jeudi 15 décembre 2022

 

La grossesse masculine : bientôt réalité ?

 Par Michel GRANGER

 En ces jours où aucun interdit ne semble plus entraver le domaine jadis tabou de la reproduction humaine « hors des voies naturelles » (termes empruntés à l'encyclique de Paul VI, Humanae Vitae, datant de 1968) et dès lors que les techniques de fécondation in vitro, de choix du sexe de l'enfant, de congélation d'embryons et de mères porteuses sont monnaie courante - si j'ose dire nonobstant ce que cela coûte à la collectivité, est-il une variante en la matière qui puisse encore étonner, voire choquer ?

 Je pense que oui. Et elle concerne une éventuelle grossesse masculine !

  

Un homme, au sens plein du terme, pourrait-il, moyennant interventions mineures être mis « enceint », porter un enfant et finalement accoucher si tant est qu'on voit mal comment tout le processus pourrait se dérouler sans quelques opérations d'assistance médicale ? 

Aussi incroyable que cela puisse paraître - pour d'autres, c'est plutôt malsain même de seulement l'envisager - depuis une dizaine d'années, certains spécialistes de la gynécologie-obstétrique ne se sont pas privés de faire savoir que l'éventualité qu'un homme puisse porter un enfant ne relève nullement de l'utopie.C'est l'avis notamment du pionnier américain Landrun B. Shettles (1909-2003), de l'Université Columbia à New York, qui, en 1985, déclarait : « Je pense que si quelqu'un veut vraiment tenter l'expérience, il le pourra et avec succès ». 

Ainsi, le mythe de la grossesse masculine de Zeus deviendra-t-il bientôt réalité ?

Mais en vérité, ne l'est-il pas déjà ?

Les cas douteux 

J'ai deux informations qui pourraient porter à le croire.

L'agence Reuter, en 1979, rapporta qu'un jeune Japonais avait eu un enfant à Osaka.

Yoshinobu Nakamo, cheminot de métier, se plaignait de douleurs dans la poitrine au point que les docteurs décidèrent de l'opérer. Et ce fut pour le délivrer d'une petite fille qui s'était développée dans son poumon ! L'embryon en bonne santé avait la taille d'un poing.

En fait, selon le chirurgien Masatoshi Naito, il ne s'agissait nullement d'une « maternité mâle » mais plutôt d'une sœur siamoise de Yoshinobu dont l'œuf avait été absorbé par son propre corps au cours de la grossesse de sa mère.

Il était resté « en sommeil » pendant près de 20 ans et c'étaient les hormones de puberté du jeune homme qui l'avaient en quelque sorte « réveillé » en déclenchant sa croissance.

Un coup pour rien ! Là encore si j'ose dire...

Plus récemment, en 1984, un autre homme était annoncé « enceint » à Göteborg, en Suède.

Cette fois, on se rapprochait du but, mais pas vraiment.

En effet, l'homme en, question était Miss Johannson (!), dont le premier prénom était Gunnar, un transsexuel mâle sur lequel le docteur Georges Chaison avait greffé les organes reproducteurs féminins - utérus et ovaires - prélevés sur une accidentée de la route...

Une opération autrement plus compliquée que l'habituelle vaginoplastie des changements de sexe et aussi autrement plus probante puisque, selon Miss Johannson, deux mois après, elle avait ses premières règles !

Et de surcroît, l'ultime mise en condition d'enfanter s'était faite naturellement, ce qui comblait d'aise la future maman.

Je ne sais pas, par contre, si la naissance a eu lieu.

En tous cas, il s'agissait là encore d'une « première » fantastique, certes, mais quelque peu à mon sens trop « fabriquée » pour briguer le titre de véritable grossesse masculine.

Quand les médecins en parlent - ceux qui prennent le risque - ils se réfèrent, comme je l'ai dit plus haut à un processus beaucoup moins « radical ».

En effet, dans leur optique, le père mettrait bas tout en ayant gardé son identité intacte. Sinon ça ne vaut pas !

Succès chez l'animal

Qu'est-ce qui les autorise alors à prétendre un tel phénomène comme possible ?

Tout d'abord les résultats acquis chez les animaux.

D'incontestables grossesses mâles ont été obtenues expérimentalement chez les rongeurs et autres mammifères.

Il n'y a que les spécialistes qui le savent mais c'est un fait.

Et ici les règles élémentaires ont été respectées : à savoir implantation d'un embryon dans la cavité abdominale d'un adulte mâle normal, avec non seulement survie mais grossissement vers le fœtus.

Chez la souris, par exemple à l'université d'Oxford en Angleterre, des « remplacements » - réimplantation de l'œuf avec fixation et début de gestation - ont été réussis non pas dans l'utérus comme cela se pratique pour les bébés dit « éprouvettes » et pour cause !, mais dans les reins, la rate et les testicules de mâles. Authentique !

C'est même ce dernier endroit qui fut jugé le plus prometteur, ayant permis des durées de demi-grossesse (12 jours) dans de parfaites conditions.

L'échec des menées à terme étant simplement imputé à une insuffisante élasticité des tissus testiculaires pour conduire à un développement complet.

La seule tentative couronnée de succès sur un mammifère plus évolué le fut en Nouvelle-Zélande en 1967.

Le Dr Cecil Jacobsen, de l'école médicale de l'université George-Washington, implanta un œuf fertilisé de babouin femelle dans l'intestin d'un mâle.

Or, contre toute attente, il y eut fixation, mais aussi alimentation du fœtus comme si les vaisseaux sanguins du péritoine pouvaient faire office de placenta.

Cette expérience amena une révision radicale des idées qu'on avait sur l'autonomie du fœtus, notamment dans sa capacité à se fournir lui-même les hormones dont il a besoin.

Au bout de 4 mois (sur les 7 nécessaires), on procéda à un avortement, non pas contraint forcé mais parce que l'expérience avait d'autres buts que la délivrance à terme (cancérogenèse).

Mais selon les responsables, celle-ci n'aurait posé aucun problème.

D'ailleurs le fœtus retiré était viable, c'est-à-dire qu'on aurait pu - si on avait voulu comme pour les prématurés - le mettre en couveuse et le sauver.

Les naissances extra-utérines

Outre les indéniables promesses résultant de ces expérimentations sur l'animal, d'autres observations - chez la femme cette fois - vont dans le sens de soutenir, physiologiquement parlant, qu'un embryon pourrait fort bien suivre une croissance normale dans un ventre masculin : ce sont les grossesses extra-utérines dont une au moins a abouti à une naissance.

