mardi 26 décembre 2017

L’« affaire » Andreasson



C’est en août 1975, suite à un article paru dans la presse locale sur A. J. Hynek (1910-1986), lequel y est présenté comme Monsieur OVNI, que Betty Ann Andreasson, une femme du Massachusetts de 38 ans, mère de 7 enfants, lui écrit : « Je suis si heureuse de lire que quelqu’un étudie enfin les ovnis. Je peux alors raconter à quelqu’un mon expérience : une rencontre en 1967 avec les occupants d’un ovni… »

Déjà là apparaît toute l’ambiguïté de ce type de rencontre rapprochée avec l’inconnu : elle soutiendra plus tard, quand les détails de son extraordinaire aventure seront extraits de son inconscient par la technique controversée de la régression hypnotique et en révéleront toute la richesse, qu’elle ne se souvenait consciemment que de la lumière flashante dans l’arrière-cours de son domicile avec des créatures bizarres qui s’approchaient ! En fait, elle s’en sort en prétendant que, le lendemain de la « rencontre », tout lui semblait normal sauf le sentiment inquiétant que quelque chose de pas ordinaire lui était arrivé. « Mais elle ne savait pas quoi ! » ; dans les semaines, les mois, les années qui suivirent cette « rencontre », Betty aurait vécu dans l’anxiété permanente et eu des flashes mnémoniques occasionnels lui montrant un environnement d’un autre monde… D’où sa lettre ufologisant l’événement adressée à Hynek, l’astronome, consultant du projet Blue Book et fondateur en 1973 du CUFOS (Centre d’étude des ovnis) dont l’objectif avoué était d’élucider cette irritante énigme déjà posée depuis plus de 25 ans.

Celui-ci, à ce qu’on en sait, se contente tout d’abord de garder sous le coude la lettre de Betty, preuve d’une certaine prudence de sa part (si ce n’est plus) vis-à-vis de tels témoignages ; puis, il la répercute au MUFON (Mutual UFO Network, association ufologique américaine ayant mis en place un groupe d’étude sur ces rencontres avec des créatures humanoïdes) qui cherche de tels cas à investiguer.

Or, ce n’est qu’en 1977 que les représentants du MUFON au Massachusetts, tout d’abord sceptiques, vont diligenter une enquête, surtout quand les premiers tests vont accréditer l’apparente sincérité et crédibilité des témoins. Ils ne vont alors avoir de cesse de soumettre Betty à l’hypnose régressive visant à la remonter dans le passé et lui faire revivre son aventure… Et là, ils vont être servis puisque la matière ainsi exhumée de la mémoire oblitérée de Betty fournira de quoi écrire pas moins de 4 livres à un des représentants du MUFON, Raymond E. Fowler (1979, 1982, 1990, 1995) : une saga aux multiples facettes fondatrice de la vague d’abduction qui s’est propagée en Amérique jusqu’aux années 2000…

Les souvenirs conscients

Mais de quoi donc se souvient Betty au moment où elle décide de rendre son témoignage public en 1975, en écrivant à Hynek ?

En janvier 1967, elle habitait à South Ashburnham (MA), petite ville typique de la Nouvelle Angleterre boisée et bucolique, avec son mari James (il est de métier installateur d’appareils électriques et à gaz reconverti en menuisier et s’occupe à remettre en état les vieilles fermes locales encore en activité) et ses 7 enfants : 4 garçons et 3 filles dont les âges s’échelonnent entre 3 et 11 ans. C’est précisément à une période où son mari est hospitalisé consécutivement à un accident d’automobile assez violent (crash) survenu le 23 décembre 1966 qui lui a valu des semaines de soins intensifs ; les parents de Betty sont venus l’aider dans sa tâche de mère de famille nombreuse appelée à de fréquentes visites à l’hôpital : son père est un immigré de Finlande et sa mère est née dans la région.

Ce 25 janvier, à 18 h 35, ils ont terminé tôt de dîner pour permettre à Betty de se rendre auprès de son mari alité. Les enfants, déjà apprêtés pour aller au lit, regardent Bozo le Clown à la télévision dans leurs chambres respectives ; la plus petite, Cindy, est sur les genoux de son grand-père.

Un épais brouillard entoure la maison : la journée a été plutôt douce et la neige qui, il y a quelques jours, recouvrait encore le sol, a fondu ; « une vague promesse de printemps flotte dans l’air… » Soudain l’éclairage électrique se met à vaciller et s’éteint, les TV avec. Les enfants quittent leurs chambres pour venir se réfugier aux côtés de leur mère dans le living-room. C’est alors qu’une lumière rose orange est remarquée à travers la fenêtre : une lumière étrange intermittente, « kaléidoscopique » en ce sens que la cuisine de la maison est envahie de couleurs réfléchies et d’ombres dansantes. Le grand-père, rendu dans la cuisine, regarde au dehors et y voit des créatures… qu’il décrira comme des monstres d’Halloween sautillant comme des sauterelles !  
                                              
Reconstitution de la phase consciente de la rencontre
En fait, c’est tout ce qui restera dans l’esprit lucide des protagonistes. Betty raconte que la créature la plus proche l’avait fixée et qu’elle avait ressenti une impression bizarre. Son souvenir suivant étant son réveil le lendemain avec ce sentiment diffus que quelque chose d’extraordinaire s’était produit. Sa fille Becky (Rebecca, née en 1955, donc qui avait 12 ans au moment des faits allégués) croit, elle, avoir fait un mauvais rêve, cette nuit-là. Régressée, elle aussi, elle retrouve sa voix de fillette de 10 ans et confirme le début de l’histoire dans ses moindres détails.

Pour en savoir plus, il fallut donc attendre 1977, 10 ans plus tard, avec les séances régressives d’hypnose qui firent apparaître en grands détails toute une fantasmagorie d’événements sensés s’être produits en cette nuit du 25 janvier 1967.

Les souvenirs « réveillés »

Betty, dès qu’elle est soumise à la régression hypnotique se révèle un sujet extrêmement fécond, entrant très facilement en transe profonde et douloureuse que les expérimentateurs comparent à une expérience d’agonie (traumatisante). De même pour sa fille aînée, Becky qui, elle aussi, a vu les créatures mais n’a pas été conviée au « voyage ». A noter que le spécialiste qui s’occupe d’elles n’a aucun antécédent ufologique étant plutôt spécialisé dans l’usage de l’hypnose afin de soulager psychologiquement les cancéreux.

