mardi 23 mai 2023

 

Edgar Cayce, diagnosticien psychique

 

 

Bon nombre de nos lecteurs connaissent le cas d’Edgar Cayce. Sa vie extraordinaire est désormais l’exemple classique de la servitude terrestre en butte à des facultés sublimes cachées.

 

Toute son existence Cayce lutta, trembla des conséquences possibles de ses dons. Jusqu’à sa mort il tint à en user gratuitement comme si le droit d’en vivre ne lui incombait pas, comme s’il n’en était que le dispensateur et non la source. Son étonnement permanent devant ses pouvoirs en fera l’image d’un possédé illettré incapable de digérer ses propres révélations.

Cayce colle exactement au portrait de l’hominien en proie aux affres de l’intellectualisation artificielle inculquée. Qui sait si cet homme ne fut pas le fac-similé de ces fils de Dieu auxquels nous nous référons sans cesse en un leitmotiv fondamental.

 

Si l’on en croit la chronique (surtout la Fondation Edgar Cayce fondée après sa mort pour perpétuer le nom du grand voyant), l’enfance d’Edgar ne fut pas exempte de ces signes avant-coureurs qui caractérisent l’éclosion de la médiumnité ; pour ne pas nous répéter, disons que le gamin, après une violente altercation avec son père au sujet de son manque d’attention à l’école, découvrit sa faculté de mémorisation dans le sommeil en prenant comme oreiller les livres à apprendre. L’incident qui allait vraiment lui faire prendre conscience de son don survint alors qu’il avait 13 ans. Jouant au base-ball, il reçut un coup de bâton dans le dos dont les effets mirent plusieurs jours à se manifester. La commotion tout d’abord fut marquée par un changement radical de caractère : l’enfant d’habitude réservé, rêveur, se mit à mener une vie désordonnée. Finalement, il eut un gros accès de fièvre et sombra dans le coma. Mandé d’urgence, le médecin de famille eut un gros problème à solutionner quand il dut reconnaître son impuissance à déceler la moindre lésion. C’est alors que la voix d’Edgar, étrangement posée, s’éleva :

 

- Pour me ranimer, il faut faire un cataplasme spécial à base d’oignons crus et plantes médicinales et me l’appliquer sur la nuque.

 

Ainsi fut fait ! Le lendemain Edgar était sur pied... et fort embarrassé pour expliquer son étrange comportement. A vingt deux ans, il fut présenté à celle qui allait devenir la compagne fidèle de sa vie : Gertrude. Cayce, tant qu’il vécut, eut maille à partir avec des extinctions de voix soudaines dans lesquelles il voyait un avertissement coercitif de la part de l’entité dormant en lui, à son insu, et avide de s’extérioriser. Ce combat incessant d’un petit libraire dominé et astreint à des actes inintelligibles à son entendement vigile lui valut le sobriquet d’ « homme du mystère ».

 

Plongé en état profond d’hypnose, Edgar se montrait apte à rendre des diagnostics médicaux à distance. Il guérira de cette manière quinze mille personnes homologuées. Est-il besoin de préciser que la plupart de ses clients étaient des cas désespérés, abandonnés par la médecine officielle. Il se trouva toujours autour de Cayce quelque bonne âme altruiste pour organiser les séances et inciter le médium à guérir moyennant finance. Ce ne fut que dans la deuxième partie de sa vie que cette personnalité hors de pair accepta des rémunérations sous la pression de son entourage et des événements malheureux qu’attirait sur lui son manque perpétuel d’argent. Photographe de métier, il ne put jamais exercer cette profession car il avait la mauvaise fortune de brouiller les clichés ou d’obtenir des quintuples expositions malgré tous les soins qu’il prît. En cela Cayce possédait sûrement par devers lui un pouvoir psycho-photographique dont il ne tira que des désagréments.

 

La méthode de Cayce relevait réellement du prodigieux ! On y cherche vainement un support. Il suffisait qu’une lettre lui parvienne au courrier du matin indiquant nom et adresse d’un malade pour que, par une sorte de téléportation stupéfiante, l’après-midi il sorte sa formule rituelle : - Nous avons devant nous le corps de X... Suivait alors une description souvent simpliste mais d’une justesse hallucinante de la lésion et la médicamentation prescrite rappelait en général les remèdes de bonne femme tandis que son efficacité était sans appel. Et le diagnosticien n’avait pas quitté le canapé sur lequel il reposait durant ses lectures.

 

A une occasion, Edgar prescrivit une drogue du nom d’« eau d’orvale ». Il s’avéra vite que ce médicament n’existait pas même à New York. L’associé du moment, en l’occurrence James Andrews, magnat des chemins de fer américain, guéri miraculeusement par le diagnosticien psychique, fit passer des annonces dans les revues médicales du monde entier, tandis qu’on demandait lors d’une séance suivante un complément d’information. Cayce donna la formule du produit, lui : qui ne connaissait la chimie que de nom. Celle-ci se révéla identique à ce que communiqua plus tard un jeune médecin français dont le père, médecin également, avait cessé la production de cette eau d’orvale 50 ans auparavant !

