samedi 21 mai 2016

Questions « mutologiques »


Etant l'auteur de l’unique livre1 en français consacré exclusivement au phénomène des mutilations mystérieuses de bétail en Amérique et ayant écrit de nombreux articles sur le même sujet2, je me demande souvent : - Aujourd'hui, là-bas, le massacre est-il toujours persistant ? Y a-t-il toujours un mystère mutologique dans le Middle-West ?

En termes différents, on me questionne souvent, en tant que spécialiste ici en France, sur cette force mutologique qui, entre 1973 et 1982, fit des ravages dans plusieurs dizaines d’Etats américains avec des milliers de victimes innocentes parmi les troupeaux de bovins.

Où en est le mystère des mutilations de bétail ?
Est-ce une énigme passagère, avec des caractéristiques fortéennes, venue massacrer en toute impunité ces malheureuses vaches, ou, au contraire, un épisode mémorable d’hallucination de masse consécutive à une hystérie collective, comme affirment ceux qui veulent voir dans ces tristes mutilations une action vile et banale des prédateurs, mêlée à des événements triviaux montés en épingle par la rumeur ou les méfaits de cultistes fous?

Hélas, j’ai bien peur, en effet, que ma réponse aille en faveur de la dernière hypothèse. Et cela à en être désolé parce que je suis intimement persuadé que le mystère des mutilations de bétail demeure dans son intégralité. Malheureusement, aujourd'hui, depuis ici, en Europe, il n'y a pas plus de bois pour alimenter le feu ...

Pourquoi si peu de données aujourd’hui ?
Selon moi, il y a de multiples raisons à ça :
- les médias américains qui ne répercutent plus par delà l'Atlantique ces incidents trop banals et répétitifs,
- aussi les mutologistes qui ont cessé d’en parler, comme s’ils n’y croyaient plus aujourd'hui. Beaucoup de ceux-ci, actifs dans les années quatre-vingt, sont maintenant très discrets (trop) comme si le sujet ne les intéressait plus. Surtout parmi ceux qui ont été en contact avec moi et m’ont permis d'écrire mon livre d’ici, en France, très loin des hostilités.
Mais ils n’ont jamais donné la solution de l'énigme et, ici comme là-bas, nous sommes restés sur votre faim comme on dit en français quand quelque chose n’a pas reçu une réponse satisfaisante.
Parce que, oui, nous sommes encore nombreux, ici en Europe, à ne pas avoir accepté le verdict négationniste de Mute Evidence3 en dépit des arguments convaincants des auteurs. Dans le but de lutter contre l'indifférence, nous avons besoin de matière et nous en manquons aujourd'hui.

Il est extraordinaire qu'aucun livre pro-mutes n’ait été écrit sur le sujet par ces nombreux mutologistes ou témoins de première main.

Bien sûr, nous avons:

- Cattle mutilation: the unthinkable truth, par Frederick W. Smith,
- Mystery stalks the prairie, par Roberts Donovan et Keith Wolverton
- The Terror, par M.D. Albers,
 
mais ces livres ne sont qu’anecdotiques et ne font pas une bonne synthèse de la plaie mutologique que nous sommes en droit d’élucider. Par exemple, pourquoi Tom Adams, maître ès mutologie dans les années 1980, n’a-t-il pas écrit un livre sur ce phénomène ?

Le mystère est-il révolu ?
Il y a plusieurs années, il était rare que plusieurs informations mutologiques n’arrivent pas à moi chaque mois à travers les coupures de journaux qui sont reproduites dans la presse fortéenne américaine. Mais depuis cinq ans, ces informations sont très très rares. Selon mes informations, ont été portés à ma connaissance par années :

- 1987 : 20 cas possibles de mutes
- 1988 : 13
- 1989 : 114
- 1990 :> 28
- 1991 : 24
- 1992 : seulement 5

Pourquoi cette courbe descendante qui laisse entendre une asymptote à zéro dans quelques années ?

Finalement mes données actuelles conduisent à cette évolution :

 Le phénomène mutologique du bétail est-il sur ses fins ? Certains de mes amis américains affirment que non mais sont incapables de nourrir ma base de données.

Déjà en 1986, quand mon livre a été publié en France, j’avais reçu chez moi, pour une longue interview, une journaliste, grand reporter français du mensuel PARIS MATCH. C’est la plus grande et célèbre publication des événements d’actualité dans le pays et si l’interview avait été  publiée, comme prévu, en un long reportage, plusieurs centaines de milliers de lecteurs français auraient alors entendu parler du problème des mutilations de bétail en Amérique. N’avait-ce pas été déjà le cas dans un texte diffusé quelques années auparavant ? Et peut-être une demande de savoir serait remontée directement aux fermiers américains pour les fustiger à mieux nous renseigner.