Pour se raccrocher à l’épisode resté conscient dans sa mémoire, Betty raconte qu’après l’observation des créatures dans l’arrière-cour de la maison familiale baignée de cette étrange lueur rose orange, l’éclairage électrique est revenu et tous les habitants de la maison familiale se sont trouvés paralysés sauf elle : pétrifiés, plongés dans une sorte de transe catatonique. « Comme si le temps s’était arrêté pour eux. »

Les cinq créatures humanoïdes pénétrèrent alors dans la maison en se mouvant de façon synchrone et passèrent littéralement à travers la porte de la cuisine, celle-ci donnant sur l’extérieur étant restée fermée. Tout à l’heure, ils étaient dehors et les voilà maintenant introduits à l’intérieur ! Betty fit un dessin frappant de cette scène surréaliste.


Dessin des créatures traversant la porte d'entrée de la cuisine.

Des êtres de quatre pieds de haut (1,50 m) à la peau grise, avec de grands yeux bridés et étirés (yeux de chat), de grosses têtes aux traits mongoloïdes avec des trous pour le nez et les oreilles. Quand on lui demandera sous hypnose : - ont-ils des oreilles ?, Betty répondra : - Je ne peux les voir… Les bouches sont comme des fentes et les mains à 3 doigts sont gantées. Sur l’épaule gauche de l’uniforme moulant de couleur bleu foncé brillant de chaque individu, une insigne représentant un oiseau aux ailes déployées. Ils portent chacun des bottes et une aura de bienveillance émane d’eux qui ne provoque aucun sentiment de panique…

Une communication télépathique s’engage … et notamment avec le plus grand des cinq qui s’appelle « Quazgaa » (il a un œil blanc et un œil noir, sa tête ressemble à celle d’une abeille !) et se présente comme le « leader ». Les quatre autres sont identiques. Betty, décelant en eux une sensation de faim, lui offre à manger montrant que cela ne pose aucun problème dans la cuisine ; mais il refuse lui faisant passer le message : - nous n’avons pas de nourriture comme ça !  Betty, dont la forte croyance religieuse lui fait assimiler ces étrangers à des anges (elle appartient à une église fondamentaliste chrétienne qui prône une interprétation très littérale de la Bible et la prend comme la parole de Dieu ; normalement, ses adeptes ne sont pas très ouverts au phénomène ovni !) et comprenant qu’ils demandent une nourriture plus spirituelle, ramasse une Bible qui traîne par là sur une table et la tend à « Quazgaa » qu’elle assimile à Jésus ! Lui-même prend le livre et passant sa main dessus duplique le volume en autant d’exemplaires qu’il en faut pour chacun de ses compagnons. De son côté, il lui propose un petit livre bleu pas très épais : elle comprend que c’est sa Bible à lui… une Bible dont certaines pages sont blanches… d’autres remplies de symboles.



Reconstitution de Quazgaa.

 « Qu’est-ce que vous faites là ? » demande Betty. « Nous sommes venus vous aider » : telle est la réponse ; vous aider surtout à ne pas vous autodétruire si vous continuez sur le chemin qui ne peut mener qu’à cette fatale extrémité !

« Veuillez nous suivre », intime  « Quazgaa » et Betty, laissant là sa famille toujours figée sous la bonne garde d’une des créatures, suit les autres… ; elle traverse avec eux la porte ; ils flottent en direction d’un ovni en forme de disque dont le bas est transparent qui est posé dans la cour.

Le fantastique voyage

Après une brève visite de l’engin, Betty est conviée à un fantastique voyage dans ce qu’on a qualifié de « grand vaisseau-mère » à plusieurs niveaux. Mais en préalable, elle est soumise à un examen traumatique dont celui qui consiste avec une longue aiguille à lui retirer quelque chose du nez. C’est la première fois qu’il est fait allusion à cette notion d’implants qui permettraient aux extraterrestres de retrouver à distance ceux qu’ils ont déjà soumis à des enlèvements : un « marquage », comme des animaux bagués en quelque sorte. A quelles fins ? Personne n’a jamais répondu convenablement à cette question.

L’examen est aussi gynécologique et il est question de « parties manquantes » laissant supposer que les étrangers ne sont pas au courant que, depuis son précédent enlèvement, Betty a subi une opération d’hystérectomie.

Pour la préparer au voyage, elle est assise sur une structure puis immergée dans un liquide, ce qui la scelle littéralement sur son siège dans une peau de plastique ensuite remplie d’un liquide aqueux. Seuls des tubes au nez et à la bouche la relient à l’extérieur et lui permettent de respirer. Les ufologues américains s’interrogeront sur cette « encapsulation » de Betty et émettront l’hypothèse qu’il puisse s’agir peut-être d’un conditionnement pour lui permettre d’endurer les conditions du voyage, dont on sait que certaines seraient dommageables telles quelles, notamment les accélérations fulgurantes de l’engin qui, sans ça, auraient pu la tuer.

Des créatures plus petites en combinaisons d’argent et encapuchonnées de noir l’ont prise en main et la conduisent à travers un tunnel…

Visite d’un autre monde ?

Betty va ainsi visiter un ou plusieurs « autres mondes » (Royaume vert, Royaume rouge…) faisant des rencontres avec des créatures sans têtes qui grimpent aux immeubles comme des lémuriens, des créatures volantes, etc. Elle survole des zones plantées de pyramides, visite des dômes où un Soleil artificiel en forme de poly-cristaux y dispense sa lumière. Ces colonies étrangères sont-elles sous Terre, sur la Lune ou une planète voisine, se sont demandé les ufologues ?

Elle est confrontée à un grand oiseau qui sera assimilé au Phénix, animal fabuleux de la mythologie égyptienne. Elle en parle en ces termes sous hypnose : « C’est comme un aigle là devant moi. Il est vivant. Il a une tête blanche. Avec ses ailes, il fait écran à la lumière éclatante derrière lui…
Le Grand Oiseau
 « Oh, Jésus, j’ai chaud. Aidez-moi ; oh-h-h- j’ai si chaud. C’est du feu là devant moi. » En fait, elle décrit l’oiseau qui se consume, ne laissant à sa place qu’un tas de cendre d’où émane quelque chose qui ressemble à un ver. « Les extraterrestres ont-ils produit un objet physique ou provoqué une vision en une leçon au bénéfice de Betty ? », s’interroge R. Fowler.

Le retour s’effectue encore en apesanteur à travers l’atmosphère verte ; puis on la débarrasse de son étrange combinaison… Betty est de retour chez elle à 22 h 40, ce qui donne une durée totale de l’enlèvement/voyage/retour d’à peine 4 heures. Certains y ont vu bien sûr un effet relativiste à rebours, le temps semblant plus court pour ceux qui sont restés que pour celle qui a voyagé, ce qui est contraire à un effet relativiste einsteinien.

