mercredi 23 novembre 2022

 

Le Grand Dieu Martien du Tassili


Par Michel GRANGER

Publié dans DIMANCHE Saône & Loire du 26 novembre 2006


Personne aujourd’hui ne se hasarderait à qualifier de « Grand Dieu Martien » cette peinture néolithique rupestre découverte, en 1938, par le Colonel Brenans et son guide touareg Djébrine, à Jabbaren sur le plateau du Tassili, Sahara algérien.

Photo extraite du livre de H. Lhote.

C’est pourtant ce que fit, en 1956, l’explorateur et ethnologue français, élève de l’abbé Breuil, Henri Lhote (1903-1991), qui devint plus tard maître de recherche au CNRS et appointé au Musée de l’Homme à Paris.

Ce dessin sur la paroi d’un rocher fait partie d’une collection de 5000 représentations d’art préhistorique saharien répertoriées dans ce musée unique à ciel ouvert. Avec ses six mètres de haut, il est un des plus grands connus dans le monde ; « Jabbaren » en touareg signifie « géants » d’où la justification de l’appellation de « Grand Dieu », mais pourquoi diable « Martien » ?

Le terme aurait été inspiré par des BD de SF de l’époque !

Malgré le succès du livre de H. Lhote publié par Arthaud en 1958, il est probable que ce spécimen non figuratif (beaucoup d’autres sont plus réalistes montrant des animaux reconnaissables : hippopotames, mouflons, crocodiles, bovidés, chevaux…) de l’art pariétal serait resté une curiosité pour archéologues avertis. Mais voilà qu’en 1960 les tenants du réalisme fantastique L. Pauwels & J. Bergier s’en emparent (autre cliché reproduit ci-dessous) dans leur livre « Le Matin des Magiciens » pour émettre, je cite : « une hypothèse pour le bûcher » !

Celle selon laquelle, « les fresques découvertes dans la grotte de Tassili, au Sahara, représentent des personnages coiffés de casques » ; en clair, des visiteurs étrangers sur la Terre que les autochtones du Sahara (à l’époque où il n’y avait pas de désert) auraient tenté de représenter en tant que divinités nées du « culte du cargo ».

En l’occurrence, le « Martien » du Tassili semblait bien porter un scaphandre spatial, ce qui ne fut pas contesté alors que le mot grotte à la place d’ « abris profond » fut considéré comme « une erreur significative de la non lecture des travaux de Lhote ».

Quelle importance du moment que la tête du scaphandre semblait bien vissée sur les épaules du Martien !

Non contents de cette incartade, ces provocateurs vont même illustrer avec ce document un petit texte paru dans la revue « Planète » en 1962 (1) et intitulé : « Des cosmonautes dans l’Antiquité ? »

Du coup, le « Grand Dieu Martien du Tassili » devint une des preuves visuelles du fait que nos ancêtres de la préhistoire ont été visités par des ovnis desquels auraient même débarqué des pilotes qu’ils auraient pris pour des dieux !

S’ensuivit toute une littérature pseudo-scientifique à rendre jaloux, par ses tirages, les plus grands vulgarisateurs scientifiques. H. Lhote lui-même ne s’en offusqua pas qui aurait simplement regretté que sa désignation cocasse de masques et de costumes rituels eût permis de « tomber dans une fantaisie romantique » (1989).

Hélas, tous les ethno-anthropologues n’ont pas une telle ouverture d’esprit (la désignation de Martien, née d’une « simple plaisanterie d’explorateurs », constitue bien une des entrées du Dictionnaire de la Préhistoire de A. Leroi-Gourhan de 1988) et on a vu Jean-Loïc Le Quellec (2) parler de la légende sur « Les Martiens du Sahara ». Et d’invoquer pour expliquer trivialement ces «  têtes rondes » (dont certaines excroissances ont été prises pour des antennes !) : des personnages stylisés nés soit d’un délire imaginaire, soit de pratiques chamaniques, soit de visions dues à l’usage de stupéfiants !

Reste à se demander par quel prodige les visions oniriques des ancêtres des Touaregs, quelle qu’en soit la cause, ont pu ressembler à des humanoïdes descendus de soucoupes volantes dix siècles plus tard comme les BD de 1956 s’inspiraient des témoignages de la vague d’ovnis de 1954.

Mystère !

Notes et références

(1) Agrest, Matest (2), Des cosmonautes dans l’antiquité ?, PLANETE, n° 7, novembre décembre 1962.

Photo reproduite dans PLANETE à partir de la fresque ci-dessous, dite du « grand Dieu aux orantes », reproduite par H. Lhote dans son livre (3).

(2) Agrest, Matest (1915-2004). Voir Confession, Dr Matest Agrest (traduction de Michel Granger)) in LA GAZETTE FORTEENNE, Vol. II, 2003 (parution Janvier 2004).

(3) Lhote, Henri, A la découverte des fresques du Tassili, Arthaud, 1958.

(4) Directeur de Recherche au CNRS, UMR 5608 (« Art Préhistorique ») – Centre Émile Cartailhac (UTAH Toulouse) ; si vous voulez lire la charge de cet ethnologue contre ceux qu’il appelle les « archéomanes », vous pouvez vous procurer la revue OVNI-Présence n°51 (juin 1993) où se trouve son article en vous adressant à : cataloguemartien@free.fr.

Paru in DIMANCHE SAÔNE & LOIRE, 26 novembre 2006.

Dernière mise à jour : 22 août 2009.





mardi 15 novembre 2022

 

Risquons-nous d’être enterrés vivants ?


Par Michel GRANGER



Plus précisément, y a-t-il une menace réelle de se voir déclaré pour mort, veillé, célébré comme tel et, ensuite, bloqué dans un cercueil et même mis en terre, alors que nous sommes encore en vie ?


