Quand les dieux s’ennuient...
Extrait du
livre Des
sous-dieux au surhomme, Jacques Carles & Michel Granger, Editions Albin Michel, Collection
Les Chemins de l’Impossible, 1977, pages 46 à 62.
Quand
les dieux s’ennuient, ils bâillent comme tout un chacun ! Et si d’aventure le
démiurge laisse sa bouche béante, il en sort des créatures qui s’égaillent de
tous côtés. De nombreuses traditions abondent dans le sens d’une telle origine
de l’homme : la génération de la mélancolie !
Dieu
aurait créé l’homme dans un moment de désœuvrement, « pour passer le temps ».
Cette naissance n’a rien de glorieux et il doit s’y attacher une grande
humilité de la part de ceux qui donnent leur suffrage à un tel concept.
Le
créateur des Egyptiens manquait de la plus élémentaire éducation, et, faisant
montre d’une inconvenance caractérisée, il crachait alentour. C’est de cette
déjection que naquit le premier couple humain. « Atoum, tu as culminé sur la
butte, tu t’es élevé sous la forme du Phénix... Tu as jeté un crachat qui est
Shu, tu as lancé un jet de salive qui est Tefnou (1) »
L’on n’a
pas manqué de rapprocher ce mythe pour le moins honteux d’une idée à laquelle,
d’ailleurs, les auteurs de science-fiction ont fait largement appel. Elle
présume la propagation de la vie par contamination. Tout le monde connaît avec
quel soin les sondes envoyées sur d’autres planètes sont stérilisées avant leur
départ. Il suffit, pour s’en convaincre, de consulter le volumineux compte
rendu du Symposium international sur la stérilisation des
engins spatiaux, symposium organisé par le COSPAR (the international committee
for space research) à Londres en juillet 1967. Les Russes y participaient, ce
qui prouve bien que, pour les autorités des deux grandes puissances
principalement concernées, les impératifs contre les dangers d’une
bio-pollution de l’espace primaient sur la course à la Lune.
De même,
les précautions draconiennes, qui ont préludé à l’examen des échantillons
lunaires, n’ont échappé à personne. Le risque est réel, même si le fait
d’envisager que l’origine de la vie sur la Terre résulterait des bacilles qu’aurait
expectorés un visiteur extra-terrestre peut paraître hardie. Nous gardons en
mémoire une nouvelle savoureuse de l’écrivain américain Fredric Brown,
décrivant le premier débarquement des humains sur Mars. Quand les techniciens
restés sur terre interrogent le cosmonaute pour savoir si la planète est
habitée, l’homme répond tout d’abord par la négative, tout en mordant une
pomme. Puis, comme il s’est aperçu que le fruit contient un ver, il rectifie :
« Maintenant, si ! » en jetant le trognon au loin.
Et afin
de montrer que cette éventualité d’infection de l’espace ne constitue pas
seulement un hobby de romancier en mal de copie, citons Thomas Gold, un Anglais
éminent qui n’a pas la réputation d’un rêveur quand il écrit : « La Terre a peut-être reçu la
visite, dans des temps reculés, d’explorateurs très évolués venus de notre
galaxie, qui ont pu laisser derrière eux quelques-uns de leurs microbes (2)...
» Et le docteur A.P. Wilska, de l’université de l’Arizona, craint une
gigantesque fermentation qui pourrait altérer profondément la biosphère de
l’astre visité, si celle-ci est hydrique et carbonique.
Remarquons
incidemment que, durant tout le Moyen Age, les alchimistes européens ont
cherché à créer la Vie
à l’aide de cultures de salive. Les coïncidences à
apparences spécieuses cachent souvent des vérités.
Ces
idées nous amènent à signaler la théorie cosmobiologique proposée en 1973 par
F. Crick et L. Orgel, sous le nom de panspermie dirigée et qui est une vue
actualisée de la panspermie émise par le Suédois Svante Arrhénius à la fin du
siècle dernier, puis reprise par Schultz en 1929. Selon ce dernier, des
embryons ou « biogènes », flottant librement dans l’espace, « seraient arrivés
sur la Terre
par l’effet du rayonnement cosmique et auraient provoqué une sorte
d’ensemencement du globe (3) ». Crick
et Orgel pensent, quant à eux, que la
Vie a très bien pu « être amenée sur notre globe dans un
vaisseau spatial par une civilisation plus avancée »...