Expériences antérieures et postérieures

Betty apprendra aussi que ces « observateurs » (les contacts de Betty avec ces « observateurs » (watchers) fournira à Fowler le titre de ses deux derniers livres sur cette affaire) sont en interaction avec elle depuis son enfance : en 1944, à 7 ans, elle se souvient avoir été frappée à la tête par une sorte d’abeille lumineuse… ; en 1949, en jouant dans les bois de Westminster (MA), elle aurait déjà rencontré un humanoïde du type de ceux de 1967 ; en 1950, elle aurait subi sa première abduction et se serait déjà retrouvée dans une salle blanche d’examen avec 3 petits êtres autour d’elle qui la surveillent. Elle revit diverses expériences de temps manquant (1961) ; à plusieurs reprises des voix se sont faites entendre dans sa tête…

En 1974, Betty sera abductée depuis sa chambre à coucher dans la pure tradition. C’est à cette occasion qu’elle assistera à ces prélèvements de foetus sur des femmes (rapportant des expériences de fœtus manquant !), lesquels sont mis dans des containers remplis d’un liquide gris.

Les étrangers se livreraient par là à des opérations visant à sauvegarder l’espèce humaine menacée. En ce sens, avec les dérives actuelles de la procréation assistée et des menaces du clonage humain, l’expérience décrite par Betty peut être encore qualifiée de prémonitoire. C’est peut-être pourquoi elle a fait tant d’émules ?

Devenue célèbre et après divorce, Betty épouse, en 1978, un autre abducté dont la première expérience en la matière remonte à 1944 avec des « Gris » ; elle aurait eu avec lui des « expériences » antérieures et communes sans en garder le moindre souvenir ! Elle le rejoint au Connecticut où d’étranges manifestations autour d’eux vont être signalées.

Autre abduction de Betty en 1980 ; en 1987, on lui trouve sur le corps des cicatrices attribuées à des prélèvements de tissus. Constate-t-on là un épisode de folie abductrice à plusieurs ? Par entraînement, même Fowler va observer un ovni et être confronté à des phénomènes paranormaux. Soumis à l’hypnose en 1988, on lui trouve à lui aussi des souvenirs oblitérés de rencontres personnelles remontant à 1938-39…

Betty continuera probablement jusqu’à sa mort de colporter ses réminiscences sans se soucier des questions qu’elles peuvent soulever. La menace d’une destruction nucléaire de l’humanité n’est, certes, plus imminente (encore que !) mais n’y a-t-il pas bien d’autres raisons de s’inquiéter ? L’idée qu’il puisse s’agir d’une affaire inventée délibérément pour faire croire à une connexion (un pont ?) entre la religion (chrétienne ?) et l’ufologie a cessé d’agiter les esprits. C. Sagan (1934-1996) parla à l’époque d’ « évangélisme ET » !

R. Fowler termine son premier livre par ceci : « Nous ne saurons jamais si les expériences de ces gens relatent vraiment des événements réels ou si leur esprit leur a joué des tours. » Je le rejoindrai pour cette sage conclusion, n’accordant qu’une mince créance à la déclaration en 2007 du beau-fils de Betty (fils de son second mari) dénonçant toute l’histoire de ses parents comme une farce et traitant sa belle-mère de « cinglée religieuse », obsédée par sa croyance au fait qu’elle est une prophétesse moderne. Les conflits familiaux n’ont aucune raison d’épargner l’ufologie, hélas.


Arguments pour et contre et possibilités de confusion

Pour : avec cette affaire, on est confronté au grand dilemme auquel se heurtent ceux qui étudient certains cas d’ovnis : des faits de très haute étrangeté rapportés par un témoin à qui on peut apparemment accorder confiance. Betty se laissa examiner par un psychiatre qui ne lui trouva aucun trouble, ni problème psychologique particulier. Selon lui, elle croyait bien à son expérience. Betty et Becky furent soumises à un test faisant office de détecteur de mensonge (Psychological Stress Evaluator) qui conclut : « Elles disent la vérité en ce qui concerne l’incident de 1967 ». L’encyclopédiste des ovnis, J. Clark, qui est toujours méfiant pour ce genre de cas, écrit que « la sincérité des participants de cette affaire est au-delà de toute discussion ; et il rejette catégoriquement toute idée de confabulation sous hypnose. On a souligné aussi les nombreuses similarités avec les caractéristiques d’autres confrontations avec des ovnis (panne de courant, silence environnant, interférence TV, animation suspendue (paralysie) d’une partie des témoins, examen physique…). Betty se serait même souvenue de détails correspondant à d’autres cas qui n’avaient pas encore été publiés !

Contre : la suspicion est venue du fait d’en avoir peut-être trop rajouté. Le sceptique P. Klass (1919-2005) n’hésita pas à traiter Betty de menteuse mais il fut incapable d’apporter la preuve qu’elle le faisait consciemment.  Pour lui, Betty utilise son imagination pour inventer une histoire que les ufologues crédules trouvent impossible à démentir.

Confusion : Hallucination ? Contamination ufologique post-incident de 1967 ? Suggestion hypnotique ? Et ce, sur une famille entière ! Betty a-t-elle consciemment monté cette montagne de mélange de messianisme et de science fiction ? Psychiatres et psychanalystes s’en sont mêlés pas toujours ceux d’ailleurs qui se sont donnés la peine de rencontrer Betty : a-t-elle interprété son odyssée à travers ses croyances fondamentalistes ? A-t-elle assaisonné à la sauce extraterrestre les fantaisies de l’Alice de Lewis Carrol (traversée du miroir), usé de symbolisme sexuel réprimé justement par son obédience chrétienne stricte ? En tout cas, l’hypothèse simpliste et réductrice de la méprise face à un phénomène quelconque non reconnu a bien du mal à trouver sa place ici.




Publié dans LE MONDE DE L’INCONNU, n°347, décembre 2010-janvier 2011.













samedi 23 décembre 2017








L’ « enlèvement » de Linda Napolitano 




L’annonce des faits a occupé la une du Wall Street Journal, du New York Times... ; et même de Paris Match : une « abduction », à savoir un prétendu enlèvement par des extraterrestres descendus d’un ovni, en pleine nuit à Manhattan, île emblématique du centre de New York, à la vue de tous, avec des témoins oculaires multiples et des preuves tangibles ! 

Un événement sans précédent s’il se révélait avéré !