Quelle atroce condition que celle du présumé défunt qui revient a lui à deux mètres sous terre, irrémédiablement emprisonné, condamné à la suffocation, dans ce coffre étroit, exigu, sans pratiquement aucun espoir de se pouvoir signaler à l'attention d'un éventuel sauveteur!

L'évocation d'un tel supplice serait plutôt macabre s'il n'y avait certaines révélations de fossoyeurs, considérées, je cite, comme des « secrets professionnels ».

En effet, lors d'exhumations diverses, il aurait été constaté, plus souvent hélas qu'on ose le craindre, « des traces horribles de l'agonie d'enterrés vivants ».

Comme le relate le Docteur Péron-Autret1/, ce sont des bras dévorés, rongés jusqu'à l'os, des ongles, des doigts, des mains, des genoux et des pieds « comme écrasés a coup de marteau » suite aux efforts désespérés, dans une folle tentative de « griffer, de mordre et de casser la boîte en bois quand le sujet enterré vif se réveille et s'aperçoit de l'épouvantable sort qui l'attend ».

Mais aussi des « squelettes retournés » dans leur bière ou dans des positions non équivoques. Des linceuls lacérés et des cheveux, des ongles, des barbes poussés de plusieurs centimètres, preuves que l'agonie a pu être longue. A la fin du siècle dernier, il fut même rapporté qu'une enterrée vivante avait accouché dans la tombe !

En 1972, un hebdomadaire parisien titrait: « Alerte: on enterre trop vite et sans certitude ! »

Y aurait-il donc possibilité de diagnostic erronné de mort dans l'état actuel de la pratique médicale?

Ce n'est malheureusement pas exclu, si j'en crois certains témoignages accablants.

J'ai un cas extrêmement saisissant: le père de M. A.V... avait succombé à une crise cardiaque. Enterré depuis plusieurs jours, son fils fit des cauchemars répétés où il voyait le défunt « qui l'appelait désespérément en le suppliant de faire ouvrir le tombeau et qu'il étouffait.... »

Ce ne fut qu'au bout de deux semaines que l'Administration donna l'autorisation nécessaire à l'exhumation. Le résultat fut horrible.

« A l'intérieur, le cadavre n'avait plus la position première, étendue, les mains jointes et les yeux fermés. Son corps était arc-bouté, les mains crispées et collées contre le couvercle du cercueil comme pour l'ouvrir. Sa bouche était grande ouverte, les yeux exorbités et le teint violacé ».

Preuve s'il en est que l'individu n'était pas mort avant, mais dans son cercueil asphyxié...

D'autres confirmations d'erreurs fatales sur l'état de « mort apparente » sont contenues dans les nombreux exemples de « résurrection » à la morgue, de « réveil » du mort au cours de la cérémonie funéraire et de voix tragiques perçues dans les cimetières.

En septembre 1985, les habitants de Barth, en Allemagne de l'Est, fêtèrent comme un miracle le fait qu'un bébé de trois mois, victime d'une pneumonie et reconnu mort par les médecins, se remette à respirer lorsque sa mère, Mme Schwern, lui donna le baiser d'adieu avant la fermeture définitive du petit cercueil !

Il en fut de même, en Italie, un mois plus tard, quand le petit Mario Arena reprit vie sur la dalle glacée de la morgue de Cosenza.

Comme relaté en avril 1973 par le Daily Mirror, Mrs Rose Hanover, 85 ans, dont le cercueil était fermé depuis deux heures, laissa échapper un ronflement sonore qui glaça d'épouvante ses proches, venus là pour la veiller. Elle fut transportée d'urgence au North Middlesex Hospital où on la soigna...

On peut penser qu'il n'y a rien de plus traumatisant que de recouvrer la conscience, couché dans son propre cercueil. Cela peut, en tout cas, susciter des vocations comme, par exemple, pour l'Irlandaise, Minnie Keusch, qui, ayant subi pareille mésaventure, entra en monastère chez les Petites Sœurs des Pauvres.

Et que dire si c'est en pleine cérémonie de funérailles!

Prononcé mort le 4 février 1957, Ki Dachlan, 70 ans, de Plumban, Java, était entouré des siens durant le service funèbre; tout a coup, il interrompit l'office en frappant du pied contre la paroi interne du coffre qui, Dieu soi loué, n'était pas trop capitonné. Aussitôt, on décloua la caisse et le mort se souleva lentement sur son séant en proclamant: « Je sais maintenant que la vie ne se termine pas dans la tombe » !

Il participa joyeusement à la fête qui suivit le début de l'enterrement.

Pareil événement survint en 1984 à un berlinois de 81 ans, lequel arrêta l'oraison funèbre du curé par des bruits de gorge intempestifs. L'homme fut sauvé et put couler encore des jours heureux.

Mais le comble en l'occurrence survint en 1985 a Musyoka Mututa, kenyan de 60 ans qui fit sursauter la centaine d'amis, venus à Kitui lui rendre un dernier hommage, lorsqu'il demanda de l'eau à boire, ayant soulevé le couvercle de son cercueil, lequel n'avait pas été cloué « par précaution ».

Il est vrai que c'était la troisième fois que M. Mututa mourait!

Décédé déjà à l'âge de trois ans, il l'avait été officiellement au point qu'on avait commencé à descendre son corps enveloppé dans une couverture dans la fosse pour l'ensevelir. Ses cris avaient interrompu la procédure...

Dix neuf ans plus tard, on le trouvait apparemment sans vie dans un champ. Le croyant victime d'une crise cardiaque, il échappait une nouvelle fois de justesse à l'inhumation en se signalant à l'attention de ceux qui portaient sa dépouille mortelle.

Le docteur Mbiyu Ogutu, celui qui avait délivré le dernier certificat de décès, devait déclarer: « Franchement, je suis confondu ! » Quant au défunt, il a dû reconnaitre: « Je mourrai certainement un jour, soyez-en sûr ! » Ce qui montre qu'on peut être mort trois fois et garder le sens de l'humour.