Quand
les dieux s’ennuient, ils pleurent aussi, comme si le « mal de la Terre » les tourmentait.
C’est ainsi que Atoum-Rê, à Héliopolis, était dit avoir fait jaillir de ses
yeux un flot de larmes dont étaient nés les hommes. Mais il s’agit là, très
certainement, d’un jeu de mots, car « larmes » et « hommes » assonnent ensemble
en égyptien.
Le pays
de Caucase a enfanté une tradition dont la similitude avec le mythe égyptien ne
souffre pas le démenti ; cette légende conte ceci :
« Au
commencement, le monde était couvert d’eau. Le grand dieu créateur demeurait
alors à l’intérieur d’un rocher. Sortant un jour de sa demeure, il se jeta dans
l’eau glacée. Sous cette impression pénible, deux larmes se détachèrent de ses
yeux, d’où naquirent promptement les deux archanges Michael et Gabriel. »
Alfred
de Vigny a composé un poème admirable sur ce thème.
Quand
les dieux s’ennuient, ils peuvent aussi se livrer sans vergogne à un geste plus
grossier, tel Gâyômart, l’homme-dieu perse, dont la
semence, après quarante ans, donna le premier couple humain : Machya et
Machyoî. Y eut-il parthénogenèse ? Dans le livre III, nous nous étendrons
longuement sur les modes de reproduction asexuels appliqués à l’homme, dont la
naissance virginale fait évidemment partie.
Pour
l’instant, portons notre attention sur les mythes qui nous inclinent à voir
l’homme comme « pollution théogonique » !
L’homme excrément
Tenir
pour recevable que l’homme pourrait être né de la déjection divine ne laisse
pas d’étonner, reconnaissons-le. Pourtant, il existe de par le monde des mythes
multiples qui soutiennent positivement pareille assertion. Pour n’en citer
qu’un, parlons de cette légende des Narrinyeri de la baie de la Rencontre en Australie
du Sud. Selon cette source, le créateur des premiers hommes les aurait modelés
avec des excréments, puis, les chatouillant, il leur aurait donné la vie tout
en les faisant rire.
Avicenne
(980-1037) va jusqu’à supposer que de nouvelles races d’humains ont été
engendrées par les cadavres qu’abandonnent les eaux.
En
accord avec une abondante littérature, c’est à partir de la sueur divine que
l’être humain a vu le jour. La
Chronique primaire russe renchérit dans cette direction : «
En l’an de grâce 1071, parurent près du lac Bjeloje (dans le gouvernement de
Novgorod) certains magiciens contant ceci : Ayant pris un bain (évidemment du
type russe) et s’étant mis en sueur, Dieu s’essuya avec de la paille qu’il jeta
ensuite par terre. Puis s’éleva une querelle entre Dieu et le Diable sur la
question de savoir lequel des deux allait crér l’homme de cette paille. On
finit par tomber d’accord que le Diable créerait l’homme,
mais que Dieu lui donnerait l’âme immortelle. Voilà pourquoi, à la mort de
l’homme, le corps s’en va sous terre, tandis que l’âme s’envole au ciel (4) »
De même
à propos de la vache scandinave Audumbla, elle avait pour compagnon le géant Ymir.
« Il lui arriva une fois pendant le sommeil d’être tout baigné de sueur ; sous
son bras gauche naquirent alors un homme et une femme. » Et il n’est que
d’évoquer le Rê égyptien pour confirmer cette vue persistante de la genèse de
la transpiration.