C'est en mai 1979 que Margaret Martin accoucha d'une fille en pleine santé de 2,5 kilos dans une maternité d’Auckland.

Rien d'anormal à cela.

Oh si, car la jeune femme n'avait plus d'utérus ayant subi une hystérectomie huit mois plus tôt !

Un œuf fertilisé « errant » s'était logé dans son abdomen au niveau de l'intestin.

L'affaire fit grand bruit dans les milieux médicaux et c'est à la suite de ce brouhaha autorisant théoriquement les pères porteurs qu'il y eut une avalanche de candidats qui voulaient être mères !

Vingt-quatre grossesses seulement ont été signalées, de par le monde, chez les femmes qui avaient subi l'ablation de l'utérus.

Vingt-trois avortèrent.

Mais près de 1 000 grossesses extra-utérines furent rapportées avec un taux de naissance de 9 pour cent.

Ces 90 femmes ont donc accouché d'un bébé normal et en santé qu'elles avaient porté, dans leur ventre, ailleurs que dans leur utérus intact prévu à cet effet.

Au Michigan, en 1969, un chirurgien s'apprêtait à opérer de l'appendicite une femme qui souffrait de crampes quand il s’aperçut que l’appendice avait... un pied, puis deux et pesait 1,8 kg.

Aujourd'hui, il s'appelle Joseph Thomas Cwik...

Et pour l'homme alors !

On se trouve donc là dans le même cas de figure qui verrait un homme en état de grossesse.

C'est ce qu'a confirmé récemment le docteur Emile Papiemik, un des pères du premier bébé-éprouvette français (abus de langage pour un être resté 3 jours in vitro et 9 mois dans le sein de sa mère), à la revue Vital.

« C'est théoriquement possible mais très dangereux », précise le Dr Robert Creasy, de l'université de Califomie.

Oui, la grossesse abdominale qu'aura à endurer le premier « homme-maman » est périlleuse. Mais il paraît que les volontaires font la queue sur plusieurs listes d'attente : des transsexuels bien évidemment, beaucoup d'homosexuels, mais aussi des hommes normaux qui veulent assouvir leur désir d'avoir un enfant.

N'a-t-on pas recensé depuis 50 ans quatre cas au monde de fausses grossesses chez des hommes ?

Contre 100 chez des femmes il est vrai.

Pour de tels mâles, capables d'entretenir une telle condition psychologique pendant des mois, on conçoit qu'aucun argument ne pourrait les faire renoncer à pareille expérience.

En quoi donc consisterait-elle précisément ?

En voici les phases principales : un ovule sera chirurgicalement extrait des ovaires d'une femme et fertilisé avec de la semence mâle en éprouvette.

Trente à cinquante heures plus tard, quand l'œuf se sera scindé en huit cellules - il aura la grosseur d'une tête d'épingle - il sera placé grâce à une tige creuse (cathéter) au bas de la cavité abdominale d'un homme.

Cela nécessitera une légère incision (laparoscopie).

Si tout se passe bien, l'œuf se fixera, commencera sa croissance tout en évitant les risques d'hémorragie létaux qui seront à craindre.

Au bout de 9 mois, l'homme sera délivré artificiellement par ce qui s'apparente à une césarienne.

Voilà le « travail » qui attend le premier cobaye à la maternité.

Ceci du point de vue physiologique, car de nombreuses barrières morales - éthiques, dit-on, se dressent devant ce que d'aucuns appellent de l' « anti-médecine » et d'autres « la plus grande mutation de l'espèce ».

Car, en effet, on peut se demander « quel est l'intérêt d'une grossesse masculine » ? On en a avancé plusieurs que je livre à votre réflexion en guise de conclusion : satisfaction d'un irrépressible vœu de grossesse chez l'homme, participation à une grande aventure scientifique, chance inouïe pour les transsexuels d'assouvir leur libido ; mais aussi pour la femme, moyen d'échapper à sa destinée biologique - beaucoup de féministes sont pour - et enfin solution radicale pour débarrasser la fonction biologique de la naissance de sa mystique ou bien bricolage inévitable du vivant.

J'en oublie certainement d'importants qui ne manqueront pas d’être évoqués dans un proche avenir tant cette éventuelle grossesse masculine semble fasciner certains médias et surexciter certains médecins.

Publié in LE COURRIER DE SAÔNE & LOIRE DIMANCHE du 8 mars 1987.

 Republié dans Le MONDE INCONNU, N°107,  juillet/août 1989.

Dernière mise à jour : 1er février 2010.

lundi 12 décembre 2022

 

Quand les dieux s’ennuient...

 

Extrait du livre Des sous-dieux au surhomme, Jacques Carles & Michel Granger, Editions Albin Michel, Collection Les Chemins de l’Impossible, 1977, pages 46 à 62.  

 

Quand les dieux s’ennuient, ils bâillent comme tout un chacun ! Et si d’aventure le démiurge laisse sa bouche béante, il en sort des créatures qui s’égaillent de tous côtés. De nombreuses traditions abondent dans le sens d’une telle origine de l’homme : la génération de la mélancolie !

Dieu aurait créé l’homme dans un moment de désœuvrement, « pour passer le temps ». Cette naissance n’a rien de glorieux et il doit s’y attacher une grande humilité de la part de ceux qui donnent leur suffrage à un tel concept.

Le créateur des Egyptiens manquait de la plus élémentaire éducation, et, faisant montre d’une inconvenance caractérisée, il crachait alentour. C’est de cette déjection que naquit le premier couple humain. « Atoum, tu as culminé sur la butte, tu t’es élevé sous la forme du Phénix... Tu as jeté un crachat qui est Shu, tu as lancé un jet de salive qui est Tefnou  (1) »

L’on n’a pas manqué de rapprocher ce mythe pour le moins honteux d’une idée à laquelle, d’ailleurs, les auteurs de science-fiction ont fait largement appel. Elle présume la propagation de la vie par contamination. Tout le monde connaît avec quel soin les sondes envoyées sur d’autres planètes sont stérilisées avant leur départ. Il suffit, pour s’en convaincre, de consulter le volumineux compte rendu du Symposium international sur la stérilisation des engins spatiaux, symposium organisé par le COSPAR (the international committee for space research) à Londres en juillet 1967. Les Russes y participaient, ce qui prouve bien que, pour les autorités des deux grandes puissances principalement concernées, les impératifs contre les dangers d’une bio-pollution de l’espace primaient sur la course à la Lune.

