contre les autres dans une attitude donnant l'impression qu'ils voulaient soit se cacher, soit s'échapper. De l'autre côté, il y avait les restes de l'animal tué. Dubois franchit la clôture pour examiner la dépouille et il éprouva un irrésistible haut-le-corps. Le spectacle était en fait peu ragoutant. La tête avait été littéralement arrachée, le reste de l'échine reliée au corps faisant saillie de façon plutôt hideuse. Et ce n'était pas tout ! L'animal avait été écrasé, broyé, comme pétri par une monstrueuse main ou disloqué par la chute d'une hauteur considérable. Chacun de ses os était brisé en plusieurs endroits. Encore une fois, pas une goutte de sang dans l'enclos. Et pas de traces de lutte non plus…

A partir de ce jour, Dubois décida de monter la garde chaque nuit, mais rien ne survint et la fatigue aidant, le fermier renonça à son projet.

Un mois plus tard: même scénario. Le matin du 19 juillet, Dubois remarqua ses deux chiens blottis l'un contre l'autre sous le porche. Aussitôt il sut qu'une nouvelle violence avait eu lieu. Un autre porc en avait été la victime et sa carcasse était affreusement mutilée : tête manquante et une patte arrachée.

Dubois, cette fois-ci, se sentit dépassé par les événements. Il prit sa voiture et se rendit chez les Dahl. On eut tôt fait de le convaincre d'appeler le bureau du shérif et celui du garde chasse. Deux jours plus tard, Tom Alvin, shérif en chef du comté de Chisago, procédait à une rapide enquête de routine tandis que le garde forestier Larry Peterson se défilait, arguant de tâches plus importantes.

Le fait que les autorités locales prennent son cas à la légère n'apaisa en rien l'inquiétude grandissante d’Art Dahl qui se mit à craindre pour sa famille et son cheptel. Déjà durement ébranlé par la sécheresse de l'été, il ne pouvait ainsi se permettre de perdre des bêtes. A. Dahl commença dès lors à lui prêter main forte réellement à son voisin. Ils mirent en place tous les deux un véritable dispositif de surveillance, persuadés que la mort reviendrait encore du marais.

Dubois laboura et traça une aire de sécurité autour du hangar à nourriture, défrichant la végétation et ratissant la surface lisse ainsi dégagée pour qu'il puisse déceler les traces suspectes éventuelles sur le sol meuble. Des projecteurs furent disposés et un poste de garde installé dans une vieille tente en un lieu particulièrement propice à la surveillance des alentours. Armés de carabines, les deux hommes prirent leur faction en compagnie de leur plus gros chien.

Mais le mystère, loin de s'éclaircir, allait encore s'épaissir. Du moins eurent-ils quelques nuits de veille stériles où ils n'eurent à combattre que la fatigue et la somnolence. A tour de rôle, ils se relayaient après leur longue journée de labeur, sirotant le café que les femmes ne manquaient pas de leur préparer. A l'occasion, un bruit leur parvenait du marais, troublant un silence exclusivement meublé par le cri des grenouilles et des criquets. Le veilleur était derechef sur le qui-vive mais les bruits habituels d'une nuit d'été reprenaient graduellement le dessus et l'obscurité et l'ennui s'imposaient à nouveau.

La nuit du 18 août, aucun des deux guetteurs ne parvenait à trouver le sommeil. Ils étaient assis dans la tente et, tranquillement tout en conversant, buvaient du café chaud à petites gorgées, n'osant pas allumer une cigarette de peur de signaler leur présence. Minuit passa et rien ne troublait leur veille. Soudain Dahl repéra une lueur rougeâtre dans le ciel, à l'horizon au nord. La lumière semblait distante de quelques kilomètres et elle se rapprochait très lentement. Dahl poussa Dubois du coude et ils fixèrent attentivement le point brillant qui venait vers eux. Le point devint bientôt une forme cylindrique sans ailes ni queue. Elle décrivit un large arc de cercle dans la nuit claire, accélérant, ralentissant, puis, tel un trait, elle disparut dans les étoiles.