Quel bel exemple d'amour filial que celui de la jeune Jasmine Contiloglu, 12 ans, revenue quelques heures après l'enterrement de son pére, en 1983 au village de Kuyucak, Turquie, pour entendre une voix sortant du sol qui suppliait: « Au secours! Sauvez-moi ! »

Elle évita, ainsi, d'être orpheline puisque l'homme fut sauvé.

Je me dois de ne pas oublier le cas de cette petite madrilène de trois ans, déclarée morte par le médecin de famille en 1978, enterrée pendant 2 jours, exhumée et sortie alors de son état cataleptique au grand bonheur de ses parents...

A combien donc se chiffrent nos « malchances » de subir le supplice de la mise au tombeau sans être mort?

Ces exemples - heureux - sont, en effet, le reflet d'abominables tragédies inconnues.

« Une personne sur mille, aujourd'hui, n'est pas cliniquement morte quand elle est mise en bière », déclarait, en 1974, à la foire de la Latière, en Dordogne, Angel Hays, « ingénieur-bricoleur » et inventeur d'un système électrique à lampe destiné à éviter qu'il y ait des enterrés vivants.

Plusieurs brevets de cercueils dits « de survie » ont même été déposés tant en France qu'à l'étranger.

Et je me suis laissé dire que de tels modèles à option vous sont proposés par tout bon service de pompes funébres, moyennant « supplément »...

Diverses statistiques ont été avancées: 20 personnes par an enterrées vives en Allemagne fédérale (Professeur H. J. Mallach de Tübingen); 2700 par an en Grande Bretagne (J.C.Ouseley mais au début de ce siècle); 200 en France et 1100 aux Etats Unis (Dr Péron-Autret)...

Ceux qui sont les plus exposés à revivre dans des conditions pire que la mort elle-même sont les victimes de troubles coronaires (20%), les noyés et les électrocutés (10%), les victimes d'avalanches (25%) et les tués lors de catastrophes naturelles ou de guerre.

Songeons que lors du transfert aux Etats Unis des cimetières de soldats américains tués au Viêtnam, on ouvrit systématiquement tous les cercueils et dans quatre pourcents des cas furent remarqués des indices éloquents de blessés revenus à la vie une fois ensevelis...

De quoi faire réfléchir et vous inciter à prendre le stylo pour m'écrire si cette chronique a suscité en vous quelque réminiscence en rapport avec le sujet d'aujourd'hui. Je vous en serais très reconnaissant.


Référence :

1/Dr Pron-Autret, Les Enterrés vivants, Editions Balland, 1979.


Pour en savoir plus :

Bondeson, Jan, Buried Alive, W. W. Norton & Company, New York et Londres,2001.


Publié in LE COURRIER DE SAÔNE & LOIRE DIMANCHE, 15 jui 1986.


Republié dans L'INCONNU, N° 172, octobre 90.


Dernière mise à jour : 15 novembre 2009

vendredi 11 novembre 2022

 

Êtes-vous bien la fille de votre père ?


Publié dans LE COURRIER DE SAÔNE & LOIRE DIMANCHE

du 23 février 1986.



En posant, Mesdames, Mesdemoiselles cette abusive question, il n’entre aucunement dans mes intentions de mettre en doute la fidélité conjugale de vos parents. Loin de moi ce dessein indélicat, bien au delà de mes honnêtes prérogatives qui consistent, simplement, à traquer l’étrange tous azimuts.


Mais il se trouve que, parfois, mes recherches m’amènent à détecter des sujets de curiosité là où il peut paraître le plus saugrenu de les y chercher. D’où le titre de ma chronique d’aujourd’hui que je vais expliciter.


En fait, je veux parler des naissances virginales chez l’être humain, à savoir un mode de reproduction qui exclurait tout simplement le rôle du mâle, donc du père.


Eh oui, certains témoignages, étayés d’ailleurs par des arguments scientifiques, m’autorisent à penser que quelques-unes de mes lectrices n’ont peut-être aucun lien de parenté avec leur père légitime, en ce sens que leur patrimoine génétique est uniquement celui de leur mère, et non pas le partage équitable entre les parents que dictent les lois usuelles de l’hérédité.

Le nom scientifique d’une telle formule de conception « unisexe » est parthénogénèse.


Le Dr Alan Beatty en donne la définition suivante : « C’est la production d’un embryon à partir d’un œuf sans le concours d’un spermatozoïde ».


Or un tel processus de reproduction n’a rien d’utopique puisqu’il fonctionne chez un millier d’espèces animales qui se multiplient seulement de cette manière.


C’est le naturaliste suisse Charles Bonnet (1720-1793) qui, en 1740, découvrit la parthénogénèse naturelle des pucerons. Son expérience témoin fut fort simple : il abandonna un spécimen isolé de ce petit insecte dans une capsule hermétiquement close et constata, au bout de quelque temps, qu’il y avait deux pucerons dans la boîte. On observa ensuite cette même autoreproduction chez les abeilles et chez les invertébrés tels qu’oursins et étoiles de mer.


Jusque vers la moitié du 20ème siècle, on crut que cette génération asexuelle était réservée exclusivement aux non vertébrés. Mais il fallut bien se rendre à l’évidence qu’elle peut toucher les espèces plus évoluées quand le professeur russe Ilya Darevsky signala que le lézard de roche du Caucase se multiplie parthénogénétiquement.


Pour les vertébrés plus évolués comme les oiseaux et les mammifères – et donc les hommes – on en est encore à se demander si elle peut se déclencher spontanément, bien qu’on sache qu’elle est possible puisqu’on a réussi à la provoquer artificiellement chez la grenouille (Jean Rostand [1894-1977]), le crapaud, la dinde, la poule, le cobaye, le lapin, la souris, le chat, etc., par différents traitements : irradiation, électrocution, congélation, produits chimiques et micromanipulations.