De même, les précautions draconiennes, qui ont préludé à l’examen des échantillons lunaires, n’ont échappé à personne. Le risque est réel, même si le fait d’envisager que l’origine de la vie sur la Terre résulterait des bacilles qu’aurait expectorés un visiteur extra-terrestre peut paraître hardie. Nous gardons en mémoire une nouvelle savoureuse de l’écrivain américain Fredric Brown, décrivant le premier débarquement des humains sur Mars. Quand les techniciens restés sur terre interrogent le cosmonaute pour savoir si la planète est habitée, l’homme répond tout d’abord par la négative, tout en mordant une pomme. Puis, comme il s’est aperçu que le fruit contient un ver, il rectifie : « Maintenant, si ! » en jetant le trognon au loin.

Et afin de montrer que cette éventualité d’infection de l’espace ne constitue pas seulement un hobby de romancier en mal de copie, citons Thomas Gold, un Anglais éminent qui n’a pas la réputation d’un rêveur quand il écrit : « La Terre a peut-être reçu la visite, dans des temps reculés, d’explorateurs très évolués venus de notre galaxie, qui ont pu laisser derrière eux quelques-uns de leurs microbes (2)... » Et le docteur A.P. Wilska, de l’université de l’Arizona, craint une gigantesque fermentation qui pourrait altérer profondément la biosphère de l’astre visité, si celle-ci est hydrique et carbonique.

Remarquons incidemment que, durant tout le Moyen Age, les alchimistes européens ont cherché à créer la Vie à l’aide de cultures de salive. Les coïncidences à apparences spécieuses cachent souvent des vérités.

Ces idées nous amènent à signaler la théorie cosmobiologique proposée en 1973 par F. Crick et L. Orgel, sous le nom de panspermie dirigée et qui est une vue actualisée de la panspermie émise par le Suédois Svante Arrhénius à la fin du siècle dernier, puis reprise par Schultz en 1929. Selon ce dernier, des embryons ou « biogènes », flottant librement dans l’espace, « seraient arrivés sur la Terre par l’effet du rayonnement cosmique et auraient provoqué une sorte d’ensemencement du globe   (3) ». Crick et Orgel pensent, quant à eux, que la Vie a très bien pu « être amenée sur notre globe dans un vaisseau spatial par une civilisation plus avancée »...

Quand les dieux s’ennuient, ils pleurent aussi, comme si le « mal de la Terre » les tourmentait. C’est ainsi que Atoum-Rê, à Héliopolis, était dit avoir fait jaillir de ses yeux un flot de larmes dont étaient nés les hommes. Mais il s’agit là, très certainement, d’un jeu de mots, car « larmes » et « hommes » assonnent ensemble en égyptien.

Le pays de Caucase a enfanté une tradition dont la similitude avec le mythe égyptien ne souffre pas le démenti ; cette légende conte ceci :

« Au commencement, le monde était couvert d’eau. Le grand dieu créateur demeurait alors à l’intérieur d’un rocher. Sortant un jour de sa demeure, il se jeta dans l’eau glacée. Sous cette impression pénible, deux larmes se détachèrent de ses yeux, d’où naquirent promptement les deux archanges Michael et Gabriel. »

Alfred de Vigny a composé un poème admirable sur ce thème.

Quand les dieux s’ennuient, ils peuvent aussi se livrer sans vergogne à un geste plus grossier, tel Gâyômart, l’homme-dieu perse, dont la semence, après quarante ans, donna le premier couple humain : Machya et Machyoî. Y eut-il parthénogenèse ? Dans le livre III, nous nous étendrons longuement sur les modes de reproduction asexuels appliqués à l’homme, dont la naissance virginale fait évidemment partie.

Pour l’instant, portons notre attention sur les mythes qui nous inclinent à voir l’homme comme « pollution théogonique » !

L’homme excrément

Tenir pour recevable que l’homme pourrait être né de la déjection divine ne laisse pas d’étonner, reconnaissons-le. Pourtant, il existe de par le monde des mythes multiples qui soutiennent positivement pareille assertion. Pour n’en citer qu’un, parlons de cette légende des Narrinyeri de la baie de la Rencontre en Australie du Sud. Selon cette source, le créateur des premiers hommes les aurait modelés avec des excréments, puis, les chatouillant, il leur aurait donné la vie tout en les faisant rire.

Avicenne (980-1037) va jusqu’à supposer que de nouvelles races d’humains ont été engendrées par les cadavres qu’abandonnent les eaux.

En accord avec une abondante littérature, c’est à partir de la sueur divine que l’être humain a vu le jour. La Chronique primaire russe renchérit dans cette direction : « En l’an de grâce 1071, parurent près du lac Bjeloje (dans le gouvernement de Novgorod) certains magiciens contant ceci : Ayant pris un bain (évidemment du type russe) et s’étant mis en sueur, Dieu s’essuya avec de la paille qu’il jeta ensuite par terre. Puis s’éleva une querelle entre Dieu et le Diable sur la question de savoir lequel des deux allait crér l’homme de cette paille. On finit par tomber d’accord que le Diable créerait l’homme, mais que Dieu lui donnerait l’âme immortelle. Voilà pourquoi, à la mort de l’homme, le corps s’en va sous terre, tandis que l’âme s’envole au ciel (4) »

De même à propos de la vache scandinave Audumbla, elle avait pour compagnon le géant Ymir. « Il lui arriva une fois pendant le sommeil d’être tout baigné de sueur ; sous son bras gauche naquirent alors un homme et une femme. » Et il n’est que d’évoquer le Rê égyptien pour confirmer cette vue persistante de la genèse de la transpiration.

Le sang divin semble aussi avoir amassé les suffrages dans l’hypothèse d’une création « hémorragique ». Mardouk profite de la coagulation de son sang pour former l’espèce humaine. A Mindanao, aux îles Marshall, à Samoa et aux îles Chatham, il se colporte une croyance singulière voulant voir un caillot de sang à la base de toute l’humanité. Faut-il voir un prolongement de ce mythe dans la théorie étrange de la reproduction qu’avait conçue Erasme Darwin, arrière-grand-père de celui qui a immortalisé son nom ? Il pensait que tous les êtres vivants « se forment en partant d’un simple filament organique sécrété du sang paternel ».

Une variante égyptienne décrit Rê s’amputant volontairement de son sexe et créant les hommes avec les gouttes de sang coulant de la blessure. Mais n’est-ce pas plutôt là le symbole d’une race supérieure qui, cessant de procréer une lignée pure d’élite, voit sa descendance dégénérer au rang d’humanoïdes ? La théorie des mutations ne s’oppose nullement à un tel processus. Quant à la naissance de Rê lui-même, elle garde tout son mystère. Le « Chant des dieux primitifs » de la cosmologie égyptienne dit textuellement : « Il n’a pas de père, c’est son propre phallus qui l’a engendré ; il n’a pas de mère, c’est de sa propre graine qu’il est issu, le père des pères, la mère des mères. »

 

Mais la thèse créationniste continue-t-elle à avoir des partisans ? Nous allons voir que oui...

