samedi 25 novembre 2023

La malédiction du pharaon : une simple allergie fatale ? 


Le sort maléfique attaché à la momie a fait couler beaucoup d’encre. Notamment pour lui trouver une cause moins « magique ». Une française de Strasbourg a-t-elle résolu l’énigme ? A vous d’en juger.


Dessin de Jim Leming 

 Tout d'abord, les faits. Le contexte Au début du siècle, il n'y avait pas de rallyes Paris-Dakar pour procurer des sensations fortes aux milliardaires occidentaux désœuvrés. Mais l'Afrique était déjà là avec ses terrains de chasse aux grands fauves et aussi...ses sites archéologiques. Parmi ces riches passionnés de vieilles pierres - et de trésors enfouis dessous - Lord Carnarvon (1866-1923), aristocrate britannique, commença en dilettante dès 1902 mais, bientôt, il s'adjoignit l'aide d'un professionnel en la personne de l'égyptologue authentique Howard Carter (1874-1939). 

 Lord Carnarvon Source : http://www.touregypt.net/featurestories/carnarvon.htm

 Howard Carter Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Howard_Carter

Jusqu'en 1922, le résultat des fouilles entreprises par Carter et financées par Carnarvon fut bien maigre même si elles se déroulaient dans la fameuse Vallée des Rois, dont ils avaient obtenu la concession avant 1914. C'est là, en effet, juste en face de Louxor et ses temples, par delà le Nil, qu'avaient été exhumées diverses coupelles et jarres marquées au sceau jusqu'alors inconnu de Toutankhamon! Un nom qui allait bientôt faire frissonner la planète entière. Car l'obstination de Carter et la générosité de Carnarvon furent enfin récompensées: le 4 novembre, « un silence inhabituel » attend l'archéologue sur le chantier. La marche d'un escalier taillé dans le roc vient d'être dégagée.


La découverte 

Le 23 novembre, Carnarvon arrive avec sa fille sur les lieux. Carter, qui a attendu la venue de son « sponsor », fait poursuivre les travaux; une première porte, grossièrement « replâtrée » apparaît au bas des 16 marches. Puis s'ouvre un passage en pente et, au bout, une autre porte intacte celle-là. Une petite ouverture y est forée dans le coin supérieur gauche: il s'en échappe une bouffée d'air chaud, nauséeux... Carter y colle son œil, s'éclairant d'une bougie qui vacille sous le souffle; et les formes se dessinent lentement: « d'étranges animaux, des statues, et, partout, le scintillement de l'or ». 

On vient de découvrir « la plus magnifique et la plus riche mise au jour archéologique de tous les  temps »! 

 La brèche est alors agrandie et les merveilles apparaissent aux membres de l'expédition. Tous se précipitent; en s'approchant ainsi, on dira qu'ils ont signé leur arrêt de mort... En effet, ils n'ont guère prêté attention à l'inscription gravée sur la stèle du tombeau. D'ailleurs, une controverse s'éleva au sujet de sa signification. Et pourtant, elle est fort explicite, même si l'on peut chipoter sur les termes exacts: 

« Malheur à ceux qui dérangeront les restes du pharaon », selon le Dr Hollenbeck, présent à cet instant crucial. Quant au Professeur J. C. Mardrus, égyptologue français, il traduit: « Gare à la main qui soulèvera le couvercle de ma tombe, elle sera desséchée... » En fait, le sarcophage ne sera ouvert que trois ans plus tard, mais entre-temps, la malédiction a déjà frappé. 

 L'hécatombe commence 
 Peu après l'inauguration officielle des fouilles, en mars 1923, Lord Carnarvon, très actif sur le terrain, est piqué par un moustique. Infection, puis pneumonie: après une fièvre fluctuante pendant une dizaine de jours, le mécène britannique agonise et meurt. Son trépas est auréolé de mystère: au même moment, à Louxor, la ville subit une panne d'électricité inexplicable et le chien du comte, en Grande Bretagne, hurle à la mort et tombe raide. Le fils de Carnarvon confirmera en 1964. En tout cas, à l'époque, certains passagers du bateau qui ramènera la dépouille du Lord en Angleterre refuseront d'embarquer ainsi.

 Et la presse s'en mêla, ce qui permit au British Museum, de récupérer nombre de reliques égyptiennes accusées de porter malheur. La deuxième mort suspecte survint en la personne de Jay Gould, un touriste et ami américain de Carnarvon, auquel il avait fait visiter la tombe et qui succomba à « une forte    fièvre ». 

