dimanche 15 mai 2016

Aucune « mutilation » en France ?


En tant qu'auteur d'un livre documentaire sur les­ mystérieuses mutilations de bétail en Amérique du Nord – titre : Le­ Grand Carnage, paru chez Vertiges/Carrère en 1986, souvent on m'interroge depuis Outre Atlantique en ces termes : « Y a-t-il des mutilations suspectes en France », me demande-t-on?

Je remercie très sincèrement Dale Bacon de me donner l'opportunité ici de répondre collectivement :- « OUI et NON à la ­fois.... »

Depuis que je m'intéresse au phénomène « fortéen » des « mutes »­(et cela fait plus de 10 ans), vous pensez bien que je suis à l'affût de tout incident qui pourrait, de près ou de loin,­ présager que le fléau mutilatoire du style de celui que vous ­subissez se soit propagé dans notre Hexagone. Et je dispose donc ­de nombreux exemples qui donnent à penser...qu'il n'en est rien.­ Pire même ! Ce qui se passe ici, en France, semble relever de ­l'antithèse de ce qui se passe là-bas chez vous aux Etats Unis.­ En clair, certes il y a de vilaines exactions perpétrées sur nos ­bêtes, mais elles semblent relever de considérations beaucoup plus prosaïques ( flambée du prix de la viande à l'étal des bouchers français très bons mais très chers) que les ­incompréhensibles classiques mutes qui, elles, relèvent de la­ plus pure absurdité.

Prenons un exemple, parmi bien d'autres similaires : le 13­ août 1988 au matin, M. Perrodin, agriculteur de La-Grande-Verrière, non loin de chez moi dans la région d'élevage­ réputée du Charolais, visitait vers 7h 30 du matin son troupeau (seize vaches, seize veaux et un taureau) dans un champ dit du « Moulin Blanc », quand il eut l'attention attirée par un étrange comportement de ses bovins : ceux-ci étaient curieusement­ rassemblés à une cinquantaine de mètres de la barrière.

Or, que découvre M. Perrodin au beau milieu du pré ? Une ­véritable mare de sang autour de laquelle les bêtes se sont ­agglutinées. Et, en son centre: ce qui reste d'un de ses veaux à­ savoir pas grand chose en réalité : la tête, la queue, la panse,­ le cœur, les poumons et les tripes (sic).

Ainsi, ce qui reste de l'animal français mutilé, c'est­ justement ce qui manque sur les milliers de bovins américains.­ Cette remarque me paraît particulièrement révélatrice de la­ différence entre ce qui se passe ici (chez moi) et là-bas, (chez vous). Vous pouvez légitimement vous interroger sur l'identité de vos mutilateurs aux goûts morbides et pervers qui consomment ­précisément ce que nos bouchers nocturnes laissent sur le terrain... C'est du moins sur cette piste de voleurs de bétail,­ ayant opéré le dépeçage sur place, que s'étaient lancés les gendarmes de la brigade locale qui avaient été alertés, bien ­entendu. Car, pour une fois, ils disposaient de quelques indices :­des traces de pneus devant l'entrée du champ et des pièces à­ conviction négligées par les mutilateurs français et qui font ­les délices de vos mutilateurs puisqu'elles sont généralement portées manquantes sur les carcasses de vos bovins. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas, comme en témoignent deux­ autres exemples récents signalés dans la même région: à­ Perrecy-les-Forges où un veau de 350 kilos n'a pas été retrouvé dans le champ où il était enfermé le 12 juin 87 et à­ Toulon-sur-Arroux où 12 bovins ont été portés manquants sur un ­troupeau de 38 têtes, le 25 décembre 1988. Là, tout simplement, les bêtes ont disparu. On a tendance, alors, quand il y a vol sans traces, ni résidus d'accuser des professionnels qui­ disposeraient d'endroits sûrs pour conditionner la viande à ­l'abri des regards indiscrets. Tandis que pour le dépeçage sur­ place, selon les dires de M. Perrodin ce n'était pas un travail de professionnel, l'animal ayant été tué à l'aide d'un ­instrument tranchant et de bien vilaine façon. Des amateurs en­ France pour s'approvisionner en viande de première catégorie, des professionnels en Amérique pour prélever les bas morceaux.­ Rassurez-vous, tout comme chez vous la règle n'est pas toujours ­ici non plus respectée : en juillet 1987 à Saint-Andéol, dans  le département du Rhône, ce sont bien des professionnels qui furent accusés - mais jamais confondus - au sujet de deux ­magnifiques charolaises, amputées nuitamment de leur quatre ­membres.