Généticiens contre « genèsistes »

Bernard Dixon, éditeur de la célèbre revue britannique New Scientist, écrivait en 1968 : « Il n’est personne d’intelligent de nos jours pour croire à un dieu créateur ! » A n’en point douter, sa notion de l’intelligence est toute différente de celle que l’on prône outre-Atlantique, comme le montrera ce qui suit ! Mais revenons un peu en arrière.

L’œuvre de Darwin avait porté un coup si rude aux théories dites idéalistes, il y a un siècle environ, qu’on eût pu penser que c’en était fini de ces thèses surannées. Karl Vogt, naturaliste allemand, avait sonné l’hallali par ces mots : « Il n’est pas douteux que le darwinisme ne congédie le créateur personnel et ne laisse pas la moindre place à un pareil être dans l’apparition des espèces. » Or, c’était bien mal connaître l’entêtement des « genèsistes », dont le docteur C. James, contemporain de Claude Bernard, ne fut certes pas le moins obstiné. En effet, dans L’Homme de la Genèse comparé à l’homme-singe, il objecte : « En refusant d’attribuer à Dieu la création des premiers êtres organisés, on n’échappe ni aux miracles ni aux mystères ; on substitue simplement à ceux de la Genèse, qui ont au moins pour eux la logique des faits, les mystères erronés et les miracles impossibles des cosmogonies athées. »

Aujourd’hui, la logique a cédé le pas à la vérité scientifique, étayée par les observations macro- et microscopiques. C’est ainsi que de nombreux non-sens ont été relevés dans la doctrine transformiste de Darwin. Parmi les plus flagrants, citons l’hérédité des caractères acquis. Tout cela sans pour autant accréditer l’authenticité des Saintes Ecritures ! Et même si Francis Crick, l’un des grands promoteurs de la biologie moléculaire, préfaçait, en 1966, son livre : Of Molecules and Man, par cette réflexion de Salvador Dali : « Suite à l’annonce de Watson et Crick sur le DNA, je pense que c’est là la preuve véritable de l’existence de Dieu », il ne fallait y voir qu’une des mille manifestations de l’humour incorrigible du coauteur de « La double hélice ».

Il est tout de même surprenant d’apprendre que certains biologistes, tels T. Ohta et M. Kimura, de l’institut national de génétique du Japon (Mishima), se posent en adversaires du darwinisme auquel ils refusent les « pouvoirs célestes » pour expliquer la sélection naturelle (ils les qualifient de pan-sélectionnisme puéril) et lui substituent la « pression mutatrice ». Dans cette optique, ils deviennent les plus dangereux anticréationnistes qu’ils soient, en déboutant le darwinisme, comble sensationnel en l’occurrence !

Est-ce à dire que la biologie moderne, appuyée par sa consœur, la génétique, ont proscrit tout recours aux traditions quand il s’agit d’envisager l’apparition de l’homme sur notre globe ? Que non ! Et pour le prouver, signalons l’importante controverse religio-scientifique qui a agité les milieux pédagogiques californiens, à la fin de 1972. Il faut remonter au grand débat de l’évêque Wilberforce et T.E. Huxley pour en déceler le prélude.

Cette fois encore, l’attaque avait été portée par un ecclésiastique, le Révérend David A. Hubbard, président du Collège évangélique et théologal de Pasadena et membre du ministère de l’Education de Californie. Il se plaignait amèrement que la place impartie aux vues bibliques sur la Création fût disproportionnée à celle réservée à la théorie évolutionniste dans les manuels scolaires. Et quand on sait que la Californie produit 10 % des livres d’école des Etats-Unis, il est facile de voir que la portée de l’objection débordait largement le littoral du Pacifique.

Le physicien John R. Ford, qui, depuis 1969, mène une campagne active pour la cause créationniste prônée par la Genèse, sous le couvert d’une association intitulée : Creation Research Society (5), exprimait alors sa revendication en ces termes : « On n’enseigne seulement aux élèves la thèse suivant laquelle l’univers, la vie et l’homme ne sont que de simples accidents fortuits, fruits du hasard. Il est temps qu’une part égale soit faite à l’hypothèse que tout cela a été créé sciemment et raisonnablement ! »

C’est en fait cette proposition d’équité entre enseignement dogmatique et démonstration scientifique qui fut soumise à l’approbation du ministère en décembre 1972.

La riposte ne se fit pas attendre : Dix-neuf prix Nobel californiens, parmi lesquels Willard Libby et Linus Pauling, rédigèrent un pamphlet de protestation où ils dénonçaient que la théorie de la création n’a aucun fondement scientifique et doit être bannie des lectures scolaires « parce qu’elle ne donne pas une explication satisfaisante des phénomènes biologiques ».

Devant ce tollé si prestigieux, on pourrait penser que la science a eu gain de cause. A première vue, il semble que oui ! Début janvier 1973, le ministère rejeta par six voix contre trois ladite proposition. Au vrai, ce refus avait tous les caractères d’un compromis. Jugez-en plutôt ! Certes, il ne serait pas fait mention de la thèse fondamentaliste dans les manuels scolaires élémentaires, où l’on pourra lire en substance que la vie a, non pas débuté en milieu marin, mais qu’un certain nombre de savants pensent ainsi. Nuance ! En revanche, la création biblique devrait figurer dans tous les ouvrages de « science sociale ». Et dans ceux-ci sont classés les livres d’histoire, de géographie, d’économie, de philosophie et d’anthropologie...

Dans cette opération, les principes génésiaques ont gagné du terrain, c’est évident ! La démarche du Révérend Hubbard n’a pas été vaine. A telle enseigne, que l’Etat du Tennessee a provoqué un rebondissement de l’affaire, lorsque, début 1974, 28 sénateurs et 54 représentants ont voté pour une loi similaire à celle réclamée par les créationnistes californiens. Seulement un sénateur et 15 représentants ont osé se prononcer en faveur du néo-darwinisme !

Le dossier, très certainement, n’est pas clos et il faut s’attendre à de nouvelles actions prochainement. De quoi, en tout cas, justifier la rédaction de la première partie de ce livre... que nous allons clore par deux néo-mythologies qui tentent, à leur manière, de nous faire croire que l’homme vient du cosmos.

