dimanche 11 novembre 2018

Sommes-nous seuls dans l’univers ?


Ce texte fut publié dans le Courrier de Saône-et-Loire Dimanche du 6 avril 1986.

La veille, le rédacteur en chef du journal, Michel Limoges, le présentait ainsi !

Michel Granger suppose que nous ne sommes pas seuls dans l’univers.

Voilà un sujet inépuisable pour la chronique de l’étrange : la vie dans l’univers. Sommes-nous les seules bébêtes pensantes de la création ? Si oui, prions Dieu pour qu’il nous retrouve dans les milliards de galaxie qui composent l’univers. Si non, nos « frères » sont-ils des décalques de nos petites personnes, ou des ânes bâtés ou des supercerveaux auprès desquels nous ne serions que des microbes intellectuels. Autant de savants autant de réponses.

Michel Granger nous en expose quelques-unes et nous demande, éventuellement, la (ou les) nôtre.


Il n’y a pas plus d’un demi-siècle que la question de la vie extra-terrestre a commencé à intéresser les scientifiques.


Plutarque (16-125).
Avant, c’est à dire tout de même depuis le début de l’ère chrétienne, quand Plutarque imaginait déjà la Lune comme une Terre miniature peuplée d’une race de démons, les spéculations touchant à l’existence éventuelle d’une vie hors de la Terre, voire d’une intelligence, étaient dédaignées par la communauté savante. C’était juste bon à occuper l’esprit des philosophes et, plus récemment, l’imagination des auteurs de science-fiction. Au même titre que l’intéressante mais stérile question du sexe des anges...


Galilée (1564-1642).







A l’avènement de l’astronomie, lorsque Galilée braqua au firmament la première lunette astronomique dans les années 1600 et révéla que « Dieu avait créé toute cette multitude colossale de mondes dans le ciel », on aurait pu croire que l’humanité allait enfin se réveiller et regarder en face le mystère de sa présence à l’échelle du cosmos.

Il n’en fut rien, hélas. Pendant toute la fin du 19ème siècle et le début du 20ème, ce sujet de réflexion fut contrarié par la croyance selon laquelle la vie est un phénomène rarissime, quasi unique. Et alors l’intelligence, pis encore !

Heureusement, les temps ont changé. Les opinions aussi. Quoiqu’aucune preuve directe de l’existence d’une vie extra-terrestre n’ait encore été scientifiquement acquise - ce qui autorise un dernier noyau dogmatiques à continuer de croire que nous sommes bien la seule singularité pensante de tout l’univers -, on a tendance aujourd’hui, au contraire, à admettre que le cosmos grouille de vies de toutes sortes, de civilisations plus ou moins technologiques, de supersociétés futuristes... en avance peut-être sur nous à un tel point qu’ils nous regarderaient comme les entomologues regardent les fourmis s’evertuer à reconstituer leurs nids si par malheur on le détruit.

Profitons donc de la conjoncture favorable pour parler de cette question essentielle qui, à mon sens, justifie peut-être, à elle seule, le fait que nous existions. En effet, d’une certaine manière, ne serait-ce pas le moyen unique de nous libérer de nos éternelles angoisses qui tournent autour de ces grandes interrogations : qui sommes-nous? D’où venons-nous? Que faisons-nous là sur la Terre ?

Montrons, tout d’abord, comment les scientifiques modernes en sont arrivés, depuis une vingtaine d’années, à affirmer que l’Homme, dans l’univers, n’a aucunement le droit de revendiquer une place privilégiée ; au contraire, il est probable que nous constituons un modèle plutôt bas de gamme dans la myriade des intelligences qui peuplent présentement l’immensité du cosmos. Une fausse note de stupidité dans un choeur philharmonique de supercerveaux !

Les savants font un blocage quand il s’agit de résoudre un problème autrement que par le calcul mathématique. Aussi se sont-ils empressés de pondre une équation pour justifier l’omniprésence de la vie intelligente dans l’univers. Cette équation, unique en son genre, fort simple au demeurant, présente toutefois un gros handicap : elle ne comprend que des inconnues et n’en compte pas moins de cinq, rien que pour estimer le nombre actuel d’espèces douées de raison vivant ailleurs que sur la Terre.

Carl Sagan ( 1934-1996).
Ce sont deux savants américains réputés, Carl Sagan et Frank Drake, qui ont pondu cette fameuse formule; celle-ci, à partir d’un produit de données indéterminées, aboutit à la certitude que nous avons une multitude de frères pensants, sur d’autres planètes invisibles dans le ciel. Tel est le miracle des mathématiques dès qu’elles se fondent sur des statistiques. Vous avez une chance infime de trouver les six bons numéros du loto et pourtant, chaque semaine, il y a toujours un gagnant tant il y a un grand nombre de joueurs.