Le sang
divin semble aussi avoir amassé les suffrages dans l’hypothèse d’une création «
hémorragique ». Mardouk profite de la coagulation de son sang pour former
l’espèce humaine. A Mindanao, aux îles Marshall, à Samoa et aux îles Chatham,
il se colporte une croyance singulière voulant voir un caillot de sang à la
base de toute l’humanité. Faut-il voir un prolongement de ce mythe dans la
théorie étrange de la reproduction qu’avait conçue Erasme Darwin,
arrière-grand-père de celui qui a immortalisé son nom ? Il pensait que tous les
êtres vivants « se forment en partant d’un simple filament organique sécrété du
sang paternel ».
Une
variante égyptienne décrit Rê s’amputant volontairement de son sexe et créant
les hommes avec les gouttes de sang coulant de la blessure. Mais n’est-ce pas
plutôt là le symbole d’une race supérieure qui, cessant de procréer une lignée
pure d’élite, voit sa descendance dégénérer au rang d’humanoïdes ? La théorie
des mutations ne s’oppose nullement à un tel processus. Quant à la naissance de
Rê lui-même, elle garde tout son mystère. Le « Chant des dieux primitifs » de
la cosmologie égyptienne dit textuellement : « Il n’a pas de père, c’est son
propre phallus qui l’a engendré ; il n’a pas de mère, c’est de sa propre graine
qu’il est issu, le père des pères, la mère des mères. »
Mais la
thèse créationniste continue-t-elle à avoir des partisans ? Nous allons voir
que oui...
Généticiens contre «
genèsistes »
Bernard
Dixon, éditeur de la célèbre revue britannique New Scientist, écrivait en 1968
: « Il n’est personne d’intelligent de nos jours pour croire à un dieu créateur
! » A n’en point douter, sa notion de l’intelligence est toute différente de
celle que l’on prône outre-Atlantique, comme le montrera ce qui suit ! Mais
revenons un peu en arrière.
L’œuvre
de Darwin avait porté un coup si rude aux théories dites idéalistes, il y a un
siècle environ, qu’on eût pu penser que c’en était fini de ces thèses
surannées. Karl Vogt, naturaliste allemand, avait sonné l’hallali par ces mots
: « Il n’est pas douteux que le darwinisme ne congédie le créateur personnel et
ne laisse pas la moindre place à un pareil être dans l’apparition des espèces.
» Or, c’était bien mal connaître l’entêtement des « genèsistes », dont le
docteur C. James, contemporain de Claude Bernard, ne fut certes pas le moins
obstiné. En effet, dans L’Homme de la Genèse
comparé à l’homme-singe, il objecte : « En refusant d’attribuer à
Dieu la création des premiers êtres organisés, on n’échappe ni aux miracles ni
aux mystères ; on substitue simplement à ceux de la Genèse, qui ont au moins
pour eux la logique des faits, les mystères erronés et les miracles impossibles
des cosmogonies athées. »
Aujourd’hui,
la logique a cédé le pas à la vérité scientifique, étayée par les observations
macro- et microscopiques. C’est ainsi que de nombreux non-sens ont été relevés
dans la doctrine transformiste de Darwin. Parmi les plus flagrants, citons
l’hérédité des caractères acquis. Tout cela sans pour autant accréditer
l’authenticité des Saintes Ecritures ! Et même si Francis Crick, l’un des
grands promoteurs de la biologie moléculaire, préfaçait,
en 1966, son livre : Of
Molecules and Man, par cette réflexion de Salvador Dali : « Suite
à l’annonce de Watson et Crick sur le DNA, je pense que c’est là la preuve
véritable de l’existence de Dieu », il ne fallait y voir qu’une des mille
manifestations de l’humour incorrigible du coauteur de « La double hélice ».
Il est
tout de même surprenant d’apprendre que certains biologistes, tels T. Ohta et
M. Kimura, de l’institut national de génétique du Japon (Mishima), se posent en
adversaires du darwinisme auquel ils refusent les « pouvoirs célestes » pour
expliquer la sélection naturelle (ils les qualifient de pan-sélectionnisme
puéril) et lui substituent la « pression mutatrice ». Dans cette optique, ils
deviennent les plus dangereux anticréationnistes qu’ils soient, en déboutant le
darwinisme, comble sensationnel en l’occurrence !