Quoique ces voies pour initier la parthénogénèse aient peu de chances d’agir spontanément, les scientifiques ont pourtant de bonnes raisons de croire que cette « génération solitaire » peut survenir chez la femme.


« La naissance sans père est possible chez les humains, écrivait le Dr Golman, dans la Gazette Littéraire de Moscou, en 1966. Et au docteur britannique Katherine Elliott de renchérir récemment : « Des naissances virginales arrivent bien chez la grenouille et la souris. Alors pourquoi pas chez la femme ? »


Une affirmation de ce type fut à l’origine d’une affaire qui défraya la chronique en 1956, en Grande Bretagne. Elle eut comme auteur, le docteur britannique Helen Spurway, chargée de cours d’eugénique au collège universitaire de Londres. A la fin d’un article paru le Sunday Pictorial et traitant de la reproduction réelle sans contact avec le mâle chez les animaux inférieurs, elle précisait que la femme ne doit pas faire exception et n’est donc pas à l’abri d’une autofécondation de ce genre.

Cela donna l’idée au journal d’inviter les lectrices croyant avoir enfanté « virginalement » à se faire connaître.


Les lettres affluèrent de tout le Royaume Uni par milliers mais il y en avait tant qui ne visaient manifestement qu’à profiter de l’occasion pour effacer les soupçons d’adultère de leur conjoint que dix-neuf seulement résistèrent à un premier examen.


Un expert en la matière, le Dr Stanley Balfour-Lynn, médecin conseil à l’hôpital Queen Charlotte de Londres, fut chargé d’examiner, en compagnie d’une équipe de collègues, ces candidates à l’immaculée conception.


L’analyse de sang fut catégorique : onze furent éliminées. Une mère fut rejetée parce que la couleur de ses yeux n’était pas la même que celle de sa fille.


Des tests de salive et de sens gustatif réduisirent le lot à quatre unités. Une ultime greffe de peau fut alors tentée. Elle rendit bientôt son verdict : seule Mrs Emmimarie Jones et sa fille de onze ans, Monica, n’eurent aucun symptôme de rejet quand on leur greffa, à chacune, un morceau de peau de l’autre, ce qui ne s’était vu, jusqu’alors, que chez les jumeaux vrais. Monica semblait bien être la « jumelle » de sa mère puisque l’enfant n’avait aucun élément génétique étranger à celle-ci.


C’est alors qu’on prêta une oreille attentive à l’histoire de Mrs Jones.


Dans l’été 1944, en Allemagne, à Hanovre, à la fin de la guerre, une jeune fille vivait l’horreur des bombardements et les affres de la séparation. Son fiancé était au front. Se sentant brusquement très lasse, elle consulta un médecin qui la déclara enceinte de trois mois. Mais c’était impossible puisque son fiancé n’avait pas eu de permission depuis un an ; en outre, à l’époque où la conception aurait dû avoir lieu, elle était hospitalisée dans un établissement dont le personnel était totalement féminin.


Les jours passèrent confirmant l’incroyable diagnostic. Emmimarie fit de la dépression, ce qui n’empêcha pas l’enfant de naître : c’était une fille. On l’appela Monica et le fiancé, devenu mari, endossa une paternité qui, à son avis, ne lui revenait pas…


Le cas parut si sérieux au Dr Balfour-Lynn qu’il en rédigea un article pour la plus grande revue médicale du monde : The Lancet. Il y reconnaissait que, certes, la preuve absolue de la parthénogénèse naturelle de la femme ne pouvait être apportée, mais que « tous les tests l’accréditaient et que rien ne la réfutait ».


Les chances pour qu’un tel événement se réalise étaient évaluées, en 1956, à une sur 131 milliards !


Si l’on estime à 200 milliards le nombre d’humains qui se sont succédé sur la terre depuis la nuit des temps, cela ferait un à deux êtres parthénogénétique seulement.


J’en vois un auquel vous devez penser qui est né en Judée il y a 1986 ans. Mais c’était un homme, me direz-vous. Là encore l’objection n’est pas sans appel. N’a-t-on pas détecté chez une jeune fille indubitablement vierge de l’Arkansas, dans une tumeur de l’ovaire, la présence d’ovules et de spermatozoïdes ? Selon le Dr Walter Timme qui effectua l’opération, « ces cellules sexuelles opposées auraient bien pu se combiner pour donner un être humain mâle ou femelle ».


Il est vrai que là il s’agit plutôt d’hermaphrodisme.


J’aimerais bien savoir, en tout cas, dans le sondage du Sunday Pictorial, combien de mères de garçons ont osé postuler au titre de femme auto- fécondable.


Mais les probabilités de naissance virginale chez la femme ont considérablement augmenté si j’en crois les derniers chiffres avancés par les biologistes.


On a parlé de 1 sur 1,6 million. Ainsi, en France, 34 personnes pourraient revendiquer cette singularité notoire mais il est hautement probable que ces naissances, si elles ont eu lieu chez des femmes mariées, sont passées totalement inaperçues.


En d’autres termes, vous les heureux papas qui me lisez, vous avez près de deux chances sur un million de vous tromper quand vous tirez fierté de votre progéniture.


A l’affût bien entendu depuis 15 ans de tous les phénomènes rares de la nature, j’ai bien cru, en octobre 1980, tenir un autre cas probant de naissance virginale humaine. En effet, en Bavière, dans un village près de Weilheim, une fillette tombée enceinte à 13 ans, proclama bien haut qu’elle était encore vierge. En fait, elle accoucha d’un fils… et des analyses montrèrent que le père n’était autre que l’amant de sa mère qui, une nuit, subrepticement, avait abusé de l’adolescente sans que celle-ci, profondément endormie, n’en prenne moindrement conscience. Fausse alerte !


Je terminerai en soulignant qu’une nouvelle preuve est venue s’ajouter pour autoriser les naissances virginales humaines ; c’est lors de manipulations d’ovocytes hors du corps que les médecins se sont aperçus que sur la base de 3 % (!) « l’ovule pouvait effectivement se développer sans l’aide aucune de semence masculine ».