C’est le 30 novembre 1989, vers 3 h 15 du matin, qu’une New-yorkaise de 41 ans, tout d’abord identifiée comme Linda Cortile, prétend, après avoir eu le sentiment d’une étrange présence dans sa chambre à coucher où elle repose avec son mari ; puis, gagnée par une peur paralysante, avoir été extraite du lit conjugal par trois petites créatures étrangères, pâles de peau, à grosse tête et aux yeux noirs énormes, et « passée » à travers la fenêtre vitrée et fermée, située au douzième étage d’un immeuble, en ce quartier populeux s’il en est ; elle se sent flotter hors de sa chambre dans les airs, comme engluée dans un rayon lumineux blanc bleuâtre, lévitée et hissée jusqu’à un énorme engin volant non identifié resté en sustentation pendant toute l’opération de rapt au-dessus du building. « Pêchée comme une palourde », selon sa propre expression !

L’ovni, après l’opération effectuée, s’élève, survole le pont de Brooklyn, et finalement plonge dans l’East River !

L'immeuble de Linda; son appartement
(les trois fenêtres)
Après une expérience de temps manquant pendant laquelle elle sera l’hôte de ces mystérieux kidnappeurs venus du ciel, Linda Napolitano, de son vrai nom, mère de 2 enfants et secrétaire réceptionniste dans une imprimerie, reprend conscience au terme d’un périple non spatial (?) mais sûrement « sous-marin » : elle décrira les fonds boueux d’un fleuve qu’elle a vus à travers les hublots du submersible.

Plus tard, après avoir perçu un grand bruit, elle se retrouve dans sa chambre à son point de départ après qu’on l’ait laissée retomber sur son lit d’une certaine hauteur sans que son mari, qui y est demeuré allongé inconscient, « comme débranché momentanément », ne réagisse. Elle quitte le lit et gagne la chambre voisine des enfants qu’elle trouve inertes, respiration à peine perceptible. « Ils ont tué ma famille, pense-t-elle, aussitôt, horrifiée ! » Mais son époux et ses deux fils vont se ranimer brusquement « comme si le courant venait d’être remis ».

Voilà du moins l’histoire incroyable qui a été reconstituée à partir des réminiscences conscientes de cette femme, prétendument soustraite pendant une période indéterminée (quelques heures) à son milieu familial.

Sur le coup, Linda ne se souvient que de cela, le reste devenant « brumeux, fragmentaire ». Or, par un heureux hasard (ou bien est-ce voulu par les kidnappeurs ?), elle est depuis peu en contact avec le plus grand spécialiste américains de ce type d’expérience (abduction), Budd Hopkins, peintre et sculpteur new-yorkais et aussi auteur d’un livre à succès sur la question (1).

Aussi, dès le lendemain de l’incident, elle lui téléphone.

Ne sont-ils pas en relation depuis quelques mois pour des « soupçons » de la part de cette secrétaire new-yorkaise concernant d’autres enlèvements de sa part subis dans sa jeunesse (2) (le premier en 1970, quand elle avait 19 ans) et ceci, suite au premier livre de Budd sur le sujet. Les premières régressions hypnotiques de Linda antérieures à l’enlèvement fameux datent, en effet, de mai 1989. D’ailleurs, ils habitent l’une et l’autre à seulement quelques miles de distance.

L'examen tel que figuré dans le livre de B. Hopkins.
Elle est donc parfaitement préparée à se prêter à de nouvelles séances et B. Hopkins n’osait certainement pas espérer meilleure opportunité de se livrer ainsi, à chaud, à une opération de réactivation de souvenirs inaccessibles (on dit « masqués » comme par un écran qu’il s’agit de lever) liés à une abduction. Les détails oubliés de Linda sont obtenus lors de six séances d’hypnose opérées à partir du 2 décembre 1989 (3 jours après l’incident !), menées par lui-même. Ils décrivent une aventure tout à fait conforme au scénario « abductif » classique avec, notamment, l’incontournable examen médical anatomique subi par la victime, lors de son séjour dans l’ovni. Les étrangers (aliens) lui ont aussi examiné le nez. Elle rapporte qu’ils lui ont parlé dans une langue inconnue et en rapporte même quelques courts extraits d’un langage E.T. présumé. B. Hopkins, est aux anges : il se demande s’il n’a pas découvert le « cas du siècle » (du moins le qualifie-t-il ainsi) en matière d’enlèvement forcé par des extraterrestres !

D’autant que l’affaire va prendre un tour encore plus exceptionnel : normalement ces « expériences en chambre » relèvent de l’intimité de la femme enlevée (l’école ufologique française parle de femmes ravies, ce qui me semble un peu ambigu) ; il faut prendre argent comptant ce qu’elle raconte – en conscience et sous hypnose – et s’en contenter. Or là, grande première, voilà que des témoins de l’opération autres que la victime vont se manifester ! 

Des tiers témoignent, oui mais anonymement

C’est en février 1991, soit plus d’un an après l’incident, que B. Hopkins reçoit une lettre de deux soi-disant témoins affirmant avoir assisté à cette scène surréaliste, d’une femme à moitié nue aspirée par un ovni, en plein Manhattan, en novembre 1989 !

Deux agents de police en patrouille qui rapportent avoir observé quelque chose d’ovale flotter au-dessus de l’immeuble, depuis leur voiture tombée en panne, moteur calé ; quelque chose qui, vu à la jumelle de l’intérieur de leur véhicule où ils étaient assis, s’arrêta juste sous une fenêtre d’où une femme en chemise de nuit vaporeuse blanche fut observée qui s’élevait dans le ciel escortée par des créatures humanoïdes plus petites en direction d’un ovni orange rougeâtre en haut, bleu brillant en bas… stationné là. Ils « virent flotter une femme en blanc, flanquée de trois petites créatures laides », une devant et deux derrière, tout d’abord recroquevillée en position fœtale puis debout, montant de conserve en direction de l’ovni et y disparaissant par le bas. Ils l’a comparent à un ange !

L’ovni, ensuite, passa au-dessus d’eux avant de plonger dans l’East River, derrière le pont de Brooklyn. Aussitôt Budd fait le rapprochement avec le cas de Linda et, à partir de là, va s’ensuivre une histoire passablement extraordinaire, digne d’un scénario de film de SF série B. Un projet était d’ailleurs à ce propos en préparation à partir de l’enlèvement de Linda ; peut-être m’a-t-il échappé ?