L'interview avait été enregistrée, mais sa publication en a été reportée à plusieurs reprises pour différentes raisons. Finalement, elle n’a jamais été publiée. Les motifs de cette annulation qui m’ont été donnés furent les suivants : Selon le bureau de Paris Match à New York, le phénomène « mute » était déjà à ce moment totalement démodé. C’était bien ce que je craignais.

Restait, tel que cité dans mon livre, comme possibilité et peut-être comme preuve pour l'authenticité des événements, la question passionnante de la contagion du phénomène de l'Amérique vers la France.

Aucune mutilation suspecte en France ?
Rien de semblable n’a été enregistré en France. Il existe, certes, des événements sporadiques qui peuvent être comparés aux exactions mutilatrices américaines, mais les différences sont fondamentales. Quelques-unes sont même opposées, comme je l'ai vérifié.

Par exemple, voici quelques coupures de journaux locaux dans ma région du Charolais, du Jura et d’ailleurs, où un grand nombre de bovins broutent dans les pâturages riches durant la majeure partie de l'année. Et ils signalent bien des incidents qui rappellent les mutilations américaines.

1 / Source : LE PROGRES de Lyon (région limitrophe de chez moi4)
Date : 18 juin 1986. Lieu : Jura (région de l'Est de la France), ville : Saint Claude (célèbre pour ses pipes de bruyère) :

« Le week-end dernier, un fermier a retrouvé morte sa génisse, âgée de deux ans qui pesait de 650 à 750 livres. Elle était partiellement « dévorée ». L'hypothèse de l'attaque par un lynx semble improbable parce que cet animal s’en prend généralement à des proies plus petites. L'hypothèse de l’intervention de chiens errants n’est pas en retour impossible, mais elle n’est pas convaincante pour tout le monde ».

2/ Source : LE PROGRES de Lyon
Date : 14 août 1988. Lieu : La Grande Verrière (petit village rural situé à 50 kilomètres de Chalon-sur-Saône, dans mon Morvan natal).

Vol de bétail. Un veau de 300 kilos décapité et débité sur place !
Le Creusot (le plus grand ville plus proche).

« Samedi dernier, 13 août 1988, comme chaque matin M. Joël Perrodin, 28 ans, agriculteur à Reuil (arrondissement de La Grande Verrière), rend visite à son élevage. Arrivé à environ 7 h 30 du matin dans le domaine de « Moulin Blanc », il trouve son troupeau (16 vaches, 16 veaux et un taureau), curieusement rassemblé à une cinquantaine de mètres de la barrière.

Au milieu des animaux, le propriétaire découvre une véritable piscine de sang et tout ce qui reste d'un de ses veaux. Presque rien en réalité : la tête, la queue, les organes digestifs, le cœur, les poumons et les boyaux.

Rapidement sur le site, les gendarmes de la brigade de Saint-Léger-sous-Beuvray mènent les premières investigations. Le coupable a, apparemment, laissé quelques traces. Malgré son poids (environ 300 kilos), la bête a été transportée et non trainée jusqu’à un véhicule à l'entrée. Des traces de pneus appartenant peut-être à un camion break ont ​​été détectées. Au contraire, aucune impression de chaussures, le piétinement du bétail ayant masqué l'ensemble.

Pas plus d'indications concernant la technique d'abattage. La tête du veau ne présente pas une marque de la balle. L'animal serait mort sous l'action d'un instrument tranchant et d'une assez vilaine façon. « Ce n’est pas un travail de professionnel », estime M. Perrodin. « Habituellement, un coup est porté au niveau du front. Cette fois, il était beaucoup plus bas. ».

3 / Source : LE PROVENCAL (journal du midi de la France).
Date : 7 Juillet, 1987.
Lieu : Saint-Andéol. Bovin découpé pendant la nuit dans le champ.

