samedi 23 mars 2024

 

La médecine de l’habitat : ça existe !



Certaines maisons, bien confortables par ailleurs, sont-elles dangereuses à habiter ?


Cette villa, où vous logez, est-elle, d'une certaine manière, responsable des ennuis de santé qui vous touchent, vous et votre famille ? Ce trois pièces-cuisine avec balcon, dans lequel vous avez investi vos économies, peut-il être vraiment délétère, c'est-à-dire suspecté d'altérer votre état physiologique, corporel ou psychique ?


A ces questions que je me posais depuis la publication de plusieurs études sur ce sujet, Claude Saccaro, radiesthésiste à Villeneuve-en-Montagne, près de Buxy, est venu me répondre positivement.


En ce samedi de novembre, il a débarqué chez moi, chargé de sa trousse remplie d'objets hétéroclites, de sa panoplie d'exorciste du bâtiment et surtout - à mon sens - de sa vitalité débordante, de sa joie de vivre communicative et aussi - ce qui est rare dans la profession - de son humilité de bon aloi.


« Je ne fais aucun miracle, m'a-t-il déclaré. Inutile de me consulter pour ramener le mari volage dans le lit conjugal ni pour me faire cracher les bons numéros du prochain tirage du loto...


« Au niveau de la radiesthésie, nul ne peut prétendre tout réussir. Nous avons tous encore tant à apprendre.


« Bien au contraire, je ne suis rien… qu'un instrument de la nature, apte à rétablir l'équilibre entre le lieu d'habitation et ceux qui doivent y vivre et s'y sentent mal...


« La plupart du temps, le trouble provient d'ondes nocives émises par certaines particularités du sous-sol : cours d'eau souterrains, failles géologiques, minerais, poches souterraines, anciens remblais, etc.


Les agressions continuelles engendrent des perturbations au niveau des cellules et la disharmonie vibratoire s'installe. Hommes, femmes, enfants, animaux, plantes, voient, suivant leur résistance, leur santé disparaître au fil des jours... Ainsi, il n'est pas rare de constater chez des personnes victimes d'ondes nocives le phénomène appelé « insomnie », que ni les somnifères, ni les conditionnements mentaux n'arrivent à vaincre. Il est le premier stade pendant lequel l'organisme s'affaiblit et s'épuise... »


Bien que travaillant parfois à distance avec succès - comme en attestent plusieurs lettres qu'il me montre - C. Saccaro se veut un homme de terrain. A votre appel, il accourt avec son attirail de parfait petit « rééquilibreur » non diplômé (ni hélas reconnu par la Sécurité Sociale).


Son intervention consiste à utiliser des moyens physiques pour bouter lesdites ondes nocives hors de chez vous, comme un dératiseur vous débarrasserait des nuisances dues à la gent ratière.


Pour cela, il utilise soit un neutralisateur d'ondes nocives, en bois, instrument commun dans le métier, mais qu'il a construit de ses propres mains ; soit il effectuera un « cerclage » de votre bâtisse en la ceinturant d'un cordon spiralé parfaitement calibré.


« Ne pas jouer aux apprentis sorciers en .voulant faire cela tout seul, m'a-t-il fait comprendre. Le sens des spires ainsi que leur nombre dépend du cas de figure envisagé. Si on se trompe, l'effet peut être inverse et catastrophique. Réservez s'il vous plaît le diagnostic à un spécialiste... »


Mais comme pour tout équilibrage, l'action doit se faire à deux niveaux : sur le local bien sûr, mais il faut aussi réparer les dommages infligés par l'exposition plus ou moins longue aux émanations pernicieuses.


Pour cela, C. Saccaro cherche à agir sur la matière et l'énergie de notre habitant « intoxiqué » par son domicile. « Ne sommes-nous pas constitués essentiellement d'énergie et de matière ? » Dans ce but, il se livre à une détection par radiesthésie des carences d'oligo-éléments du « malade », ces sels minéraux en mini-doses dont la présence, même en quantités infimes, est indispensable aux mécanismes vitaux. En connaissance de cause, il suggère donc un léger changement diététique propre à reconstituer un bon état de santé. « Bien dans sa maison, mais aussi bien dans sa peau, l'un n'allant pas sans l'autre ».