Dahl, qui était parti faire une ronde, la revit plus tard sous l'aspect d'un grand disque juste à la verticale au dessus de lui. Il courut à toutes jambes vers la tente mais le temps qu'il l'atteigne et la lumière s'était éloignée. Elle fut d'ailleurs signalée d'un autre endroit de la région.

La nuit suivante réservait des surprises d'un tout autre ordre.

Dubois et Dahl reprirent leur attente au crépuscule. Les deux hommes s'étaient accordés plusieurs heures de sommeil dans la journée et ils avaient recouvré la forme. Les carabines chargées étaient prêtes et leurs propriétaires décidés à faire feu sur quiconque n'obtempérerait pas à leurs injonctions.

Peu avant minuit, ils perçurent le bruit d’une automobile sur le chemin boueux. Quelque part en contrebas devant la ferme, elle s'arrêta. Une portière claqua. Ce devait être des maraudeurs. Les minutes passèrent au ralenti tandis que les deux hommes scrutaient l'obscurité, les nerfs tendus, un doigt sur la gâchette de leur fusil, un autre sur le bouton commandant l'allumage des projecteurs. Une heure s'écoula ; tout était tranquille.

Soudain, de derrière la ferme vers les marécages, un cri perçant fusa. Dahl, plus tard, le décrivit comme un feulement mi-homme mi-bête, le plus étrange cri qu'il lui eût jamais été donné d'entendre. Les femmes assises sous le porche dans le noir se replièrent vers l'intérieur, se rapprochant des enfants.

Un autre cri déchira la nuit peu après, pareil au premier, toujours en provenance du marais. Puis un troisième venant d'un ravin situé au sud de la ferme et un autre encore. Dahl et Dubois s'accroupirent et doucement, l'arme à la main, ils progressèrent. Quels étaient ces mystérieux hurlements ? Les grenouilles et les criquets s'étaient tus. Ils attendirent transpirant et inquiets près de la tente. Bien qu'ils n'eussent rien vu bouger, ils sentaient que quelque chose se rapprochait du parc à nourriture pour bétail.

- Es-tu prêt Henry, souffla Dahl. « Ils » viennent vers nous...
Au dessus de la colline et faisant écran au marécage, une ombre énorme semblait se matérialiser. Sa forme n'était pas définie dans la faible clarté tombant directement des étoiles et de la lune blafarde. C'était seulement une grande tache sombre, mais tellement plus grande qu'un homme debout. Et cela avançait vers eux.

Tout à coup, le chien de garde qui était tapi sous la tente déguerpit à toutes pattes, queue basse vers la maison, heurtant au passage violemment un pilier métallique. La masse ombreuse suspendit un instant sa progression et petit à petit recula. Dans sa retraite vers le marais, elle émit encore une fois un cri à figer le sang. Celui-ci se répercuta en écho tandis que l'ombre s'estompait.

Dubois alluma alors les projecteurs et lui et son compagnon déboulèrent la colline, donnant l'assaut... Ils ne trouvèrent rien. Moralement et physiquement exténués, les deux amis allumèrent des cigarettes et laissèrent s'apaiser les battements de leur cœur. Le restant de la nuit fut calme.

Mais, ils n'abdiquèrent pas après cette nuit de cauchemar du 18 août 1976 et ils reprirent leur faction les jours suivants. Septembre et octobre n'amenèrent rien de nouveau. En novembre, Dubois et Dahl redoublèrent de vigilance car s'ajoutait à l'angoissante attente l'espoir de réussir un beau trophée de chasse. Cette année-là aucun chevreuil ne vint à portée de fusil laissant les chasseurs anxieux et frustrés. Car chacun d'eux savait que l'endroit regorgeait de gibier. Et le fait qu'aucun animal ne se soit aventuré sur la propriété des Dubois indiquait que la faune du marais, elle aussi, avait peur.