Les policiers, dont les lettres et les enregistrements envoyés à B. Hopkins se multiplièrent, prétendirent, en outre, avoir aperçu, non loin de là, l’escorte policière en procession de cinq limousines d’une importante personnalité politique (VIP) de niveau international, en transit en Rolls Royce vers un héliport tout proche. Cet homme sera appelé par Budd : le troisième homme et ne peut en aucun cas n’avoir rien vu. D’où un troisième témoin potentiel (on ne parlera jamais des chauffeurs de l’escorte).

En novembre 1991, ce fut une dame qui révéla avoir assisté à l’enlèvement en novembre 1989, en rentrant d’un pot de départ à la retraite professionnel ; sa voiture a calé aux abords du building de Manhattan. Au début, elle croit d’ailleurs que l’immeuble est en feu tellement le ciel est éclairé. Elle distingue quatre « enfants » en l’air et une femme en blanc montant vers l’ovni en sustentation. Elle croit qu’on tourne un film de science fiction, tant les effets lumineux étaient fantastiques.  L’ovni s’éloigne. Son moteur redémarre. Cette dame fera des dessins de la scène de l’enlèvement, des dessins mis en doute parce qu’ils exigeraient une acuité visuelle au-dessus des capacités humaines vu la distance.

En fait, selon B. Hopkins dans son livre, il y aurait eu au moins sept témoins de l’incident qui se sont manifestés, et il y en aura sept autres plus tard, ce qui portera le total à quatorze ! Les principaux auraient assisté au même événement depuis quatre endroits différents. Hélas aucun n’a jamais souhaité se faire connaître nommément. Aussi doit-on se référer seulement au témoignage de Linda, à celui de Budd et aux lettres, enregistrement audio etc., reçus par ce dernier et qui constituent le matériel de son livre. 

Une « saga extraordinairement complexe »

Car, là où l’histoire se corse c’est quand les deux officiers de police débarquent, selon Linda, chez elle, en février 1991, tout d’abord « pour parler ». Ils veulent rencontrer en vrai la belle « abductée »… Mais leurs rapports vont vite évoluer au point qu’elle va se retrouver kidnappée réellement par de vulgaires terriens, en avril, puis en octobre 1991.

L’un deux, semble même être tombé éperdument amoureux de Linda, la forçant à renfiler dans l’intimité la robe de chambre transparente qu’elle portait la nuit fatidique, puis, devenant entreprenant, il tente de la violer... Une « force mystérieuse » empêche le mécréant d’arriver à ses fins ce jour-là. Mais une autre fois, il passera à l’acte et n’hésitera pas à la séquestrer sur une plage et à la violer ! Sous des prétextes « extraterrestres », (lui aussi, serait un hybride !), ils se mettront même en ménage ensemble !

Assurément à partir de là, certains – dont moi-même - commencent à se poser quelques questions; car, aucune preuve réelle, digne de ce nom, de cet « enlèvement » n’existe en définitive. C’est Linda qui, sous hypnose, décrit, raconte. Et Hopkins, l’auteur à succès, qui transcrit, médiatise : Les pseudo-témoins, eux, ne se manifestent que par personnes interposées, toujours les mêmes : Linda et Hopkins (et même le mari de Linda qui en rencontre un !), et cela au plus tôt seulement 15 mois après les événements ! Linda sombre dans une certaine version du traumatisme de Stockholm quand on la voit après son viol mener une romance avec un des témoins.

Et elle en rajoute, se dit « hybride » entre les humains et les E.T., avec un sang extrêmement rare ! Elle prétend avoir été « tracée » par les ET depuis son enfance et ce, grâce à un implant qui lui aurait été placé dans le nez ; il servait à ses demi-géniteurs étrangers pour la localiser en cas de besoin ! Un médecin aurait constaté le fait sous forme d’une grosseur nasale révélée au toucher et par radio. Il lui aurait été implanté cela en 1976 quand elle avait été à nouveau enlevée. L’implant n’est malheureusement plus là en 1989 parce que les E.T. sont revenus le récupérer et il lui reste, en effet, une petite cicatrice. C’est cette évidence médicale à laquelle fait allusion B. Hopkins.

Linda n’hésite pas non plus à associer sa famille à l’incroyable aventure qu’elle dit avoir vécue : son mari est autorisé à rencontrer un des deux policiers mais pas à dévoiler son identité. Son jeune fils prétend lui aussi avoir été victime d’abduction.

Le « troisième homme »

En fait, on a appris que le troisième homme onusien n’est autre que Perez de Cuellar, ancien secrétaire des Nations Unies, impliqué malgré lui dans cette affaire ; interrogé, il tombe des nues ; mais les E.T. ont-ils effacé les souvenirs de sa mémoire ? Certains le prétendent pour expliquer son amnésie même si cela vient en contradiction avec le fait qu’il aurait été « choisi » comme témoin. L’incident ne serait même pas fortuit ; il aurait été perpétré volontairement sous les yeux du fameux personnage de l’ONU afin de convaincre celui-ci des intentions et des pouvoirs des E.T et afin qu’il rapporte l’incident à l’ONU. En particulier, ceux-ci auraient voulu lui signifier qu’ils sont là pour, éventuellement, « rétablir la paix mondiale ». En fait, « il y aurait eu ce jour-là une tentative des ET pour infléchir le destin du monde notamment en matière d’environnement », tentative qui a échoué !

B. Hopkins ira même en 1993 jusqu’à provoquer sa propre rencontre avec le secrétaire des Nations Unies à l’aéroport de Chicago et lui demander s’il était à New York en novembre 1989. Finalement, irrité, il aura cette réponse : « Je ne suis pas l’homme que vous cherchez ! »

Devenue pendant 10 ans la coqueluche des médias et l’invitée vedette des réunions ufologiques en tant que « reine des abductées », Linda rentrera ensuite dans l’anonymat. Elle aurait dit à B. Hopkins : « Si j’ai seulement eu une hallucination en cette nuit de 1989, comment les psychiatres peuvent-ils expliquer que tant de gens ont observé celle-ci » ?

Budd Hopkins écrit : « L’importance de ce cas est virtuellement incalculable car il supporte fortement la réalité objective des enlèvements ovnis et la validité de la pratique hypnotique régressive ».

Arguments pour et contre et possibilités de confusion.

Pour : l’apparente sincérité et même le désarroi maintes fois affiché de Linda. La preuve de l’affabulation de Mrs Napolitano n’a jamais été apportée, ni la connivence avec Hopkins. Mais, peut-on se demander, pourquoi Linda s’est-elle toujours opposée à porter plainte auprès de la police  pour des actes à caractère nettement délictueux, dirigés contre sa vertu, sa famille, par des humains faciles à appréhender ? On aimerait bien savoir.