Les Porteurs de vie d’Urantia

Deux mille pages grand format. Les auteurs : 48 personnalités « non humaines ». Les transcripteurs : un comité de douze membres « humains » désireux de garder l’anonymat. Un manuscrit conservé pendant plus de dix ans dans un coffre de la chambre forte d’une banque de Chicago et qui se corrigeait tout seul. Et, en 1935, le comité, obéissant à quelque autorisation secrète, se met à dactylographier toute cette collection de notes griffonnées. Mais vingt ans seront encore requis avant que ne soit donné le feu vert pour la publication.

Ainsi naquirent The Urantia Papers, la Bible du XXe siècle, qu’un ancien polytechnicien, Jacques Weiss, traduisit un an plus tard en français sous le titre : La Cosmogonie d’Urantia (Urantia est le nom cosmique de la planète Terre !).

Ecoutons ce qu’en pense Paul Misraki : « Cette cosmogonie décrit les innombrables catégories d’êtres qui fourmillent dans l’Univers, leur classement hiérarchique, leurs attributions, leurs spécialisations et, en même temps, leurs dissensions. Des vues vertigineuses sur l’Univers des univers, sur les rapports entre l’Espace et le Temps, sur les divers niveaux d’énergie et d’intelligence sur les missions respectives des “ Personnalités de l’espace infini enfin sur l’histoire inconnue de notre propre- planète et de ses habitants y sont prodigués avec une générosité peu commune. »

Pour notre part, nous n’en retiendrons que les aspects qui nous concernent, c’est-à-dire l’apparition de la Vie et la naissance de l’Homme. « Il y a 900 millions d’années, nous rapporte un Porteur de vie, membre du Corps originel d’Urantia et maintenant observateur résident, on vit arriver le premier groupe d’explorateurs de Satania, envoyés de Jérusem pour examiner la planète Terre et faire une relation sur ses possibilités d’adaptation comme station expérimentale de vie. » Cette commission comprenait vingt-quatre participants et comptait des Porteurs de vie, des Fils Lanonandeks, des Melchizédeks, des séraphins et d’autres ordres de la vie céleste s’occupant de l’organisation et de l’administration initiale des planètes.

« Après une étude soigneuse de la planète, la commission revint à Jérusem et fit au souverain du système un rapport favorable, recommandant d’inscrire Urantia sur le registre d’expérience de la vie. (...) Bientôt après, des télédiffusions de Nébadon transmirent la nouvelle qu’Urantia deviendrait le cadre où les Porteurs de vie exécuteraient dans Satania leur soixantième expérience conçue pour amplifier et améliorer le type satanien des archétypes de vie de Nébadon.

« Les Porteurs de vie de Satania avaient projeté un archétype de vie au chlorure de sodium (...). En coopération avec des puissances spirituelles et avec des forces hyperphysiques, nous organisâmes et inaugurâmes les archétypes originels de la vie de ce monde, et nous les implantâmes dans les eaux hospitalières du royaume. » Cela se passait il y a 550 millions d’années. Cent millions d’années plus tard, « la transition de la vie végétale à la vie animale se produisit ». « On peut suivre à la trace l’évolution de la vie végétale à la vie animale, (...) par contre, vous ne pourrez pas trouver de traits d’union semblables entre les grandes divisions du règne animal, ni entre les types les plus évolués d’animaux préhumains et les hommes de l’aurore des races humaines. » Ces fameux « chaînons manquants » manqueront toujours, « pour la simple raison qu’ils n’ont jamais existé ».

« Les mammifères précurseurs de l’homme apparurent soudainement. Ces petits animaux marchaient principalement sur leurs pattes de derrière ; ils possédaient un gros cerveau proportionnellement à leur taille et comparativement au cerveau des autres animaux. Dans la 70e génération de cet ordre de vie, un groupe nouveau et supérieur d’animaux se différencia soudain : les Primates.

« La naissance des deux premiers êtres humains se situe exactement 993 419 ans avant l’année 1934 de l’ère chrétienne », mais ce n’étaient point Adam et Eve, qui eux n’arrivèrent sur Terre que 955 571 ans plus tard. Ces deux derniers, télé-matérialisés depuis Jérusem, laissaient derrière eux cent descendants. Ils étaient âgés de 15 000 ans et mesuraient deux mètres cinquante. Ils avaient été choisis pour faire fonction d’ « élévateurs biologistes et raciaux » et le « foyer-jardin » d’Eden, implanté sur la péninsule méditerranéenne, était là pour les recevoir. « L’histoire de la création d’Urantia en six jours fut basée sur la tradition qu’Adam et Eve avaient passé six jours à leur examen du jardin » (relaté par Solonia, la voix séraphique dans le Jardin).

Mais revenons à nos deux premiers hommes les jumeaux. Ils firent bientôt bande à part vis-à-vis de leurs frères primates. La pensée humaine évolua suivant la gradation, intuition, compréhension, courage, connaissance, conseil, culte et enfin sagesse. C’est alors que sur Jérusem le message dicté par le chef du corps des archanges fut diffusé :

« Aux Porteurs de vie sur Urantia — Salut ! Nous transmettons l’assurance qu’il y eut une grande joie sur Salvington, Edentia et Jérusem quand le signal de l’existence sur Urantia d’une pensée ayant la dignité volitive fut enregistré au quartier général de Nébadon. La décision concertée des jumeaux de fuir vers le nord et de séparer leur descendance de leurs ancêtres inférieurs a été remarquée. C’est la première décision mentale — par des penseurs du type humain — sur Urantia, et elle établit automatiquement le circuit de communication sur lequel ce message initial de reconnaissance est transmis. »

Trois gros volumes écrits en ce « jargon interplanétaire » content ainsi l’histoire d’Urantia, monde n° 606 du système de Satania et l’avènement de ses autochtones, nous en l’occurrence, instruits et amendés par un pool spirituel dont il n’est pas précisé l’origine. Ce « monument », exemple type de ce que nous entendons par « néo-mythologie », est un préliminaire de choix à la dernière de celles-ci que nous irons quérir au Brésil, auprès de Chico Xavier, le Kardec moderne.

L’homme, incarnation extra-terrestre

Obtenir des renseignements sur le plus prodigieux des médiums contemporains n’est pas une mince affaire, surtout quand l’occasion de s’en approcher excède les six mille kilomètres. Même les moyens mis à notre disposition par notre éditeur français ont été vains. Finalement, c’est à notre ami Hernani Guimaräes Andrade, président de l’IBPP (Instituto Brasileiro de Pesquisas Psicobiofisicas) de Sâo Paulo, que nous devons ces précieuses indications ainsi que les traductions des extraits du livre de Xavier, rapportés ci-dessous. Nous lui témoignons ici notre plus profonde gratitude ainsi que notre fidèle amitié.