Est-ce à
dire que la biologie moderne, appuyée par sa consœur, la génétique, ont proscrit
tout recours aux traditions quand il s’agit d’envisager l’apparition de l’homme
sur notre globe ? Que non ! Et pour le prouver, signalons l’importante
controverse religio-scientifique qui a agité les milieux pédagogiques
californiens, à la fin de 1972. Il faut remonter au grand débat de l’évêque
Wilberforce et T.E. Huxley pour en déceler le prélude.
Cette
fois encore, l’attaque avait été portée par un ecclésiastique, le Révérend
David A. Hubbard, président du Collège évangélique et théologal de Pasadena et
membre du ministère de l’Education de Californie. Il se plaignait amèrement que
la place impartie aux vues bibliques sur la Création fût disproportionnée à celle réservée à
la théorie évolutionniste dans les manuels scolaires. Et quand on sait que la Californie produit 10 %
des livres d’école des Etats-Unis, il est facile de voir que la portée de
l’objection débordait largement le littoral du Pacifique.
Le
physicien John R. Ford, qui, depuis 1969, mène une campagne active pour la
cause créationniste prônée par la
Genèse, sous le couvert d’une association intitulée :
Creation Research Society (5), exprimait alors sa
revendication en ces termes : « On n’enseigne seulement aux élèves la thèse
suivant laquelle l’univers, la vie et l’homme ne sont que de simples accidents
fortuits, fruits du hasard. Il est temps qu’une part égale soit faite à
l’hypothèse que tout cela a été créé sciemment et raisonnablement ! »
C’est en
fait cette proposition d’équité entre enseignement dogmatique et démonstration
scientifique qui fut soumise à l’approbation du ministère en décembre 1972.
La
riposte ne se fit pas attendre : Dix-neuf prix Nobel californiens, parmi
lesquels Willard Libby et Linus Pauling, rédigèrent un pamphlet de protestation
où ils dénonçaient que la théorie de la création n’a aucun fondement
scientifique et doit être bannie des lectures scolaires « parce qu’elle ne
donne pas une explication satisfaisante des phénomènes biologiques ».
Devant
ce tollé si prestigieux, on pourrait penser que la science a eu gain de cause.
A première vue, il semble que oui ! Début janvier 1973, le ministère rejeta par
six voix contre trois ladite proposition. Au vrai, ce refus avait tous les
caractères d’un compromis. Jugez-en plutôt ! Certes, il ne serait pas fait
mention de la thèse fondamentaliste dans les manuels scolaires élémentaires, où
l’on pourra lire en substance que la vie a, non pas débuté en milieu marin,
mais qu’un certain nombre de savants pensent ainsi. Nuance ! En revanche, la
création biblique devrait
figurer dans tous les ouvrages de « science sociale ». Et dans ceux-ci sont
classés les livres d’histoire, de géographie, d’économie, de philosophie et
d’anthropologie...
Dans
cette opération, les principes génésiaques ont gagné du terrain, c’est évident
! La démarche du Révérend Hubbard n’a pas été vaine. A telle enseigne, que
l’Etat du Tennessee a provoqué un rebondissement de
l’affaire, lorsque, début 1974, 28 sénateurs et 54 représentants ont voté pour
une loi similaire à celle réclamée par les créationnistes californiens.
Seulement un sénateur et 15 représentants ont osé se prononcer en faveur du
néo-darwinisme !
Le
dossier, très certainement, n’est pas clos et il faut s’attendre à de nouvelles
actions prochainement. De quoi, en tout cas, justifier la rédaction de la première
partie de ce livre... que nous allons clore par deux néo-mythologies qui
tentent, à leur manière, de nous faire croire que l’homme vient du cosmos.
Les Porteurs de vie
d’Urantia
Deux
mille pages grand format. Les auteurs : 48 personnalités « non humaines ». Les
transcripteurs : un comité de douze membres « humains » désireux de garder
l’anonymat. Un manuscrit conservé pendant plus de dix ans dans un coffre de la
chambre forte d’une banque de Chicago et qui se corrigeait tout seul. Et, en
1935, le comité, obéissant à quelque autorisation secrète, se met à
dactylographier toute cette collection de notes griffonnées. Mais vingt ans
seront encore requis avant que ne soit donné le feu vert pour la publication.