Que les machos ne s’inquiètent pas trop. Ces trahisons inopinées de la nature sont, somme toute rarissimes. Le danger vient plutôt des nouvelles techniques de fécondation en éprouvette qui pourraient, elles, à plus ou moins long terme, réduire le rôle sexuel de l’homme à une agréable mais stérile fornication.


Péril matriarcal sur lequel j’aurai sûrement l’occasion de revenir.



Dernière mise à jour : 10 mai 2010.

 

Transmissions de pensées depuis l'au-delà


Publié dans DIMANCHE Saône & Loire des 6 juillet et 7 septembre 1997.




Comment apporter la preuve apte à convaincre les plus incroyants que la conscience humaine individuelle n'est pas anéantie totalement par la mort corporelle et l'arrêt définitif des fonctions vitales ? Ce prodigieux défi lancé au matérialisme triomphant à la fin du siècle dernier vient de trouver, dans une de ses plus subtiles versions, un épilogue plutôt inattendu.



C'est en 1891 que Frédéric W.H. Myers, psychologue britannique et pionnier de la recherche psychique, imagina une expérience pour tenter de prouver la survie de l'esprit après la mort. Il confia à son ami Sir Oliver Lodge, plus jeune que lui, une enveloppe scellée contenant un message secret qu'il s'engageait, une fois décédé, à lui faire parvenir depuis l'au-delà. Ce serait alors la preuve irréfutable qu'il n'était pas complètement disparu corps et âme.


Un coup pour rien !

Hélas cette belle initiative était quasiment condamnée à l'échec pour de multiples raisons, dont une essentielle: comment savoir sans décacheter l'enveloppe si le message reçu par quelqu'un est le bon ? En vérifiant, on annule la condition indispensable au test à savoir que seul le défunt connaît le contenu de l'enveloppe. En clair Myers ne se donnait, une fois mort, aucun droit à l'erreur. L'enveloppe ouverte, même si c'était un échec, le défunt pouvait aller se rhabiller en fantôme anonyme. Myers devait bien se douter que si cela pouvait marcher de la sorte du premier coup, depuis longtemps on serait fixé sur la question.

L'idée était néanmoins féconde et elle constitua un challenge pour ceux qui persistèrent dans la voie de permettre aux morts qui s'y engagent durant leur vie de faire savoir qu'ils ne le sont pas tout à fait !


Message crypté

Le cryptage du message grâce à des mots-clés autorise à multiplier les essais. Un système de codage (de Tribbe-Mulder) consiste à associer un nombre aux lettres et ce successivement. Exemple de message à trouver: « Mystère in chaque Dimanche Saône/Loire ». Un premier mot-clé « Michel  », donné au vérificateur par le défunt, conduit à la suite m1,i1,c1,h7,e5,l1 (lettres de michel dans les positions 1,1,1,7,5,1). Tout d'abord, on applique ce chiffrage au texte proposé et on compare à ce qui est écrit sur une première enveloppe, par exemple. Deux cas: non-conformité, le test est stoppé à ce stade avec constat d'échec; le message en clair recherché demeure secret.


Si conformité, le vérificateur applique un deuxième mot-clé en sa possession. « enamor  » par exemple, plus ésotérique cette fois (romane à l'envers). Le message crypté devient: m1/e5/7,i1/n2,c1/a3,m3/h7,o3/e5,l1/r4. Deuxième enveloppe, mêmes constats, on arrête ou on passe au troisième mot-clé "yedai" sans signification, cette fois. Le nouveau cryptage donne: m1y1/e5/e7,i1n2,c1/a3/e6,d1/m3/h7,a2/o3/e5,l1/i3/r4. On peut continuer, mais déjà le résultat obtenu: my--e-e in c-a--e d-m---h- -ao-e l-ir- est très proche du message attendu. Encore faut-il passer de la théorie à la pratique.


Thouless, le précurseur

C'est le Professeur Robert H Thouless, de Cambridge, président de la Society for Psychical Research (SPR) de 1942 à 1944, très intéressé lui aussi par une quelconque subsistance mentale post-mortem, qui préconisa ce système de codage pour vérifier les éventuelles propositions concernant des textes inventés ou puisés dans la littérature qu'il tenterait de communiquer après sa mort.

Son premier essai, en 1948, capota deux semaines après sa publication élucidé par un cryptologue qui puisa dans les informations données à propos du "passage identifiable d'une oeuvre imprimée" assez de renseignements pour identifier un des plus longs soliloques de Hamlet !

En 1949, l'expérience fut renouvelée sur le même principe, mais avec un texte plus court et une méthode de cryptage améliorée. Cette fois, le message resta secret... pendant 46 ans ! Un troisième message, chiffré au moyen du système connu comme "carré de Vigenère", demeura aussi ignoré. Entre temps, Thouless était mort (en 1984) mais personne ne parvint à découvrir ses phrases même après l'offre d'une grosse récompense. Si bien que tout dernièrement encore, on se demandait s'il n'avait pas mis la barre trop haut en proposant un système trop complexe. D'autant que la même expérience tentée par deux attorneys US n'eut pas plus de succès.


Le test du cadenas

De son vivant, Thouless lui-même, pris de doute sur sa capacité post-mortem de réussir, doubla ses chances en 1970, par une méthode plus simple suggérée par un autre de ses amis Ian Stevenson, célèbre pour ses travaux sur la réincarnation. Il s'agit, non plus d'un test purement mental, mais de transmettre depuis l'au-delà à quelque vivant la combinaison d'un cadenas à cadran (type coffre-fort) ou à roues (type attaché-case) fermé par le défunt lui-même de son vivant.

Il suffit de donner 7 chiffres dans le bon ordre, la chance d'ouverture due au hasard étant de 1/125 000 !