Francisco Candido Xavier est né le 2 avril 1910 à Pedro Leopoldo (Minas Gerais). A treize ans, il termine son école primaire et arrête là ses études. Il commence alors à travailler pour gagner sa vie et occupe successivement les postes de manœuvre dans une usine de textiles, puis d’employé de commerce et enfin de commis épicier.

Le 8 juillet 1927, il a alors dix-sept ans, il reçoit son premier message psychographique se référant à l’Evangile et signé par un « esprit ami ». En 1928, ses premières communications commencent à être dévoilées dans la presse à Rio de Janeiro. Le 13 décembre 1947, le journal Psychic News de Londres publie un grand article sur les activités médiumniques de Chico Xavier comme on l’appelle maintenant. Son œuvre compte déjà trente et un ouvrages dont cinq semblent lui avoir été dictés par l’esprit de Humberto de Campos, célèbre critique littéraire décédé en 1937. Les amis de ce dernier reconnaissent dans ces écrits « le désir de rendre un son austère et le ton légèrement pontifiant » dont usait de Campos de son vivant. Si bien que l’affaire prend un tour surprenant lorsque la famille de De Campos attaque le médium en justice, revendiquant des droits d’auteur sur des œuvres qui ont été écrites après la mort de ce dernier. C’est, à notre connaissance, un précédent hors du commun.

Mais Xavier continue à se dire habité d’esprits défunts illustres : Guerra Junquiero, Antero Tarquinio de Quental, Augusto dos Anjos, Castros Alves, André Luiz, Mme de Staël et Victor Hugo, mais aussi de noms anonymes tels que Emmanuel, un tribun de la Rome antique, A.C., R.S., J.C., etc. Il écrit une moyenne de cinq ouvrages par an, si bien qu’il a tôt fait d’atteindre à la célébrité. En 1965, il passe à la télévision Uberlândia, et le 1er août 1969, à cinquante-neuf ans, Chico Xavier complétait une série de cent titres publiés, dont 298 éditions nationales et 19 en langues étrangères, soit un total de 2 301 000 volumes vendus ! Actuellement, il en est à son 129e livre avec une moyenne de 350 000 exemplaires vendus par an.

     Nous nous bornerons au récit intitulé A Caminho da Luz (Sur le chemin de la lumière) où Emmanuel « éclaire le mythe d’Adam » en prétendant que le peuplement humain de la Terre s’est produit consécutivement à « l’incarnation massive d’esprits en provenance d’une planète plus évoluée » au moment de l’âge de pierre. Il s’agissait en fait d’un « exil » pour ces âmes qui « s’étaient rebellées contre les lois morales fixées d’en haut ». Certaines d’entre elles, ayant expié leur faute, seraient retournées dans leur pays d’origine (6) »

Mais entrons un peu dans le détail.

« Le protoplasme fut l’embryon de toutes les organisations du globe terrestre et, si cette matière, sans forme définie, couvrait la croûte solidifiée de la planète, bientôt la condensation de la niasse originelle provoqua l’apparition du noyau, initiant ainsi les premières manifestations des êtres vivants.

« A une époque ultérieure, les artistes de la Création inaugurent de nouvelles périodes évolutives au plan des formes. La Nature se transforme en grand laboratoire d’essais monstrueux (...). La preuve de l’intervention des forces spirituelles (comprenez les extra-terrestres), dans ce vaste champ d’opérations, est la suivante : alors que le scorpion, ancêtre des crustacés marins, conserve jusqu’à nos jours, de manière générale, la forme primitive, les animaux monstrueux des époques lointaines qui lui furent postérieurs ont disparu pour toujours de la faune terrestre. Les musées du monde exposent les restes intéressants de leurs formes tourmentées.

« Mais notre raisonnement anxieux cherche les ancêtres légitimes des créatures humaines, dans cette immensité du proscénium de l’évolution animique.

« Où se trouvent Adam et sa chute du Paradis ? En vain, nos yeux scrutent, affligés, ces figures légendaires, dans le but de les localiser dans l’espace et dans le temps. Comprenons, finalement, qu’Adam et Eve constituent un souvenir des Esprits déportés dans le paysage obscur de la Terre, comme Caïn et Abel sont deux symboles pour la personnalité des créatures. »

Puis survint la « Grande Transition ».

« Des expériences extraordinaires furent réalisées par les Messagers de l’Invisible. (...) Les siècles s’écoulèrent et ces créatures aux bras allongés et aux poils touffus (les Primates) virent couler sur leurs fronts de pénibles tentatives jusqu’au jour où les armes de l’Invisible opérèrent un changement définitif sur le corps péri-spirituel préexistant des hommes primitifs, dans les régions sidérales et selon le rythme de leurs réincarnations.

« Les premiers sauvages de complexion améliorée surgissent avec une tendance à l’élégance des temps à venir. Une transformation viscérale s’opéra dans la structure des aïeux des races humaines. »

Mais d’où étaient donc originaires ces Esprits ?

« Une grande étoile, dans la Constellation du Cocher (et qui reçut sur la Terre le nom de Chèvre ou de Chapelle), située à quarante-deux années lumière de notre Soleil, voyageait dans sa trajectoire à travers l’Infini, chantant les gloires divines de l’Illimité.

« Presque tous les mondes qui en étaient dépendants s’étaient déjà purifiés, physiquement autant que moralement. Or, il y a des milliers d’années, un des orbes de Chapelle, qui a beaucoup d’affinité avec le globe terrestre, atteignit le point le plus haut d’un de ses extraordinaires cycles évolutifs. Quelques millions d’esprits rebelles se trouvaient là, mettant en péril la stabilité acquise par les conquêtes de ces peuples épris de piété et de vertus.

« Les grandes communautés spirituelles, directrices du Cosmos, décidèrent alors d’expulser ces entités qui s’obstinaient au crime sur la Terre lointaine où elles apprendraient à faire, dans la douleur et les travaux pénibles de leur environnement, les grandes conquêtes du cœur tout en poussant au progrès leurs frères inférieurs.

« Ces êtres désolés et angoissés, qui laissaient derrière eux tout un monde d’affection, malgré leurs sentiments endurcis dans la pratique du mal, ont été déportés sur la planète Terre ; ils ont colporté dans la nuit des siècles leur fardeau de nostalgie et d’amertume. Ils se sont réincarnés au sein des races ignorantes et primitives et rêvaient encore du paradis perdu dans les confins du firmament.