La saison de chasse touchait à sa fin quand, un soir, le frère de Henry Dubois, Frank, se précipita à l'intérieur de la ferme tout surexcité, en proie à une agitation inaccoutumée. Son visage était blême, il avait perdu un gant et ses vêtements étaient sales et déchirés.

De sa bouche qui avait du mal à contenir un flot de paroles incohérentes, on parvint à comprendre que, parti pour une promenade de chasse dans les marécages, il avait brusquement cédé au sentiment indéfinissable que quelque chose le suivait à quelque distance, avançant quand il avançait, stoppant dès qu'il s'arrêtait. La chose, tout en imitant chacune de ses actions, restait toujours hors de vue dans les épaisses broussailles. Ainsi n'avait-il aucun support visuel mais il sentait la présence plus lourdement peut-être que s'il l'eût aperçue. La chose cassait les branches et les jeunes arbustes, se mouvant souplement en même temps que lui. Elle semblait connaître à l'avance la direction dans laquelle il déciderait d'aller. Progressivement, la frayeur avait envahi Frank Dubois. A plusieurs reprises, au bord de la panique, il avait fait feu dans un fourré espérant, sinon toucher son suiveur fantôme, du moins suffisamment l'alarmer pour qu'il cesse son manège. Mais comme l'homme se décidait à avancer à nouveau, elle faisait de même. Ainsi fut-il suivi jusqu'à ce qu'il sorte du marais juste derrière le hangar abritant les aliments pour le bétail.

Dahl, quand il apprit l'incident, se rendit dans le marais à l'endroit indiqué de cette fantastique rencontre. Il revint de son périple passablement ébranlé, lui qui se targuait d'être un rude homme de la forêt.

- Il y a sûrement quelque chose déclara-t-il, quelque chose qui vous suit et anticipe vos propres mouvements. Mais quoi... ?

Cette chose devait être énorme et très forte. Dahl constata en effet que le tronc d'arbres de plus d'un mètre cinquante de haut avait été cassé net. Et cette chose était encore là qui l'épiait et esquivait toutes les ruses qu'il déployait pour s'en approcher. A un moment même, n'écoutant que son courage, il fonça en droite ligne vers l'endroit où la présence lui semblait tapie, son fusil brandi en avant pour le protéger des broussailles qui lui cinglaient le visage comme pour lui barrer le passage. Un cri horrible le figea tout net. Elle était là devant lui.

A peine l'écho du hurlement s'était-il dissipé qu'un grand bruit de fuite se fit entendre dans les buissons. La nuit était proche et Dahl céda à la prudence. Il rentra chez lui.

L'hiver tomba sur le Minnesota. Les hommes sortirent les motoneiges et quadrillèrent inlassablement le marais. Rien d'inhabituel ne fut découvert. Et pourtant le dernier épisode de cette folle aventure vint avec le printemps.

En avril 1977, une jument Shetland des Dubois donna naissance à un poulain. La mise bas se passa normalement et les deux animaux étaient en si bonne santé qu'on les installa dans une petite pâture derrière la ferme où ils pouvaient brouter l'herbe tendre. Le 20 avril au matin, la jument était découverte morte dans le champ. Son cou avait été complètement disloqué et elle était en partie éventrée. Le tueur avait laissé une coupure triangulaire béante sur son flanc. Le petit poulain était encore vivant et on ne sut par quel miracle il avait pu franchir la clôture, en barbelés que l'on retrouva complètement intacte. En dépit des efforts des enfants, pour nourrir au biberon le jeune animal, celui-ci mourut quelques jours plus tard.


Ce récit devait figurer dans mon « Le Grand Carnage » (1986). Mais, comme je l’écrivais (page 289), manquant de place pour donner d'autres exemples de choses comme celle de de Rensselaer rapportée dans le livre, nous tenons à la disposition des lecteurs intéressés le long récit des méfaits d'une autre chose qui hanta, entre 1971 et 1977, la réserve naturelle de Carlos Avery, au Minnesota. Il suffit de nous écrire.


Personne n’ayant fait cette demande, j’ai cru bon de produire ce texte ici.