La malédiction du pharaon : une simple allergie fatale ?
Le sort maléfique attaché à la momie a
fait couler beaucoup d’encre.
Notamment pour lui trouver une cause
moins « magique ».
Une française de Strasbourg a-t-elle
résolu l’énigme ?
A vous d’en juger.
Dessin de Jim Leming
Tout d'abord, les faits.
Le contexte
Au début du siècle, il n'y avait pas de rallyes
Paris-Dakar pour procurer des sensations
fortes aux milliardaires occidentaux
désœuvrés. Mais l'Afrique était déjà là avec
ses terrains de chasse aux grands fauves et
aussi...ses sites archéologiques.
Parmi ces riches passionnés de vieilles
pierres - et de trésors enfouis dessous -
Lord Carnarvon (1866-1923), aristocrate
britannique, commença en dilettante dès
1902 mais, bientôt, il s'adjoignit l'aide d'un
professionnel en la personne de
l'égyptologue authentique Howard Carter
(1874-1939).
Howard Carter Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Howard_Carter
Jusqu'en 1922, le résultat des fouilles
entreprises par Carter et financées par
Carnarvon fut bien maigre même si elles se
déroulaient dans la fameuse Vallée des Rois,
dont ils avaient obtenu la concession avant
1914. C'est là, en effet, juste en face de
Louxor et ses temples, par delà le Nil,
qu'avaient été exhumées diverses coupelles
et jarres marquées au sceau jusqu'alors
inconnu de Toutankhamon! Un nom qui
allait bientôt faire frissonner la planète
entière.
Car l'obstination de Carter et la générosité
de Carnarvon furent enfin récompensées: le
4 novembre, « un silence inhabituel » attend
l'archéologue sur le chantier. La marche
d'un escalier taillé dans le roc vient d'être
dégagée.
La découverte
Le 23 novembre, Carnarvon arrive avec sa
fille sur les lieux. Carter, qui a attendu la
venue de son « sponsor », fait poursuivre les
travaux; une première porte, grossièrement
« replâtrée » apparaît au bas des 16 marches.
Puis s'ouvre un passage en pente et, au
bout, une autre porte intacte celle-là. Une
petite ouverture y est forée dans le coin
supérieur gauche: il s'en échappe une
bouffée d'air chaud, nauséeux...
Carter y colle son œil, s'éclairant d'une
bougie qui vacille sous le souffle; et les
formes se dessinent lentement: « d'étranges
animaux, des statues, et, partout, le
scintillement de l'or ».
On vient de
découvrir « la plus magnifique et la plus
riche mise au jour archéologique de tous les temps »!
La brèche est alors agrandie et les merveilles
apparaissent aux membres de l'expédition.
Tous se précipitent; en s'approchant ainsi,
on dira qu'ils ont signé leur arrêt de mort...
En effet, ils n'ont guère prêté attention à
l'inscription gravée sur la stèle du tombeau.
D'ailleurs, une controverse s'éleva au sujet
de sa signification. Et pourtant, elle est fort
explicite, même si l'on peut chipoter sur les
termes exacts:
« Malheur à ceux qui
dérangeront les restes du pharaon », selon le
Dr Hollenbeck, présent à cet instant crucial.
Quant au Professeur J. C. Mardrus,
égyptologue français, il traduit: « Gare à la
main qui soulèvera le couvercle de ma
tombe, elle sera desséchée... »
En fait, le sarcophage ne sera ouvert que
trois ans plus tard, mais entre-temps, la
malédiction a déjà frappé.
L'hécatombe commence
Peu après l'inauguration officielle des
fouilles, en mars 1923, Lord Carnarvon, très
actif sur le terrain, est piqué par un
moustique. Infection, puis pneumonie:
après une fièvre fluctuante pendant une
dizaine de jours, le mécène britannique
agonise et meurt.
Son trépas est auréolé de mystère: au même
moment, à Louxor, la ville subit une panne
d'électricité inexplicable et le chien du
comte, en Grande Bretagne, hurle à la mort
et tombe raide. Le fils de Carnarvon
confirmera en 1964.
En tout cas, à l'époque, certains passagers
du bateau qui ramènera la dépouille du Lord
en Angleterre refuseront d'embarquer ainsi.
Et la presse s'en mêla, ce qui permit au
British Museum, de récupérer nombre de
reliques égyptiennes accusées de porter
malheur.
La deuxième mort suspecte survint en la
personne de Jay Gould, un touriste et ami
américain de Carnarvon, auquel il avait fait
visiter la tombe et qui succomba à « une
forte fièvre ».
La vengeance de la momie
Mais ne faut-il pas ajouter celle du Sheik
Abdu Haman, présent à l'ouverture du
tombeau et décédé quelques jours plus tard?
Lady Carnarvon tomba, elle aussi, malade,
mais elle guérit; ce qui ne l'empêcha pas de
passer de vie à trépas en 1929, quand, à son
tour, elle fut piquée par un insecte...
Huit morts en neuf mois sont démontrées
chez des individus ayant de près ou de loin
touché à l'affaire Toutankhamon.