Il en est de même pour les chances de vie sur une planète. Elles sont extrêmement faibles : à preuve,
Frank Drake (1930->).
nous sommes la seule vie qui, semble-t-il, existe dans le système solaire Faibles, mais pas nulles, puisqu’il y a bien de la vie... sur la Terre, n’est-ce pas ? On dit une probabilité d’au moins 1/9 = une vie sur 9 planètes.

Par de subtils raisonnements de ce genre, et en multipliant ensemble et successivement les chiffres obtenus :
- probabilité pour qu’une étoile s’accompagne de planètes (exemple le Soleil et la Terre, donc probabilité non nulle estimée à 1/4).
- probabilité pour que cette planète ait un environnement favorable à la vie (on prend 1/10, peu différent de 1/9).
- probabilité pour qu’une vie primitive (amibes, par exemple) se soit effectivement développée à partir de ces conditions propices (les biologistes donnent une probabilité de un, c’est à dire la certitude absolue, mais, par prudence, prenons encore 1/10)
- et probabilité pour qu’une intelligence (exemple Homme) ait évolué à partir de ces organismes inférieurs (1/10 encore).
        
On arrive au résultat de 1/4000 soit 1/4 x 10 x10 x 10.

C’est peu un soleil habité « intellectuellement » pour 3 999 qui ne le sont pas. Mais c’est énorme quand on sait que notre galaxie compte plus de 400 milliards de soleils !

Ainsi, d’après notre calcul, la Voie Lactée que nous découvrons la nuit en regardant le ciel, a pu abriter 100 millions de mondes susceptibles d’avoir produit, sous une forme ou sous une autre, des créatures intelligentes. C’est en vertu de ce nombre très élevé que les spécialistes sont si sûrs d’eux. La marge semble trop grande pour leur donner tort.

La Voie Lactée.
Reste à déterminer la fraction de ces communautés encore au stade technologique à l’heure où vous me lisez, beaucoup ayant certainement déjà disparu comme des kamikases, ou parce que leur Soleil s’est éteint, et d’autres étant encore trop jeunes, bien que potentiellement « capables ». N’a-t-il pas fallu 4,6 milliards d’années à la Terre pour enfanter l’Homo technicus ?

Je vous épargne les calculs intermédiaires. Tout compte fait, cela revient à diviser le chiffre ci-dessus par 100.

En dernier ressort donc, c’est un million de civilisations au moins à notre niveau ou en passe de l’être qui cohabitent dans notre espace galactique. Nous ne sommes pas seuls, je vous en prend à témoin. Ni seuls, ni favorisés.

En effet, elle est telle la profusion de nos semblables dotés de raison (sous quelle forme, ça c’est une autre histoire ?) et nous sommes si « débutants » dans le métier (l’ère technologique humaine date à peine de quelques siècles), que la plupart de nos frères de l’espace doivent presque tous être nos aînés. Sagan pense, quant à lui, que la durée de vie d’une société technologique est de l’ordre d’un million d’années!

Ronald N. Bracewell (1921-2007).
Dix mille siècles devant nous, un million de civilisations sœurs autour de nous, une large majorité nettement « en avance » sur nous, tel est le destin grandiose de l’Homme au sein du « club galactique » des créatures intelligentes du cosmos, selon un terme inventé par Ronald N. Bracewell, un des pontes de l’exobiologie américaine. L’exobiologie, c’est l’étude de la vie en dehors de celle que nous connaissons sur Terre.

Dans ces conditions, comme nous manifestons déjà « au berceau » des vélléités de voyages spatiaux, de communications interstellaires, de colonisation de l’espace, nos grands frères galactiques ont dû y penser voilà des milliers d’années et, qui sait ?, certains ont-ils songé à « sonder » la planète Terre ?

Avons-nous alors été « visités », au même titre que nous nous sommes rendus sur la Lune entre 1969 et 1972 et trouve-t-on des preuves de ces « visites » ? Existent-elles enfouies notamment dans les légendes, les mythes ? Doit-on y lire sous forme allégorique le témoignage de ces « rencontres » avec des intrus extraterrestres ? Des missions de reconnaissance ont-elles encore lieu aujourd’hui ? A notre insu ?

Nous a-t-on contactés et pourquoi ? Avons-nous reçu des messages sans les reconnaître ? Quel serait l’impact d’une confrontation physique ou psychique avec des émissaires venus d’ailleurs ? Qu’avons-nous à y gagner ? A y perdre ? Nous-mêmes, sommes-nous des extraterrestres implantés, exilés, réinsérés ? Qu’est-ce qui tendrait à le prouver ? La Terre est-elle sous contrôle ?

Toutes ces questions méritent attention et je m’emploierai à tenter d’y répondre un autre jour très certainement.