Là encore, toutes les solutions testées à ce jour - sur les cadenas de Thouless, J.G. Pratt (autre parapsychologue mort en 1979), I. Stevenson... - furent négatives sauf celle de 1996 couplée d'ailleurs au deuxième message crypté de Thouless.


La récompense de Susy Smith

Récemment, une autre adepte de la survie après la mort réactiva le débat. Ethel Elizabeth Smith, alias Susy Smith, 85 ans, auteur de 29 livres à succès sur le psi et fondatrice de la Fondation pour la Recherche sur la Survie (FRS), usa du système de codage de Tribbe/Mulder pour crypter son propre message et fit enfermer le tout dans la chambre forte de la fondation à Miami.

Pour inciter les médiums à s'engager dans cette affaire, elle offrit 1000 dollars à qui découvrirait son message de son vivant (elle l'est, bien qu'en santé précaire) et laisse 10 fois plus pour celui qui le fera après sa mort.

Plusieurs autres membres de la fondation testèrent en vain cette hypothétique télépathie post-mortem grâce à des testaments cachés. Or, voilà que dernièrement un intrus est venu semer le désarroi dans cette quête de la vérité sur la survie: l'ordina-teur !



« Quand je serai mort(e), je ferai tout mon possible pour communiquer des informations connues de moi seul(e) qui pourront être comparées à un message secret que j'enferme en un lieu inaccessible (enveloppe scellée, coffre-fort). Si quelqu'un prétend m'avoir contacté(e) et en cas de similitude de la réception avec ce que je laisse, cela prouvera à l'humanité que quelque chose de l'esprit individuel subsiste après la mort. »

Cette promesse extraordinaire, avec moyen de vérification gardant l'intégrité du « message » (cryptage, cadenas), a été une bonne dizaine de fois enregistrée dans le monde. Des milliers de vérifications ont été tentées, toutes négatives, sauf...


Mais auparavant posons-nous d'abord deux questions :

1/en cas de réussite, serait-ce vraiment la grande révolution que d'aucuns laissent entendre. En clair, la certitude que nous ne sommes pas complètement anéantis à la mort est-elle susceptible de changer radicalement notre mode de pensée (les scientifiques appellent ça le paradigme) ?

2/dans l'hypothèse dite « spiritualiste » (l'esprit transcende la matière), pourquoi ces tests ont-ils échoué répétivement ?


Le relativisme parapsychologique

Thouless, par exemple, quand il élabore son message de son vivant peut-il avoir transmis télépathiquement son intention et son choix à quelqu'un suffisamment « sensitif », lequel, ayant reçu cette information « subliminalement » (= inconsciemment), la verra réprimée et la restituera longtemps après la mort de l'expérimentateur, donnant l'illusion d'une communication par-delà la mort ?

Le cadenas de Pratt, lui, existe bien encore matériellement malgré la disparition de son propriétaire. Il est même véhiculé dans la poche de certains membres de la SPR lorsqu'ils assistent à des séances médiumniques susceptibles d'évoquer l'esprit du défunt. Alors, un médium doué de clairvoyance ne peut-il pas deviner la combinaison d'ouverture ?

On se trouve confronté là à la fameuse impasse que le chercheur allemand Fritz Grunewald a qualifiée de relativisme parapsychologique, en 1925. La recherche psychique traîne ce boulet depuis plus d'un siècle.

Ainsi, réussir le test de la survie dans ces conditions, à cause de ces alternatives, ne saurait convaincre le moins sceptique des animistes (gens qui attribuent tous les phénomènes psychiques aux vivants). Dans ce contexte, ces expériences ne seraient que des amusements parfaitement stériles pour oisifs en mal d'interrogations métaphysiques, d'autant que le test idéal n'existe pas puisque ce devrait être un message inconnu de tout vivant qui devrait être transmis pour éliminer les actions de télépathie et de clairvoyance. Mais dans ce cas quelle serait le moyen de vérification ?


Les morts ont-ils de la mémoire ?

Si l'arrêt des fonctions vitales - notamment des neurones - n'interrompt pas ipso facto l'acte de pensée, pourquoi ces ingénieuses expériences de télépathie entre morts et vivants ont-elles lamentablement échoué ?

Tout d'abord, dans l'hypothèse où ils sont encore conscients, pourquoi les morts, garderaient-ils souvenir de gageures inconsidérées passées de leur vivant. Thouless et d'autres, parvenus au seuil de la mort, vécurent leurs derniers instants dans la hantise d'oublier leur message.

T. Oram, un chercheur contemporain engagé dans cette recherche sur la survie, reconnaît qu'il trouve déjà assez dur de se rappeler des choses alors qu'il est encore en vie. Alors après ?

Par ailleurs, le fait de mourir ne doit-il pas induire des changements mentaux bien supérieurs aux prémisses d'une maladie de Alzheimer ?

Susy Smith pense qu'elle réussira là où tant de ses illustres prédécesseurs défunts sont restés muets parce qu'elle se fera aider par ses amis de l'au-delà ! Mais elle part d'un postulat nullement démontré: l'union fait la force au royaume des morts !

De plus, d'aucuns pensent que survie après la mort et communication par-delà la mort peuvent exister indépendamment l'une de l'autre. Les morts ont-ils de bonnes raisons de ne pas communiquer avec nous ? Ce n'est pas exclu et cela expliquerait ce grand silence auquel chacun de nous est confronté lors du décès d'un être cher.


L'alternative de la super E.S.P.

Mais il y a pire en la matière. Aurions-nous la faculté mentale de permettre aux morts de continuer de vivre à travers nous, vivants ? Nos pouvoirs psychiques encore non totalement révélés ont-ils la puissance sublime et illimitée de pêcher sélectivement des informations dans les esprits des vivants et dans les documents écrits. Ainsi, toutes les pseudo-preuves « spiritoïdes » tendant à accréditer la thèse de la survivance quelque part des défunts ne seraient qu'illusions produites à partir des souvenirs enfouis dans la mémoire des proches du mort encore vivants.