« La Nature était encore, pour ces travailleurs de la spiritualité, un vaste champ d’expérience infinie ; tant et si bien que, si les observations du mendélisme étaient transférées à ces milliers d’années de distance, on ne trouverait aucune équation définitive dans les études de la biologie. La génétique moderne ne pourrait fixer aujourd’hui les expressions des « gènes » parce que, dans le laboratoire des forces invisibles, les cellules souffraient encore de longs processus de purification ; on leur imprimait des éléments d’astralité tout en consolidant leurs expressions finales pour les organisations de l’avenir.

« Ces âmes affligées et tourmentées réincarnaient, proportionnelle-ment, dans les régions les plus importantes, où s’étaient réunies les tribus et les familles primitives, descendantes des « primates » Avec leur réincarnation sur le monde terrestre s’établissaient les facteurs définitifs dans l’histoire ethnologique des êtres. Avec ces entités naissaient les ascendants des races blanches.

« Ils s’établirent, dans leur majorité, en Asie, d’où ils traversèrent l’isthme de Suez pour l’Afrique, dans la région de l’Egypte, s’acheminant également vers la lointaine Atlantide dont plusieurs régions d’Amérique ont des vestiges marquants.

« Malgré les leçons reçues de la douce et sage parole du Christ, les hommes blancs oublièrent leurs engagements sacrés. Un grand pourcentage de ces esprits rebelles, avec beaucoup d’exceptions, ne purent retourner au pays de la Lumière et de la Vérité qu’après plusieurs siècles de souffrances expiatoires ; d’autres, malheureux et rétrogrades, sont encore de nos jours sur la Terre, contrariant la règle générale, en gage du passif élevé de leur faute originelle. »

Ainsi s’exprimait Emmanuel par la bouche de Francisco Candido Xavier en 1939. Ainsi se termine notre incursion dans ces textes mystérieux que constituent les néo-mythologies.

                                                                                                                

1/ Cité par S. SAUNERON et J. YOYOTE, La Naissance du Monde selon l’Egypte ancienne. Ed. du Seuil.

2/ Rapporté par P. SNEATH, Les Planètes et la Vie, Ed. Groupe Express, 1970.

3/ Régis JOLIVET, Logique-Cosmologie, Traité de Philosophie, Emmanuel Vitte éditeur, Paris, 1962.

4/ Cité par A.H. KRAPPE.

5/ Société fondée en 1963 par le docteur Walter E. Lammert, cultivateur fameux de roses primées et ancien professeur d’horticulture à l’université de Californie.

6/ Pedro MCGREGOR, La Lune et les deux montagnes, Albin Michel, Paris, 1971.

 

 

 

 

samedi 10 décembre 2022

 

L’homme qui s’est pris pour un chat pendant 13 ans !

 

Dernièrement, le fils d’un ami, bien élevé et à l’esprit ouvert, m’a demandé : un mythe, qu’est-ce que c’est ? Bonne question, s’il en est. Pas facile d’y répondre en tout cas si l’on s’en tient au dictionnaire qui parle de construction de l’esprit, de représentation symbolique et de récit populaire. Ma seule certitude en la matière est que, dans tous les mythes, il y a un fond de réalité, de vérité. Et que tous les mythes reposent sur des faits, même s’il est parfois difficile de déterminer exactement lesquels.

 C’est le cas notamment de la légende des loups-garous, ou lycanthropie, qui va nous occuper aujourd’hui. Longtemps elle a paru si fantastique qu’on la refoulée dans le domaine de la sorcellerie : le folklore affirme que les sorcières peuvent se transformer en chiens, (on parle alors de cynanthropie), en chats ou en lapins…, alors pourquoi pas en loups ? Puis, sous l’influence de la psychose démoniaque, on l’a diabolisée en ce sens qu’elle s’est trouvée amalgamée avec les déviations sataniques dignes de la plus grande répression car sources d’atrocités. Il est probable qu’un certain nombre de malades ont dû faire, de la sorte, les frais du remède le plus radical qui soit : le bûcher ! Car si on  soupçonne depuis longtemps que la lycanthropie est « une espèce de maladie mentale » (Littré de 1960), dont les premières descriptions datent de l’Antiquité (voir les livres du spécialiste Roland Villeneuve), on sait aujourd’hui que ce trouble de s’imaginer changé en loup, ou en un autre animal, a bien une base pathologique ; c’est un trouble psychique rare (on le dirait même héréditaire !) qui fait que certains sujets atteints se croient littéralement métamorphosés et adoptent les mœurs et coutume de la bête qu’ils s’imaginent être. Les exemples récents sont légions, voyons en quelques uns : en 1977, une Américaine du Texas, après avoir fait l’amour avec son mari, se mit brusquement à grogner et à aboyer. L’homme téléphona à un médecin qui mit la malade sous observation psychiatrique. Aussitôt, elle avoua que, depuis des années, elle était une femme le jour et un loup la nuit !

 A Boston, en 1988, on découvrit qu’un homme de 24 ans se prenait depuis 13 ans pour un chat ! Ce « catanthrope » (?) disait que la gent féline lui avait appris à miauler et à se faire comprendre de toute l’espèce et il passait toutes les nuits à chasser la souris, à rechercher la compagnie des chattes du quartier avec lesquelles il n’hésitait pas à s’accoupler. Son lieu de prédilection nocturne était le zoo, devant les cages des félins heureusement hermétiquement closes car on aurait pu craindre le pire.

 En 12 ans, l’hôpital McLean, de Boston, aurait enregistré 12 victimes de lycanthropie. Un autre cas parle d’un homme qui, se prenant pour un lapin, dormait chaque nuit sous son lit !

En 2002, un Californien, aurait même eu recours à la chirurgie plastique pour rendre son visage plus ressemblant avec celui d’un chat. Un exutoire actuel pour ceux qui ont tendance à de telles dissociations vers l’animal pourrait même être trouvé dans la mode récente de certains tatouages d’animaux sur la peau !

 Aujourd’hui, les malades de ce type sont soignés grâce aux médicaments destinés aux maniaco-dépressifs ou aux schizophrènes ; c’est quand même plus enviable que les flammes, même si ce n’est pas toujours la panacée.