Mais la curieuse opposition entre les exactions américaines et françaises mérite, quand même, toute l'attention. Le sang des bovins français, est, on l'a vu, généralement répandu sur le sol­ - et il n'a pas tendance à l'imprégner - alors que vos carcasses ­sont dites exsangues avec aucune trace sanguine autour. Notre ­sol ne doit pas être plus imperméable au sang de bovins que le vôtre  De plus, il y a une sélection des organes mutilés des ­deux côtés mais, de façon symptomatiques, ce ne sont pas les­ mêmes, ceux prisés par vos mutilateurs étant abandonnés comme quantités négligeables par les nôtres. Et, de surcroît, une ­précision dite chirurgicale pour évider, dans vos prairies, le rectum d'une de vos génisses et un travail d'amateur pour débiter ­de la viande à rosbif, ici, sur notre territoire!

Non, je vous le dis, les mutilations classiques américaines que vous constatez dans votre Middle-West n'ont rien à voir avec ­les activités néanmoins criminelles de nos bouchers français clandestins que nous observons ici. Et la parution de mon livre ­n'a pas fait apparaître des cas qui seraient passés inaperçus accréditant l'hypothèse de la rumeur pour arguer de ­l'hallucination collective pour résoudre le problème qui vous est posé là-bas. A mon avis, c'est bien ailleurs qu'il faut chercher ­la solution.

Reste à se demander pourquoi, en France, il n'y a pas de­ mutilations classiques mais uniquement des actes de vandalisme visant à se procurer de la viande fraîche à bon marché. Cette ­question, je l'ai posée à bon nombre de personnes et la meilleure réponse, à mon sens, semble émaner de mon bon ami australien, John ­Prytz (1947->) ; la voici. Elle résume bien à mon avis ce qu'on peut en dire.

- Soit les mutilations américaines sont des actes naturels de prédation, comme tendent à l'affirmer les officiels de votre pays. Dans ce cas, peut-être, en France, n'y a-t-il pas de ces­ mêmes espèces de prédateurs susceptibles de telles actions sur­ des bovins et des chevaux ? En tout cas, croyez bien que nos éleveurs sont souvent confrontés à du bétail tué par des chiens ­errants et le spectacle n'est pas beau à voir, les animaux étant généralement affamés et dévorant en partie leur proie (cas dans ­le Jura le 18 juin 1986 sur une génisse de 2 ans). On parla bien ­d'un lynx, mais d'habitude il s'attaque à des proies plus­ petites.

- Soit ce sont les humains les responsables de vos mutes,­ des  hommes aux goûts plutôt pervers et morbides qui n'existent ­pas en France. Ou alors des adeptes de cultes rituels sans doute non représentés ici? Cette hypothèse me paraît douteuse car, même dans la région rurale que j'habite, il y a prolifération de­ cultes et sectes de toutes sortes. Jamais en tout cas, on ne les a accusé de s'en prendre aux animaux, sauf pour se nourrir. Et, ­la plupart du temps, ils sont végétariens...

- Soit sont-ce les extraterrestres qui déciment vos ­troupeaux? Alors pourquoi ne s'en prennent-ils pas aux nôtres ? La France n'est-elle pas encore dans leur champ d'expérimentation ? ­Pour quelle raison ? Il y a ici une telle densité de population qu'ils auraient bien du mal à œuvrer incognito.

Quoi qu'il en soit, il faut rester vigilant. Et mieux informer le public français du fléau qui vous afflige. Je ­m'emploie de toutes mes forces dans ce sens.

Mais j'ai besoin d'être soutenu dans mon action. Par vous ­qui êtes sur place ; notamment, il me faut connaître à tout prix les cas récents de mutes pour pouvoir répondre à toute sollicitation impromptue des médias français. En particulier,­ j'ai échoué dans mon projet d'un grand reportage photographique ­dans le plus célèbre hebdomadaire français, Paris Match ( tirage ­6 millions d'exemplaires - l'interview a été faite mais non diffusée) pour la raison invoquée qu'ils ne voulaient pas publier sur quelque chose de dépassé. Telle avait été, tout au ­moins, la mise en garde reçue de leur bureau de New York. Et, faute d'assez de preuves actuelles à l'époque (été 1986), pour ­apporter un démenti à cet argument fallacieux, ceci allié, en­ plus, avec un manque de bonnes photographies propres aux agrandissements, l'affaire a capoté et la majorité du public français est restée dans l'ignorance du Grand Carnage, à part ­les quelques milliers de mes lecteurs.

Je ne voudrais pas rater à nouveau le coche s'il se représente. Et je compte sur vous.

                                          

Texte écrit en mai 1989 et publié en anglais dans le Fortean Research Journal, Fall/Winter 1989.


                                            

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