L'hypothèse spirite ne serait qu'une illusion, une théorie abstraite, entretenue par les vivants. C'est généralement encore aujourd'hui l'opinion qui prévaut surtout dans la communauté scientifique.


Le message de Thouless deviné !

La nouvelle fut relayée par The Times lui-même à l'été 1995. Un expert en « cryptologie », Larry Harnisch, éditeur du Los Angeles Times, aidé du Californien informaticien James J. Gillogly de la Rand Corporation, a réduit en miettes le deuxième message de Thouless. En faisant tourner pendant 9 heures un logiciel capable de tester tous les mots du dictionnaire, il est arrivé à la conclusion que le mot-clé en était Black Beauty; et ainsi on a pu déchiffrer le message qui était textuellement: «  Ceci est un message chiffré qui ne sera pas lu à moins que je donne les mots-clés (sic) ». Par ailleurs, à partir de ce mot-clé, le cadenas a pu être ouvert. Succès sur toute la ligne.

Mais l'esprit post-mortem de Thouless dans tout cela ? Comme l'écrivait un parapsychologue dernièrement: "Nous n'avons aucune raison de penser que R. Thouless, s'il survit à la mort, a joué un rôle quelconque dans le déchiffrement de ce message". Un autre chroniqueur anglais s'interroge: « Le Professeur Thouless a-t-il été alerté dans l'Au-Delà » ?

Cette quête de ce qu'il y a derrière la mort n'a pas fini de nous obnubiler et ceci n'en déplaise aux informaticiens lesquels feraient mieux, selon moi, de se cantonner aux secteurs traditionnels où ils apportent tant. Mais pour ce qui est de la vie après la mort, ils sont hélas eux aussi tous mortels, ce qui ne leur donne aucun avantage sur Monsieur tout le monde.

Car comme le disait fort justement un spirite: si l'on n'a pas encore la preuve de la vie après la mort, on n'a pas non plus la moindre preuve qu'elle n'existe pas !




mercredi 2 novembre 2022

Vaches folles en Amérique ? L’Europe s’interroge. 
 
Par Michel Granger
Publié sur http://www.vegetarisme.ch en septembre 2001

C’est dans les années 70 qu’est née, quelque part dans les îles britanniques, l’idée inique de transformer les paisibles bovins, ruminants herbivores par nature, en carnassiers nécrophages ! « Pourquoi pas recycler, dans leur alimentation, des résidus d’équarrissage en tant que « farines » animales (antinomie évidente) », se sont dit quelques inconscients non identifiés. Deux avantages dans cette opération contre nature : les protéines animales dopent la croissance des animaux (veaux plus gros en moins de temps, d’où meilleure rentabilité) et la production de déchets est ainsi temporairement éliminée (moins de nuisances) car ceux-ci sont réincorporés dans la chaîne alimentaire, un « principe » utilisé depuis des lustres pour les omnivores et les poissons. 

Opérations irresponsables. 
Pendant plusieurs années, un tel processus s’instaura quasiment à l’insu du consommateur qui ne vit pas le prix de la viande baisser, bien au contraire. C’était tout bénéfice pour les acteurs de la filière. Or, non contents de valoriser les déchets d’équarrissage (notamment les carcasses de moutons morts de « la tremblante » et de vaches contaminées mais non déclarées comme telles – les bovins devenaient de surcroît cannibales !), par mesure d’économie d’énergie, le gouvernement britannique Thatcher autorisa la diminution de la température de chauffage de cette concoction de résidus d’animaux en sorte que la protéine « prion » résista au traitement. Cet « agent », qualifié de « protéine infernale », qui provoque des « encéphalopathies spongiformes transmissibles » (BSE pour les bovins), était encore non identifié à cette époque et rien ne laissait supposer qu’il puisse même exister quelque chose de pathogène de ce type. Le cycle de propagation se fit silencieusement jusqu’en 1986. 

Transmission entre espèces ou maladie nouvelle ? 
La tremblante du mouton, connue depuis 200 ans est l’équivalent de la BSE chez les ovins ; inoffensive pour l’homme qui consomme sans problème des animaux malades, elle a sauté à la vache tout en devenant plus pathogène. Dès 1986, des publications scientifiques parlaient de « risque différent » interespèces. Même encore aujourd’hui, les rapports officiels (surtout britanniques) font peu de cas de cette théorie de transmission aux bovins à partir du prion du mouton contenu dans les farines animales, comme, par exemple, le rapport Phillips d’octobre 2000. On parle de « théorie populaire » et y oppose la thèse de l’apparition d’une « nouvelle maladie » chez les bovins venant de la mutation dans le gène du prion chez le mouton et chez la vache dans les années 70 ! Dans ces conditions, la question qui se pose est : « Pourquoi cette nouvelle maladie n’est réservée qu’à certains pays » ? 

De gros dégâts en Europe 
Depuis 1986, date à laquelle la maladie de la vache folle est reconnue officiellement (1er cas recensé dans une ferme du Sussex en 1984), l’Europe est touchée durement par l’épidémie. L’ « hystérie » provoquée par la BSE a provoqué une chute de la consommation de viande de 30 %. En Grande Bretagne, 60 cas en 86, 600 en 87, 3000 en 1988. Point culminant en 1992 avec 37 000 cas, pour un total plus de 173 700 cas à mi 99. Le Royaume-Uni est toujours aujourd’hui en première ligne face à ce fléau mais beaucoup d’autres pays européens y sont confrontés. La Hongrie, la Roumanie, les pays de l’Est etc. Des cas ont été signalés en Indonésie si bien qu’on peut se demander si la Grande Bretagne a contaminé toute la planète en exportant des farines animales bien longtemps après qu’elles furent interdites sur son territoire? Les rares pays qui se disaient épargnés ont dû dernièrement reconnaître des cas de BSE, notamment l’Italie et l’Allemagne…