Les dernières nouvelles de Linda Napolitano nous viennent de début 2010 : elle n’est pas revenue sur son histoire ; tout au contraire, elle semble encore se souvenir dans les moindres détails de son expérience originale (3).

Malgré ses côtés nettement rocambolesques, notamment dans ses prolongements, l’abduction de Linda est loin d’être une des plus scabreuses de celles qui ont proliférés ces dernières années en Amérique.

Contre : Les gardiens de l’immeuble de Manhattan, présents 24 h sur 24, n’ont rien vu. Les milliers d’autres témoins potentiels de ce quartier populeux sont, eux aussi, restés muets. Le pouvoir « d’invisibilité sélective » des E.T. invoqué manque d’arguments pour convaincre.
Le fait que Linda était en contact avec B. Hopkins depuis avril 1989 a été pris aussi, bien sûr, comme un argument à l’encontre la véracité de son témoignage.
Une enquête à l’héliport de Dowtown a montré qu’il n’y a pas eu de transfert de personnalité, cette nuit-là. Une autre enquête à la société d’escorte ne donne rien sinon qu’elle n’emploie aucun personnel aux prénoms connus des deux témoins invisibles. Si vraiment l’arrêt du moteur du véhicule avait bien motivé un retard dans le timing de l’opération, la société d’escorte en aurait gardé la trace Or rien à cette date.

Confusion : seule l’hypothèse de l’affabulation peut être, hélas, avancée ici : Linda serait une « sociopathe ». Le psychiatre J. Mack, spécialisé dans les expériences d’abduction, l’interviewa et la déclara crédible et mentalement stable. Nous ne pouvons que nous en remettre à lui.


Notes et références :

1/ Le livre où B. Hopkins raconte par le menu l’enlèvement de Linda s’intitule : Witnessed, The True Story of the Brooklyn Bridge UFO Abductions et fut publié par Pocket Books, New York en 1996. Il ne fut pas hélas traduit en français. Les photos et dessins reproduits ici sont tirés de ce livre.
B. Hopkins est aussi l’auteur de « Enlèvements extraterrestres : les témoins parlent » (traduction de Missing Time), publié aux Editions du Rocher, Collection Age du Verseau 1988. Il est décédé en 1911.




2/ Déjà, à l’âge de 8 ans, elle aurait fait une « rencontre avec une étrange figure ».

3/ Source, Saucer Smear, Volume 57, N°3, 2 avril 2010. Et l’appréciation ne vient pas d’un pro-abductionniste.



Publié dans LE MONDE DE L’INCONNU, n°347, octobre-novembre 2010.













mercredi 13 décembre 2017

Les pêcheurs « pêchés » de Pascagoula



Voilà un cas d’enlèvement présumé de deux Américains par des créatures « supposément » venues d’ailleurs (leur apparence très particulière plaide dans le sens qu’elles viennent de très loin, en effet) que les ufologues anglo-saxons classent comme le plus fameux après celui du couple Hill.

C. Hickson et C. Parker en 1973
Il a pour théâtre, à l’automne 1973, une petite ville du Mississipi (100 000 âmes), située à 160 km au nord-est de la Nouvelle-Orléans et traversée par la rivière qui lui donne son nom : Pascagoula Deux individus, Charles Hickson, 42 ans, et Calvin Parker, 19, employés au chantier naval voisin de F. B. Walker & Sons (le premier comme contremaître, le second comme ouvrier ; ils sont compagnons de chambrée depuis seulement 15 jours et Charles est un ami du père de Calvin), sont occupés, le soir du jeudi 11 octobre, à jouir, assis sur un ponton, de leur passion commune : la pêche à la ligne depuis le bord de la rivière. C’est là qu’ils viennent régulièrement, depuis leur domicile de Gauthier, se divertir pendant une petite heure après souper et, ce jour-là, ils vont y vivre, un épisode ahurissant : eux-mêmes « pêchés » comme des poissons  depuis une machine volante occupée par trois petites créatures ressemblant à des momies… !

Il est autour de 21 heures (ni l’un ni l’autre n’a de montre) et ils pêchent tranquillement ; le temps est clément comme souvent en cette saison dans la région au Nord du Golfe du Mexique. Ils se sont postés dans une zone désaffectée d’un autre chantier naval abandonné là où ils ont déjà pris plusieurs fois du poisson ; mais aujourd’hui ça ne mord guère ; comme la nuit tombe, le jeune Calvin qui n’a attrapé qu’une grenouille (!) suggère d’arrêter les frais et de regagner bercail. Charles, lui gratifié de deux poissons-chats, qui vient juste d’avoir une touche et retire sa ligne (ils pêchent au moulinet), veut continuer encore un peu et se retourne pour prendre une nouvelle crevette (appât prisé par les poissons-chats) dans la boîte derrière lui ; tout à coup, suite à une sorte de sifflement,  il se fige de la peur… A une trentaine de mètres de l’endroit où ils se trouvent, il vient de voir une espèce d’engin volant qui s’approche…

Le récit reproduit ici provient du manuscrit rédigé dans un cahier à spirales par Charles suite à cette expérience, souvenirs conscients mais aussi récupérés lors de séances de régressions hypnotiques (en 1973 et 1975-76), et reproduit dans un livre publié en 1983. 

« Je ne peux en croire mes yeux. Qu’est-ce que c’est que cela ? D’où ça peut bien venir ? Aucun bruit de moteur seulement une lumière bleue pulsante ou une lumière tournante. L’engin s’arrête à moins d’un mètre du sol. Comment est-il contrôlé ? Pas d’ailes. Je ne connais pas ce type d’engin. Quelqu’un est-il à bord ?

 «  Sa forme est celle d’un ballon de rugby (football américain) épointé d’un côté avec un dôme au-dessus percé de deux hublots… (comme un œuf aplati sera une comparaison utilisée). Sa taille : 10 m de long sur 3 de haut. »

Charles se décrit inquiet et curieux ; il poursuit : «  Je pense que personne ne peut être préparé à ce qui va suivre. Une ouverture se profile à l’extrémité tournée vers nous. La lumière s’éteint. Ce que nous voyons de l’intérieur est brillant et flamboyant. J’en ai encore la chair de poule aujourd’hui quand je pense aux trois choses qui apparaissent à travers l’ouverture. Par l’expression du visage de Calvin, je sais que je ne suis pas seul à voir ça. Je tremble de peur tandis que Calvin crie. Et moi je lance : « Bon Dieu, qu’est-ce qu’ils veulent, qu’est-ce qu’ils vont faire…

« Comme pour répondre à ma question, ils sortent (la hauteur des créatures est estimée à 1,60 m) par l’ouverture tout en restant au même niveau au-dessus du sol. Et ils s’avancent en glissant. S’ils avaient été plus humains, ça m’aurait moins choqué. Leur tête semble posée directement sur leurs épaules. Pas de cou. A l’avant de la tête sort une sorte de nez de 5 cm de long. Et de chaque côté, à la place des oreilles, il y a quelque chose qui ressemble à ce nez (oreilles rétractiles ?). Directement sous le nez devant, il y a une fente qui peut faire office de bouche. Les bras sont à peu près comme des bras humains en plus longs ; les mains ressemblent à des mitaines avec le pouce collé (il parlera aussi de « griffes »). Les jambes restent collées ensemble et les pieds rappellent des pieds d’éléphants. Ils devraient avoir des yeux mais la zone au dessus du nez est si ridée que je ne peux le préciser (tout leur corps est ainsi plissé de bas en haut et ils ont une allure plus mécanique que humaine, comme des robots).