Ainsi
naquirent The
Urantia Papers, la
Bible du XXe siècle, qu’un ancien polytechnicien, Jacques Weiss,
traduisit un an plus tard en français sous le titre : La Cosmogonie d’Urantia (Urantia est le nom
cosmique de la planète Terre !).
Ecoutons
ce qu’en pense Paul Misraki : « Cette cosmogonie décrit les innombrables
catégories d’êtres qui fourmillent dans l’Univers, leur classement
hiérarchique, leurs attributions, leurs spécialisations et, en même temps,
leurs dissensions. Des vues vertigineuses sur l’Univers des univers, sur les rapports entre l’Espace et le Temps, sur les divers
niveaux d’énergie et d’intelligence sur les missions respectives des “
Personnalités de l’espace infini enfin sur l’histoire inconnue de notre propre-
planète et de ses habitants y sont prodigués avec une générosité peu commune. »
Pour
notre part, nous n’en retiendrons que les aspects qui nous concernent,
c’est-à-dire l’apparition de la
Vie et la naissance de l’Homme. « Il y a 900 millions
d’années, nous rapporte un Porteur de vie, membre du Corps originel d’Urantia
et maintenant observateur résident, on vit arriver le premier groupe
d’explorateurs de Satania, envoyés de Jérusem pour examiner la planète Terre et
faire une relation sur ses possibilités d’adaptation comme station
expérimentale de vie. » Cette commission comprenait vingt-quatre participants
et comptait des Porteurs de vie, des Fils Lanonandeks, des Melchizédeks, des
séraphins et d’autres ordres de la vie céleste s’occupant de l’organisation et
de l’administration initiale des planètes.
« Après
une étude soigneuse de la planète, la commission revint à Jérusem et fit au
souverain du système un rapport favorable, recommandant d’inscrire Urantia sur
le registre d’expérience de la vie. (...) Bientôt après, des télédiffusions de
Nébadon transmirent la nouvelle qu’Urantia deviendrait le cadre où les Porteurs
de vie exécuteraient dans Satania leur soixantième expérience conçue pour
amplifier et améliorer le type satanien des archétypes de vie de Nébadon.
« Les
Porteurs de vie de Satania avaient projeté un archétype de vie au chlorure de
sodium (...). En coopération avec des puissances spirituelles et avec des
forces hyperphysiques, nous organisâmes et inaugurâmes les archétypes originels
de la vie de ce monde, et nous les implantâmes dans les eaux hospitalières du
royaume. » Cela se passait il y a 550 millions d’années. Cent millions d’années
plus tard, « la transition de la vie végétale à la vie animale se produisit ». « On peut suivre à la trace l’évolution de la
vie végétale à la vie animale, (...) par contre, vous ne pourrez pas trouver de
traits d’union semblables entre les grandes divisions du règne animal, ni entre
les types les plus évolués d’animaux préhumains et les hommes de l’aurore des
races humaines. » Ces fameux « chaînons manquants » manqueront toujours, « pour
la simple raison qu’ils n’ont jamais existé ».
« Les
mammifères précurseurs de l’homme apparurent soudainement. Ces petits animaux
marchaient principalement sur leurs pattes de derrière ; ils possédaient un
gros cerveau proportionnellement à leur taille et comparativement au cerveau
des autres animaux. Dans la 70e génération de cet ordre de vie, un groupe nouveau et
supérieur d’animaux se différencia soudain : les Primates.