En France 
La France, avec son cheptel bovin de 20 millions de têtes, n’a pas échappé à la BSE. Les tests de dépistage systématiques entrepris en décembre 2000 donnent un chiffre de 0,027 pour mille de têtes de bétail contaminées, ce qui conduit quand même 540 bovins qui développeront la maladie. Sur les carcasses de vaches mortes (ou abattues) suite à maladie ou accident, ce chiffre est multiplié par 50 ! A fin 1999, on en était à 75 cas français mais l’année 2001 a vu les cas se multiplier dont plusieurs sur des bêtes nées après 1990, date de l’interdiction des farines en France. On ne serait pas au bout de nos surprises donc. D’après certaines études britanniques, un prion inoffensif pour une espèce pourrait être pathogène pour une autre. Par exemple, le prion bovin pourrait être porté par les volailles, le mouton ou le porc qui, paraissant sains, pourraient le transmettre à une autre espèce pour laquelle il serait pathogène… A l’homme, par exemple. 

Danger pour l’homme 
A l’apparition de la maladie de la vache folle, tous les experts assuraient que la transmission à l’homme était totalement exclue bien qu’un chat fût diagnostiqué « fou », en 1990. Or, dix ans après le premier cas de BSE, fut signalé le premier cas de maladie de Creutzfeldt-Jacob (C-J). Depuis 1996, 106 cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob (C-J) consécutive à la consommation de viande infectée par le prion ont atteint surtout des jeunes (une seule personne âgée atteinte) dont 99 fatals. Cette maladie est considérée aujourd’hui comme « la forme humaine de la BSE ». 27 cas en 2000 et 16 en 2001 à ce jour. Les 5 morts rien que dans le petit village de Queniborough, dans le Leicestershire, ont beaucoup ému l’opinion (contamination croisée chez les deux bouchers locaux). Trois en France officiellement. La durée d’incubation est estimée à 15 ans Des estimations plus ou moins alarmistes ont annoncé entre 150 et 500 000 cas à venir ! Deux cas de C-J. hors d’Europe ont été signalés en Thaïlande, et des cas suspects proviennent de Corée et d’Espagne. Rien aux Etats-Unis ? L’annonce officielle que les Etats-Unis, au terme d’une « active surveillance » de plus de 10 ans, n’ont eu à déplorer aucun cas de maladie de la vache folle « laisse sceptique plus d’un expert de l’Union européenne », écrit textuellement le mensuel français SCIENCE & VIE, dans son numéro de juin 2001. « Nous n’avons pas de BSE » a déclaré cette année une officielle du département américain de l’Agriculture. Sans entrer dans la polémique « économique », il faut reconnaître que cette « virginité américaine » a tout pour surprendre les esprits scientifiques. En effet, jusqu’en 1996, au plus haut de la crise de la vache folle, les Etats-Unis importaient encore des bovins, de la viande, des os et des farines animales britanniques. Or même si elles furent interdites en France dès 1991, on a vu que le territoire français est aux prises avec une montée en nombre des cas déclarés encore aujourd’hui. Les tests de dépistage officiellement menés sont en nombre dérisoire (2000 en l’an 2000 !) et malgré l’interdiction dès 1997 des farines animales pour les ruminants aux USA, on sait qu’il y a eu des loupés notamment par Purina Mills. 

Quelques interrogations 
Et donc de chercher des autres pathologies déclarées sous lesquelles le Ministère de l’Agriculture américain pourrait camoufler ses cas d’ESB. Science & Vie avance 2 possibilités : le syndrome de vache couchée (Downer Cow Syndrome) où la bête se couche en position dite « de grenouille » et qui pourrait passer pour la phase finale d’une ESB chez un animal agonisant. Par ailleurs, pourquoi une variante de l’ESB (à prion) nommée maladie débilitante chronique « Chronic Wasting Disease » (CWD) s’est-elle propagée récemment aux cerfs et wapitis d’élevages de cervidés du Nebraska, du Dakota Sud, du Montana et de l’Oklahoma et en Saskatchewan, au Canada (un seul cas d’ESB recensé au Canada sur une vache originaire d’Angleterre, en 1993) et plus récemment encore aux cervidés sauvages du Colorado et du Wyoming? Bien que présente déjà en 1967 au Colorado, la multiplication récente des cas de CWD n’est-elle pas due au fait que les cerfs d’élevage sont nourris avec des farines d’origine bovine. Une telle transmission entre espèces différentes a été mise en évidence dans les zoos britanniques où les cervidés sont « devenus fous » suite à leur nourrissage aux farines contaminées par l’agent de l’ESB. Alors pourquoi pas de vache folle aux Etats Unis ? En 1997-98 trois cas de maladie de C-J ont été diagnostiqués en Géorgie chez de jeunes chasseurs ! Il est vrai que les wapitis tués par les chasseurs sont, la plupart, des animaux d’élevages remis dans leur milieu naturel. Par ailleurs, des travaux de l’Université du Wisconsin, à Madison, ont clairement montré que des farines utilisées en Amérique pour nourrir les visons contenaient des prions de vaches folles puisque la maladie s’est transmise aux visons d’élevage par ce biais (Journal of Comparative Pathology, Volume 113, 1995). Bref tout cela relève du miracle que les Etats Unis soient épargnés par la maladie de la vache folle. De l’intoxication psychologique (on parle beaucoup de « cover up » Outre Atlantique) ou d’un manque d’intérêt, « de zèle », écrit S & V. Jamais une seule vache couchée n’a été « testée » quant à la possibilité qu’elle soit atteinte de l’ESB. L’affaire des 376 moutons belges strictement nourris à l’herbe, abattus en Washington, suite à des signes de prion « d’origine étrangère » détectés chez 7 d’entre eux, n’a convaincu personne.