La vengeance de la momie  
Mais ne faut-il pas ajouter celle du Sheik Abdu Haman, présent à l'ouverture du tombeau et décédé quelques jours plus tard? Lady Carnarvon tomba, elle aussi, malade, mais elle guérit; ce qui ne l'empêcha pas de passer de vie à trépas en 1929, quand, à son tour, elle fut piquée par un insecte... Huit morts en neuf mois sont démontrées chez des individus ayant de près ou de loin touché à l'affaire Toutankhamon. En 1929, 13; en 1939, 17; en 1950, 28; et en 1980, 32. Je n'ai pas de nouvelles depuis plus de 8 ans de l'unique rescapé de la première heure: Richard Adamson. Il a pourtant dormi pendant plusieurs années dans le tombeau maudit, entre le cercueil d'or et la momie. Mais je gage que s'il n'est pas mort, ça ne saurait tarder... 

Les Egyptiens avaient-ils découvert le moyen de déclencher une malédiction « en concentrant autour de leurs momies certains pouvoirs dynamiques dont nous avons une très incomplète notion » ? Certains en doutent... Alvéolite allergique extrinsèque Eh oui, en attendant suffisamment longtemps, il est fatal qu'un jour, aucun survivant de cet épisode fameux ne subsistera. Et la malédiction là n'y est pour rien, sinon celle qui fait de l'homme quelqu'un de mortel sans exception aucune. 

D'ailleurs, la plupart des « damnés » ont été emportés à des âges fort respectables. Carter mourut en 1939 à 66 ans d'une... cirrhose du foie! La plus jeune des « victimes » fut Mervyn Herbert, demi-frère de Lord Carnarvon, témoin de la découverte et disparu en 1930, à 48 ans. Alors, faut-il ne voir dans tout cela que superstition et coïncidence? Pas exactement tout de même. Pour le Dr Caroline Stenger-Philippe, qui, en 1985, soutint une thèse sur la question à la faculté de médecine de l'université Louis Pasteur de Strasbourg, six morts au moins sont directement reliées à la pénétration dans la tombe. Et toutes présentent « la symptomatologie d'une bronchopneumopathie à précépitine créée par quelque substrat antigénique ». 

En termes moins savants, les morts auraient été causées par une allergie fatale des alvéoles des poumons aux champignons et moisissures développés dans le tombeau dont l'air n'avait pas été renouvelé depuis plus de trois millénaires. Le Dr Arthur Maier, de l'hôpital de Saverne, spécialiste des allergies, donne sa caution à cette hypothèse mais seulement en tant « qu'explication scientifique très plausible ». 

Plus probable, tout au moins, que les autres théories telles que les gaz toxiques ou la radioactivité ou les bactéries mortelles entreposés volontairement par des Egyptiens révélant un savoir qu'on ne leur connaît pas. Plus vraisemblable aussi qu'une histoplasmose due aux excréments de chauves-souris qu'on voit mal survivre si longtemps dans une chambre hermétiquement close... Mais pas suffisante hélas pour justifier le suicide par pendaison, en 1924, de l'égyptologue Hugh-Evelyn White, un de ceux de la bande des 32, qui, juste avant de s'exécuter, écrivait avec son sang: « Je succombe à une malédiction ».

Ni la panne de voiture dont fut la victime le reporter de l'agence France Presse venu interviewer Mme Stenger-Philippe, en 1985. La malédiction toujours à l’œuvre Si, comme on l'a dit, l'idée de malédiction fut inventée le soir de l'ouverture du tombeau par Carnarvon et Carter eux-mêmes pour décourager les velléités des pilleurs ou encore que ce sont les Français qui l'ont lancée « pour saper le prestige britannique en Egypte », il appert qu'on a du mal à imaginer qu'elle se perpétue. Et pourtant... 

Lorsqu'il fut question, en 1967, de transporter une partie du trésor de Toutankhamon à Paris pour exposition, le directeur égyptien des Antiquités, « reluctant » tout d'abord, accepta finalement le projet. Quelques heures après avoir pris cette décision, on l'avertissait que sa fille était dans un état critique à l'hôpital, suite à un accident d'automobile. Pris de remord, l'homme tenta une démarche d'annulation au Ministère de la Culture. En sortant du bâtiment, il fut happé à mort par un véhicule... 

Deux membres de l'équipage de l'avion de la RAF, qui emporta les pernicieuses reliques au British Museum de Londres en 1972, succombèrent à des crises cardiaques subites. L'acteur de cinéma Ian McShane, qui avait accepté le rôle principal dans le film : « La malédiction du pharaon », eut, en 1979, la jambe cassée quand la vieille guimbarde dans laquelle il jouait, s'emballa « comme sous l'effet d'une poussée ». La Lloyd's dut payer les 350 000 dollars de l'assurance. Il est vrai que Joan Collins avait refusé d'y participer...

Oui, je vous dis, la malédiction court toujours... La question qui se pose est de savoir si c'est ailleurs que dans les têtes. Saurons-nous un jour? 

Publié in LE COURRIER DE SAÔNE & LOIRE DIMANCHE du 14 février 1988. Reproduit dans L'INCONNU, N° 170, Août 1990. Dernière mise à jour 9 avril 2010.