« La
naissance des deux premiers êtres humains se situe exactement 993 419 ans avant
l’année 1934 de l’ère chrétienne », mais ce n’étaient point Adam et Eve, qui
eux n’arrivèrent sur Terre que 955 571 ans plus tard. Ces deux derniers,
télé-matérialisés depuis Jérusem, laissaient derrière eux cent descendants. Ils
étaient âgés de 15 000 ans et mesuraient deux mètres cinquante. Ils avaient été
choisis pour faire fonction d’ « élévateurs biologistes et raciaux » et le «
foyer-jardin » d’Eden, implanté sur la péninsule méditerranéenne, était là pour
les recevoir. « L’histoire de la création d’Urantia en six jours fut basée sur
la tradition qu’Adam et Eve avaient passé six jours à leur examen du jardin »
(relaté par Solonia, la voix séraphique dans le Jardin).
Mais
revenons à nos deux premiers hommes les jumeaux. Ils firent bientôt bande à part
vis-à-vis de leurs frères primates. La pensée humaine évolua suivant la
gradation, intuition, compréhension, courage, connaissance, conseil, culte et
enfin sagesse. C’est alors que sur Jérusem le message dicté par le chef du
corps des archanges fut diffusé :
« Aux
Porteurs de vie sur Urantia — Salut ! Nous transmettons l’assurance qu’il y eut
une grande joie sur Salvington, Edentia et Jérusem quand le signal de
l’existence sur Urantia d’une pensée ayant la dignité volitive fut enregistré
au quartier général de Nébadon. La décision concertée des jumeaux de fuir vers
le nord et de séparer leur descendance de leurs ancêtres inférieurs a été
remarquée. C’est la première décision mentale — par des penseurs du type humain
— sur Urantia, et elle établit automatiquement le circuit de communication sur
lequel ce message initial de reconnaissance est transmis. »
Trois
gros volumes écrits en ce « jargon interplanétaire » content ainsi l’histoire
d’Urantia, monde n° 606 du système de Satania et l’avènement de ses autochtones,
nous en l’occurrence, instruits et amendés par un pool spirituel dont il n’est
pas précisé l’origine. Ce « monument », exemple type de ce que nous entendons
par « néo-mythologie », est un préliminaire de choix à la dernière de celles-ci
que nous irons quérir au Brésil, auprès de Chico Xavier, le Kardec moderne.
L’homme, incarnation
extra-terrestre
Obtenir
des renseignements sur le plus prodigieux des médiums contemporains n’est pas
une mince affaire, surtout quand l’occasion de s’en approcher excède les six
mille kilomètres. Même les moyens mis à notre disposition par notre éditeur
français ont été vains. Finalement, c’est à notre ami Hernani Guimaräes
Andrade, président de l’IBPP (Instituto Brasileiro de Pesquisas
Psicobiofisicas) de Sâo Paulo, que nous devons ces précieuses indications ainsi
que les traductions des extraits du livre de Xavier, rapportés ci-dessous. Nous
lui témoignons ici notre plus profonde gratitude ainsi que notre fidèle amitié.
Francisco
Candido Xavier est né le 2 avril 1910 à Pedro Leopoldo
(Minas Gerais). A treize ans, il termine son école primaire et arrête là ses
études. Il commence alors à travailler pour gagner sa vie et occupe
successivement les postes de manœuvre dans une usine de textiles, puis
d’employé de commerce et enfin de commis épicier.
Le 8
juillet 1927, il a alors dix-sept ans, il reçoit son premier message
psychographique se référant à l’Evangile et signé par un « esprit ami ». En
1928, ses premières communications commencent à être dévoilées dans la presse à
Rio de Janeiro. Le 13 décembre 1947, le journal Psychic News de Londres publie
un grand article sur les activités médiumniques de Chico Xavier comme on
l’appelle maintenant. Son œuvre compte déjà trente et un ouvrages dont cinq
semblent lui avoir été dictés par l’esprit de Humberto de Campos, célèbre
critique littéraire décédé en 1937. Les amis de ce dernier reconnaissent dans
ces écrits « le désir de rendre un son austère et le ton légèrement pontifiant
» dont usait de Campos de son vivant. Si bien que l’affaire prend un tour
surprenant lorsque la famille de De Campos attaque le médium en justice,
revendiquant des droits d’auteur sur des œuvres qui ont été écrites après la
mort de ce dernier. C’est, à notre connaissance, un précédent hors du commun.