« Deux d’entre eux (de couleur grisâtre) viennent me saisir aux bras, un de chaque côté -  un seul pour Calvin - et ils nous entraînent en flottant, [ce sont des détails révélés seulement en 1976 par régression hypnotique]. Brusquement, je ressens une douleur aigue à mon bras gauche mais ça passe rapidement. Je suis sans défense. Je ne peux plus bouger. Toutes mes sensations m’ont abandonné… »

Charles racontera qu’« à l’intérieur, la lumière est aveuglante mais qu’il n’a pas distingué de fixations pour les sources lumineuses. Pas de chaise au sol, rien. Pas d’instruments de bord, pas de hublots bien qu’ils soient visibles du dehors. Charles, comme paralysé, voit quelque chose, sorti de la paroi, qui lui tourne autour : « comme un œil ». « C’est relié à rien ». L’œil s’approche de lui jusqu’à 20 cm. Il essaie de fermer les yeux. En vain. « Pourvu qu’ils ne nous empêchent pas de respirer, pense-t-il, sinon nous sommes foutus. S’ils nous balancent dans la rivière, on croira que nous nous sommes noyés accidentellement. » Les créatures elles-mêmes n’ont pas communiqué si ce n’est qu’au moment de leur disparition, Charles a entendu dans sa tête une voix qui disait : « Nous sommes pacifiques. Nous ne vous voulons pas de mal. » Il lui a semblé qu’ils sont restés une heure dans le vaisseau. En tout cas : « Ça m’a semblé une éternité ».

Il n’a pas de souvenir (même sous hypnose) pour dire comment ils ont été ramenés à leur point de départ. Brusquement Charles a repris contact avec le sol. Calvin aussi et il paraissait terrorisé ; Charles rapportera qu’il avait lu sur les traits de Calvin une expression qu’il n’avait plus revue depuis son retour de Corée en 1952.

Le sifflement s’est fait entendre, les lumières bleu flashantes ont recommencé et l’engin volant a disparu à la vue des pêcheurs.

Ils rengainent leurs lignes, rejoignent leur voiture et boivent un peu de whisky pour se remettre de leurs émotions mais aussi pour décider quoi faire suite à cette incroyable rencontre. Preuve du choc traumatique qu’ils ont subi (surtout Calvin qui paraît « sonné »), ils atteignent un établissement de restauration rapide et utilisent le téléphone payant pour appeler la base militaire de l’Air Force Keesler, à Biloxi (50 km de là). Ne les prenant pas très au sérieux, ils s’entendent répondre de s’adresser au bureau du shérif local, du comté Jackson. Ils l’appellent et sont invités à venir raconter leur histoire. Ils arrivent vers 23 h. Au début le shérif croit avoir affaire à deux hommes ivres ! L’alcootest est négatif et le shérif certifie que les deux hommes n’étaient sous l’emprise d’aucune drogue ;  l’interrogatoire va durer deux heures.

Le shérif, méfiant, décide même de les laisser un moment dans une cellule ; c’est là que leurs propos seront enregistrés à leur insu : ils parlent de leur aventure et on entend même Calvin prier ! Rien ne vient donc jeter le doute sur cette histoire : ils l’ont bien vécue. Leur inquiétude et leur état de confusion sont patents. Calvin est décrit comme au bord de la crise d’hystérie.

Par la suite, ce dernier souffrira de troubles nerveux et quittera le chantier naval pour rentrer dans son lieu d’origine (comté Jones) ; il sera hospitalisé trois semaines après l’incident.

« Je n’ai jamais vu ça de ma vie », répétait C. Hickson.

Le lendemain, les deux hommes libérés, malgré une nuit de sommeil extrêmement courte, sont à leur poste de travail. Ils ne veulent pas que leur affaire se médiatise mais en parlent quand même à un ami qui dessine pour la première fois ce à quoi ressemblaient les trois créatures à partir de leurs descriptions.

Mais c’est du côté du shérif que va s’effectuer la fuite (ils en sont surpris et ennuyés) : il les appelle pour leur demander de revenir à son bureau afin de parler de l’affaire et de rencontrer des journalistes. Mais ils y trouveront aussi un attorney (homme de loi, en Amérique) qui n’est autre que le beau-frère du patron du chantier naval, lequel a été alerté.

C’est ainsi qu’ils se voient proposer de subir le test du polygraphe : le détecteur de mensonge. Ils passeront ce test avec succès le 30 octobre dans une agence de détectives à la Nouvelle Orléans. Le shérif témoignera en faveur des deux pêcheurs : « Ils sont sincères. S'ils avaient inventé tout cela, ils devraient être à Hollywood ».

De leur côté, les deux témoins sont demandeurs d’un test de radiation pour vérifier s’ils n’ont pas été soumis à un rayonnement dangereux pour eux. Cette mesure ne se fera pas à l’hôpital de la ville qui n’en a pas les moyens mais à la base de l’Air Force à Biloxi, 8 jours après la rencontre, et le résultat en sera négatif.

C’est aussi là que les deux hommes subiront un interrogatoire digne d’un film d’espionnage par le personnel de santé et de sécurité de la base.

Côté association ufologique sur le coup, c’est l’APRO (Aerial Phenomena Research Organization) qui, à l’époque, couvre le territoire ; elle délègue un professeur de l’Université de Californie pour faire l’enquête. Il reçoit la visite 36 heures après l’incident (le samedi) du fameux astronome et ufologue J. Allen Hynek qui rencontre lui aussi Charles et Calvin. Le professeur californien est déjà de ceux qui préconisent, en pareil cas, des séances de régression hypnotique pour « réveiller » des souvenirs de l’expérience enfouis dans l’inconscient des témoins et ne pouvant pas être volontairement remémorés. Ainsi, sont ajoutés les détails concernant l’intérieur du vaisseau. Mais ils ne révèlent rien de très sensationnel.