« M. Bazin, éleveur à Saint Andéol (Rhône), a déjà, en septembre 1985, retrouvé une de ses génisses découpée. Mercredi, c’est à nouveau sur son pâturage que deux belles charolaises ont été choisies par les bouchers nocturnes. Les deux animaux ont été amputés de leurs membres d'une manière qui rappelle le travail d'un professionnel. Six éleveurs ont été les victimes de ce trafic nocturne qui soulèvent la colère des agriculteurs dans cette région. Ils pensent désormais organiser des rondes avec des fusils. »

4 / Source : LE PROGRES de Lyon.
Date : Le 25 Novembre, 1988.
Lieu : Toulon-sur-Arroux (petite ville située à 30 km de Chalon).
Douze bovins disparaissent. « Dans la nuit de mercredi à jeudi, 12 bovins, des génisses d'un an, ont disparu d’un pâturage situé à la frontière de la route C.D. 985. Ils appartiennent à la G.A.E.C. Fuchet-Lacombe à Toulon-sur-Arroux (un groupe d'agriculteurs). C’est jeudi matin, en allant visiter ses animaux, que le propriétaire découvre le vol. Sur les 38 vaches groupées sur le terrain, une douzaine avaient disparu. Les dommages sont très importants. L'enquête est menée par la brigade de gendarmerie locale. Si quelqu'un a remarqué un mouvement suspect près du site du vol, dans sa nuit, il est prié de contacter la brigade au…».

5 / Source : LE PROGRES.
Date : Février 1990.
Lieu : Sassangy (petite ville située à 10 kilomètres de Chalon).
Une vache tuée à la hache.
Chalon. Des bandits n'ont pas hésité à tuer à coup de hache et dépecer une vache qui était dans un pâturage avec d'autres congénères.
Les faits ont eu lieu dans la nuit du 23 au 24 février à Sassangy, au lieu-dit Le petit Chaume, sur la propriété de Marc Lambert, un agriculteur du pays.
Une plainte a été déposée à la maréchaussée de Buxy. Toute personne qui pourrait fournir certaines informations est invitée à contacter cette maréchaussée au…,  la discrétion absolue étant assurée.

La « complémentarité »
Depuis le temps que m’intéresse à ces mystérieuses mutilations de bétail en Amérique, j’ai remarqué qu'il existe entre les mutes américaines et les vols de bétail en France une curieuse opposition.

Oui, nous avons aussi ici des actes de barbarie dirigés contre les vaches, mais après l'action de nos mutilateurs, ce ne sont pas les mêmes organes qui manquent. D'une manière bizarre, sur le bétail du Middle West, les parties découpées sur les animaux durant la nuit sont précisément les morceaux que nos voleurs de viande laissent sur les lieux après leur forfait.

J’ai été en mesure de vérifier cette « complémentarité » absurde, de nombreuses fois dans ma région du Charolais où, comme mentionné ci-dessus dans les coupures de presse, tôt le matin, les éleveurs locaux trouvent, au milieu d’une flaque de sang, les intestins, la tête et la queue coupés, toute la valeur alimentaire de l’animal ayant été prélevée pour faire un excellent filet de bœuf, des steaks et de délicieuse escalopes ou des tournedos sans passer par les bouchers, qui ne sont pourtant pas très chers par ici, croyez-moi.

Les mutilateurs français ne possèdent pas le même goût que les mutilateurs américains. La raison de cette différence n’est pas, à mon avis, une différence de gastronomie, comme un ami me le suggère. En France, le phénomène de la mutilation est compréhensible, mais condamnable. En Amérique, il est absurde, mais inexpliqué.

Références :
1/ Granger Michel, Le Grand Carnage, Vertiges / Carrère, Paris, 1986.

2a/ Granger Michel, Any “mutes” in FranceFortean Research Journal, Fall/Winter 1989.

2b/ Granger Michel, Le grand Carnage: un mal qui sévit encore aujourd'hui, Le Monde Inconnu, février 1987.

2c/ Granger Michel, Le grand Carnage: où en est-on ?, Le Courrier de S & L Dimanche, 11 décembre 1988.

3/ Kagan D. et Summers I., Mute Evidence. The Cattle Mutilations Mystery Solved, Bantam Books, 1984.

4/ Entre parenthèses sont ajoutés mes commentaires personnels.










Ce texte, écrit en 1992 et traduit en anglais, était destiné à faire réagir mes correspondants.

J’ajouterai cette source plus récente qui va toujours dans le même sens.

5 / Source : Le Journal de Saône et Loire du 25 novembre 1999.
Morey (village de 210 habitants). M. Serge Marmorat, agriculteur à Morey, a eu la désagréable surprise de découvrir, lundi matin, une des génisses de son troupeau, abattue et découpée dans l’un de ses prés.

C’est au lieu-dit « Beaugey » à Morey, sans doute dans la nuit précédente, qu’une ou plusieurs personnes ont abattu l’animal d’une balle de fusil dans la tête, avant d’en prélever les cuisses et les épaules et d’abandonner le reste du cadavre sur place.

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