 S’il semble bien qu’initialement le trouble mental a provoqué le mythe, on peut maintenant se demander si l’inverse n’est pas vrai dans le cadre de la culture moderne. En effet, la littérature, le cinéma, la télévision, ont tellement bien exploité et enjolivé la thématique de la lycanthropie que ses représentations se superposent maintenant à une réalité beaucoup moins attirante. Du fameux roman de R. L. Stevenson : « L’étrange cas de Dr Jekyll et Mr Hyde » à la poésie de Jean Ray, dans « Malpertuis », le sujet de la métamorphose animale tient une place de choix dans la littérature fantastique de l’imaginaire. Les effets spéciaux du cinéma et de la télévision ont permis de visualiser la transformation physique de façon si réaliste que les films d’horreur à la  « Wolfen » ou autres ont récolté de beaux succès. Ainsi se situent les mythes,  naviguant entre la fantaisie et le triste pragmatisme des choses  et souvent par des allers et retours ; c’est bien ce qui les rend si fascinants même si, derrière eux, se sont joués des drames innombrables très douloureux. Comme lors de la fameuse vague du 16ème siècle, où une épidémie de lycanthropie, difficile à expliquer sinon par la théorie de l’hallucination collective, constitue un navrant épisode du mauvais traitement mis en œuvre pour éradiquer une des manifestations de la folie humaine.

 

Illustration : Le loup-garou tel que représenté par Lucas Cranach. 


Publié dans DIMANCHE S. & L, 5 mai 2005.

mercredi 23 novembre 2022

 

Le Grand Dieu Martien du Tassili


Par Michel GRANGER

Publié dans DIMANCHE Saône & Loire du 26 novembre 2006


Personne aujourd’hui ne se hasarderait à qualifier de « Grand Dieu Martien » cette peinture néolithique rupestre découverte, en 1938, par le Colonel Brenans et son guide touareg Djébrine, à Jabbaren sur le plateau du Tassili, Sahara algérien.

Photo extraite du livre de H. Lhote.

C’est pourtant ce que fit, en 1956, l’explorateur et ethnologue français, élève de l’abbé Breuil, Henri Lhote (1903-1991), qui devint plus tard maître de recherche au CNRS et appointé au Musée de l’Homme à Paris.

Ce dessin sur la paroi d’un rocher fait partie d’une collection de 5000 représentations d’art préhistorique saharien répertoriées dans ce musée unique à ciel ouvert. Avec ses six mètres de haut, il est un des plus grands connus dans le monde ; « Jabbaren » en touareg signifie « géants » d’où la justification de l’appellation de « Grand Dieu », mais pourquoi diable « Martien » ?

Le terme aurait été inspiré par des BD de SF de l’époque !

Malgré le succès du livre de H. Lhote publié par Arthaud en 1958, il est probable que ce spécimen non figuratif (beaucoup d’autres sont plus réalistes montrant des animaux reconnaissables : hippopotames, mouflons, crocodiles, bovidés, chevaux…) de l’art pariétal serait resté une curiosité pour archéologues avertis. Mais voilà qu’en 1960 les tenants du réalisme fantastique L. Pauwels & J. Bergier s’en emparent (autre cliché reproduit ci-dessous) dans leur livre « Le Matin des Magiciens » pour émettre, je cite : « une hypothèse pour le bûcher » !

Celle selon laquelle, « les fresques découvertes dans la grotte de Tassili, au Sahara, représentent des personnages coiffés de casques » ; en clair, des visiteurs étrangers sur la Terre que les autochtones du Sahara (à l’époque où il n’y avait pas de désert) auraient tenté de représenter en tant que divinités nées du « culte du cargo ».

En l’occurrence, le « Martien » du Tassili semblait bien porter un scaphandre spatial, ce qui ne fut pas contesté alors que le mot grotte à la place d’ « abris profond » fut considéré comme « une erreur significative de la non lecture des travaux de Lhote ».

Quelle importance du moment que la tête du scaphandre semblait bien vissée sur les épaules du Martien !

Non contents de cette incartade, ces provocateurs vont même illustrer avec ce document un petit texte paru dans la revue « Planète » en 1962 (1) et intitulé : « Des cosmonautes dans l’Antiquité ? »

Du coup, le « Grand Dieu Martien du Tassili » devint une des preuves visuelles du fait que nos ancêtres de la préhistoire ont été visités par des ovnis desquels auraient même débarqué des pilotes qu’ils auraient pris pour des dieux !

S’ensuivit toute une littérature pseudo-scientifique à rendre jaloux, par ses tirages, les plus grands vulgarisateurs scientifiques. H. Lhote lui-même ne s’en offusqua pas qui aurait simplement regretté que sa désignation cocasse de masques et de costumes rituels eût permis de « tomber dans une fantaisie romantique » (1989).

Hélas, tous les ethno-anthropologues n’ont pas une telle ouverture d’esprit (la désignation de Martien, née d’une « simple plaisanterie d’explorateurs », constitue bien une des entrées du Dictionnaire de la Préhistoire de A. Leroi-Gourhan de 1988) et on a vu Jean-Loïc Le Quellec (2) parler de la légende sur « Les Martiens du Sahara ». Et d’invoquer pour expliquer trivialement ces «  têtes rondes » (dont certaines excroissances ont été prises pour des antennes !) : des personnages stylisés nés soit d’un délire imaginaire, soit de pratiques chamaniques, soit de visions dues à l’usage de stupéfiants !

Reste à se demander par quel prodige les visions oniriques des ancêtres des Touaregs, quelle qu’en soit la cause, ont pu ressembler à des humanoïdes descendus de soucoupes volantes dix siècles plus tard comme les BD de 1956 s’inspiraient des témoignages de la vague d’ovnis de 1954.

Mystère !

Notes et références

(1) Agrest, Matest (2), Des cosmonautes dans l’antiquité ?, PLANETE, n° 7, novembre décembre 1962.

Photo reproduite dans PLANETE à partir de la fresque ci-dessous, dite du « grand Dieu aux orantes », reproduite par H. Lhote dans son livre (3).

(2) Agrest, Matest (1915-2004). Voir Confession, Dr Matest Agrest (traduction de Michel Granger)) in LA GAZETTE FORTEENNE, Vol. II, 2003 (parution Janvier 2004).

(3) Lhote, Henri, A la découverte des fresques du Tassili, Arthaud, 1958.

(4) Directeur de Recherche au CNRS, UMR 5608 (« Art Préhistorique ») – Centre Émile Cartailhac (UTAH Toulouse) ; si vous voulez lire la charge de cet ethnologue contre ceux qu’il appelle les « archéomanes », vous pouvez vous procurer la revue OVNI-Présence n°51 (juin 1993) où se trouve son article en vous adressant à : cataloguemartien@free.fr.

Paru in DIMANCHE SAÔNE & LOIRE, 26 novembre 2006.

Dernière mise à jour : 22 août 2009.