Hynek, suite à sa visite, déclarera entre autre : « Ces deux hommes ne sont pas fous. Ils ont manifesté sous hypnose des sentiments de terreur parfaitement impossibles à simuler. Il s'est passé ici quelque chose qui dépasse notre entendement ».

D’autres expériences de régression hypnotiques eurent lieu en 1975 (février à mai) sous la direction d’un hypnothérapeute de Détroit. Elles n’apportèrent pas grand-chose de nouveau et en tout cas rien sur l’examen médical sur une table des deux hommes qui, révélé par certain médias, fut dénoncé comme une invention de toutes pièces. Elles montrèrent que les témoignages étaient très consistants entre eux.

L’affaire eut un retentissement considérable en Amérique et les deux hommes bénéficièrent même d’une brève période de célébrité internationale.

Un livre publié en 1983 sur l’expérience des deux pêcheurs de Pascagoula par un professeur de collège qui les avait interviewés prolongea un temps leur renommée. Quand j’ai acheté ce livre en 1987 qui nécessita trois éditions à cause de son succès, C. Hickson m’avait écrit personnellement être intéressé par le phénomène ovni en France et prêt à venir en Europe pour donner une conférence, tous frais payés. Preuve, s’il était besoin que la thèse selon laquelle toute cette histoire avait été montée pour faire de l’argent ne tient pas debout.

Aucun indice de canular ne vint jamais mettre un épilogue à cette bizarre affaire ; interrogatoire, hypnose, la sincérité des deux hommes ne put être mise en doute si ce n’est qu’ils racontaient, comme beaucoup d’autres victimes d’une telle rencontre, une incroyable histoire : des créatures affublées de pinces venues du ciel pour les capturer et les faire monter à bord de leur engin ! Personne n’a pu dire si cet engin s’était déplacé avec eux dedans.

La dernière fois que j’ai entendu parler de Charlie, c’est en 2004 (1) ; s’il vit encore, il doit avoir près de 80 ans.

William Mendez, le professeur co-auteur du livre avec Charles, énumérait les explications sous forme d’interrogations qui peuvent s’appliquer à cet enlèvement présumé (donc à tous les autres ?) :

1/ Hickson et Parker ont tout inventé : sont-ils des menteurs ? Réponse : non, car il y a leur accent de sincérité, leur détresse émotionnelle, notamment à leur arrivée chez le shérif. Par ailleurs, il y a le test du détecteur de mensonge négatif !

2/ ont-ils été victimes d’une imposture, d’une farce ? Difficile de simuler ce qu’ils ont vu et cela aurait nécessité des moyens disproportionnés au piètre résultat : affoler deux malheureux pêcheurs de poissons-chats. Pourquoi avoir choisi un lieu si inaccessible pour cette mascarade, juste au bout d’un chemin boueux ? Par ailleurs les préparatifs pour cette imposture élaborée propre à créer une telle illusion n’aurait pas pu passer inaperçue des environs relativement fréquentés (pont routier, pont ferroviaire).

3/ confusion avec un engin secret (voir ci-dessous les possibilités de confusion).

4/ les deux hommes ont-ils eu une hallucination ? Du type partagé appelé « folie à deux » ou trois ? Les psychologues qui les ont examinés ont rejeté cette hypothèse car les deux témoins n’étaient pas particulièrement psychotiques pour être la proie d’un tel développement hallucinatoire. Et puis, normalement, ce type d’expérience n’implique pas de fausses sensations telle celle de voir des choses qui, en fait, ne sont pas présentes.

5/ s’agit-il d’une expérience « au-delà de la science », une interaction dimensionnelle, une projection psychique pouvant être regardée comme quelque chose de paranormal ? Il y aurait ainsi d’autres réalités coexistant avec la nôtre et où, dans certains cas, on pourrait entrer en interrelation.

6/ Hickson et Parker ont-ils été enlevés par des créatures ET venue sur terre en vaisseau spatial ? Etaient-ils les éclaireurs de la vague d’ovnis de 1973 en Amérique ? Une vague qui figure dans les annales ufologiques avec plus de 500 cas recensés. Certains objets observés auraient pu passer pour l’œuf aplati décrit pat Hickson et Parker.

L’auteur jugeait que finalement l’hypothèse 6 était la plus plausible et nous n’avons aucun élément concret pour le contredire.

Quant à l’hypothèse numéro 5, elle peut être aussi avancée pour la globalité du phénomène ovni mais, depuis plus de 60 ans, aucun cas n’en est venu confirmer le bien-fondé. Il s’agit de remplacer un mystère par un autre, sans plus.


Arguments pour et contre et possibilités de confusion.

Pour : la déclaration de A. J. Hynek, venu interroger les témoins 36 heures après l’incident : «  Ça ne fait aucun doute dans mon esprit que ces hommes ont vécu une expérience très terrifiante. En tout cas, ils ne doivent pas être ridiculisés. Protégez-les plutôt ! »

Contre : pendant longtemps, le fait pour un témoin d’ovni de récidiver en prétendant avoir observé le même engin plusieurs fois était considéré comme un point négatif à mettre à son crédit. Ce n’est plus le cas depuis que ces enlèvements présumés sont considérés avec sérieux, la victime affirmant souvent avoir ainsi été suivie durant de longues périodes de sa vie. C. Hickson prétendit avoir revu l’engin de 1973 en 1974, notamment au cours d’une partie de chasse à l’écureuil ; il fit état de « messages » télépathiques reçus par lui de ses occupants et usa de la formule classique mais quelque peu prétentieuse : « ils m’ont dit que j’étais choisi ».

Confusion : Les deux pêcheurs ont-ils été confrontés sans le savoir à un nouveau type d’engin volant ? Il en a été question. Mais lequel ? L’hypothèse envisagée selon laquelle l’objet aperçu aurait pu être un engin secret expérimental américain ou soviétique a été rejetée car il aurait dû être particulièrement révolutionnaire pour être capable de se poser sur une zone de sable entourée de vieux rafiots rouillés et d’épaves d’automobiles. Et, depuis 37 ans, cet appareil à la maniabilité supérieure n’aurait jamais été divulgué par ses inventeurs ! Difficile à admettre.

(1) La mort de C. Hickson a été annoncée en 2011 ; il avait effectivement 80 ans.



Publié dans LE MONDE DE L’INCONNU, n°347, décembre 2010-janvier 2011.