 

Une anecdote mérite aussi d’être contée. Un jour, la « lecture « quotidienne de Cayce fournit quatre diagnostics de plus que ce qui avait été prévu. Gertrude, à cette époque assistante d’Edgar, ne savait que faire de cet excé­dent. Cayce sombrait-il dans la démence ? Que non ! Le surlendemain, arrivaient au courrier quatre lettres correspondant exactement aux maladies décelées. Quarante huit heures à l’avance, son mari avait « visité » quatre patients au moment même où ils lui écrivaient. Comble ! il arriva même un jour que Cayce ordonna un médicament non encore mis sur le marché et encore au stade de l’expérimentation.

 

Cayce fut aussi nommé l’homme des miracles. Certaines de ses prédictions ont du mal à s’insérer hors du merveilleux. Jugez-en plutôt! Le directeur de la Southern Railway, compagnie privée américaine de chemins de fer, avait un grave problème de responsabilité à résoudre concernant un accident. Cayce, qui était en contact avec le frère de ce directeur, fut sollicité pour « donner des éclaircissements » (1) sur les causes de cette affaire. La lecture prit figure de dénonciation en accusant un brave mais vieil employé au dessus de tous soupçons. Le voyant, devant l’incrédulité qu’on lui opposait, se permit d’anticiper en annonçant que si l’employé demeurait à son poste un autre accident se produirait avant le premier décembre, en Virginie et en Virginie Occidentale avec mort de celui qui avait refusé la créance de ses dires. Point ne fut tenu compte de cette noire prévision. Et pourtant... le 29 novembre, le vieil aiguilleur faillit à son devoir. Au bout de cette voie de garage laissée en communication avec la ligne où devait passer l’express, dormait le frère du directeur. Les pions étaient disposés. La collision eut lieu à minuit. « Le wagon privé fut projeté hors des rails et alla s’écraser au delà de la frontière d’Etat. » Il y eut mort d’homme. Une fois de plus Cayce avait eu raison.

Le médium collabora même avec un juge pour démêler une affaire de titres volés. On usa du vil chantage sentimental pour le contraindre à indiquer les gagnants des courses de chevaux, ce qu’il fit toujours avec succès sans en profiter personnellement.

 

Cayce sauva la vue de son fils ainé aveuglé par un éclair de magnésium par des compresses d’acide tannique, traitement jugé délirant par les spécialistes qui, eux, préconisaient l’extraction de l’œil. Les prescriptions avaient l’insi­gne avantage de déplaire souverainement à la médecine traitante mais de réussir là où cette médecine échouait! Gertrude souffrit des poumons au point qu’il fut décelé une tuberculose avancée. Edgar la sauva à l’aide d’héroïne et de vapeur d’alcool se dégageant « d’un tonneau de chêne à l’intérieur calciné ». A plusieurs reprises, Cayce tomba dans des comas sans cause apparente. Sa léthargie faisait craindre à son entourage une issue fatale : le pouls était imperceptible, la température nettement hypothermique. Chaque fois, à l’exception d’une il est vrai..., l’homme sortait de ce néant aussi lucide qu’après une nuit de sommeil.

 

Fidèle à lui-même, Edgar Cayce annonça la date de sa mort alors que rien ne la laissait présager organiquement parlant. Le 5 janvier 1945, la plus troublante énigme vivante du XXême siècle entrait dans la légende.

 

 

1) L’homme du mystère, Edgar Cayce, Joseph Millard, Ed. J’ai lu, 1970.

 

 

 

Paragraphe proposé dans le livre Extraterrestres en exil (1975) et supprimé par l’éditeur pour écourter le texte.

dimanche 7 mai 2023

 

Eureka !


Par Michel Granger


          C’est le cri « humain » par excellence, celui qui vient directement du cerveau. Le « Aha » créatif à nul autre pareil, la décharge de notre raison, l’éjaculation de notre perspicacité.


J’ai toujours eu un grand respect pour les inventeurs. Entendons-nous bien, n’est-ce pas : pour les vrais ! Pas les tâcherons du plan d’expérience, ni les pilleurs d’idées des autres.

Ayant été moi-même chercheur pendant plus de 20 ans, j’ai rencontré, hélas, plus de prédateurs intellectuels que d’authentiques découvreurs.


La méthode pour inventer n’est pas inventée

Y a-t-il une méthode efficace et rationnelle pour créer quelque chose d’original, résoudre un problème par une solution inédite, inventer quoi ?

La formule linéaire de généralisation consistant à « déplacer » une solution d’un domaine à un autre et que j’ai vue prônée par de faux professeurs Nimbus n’est qu’un ersatz, un succédané pitoyable, grâce auquel certains médiocres chercheurs de carrière se sont fait une réputation usurpée .

L’acte créateur est d’une tout autre espèce touchant à l’essence même de la pensée. Comme l’affirmait en 1985, le grand Irving Chargaff, fondateur de la biologie moléculaire : « Il y a trop aujourd’hui de recherche systématique, analogiques, au cours desquelles des choses prévisibles sont trouvées. Les vraies découvertes sont, elles, imprévisibles ».