Mais Xavier
continue à se dire habité d’esprits défunts illustres : Guerra Junquiero,
Antero Tarquinio de Quental, Augusto dos Anjos, Castros Alves, André Luiz, Mme
de Staël et Victor Hugo, mais aussi de noms anonymes tels que Emmanuel, un
tribun de la Rome
antique, A.C., R.S., J.C., etc. Il écrit une moyenne de cinq ouvrages par an,
si bien qu’il a tôt fait d’atteindre à la célébrité. En 1965, il passe à la
télévision Uberlândia, et le 1er août 1969, à cinquante-neuf ans, Chico Xavier
complétait une série de cent titres publiés, dont 298 éditions nationales et 19
en langues étrangères, soit un total de 2 301 000 volumes vendus !
Actuellement, il en est à son 129e livre avec une moyenne de 350 000 exemplaires vendus
par an.
Nous nous bornerons au récit intitulé A Caminho da Luz (Sur le
chemin de la lumière) où Emmanuel « éclaire le mythe d’Adam » en
prétendant que le peuplement humain de la Terre s’est produit consécutivement à «
l’incarnation massive d’esprits en provenance d’une planète plus évoluée » au
moment de l’âge de pierre. Il s’agissait en fait d’un « exil » pour ces âmes
qui « s’étaient rebellées contre les lois morales fixées d’en haut ». Certaines
d’entre elles, ayant expié leur faute, seraient retournées dans leur pays
d’origine (6) »
Mais
entrons un peu dans le détail.
« Le
protoplasme fut l’embryon de toutes les organisations du globe terrestre et, si
cette matière, sans forme définie, couvrait la croûte solidifiée de la planète,
bientôt la condensation de la niasse originelle provoqua l’apparition du noyau,
initiant ainsi les premières manifestations des êtres vivants.
« A une
époque ultérieure, les artistes de la Création inaugurent de nouvelles périodes
évolutives au plan des formes. La
Nature se transforme en grand laboratoire d’essais monstrueux
(...). La preuve de l’intervention des forces spirituelles (comprenez les
extra-terrestres), dans ce vaste champ d’opérations, est la suivante : alors
que le scorpion, ancêtre des crustacés marins, conserve jusqu’à nos jours, de
manière générale, la forme primitive, les animaux monstrueux des époques
lointaines qui lui furent postérieurs ont disparu pour toujours de la faune
terrestre. Les musées du monde exposent les restes intéressants de leurs formes
tourmentées.
« Mais
notre raisonnement anxieux cherche les ancêtres légitimes des créatures
humaines, dans cette immensité du proscénium de l’évolution animique.
« Où se
trouvent Adam et sa chute du Paradis ? En vain, nos yeux
scrutent, affligés, ces figures légendaires, dans le but de les localiser dans l’espace
et dans le temps. Comprenons, finalement, qu’Adam et Eve constituent un
souvenir des Esprits déportés dans le paysage obscur de la Terre, comme Caïn et Abel
sont deux symboles pour la personnalité des créatures. »
Puis
survint la « Grande Transition ».
« Des
expériences extraordinaires furent réalisées par les Messagers de l’Invisible.
(...) Les siècles s’écoulèrent et ces créatures aux bras allongés et aux poils
touffus (les Primates) virent couler sur leurs fronts de pénibles tentatives
jusqu’au jour où les armes de l’Invisible opérèrent un changement définitif sur
le corps péri-spirituel préexistant des hommes primitifs, dans les régions
sidérales et selon le rythme de leurs réincarnations.
« Les
premiers sauvages de complexion améliorée surgissent avec une tendance à
l’élégance des temps à venir. Une transformation viscérale s’opéra dans la
structure des aïeux des races humaines. »
Mais
d’où étaient donc originaires ces Esprits ?
« Une
grande étoile, dans la
Constellation du Cocher (et qui reçut sur la Terre le nom de Chèvre ou de
Chapelle), située à quarante-deux années lumière de notre Soleil, voyageait
dans sa trajectoire à travers l’Infini, chantant les gloires divines de
l’Illimité.