En 1929, 13; en 1939, 17; en 1950, 28; et en
1980, 32. Je n'ai pas de nouvelles depuis
plus de 8 ans de l'unique rescapé de la
première heure: Richard Adamson. Il a
pourtant dormi pendant plusieurs années
dans le tombeau maudit, entre le cercueil
d'or et la momie. Mais je gage que s'il n'est
pas mort, ça ne saurait tarder...
Les Egyptiens avaient-ils découvert le
moyen de déclencher une malédiction « en
concentrant autour de leurs momies certains
pouvoirs dynamiques dont nous avons une
très incomplète notion » ? Certains en
doutent...
Alvéolite allergique extrinsèque
Eh oui, en attendant suffisamment
longtemps, il est fatal qu'un jour, aucun
survivant de cet épisode fameux ne
subsistera. Et la malédiction là n'y est pour
rien, sinon celle qui fait de l'homme
quelqu'un de mortel sans exception aucune.
D'ailleurs, la plupart des « damnés » ont été
emportés à des âges fort respectables. Carter
mourut en 1939 à 66 ans d'une... cirrhose du
foie! La plus jeune des « victimes » fut
Mervyn Herbert, demi-frère de Lord
Carnarvon, témoin de la découverte et
disparu en 1930, à 48 ans.
Alors, faut-il ne voir dans tout cela que
superstition et coïncidence? Pas exactement
tout de même.
Pour le Dr Caroline Stenger-Philippe, qui,
en 1985, soutint une thèse sur la question à
la faculté de médecine de l'université Louis Pasteur de Strasbourg, six morts au moins
sont directement reliées à la pénétration
dans la tombe. Et toutes présentent « la
symptomatologie d'une
bronchopneumopathie à précépitine créée
par quelque substrat antigénique ».
En termes moins savants, les morts auraient
été causées par une allergie fatale des
alvéoles des poumons aux champignons et
moisissures développés dans le tombeau
dont l'air n'avait pas été renouvelé depuis
plus de trois millénaires.
Le Dr Arthur Maier, de l'hôpital de Saverne,
spécialiste des allergies, donne sa caution à
cette hypothèse mais seulement en tant
« qu'explication scientifique très plausible ».
Plus probable, tout au moins, que les autres
théories telles que les gaz toxiques ou la
radioactivité ou les bactéries mortelles
entreposés volontairement par des
Egyptiens révélant un savoir qu'on ne leur
connaît pas. Plus vraisemblable aussi qu'une
histoplasmose due aux excréments de
chauves-souris qu'on voit mal survivre si
longtemps dans une chambre
hermétiquement close...
Mais pas suffisante hélas pour justifier le
suicide par pendaison, en 1924, de
l'égyptologue Hugh-Evelyn White, un de
ceux de la bande des 32, qui, juste avant de
s'exécuter, écrivait avec son sang: « Je
succombe à une malédiction ».
Ni la panne
de voiture dont fut la victime le reporter de
l'agence France Presse venu interviewer
Mme Stenger-Philippe, en 1985.
La malédiction toujours à l’œuvre
Si, comme on l'a dit, l'idée de malédiction
fut inventée le soir de l'ouverture du
tombeau par Carnarvon et Carter eux-mêmes pour décourager les velléités des
pilleurs ou encore que ce sont les Français
qui l'ont lancée « pour saper le prestige
britannique en Egypte », il appert qu'on a du
mal à imaginer qu'elle se perpétue. Et
pourtant...
Lorsqu'il fut question, en 1967, de
transporter une partie du trésor de
Toutankhamon à Paris pour exposition, le
directeur égyptien des Antiquités,
« reluctant » tout d'abord, accepta
finalement le projet. Quelques heures après
avoir pris cette décision, on l'avertissait que
sa fille était dans un état critique à l'hôpital,
suite à un accident d'automobile.
Pris de remord, l'homme tenta une
démarche d'annulation au Ministère de la
Culture. En sortant du bâtiment, il fut
happé à mort par un véhicule...
Deux membres de l'équipage de l'avion de la
RAF, qui emporta les pernicieuses reliques
au British Museum de Londres en 1972,
succombèrent à des crises cardiaques
subites.
L'acteur de cinéma Ian McShane, qui avait
accepté le rôle principal dans le film : « La
malédiction du pharaon », eut, en 1979, la
jambe cassée quand la vieille guimbarde
dans laquelle il jouait, s'emballa « comme
sous l'effet d'une poussée ». La Lloyd's dut
payer les 350 000 dollars de l'assurance. Il
est vrai que Joan Collins avait refusé d'y
participer...
Oui, je vous dis, la malédiction court
toujours...
La question qui se pose est de savoir si c'est
ailleurs que dans les têtes. Saurons-nous un
jour?
Publié in LE COURRIER DE SAÔNE
& LOIRE DIMANCHE du 14 février
1988.
Reproduit dans L'INCONNU, N° 170,
Août 1990.
Dernière mise à jour 9 avril 2010.