Imprévisibles et newtoniennes

C’est ainsi que nombre d’inventions majeures ont été faites sans planification stricte et autres soucis de la productivité moderne. La créativité humaine ne se gère pas comme les stocks de marchandises ou alors, il n’en sortira que des évidences, l’esprit d’innovation étant tué par les lourdes structures d’encadrement mises en place tout autour.

La société américaine BP semble bien l’avoir compris qui a adopté une stratégie unique pour son unité de recherche, en réunissant un groupe d’individus « optimistes » et les plaçant dans le contexte de liberté et d’encouragement dont ils ont besoin pour « permettre à leur créativité de s’épanouir ». Certaines sociétés françaises font hélas exactement le contraire.

Il s’agit pourtant ni plus ni moins que de faire en sorte que la pomme qui tomba de l’arbre sur la tête de Newton ne lui fit pas seulement une bosse mais lui inspira la théorie de la gravitation. Les laboratoires de recherche sont remplis de crânes bien pleins et bosselés sans que le moindre « eurêka » ne retentisse. Il leur manque la sérénité propice aux flashes créatifs qui trop souvent s’apparentent au rêve ou à l’expérience mystique.


Inventions rêvées

Les exemples sont légions de découvertes et d’inventions « rêvées »; en chimie par exemple, dès 1869, Dimitri Ivanovich Mendeleyev voit son fameux tableau périodique des éléments avec tant de cases vides qu’elles se rempliront au fur et à mesure des découvertes futures ! L’image du serpent Ourobouro qui se mord la queue, surgie dans l’esprit embrumé de Friedrich Kékulé, s’avéra le meilleur moyen de décrire la molécule de benzène, dont il cherchait vainement la structure. Le premier compteur à gaz de Sir Charles V. Boys fut détourné d’une vision onirique. L’aiguille trouée de la machine à coudre fut suggérée à Elias Howe quand, dans un cauchemar, des cannibales imaginaires le chargèrent avec des lances trouées...

Et que dire du rêve de Charles Babbage qui, en 1830, inventait l’ordinateur. Les premières machines digitales virent le jour plus d’un siècle après. De même, James Watt conçut le premier moteur à vapeur en deux jours et mit 10 ans pour le réaliser !


Mais il y a encore un mécanisme plus subtil du principe « Eurêka ».


Inventions fortuites

Les Anglo-saxons parlent de « sérendipité », ayant forgé ce nom à partir d’un conte de fées !

Ne cherchez pas dans vos dictionnaires, ce mot est tabou en français ! Il s’oppose, en effet, à notre cartésianisme légendaire en remarquant que très souvent (trop) un accident heureux figure à l’origine des grandes inventions.

La place me manque pour donner des exemples relevant de cette « sérendipité ». C’est C. Colomb découvrant l’Amérique alors qu’il cherche la route des Indes, Sir Alexander Fleming éternuant dans un bouillon de culture, ce qui mettra fortuitement en évidence l’action antibiotique de la pénicilline. C’est aussi le Dr Plunkett fabriquant accidentellement du téflon en stockant au froid un mélange qui, sans cela, aurait conduit à une magistrale explosion... Et, plus récemment, la contamination de protéines conduisant à une méthode d’électrophorèse pour identifier instantanément différentes souches de bactéries.

C’est « la Nature qui chuchote à notre oreille », aiment à dire les intuitifs. Sur cette idée de prescience innée, nous avons écrit, un collègue et moi, un livre intitulé : « L’Homme conscience de la Matière » , édité en 1983 aux Editions Présence.


Stimulation ratière

Je voudrais terminer en fournissant une réponse indirecte à la question : « Y a-t-il encore beaucoup de choses à inventer ? »

Savez-vous ce que proposa Charles H. Duell, directeur du bureau des brevets américains en 1899 : ni plus ni moins que de fermer son organisme « puisque tout ce qui pouvait être inventé l’avait été » ?

Qu’un tel timoré de l’imagination ait pu accéder à ce poste contraste avec la fécondité de certains thèmes de prédilection pour inventeurs en mal de créativité. Le record est tenu, devinez par quoi ? Plus de 4000 brevets y ont été consacrés : aux pièges à rats ! L’archétype de l’invention qui préoccupait déjà les Babyloniens ; depuis la conception de la tapette, en 1838, le problème n’a cessé de hanter l’hémisphère droit du cerveau humain, là où précisément on sait que se situe le centre de l’intuition.. Il en a résulté des dispositifs à guillotine, des harpons, des adhésifs, des systèmes d’électrocution, de noyage, d’asphyxie etc…

Le piège à rats le plus cher est la souricière déclenchée par un rayon laser : coût 7000 F. Le plus sophistiqué, il a reçu l’oscar de la perfection, détecte la présence du rongeur, lui tire une flèche à travers le corps, l’écrase et le calcine entre deux plaques et, enfin, disperse ses cendres. Le réarmement est automatique...

Comme l’est heureusement celui du ressort de notre faculté créatrice à inventer.


Publié dans Le Courrier de Saône & Loire Dimanche du 25 mars 1990.

Republié dans Science & Magie n°38, juin-juillet 1995.