«
Presque tous les mondes qui en étaient dépendants s’étaient déjà purifiés,
physiquement autant que moralement. Or, il y a des milliers d’années, un des
orbes de Chapelle, qui a beaucoup d’affinité avec le globe terrestre, atteignit
le point le plus haut d’un de ses extraordinaires cycles évolutifs. Quelques
millions d’esprits rebelles se trouvaient là, mettant en péril la stabilité
acquise par les conquêtes de ces peuples épris de piété et de vertus.
« Les
grandes communautés spirituelles, directrices du Cosmos, décidèrent alors
d’expulser ces entités qui s’obstinaient au crime sur la Terre lointaine où elles
apprendraient à faire, dans la douleur et les travaux
pénibles de leur environnement, les grandes conquêtes du cœur tout en poussant
au progrès leurs frères inférieurs.
« Ces
êtres désolés et angoissés, qui laissaient derrière eux tout un monde
d’affection, malgré leurs sentiments endurcis dans la pratique du mal, ont été
déportés sur la planète Terre ; ils ont colporté dans la nuit des siècles leur
fardeau de nostalgie et d’amertume. Ils se sont réincarnés au sein des races
ignorantes et primitives et rêvaient encore du paradis perdu dans les confins
du firmament.
« La Nature était encore, pour
ces travailleurs de la spiritualité, un vaste champ d’expérience infinie ; tant
et si bien que, si les observations du mendélisme étaient transférées à ces
milliers d’années de distance, on ne trouverait aucune équation définitive dans
les études de la biologie. La génétique moderne ne pourrait fixer aujourd’hui
les expressions des « gènes » parce que, dans le laboratoire des
forces invisibles, les cellules souffraient encore de longs processus de
purification ; on leur imprimait des éléments d’astralité tout en consolidant
leurs expressions finales pour les organisations de l’avenir.
« Ces
âmes affligées et tourmentées réincarnaient, proportionnelle-ment, dans les
régions les plus importantes, où s’étaient réunies les tribus et les familles
primitives, descendantes des « primates » Avec leur réincarnation sur
le monde terrestre s’établissaient les facteurs définitifs dans l’histoire
ethnologique des êtres. Avec ces entités naissaient les ascendants des races
blanches.
« Ils
s’établirent, dans leur majorité, en Asie, d’où ils traversèrent l’isthme de
Suez pour l’Afrique, dans la région de l’Egypte, s’acheminant également vers la
lointaine Atlantide dont plusieurs régions d’Amérique ont des vestiges
marquants.
« Malgré
les leçons reçues de la douce et sage parole du Christ, les hommes blancs
oublièrent leurs engagements sacrés. Un grand pourcentage de ces esprits
rebelles, avec beaucoup d’exceptions, ne purent retourner
au pays de la Lumière
et de la Vérité
qu’après plusieurs siècles de souffrances expiatoires ; d’autres, malheureux et
rétrogrades, sont encore de nos jours sur la Terre, contrariant la règle générale, en gage du
passif élevé de leur faute originelle. »
Ainsi
s’exprimait Emmanuel par la bouche de Francisco Candido Xavier en 1939. Ainsi
se termine notre incursion dans ces textes mystérieux que constituent les
néo-mythologies.
1/ Cité par S. SAUNERON et J. YOYOTE, La Naissance du Monde selon l’Egypte ancienne.
Ed. du Seuil.
2/ Rapporté par P. SNEATH, Les Planètes et la Vie, Ed. Groupe
Express, 1970.
3/ Régis JOLIVET, Logique-Cosmologie, Traité de
Philosophie, Emmanuel Vitte éditeur, Paris, 1962.
4/ Cité par A.H. KRAPPE.
5/ Société fondée en 1963 par le docteur
Walter E. Lammert, cultivateur fameux de roses primées et ancien professeur
d’horticulture à l’université de Californie.
6/ Pedro MCGREGOR, La Lune et les deux montagnes, Albin
Michel, Paris, 1971.