D'après mon interlocuteur, il n'a enregistré aucun échec à ce jour ce qui ne veut pas dire qu'il n'en aura pas dans l'avenir. Pour étayer ses dires, il me fait lire un certain nombre de témoignages de ses « patients » qui louent sa consultation et ses remèdes. « Notre fils s'endort beaucoup mieux, écrit M. X. Je me lève le matin enfin satisfait d'avoir passé une bonne nuit. Je marche allègrement, précise M. Y. Mon stress a aussitôt baissé, après votre « cerclage » ajoute M. Z ».


Bien que, selon son expression, « son carburant, ce soit l'amour et la santé des autres », à ma demande concernant le montant de ses émoluments, il me répond sans détour qu'il n'est pas gratuit. « Il faut bien vivre tout de même ». Mais ses prestations restent raisonnables. ll fait de la radiesthésie « accessible à tout le monde ».


A ce propos, il met en garde contre les appareils miracles, hors de prix, qu'on trouve dans le commerce et qui, suivant la notice, vous transforment « votre appartement en paradis ». Contrairement aux vendeurs de tels gadgets, qui n'assurent ni la pose de l'appareil correcteur, ni son service après-vente (sic), C. Saccaro 'suit ses « clients » et il lui est arrivé d'être appelé et de réussir là où la machine avait été inopérante.


Enfin, il a voulu que je mentionne qu'en aucun cas, il ne prescrit un déménagement. Ni un bouleversement complet de votre mobilier. Quant à la réceptivité psychique des habitants, elle n'est même pas nécessaire. Qu'on y croie ou qu'on n'y croie pas, les ondes nocives agissent sur tout le monde ; l'épuisement est garanti, il dépend de la résistance des gens...


Au terme de notre entretien, C. Saccaro m'a confié qu'il attendait un peu de publicité de notre rencontre. Je la lui fais volontiers d'autant que sa compagnie m'a été fort agréable et elle ne restera pas, je l'espère, sans lendemain.


Je ne me prononcerai pas sur ses techniques de conjurations des maléfices de l'habitat ; ça, je l'en ai prévenu et il l'a accepté comme tel. S'il peut, pour une somme modique en définitive, soulager certains résidents de leurs affres ou de leurs fatigues en agissant indirectement sur leur logement, c'est une manière qui en vaut d'autres d'aider ses contemporains dans le désarroi.


On aurait tort d'ailleurs de rejeter cette idée de maisons funestes au rang des créations factices de l'occulte. Le très sérieux bureau britannique de protection contre les radiations n'a-t-il pas reconnu, récemment, que 5 à 10 % des cancers du poumon pourraient bien être provoqués par le radon - gaz radioactif - s'échappant des murs de pierre granitique de plus de 2.000 maisons anglaises ? On a trouvé, en effet, que certaines bâtisses en contenaient dix fois plus que le seuil où il cesse d'être inoffensif...


Les « maisons à cancer », ce n'est peut-être pas aussi stupide qu'on a bien voulu le dire ?


Publié dans LE COURRIER DE S. & L. DIMANCHE du 12 janvier 1986.

mercredi 21 février 2024

 

Vivons-nous dans un univers à dimensions multiples ?


La quatrième dimension est-elle une réalité ? Et la cinquième... ainsi de suite ?... Il semble qu’en ce domaine, la science entérine la fiction et la devance largement.


A la séance de lancement d’un concours de nouvelles de science-fiction de l’Atelier de Création littéraire de Bourgogne, il y a un peu plus de 2 ans, je m’étais retrouvé, à la tribune, à droite de Pierre Barbet, auteur représentant l’école française du genre.

A cette occasion, j’ai dû constater, notamment au sujet de la théorie des univers parallèles, que l’imagination de ces champions avérés en la discipline était aujourd’hui prise de vitesse par les progrès de la science, du moins en théorie si ce n’est en pratique.


La science-fiction à la remorque.

Pourtant, ce sont bien ces écrivains de l’imaginaire qui ont exploité à satiété l’idée d’une quatrième dimension, voire d’une cinquième, et les noms qui me viennent à l’esprit, sans aucune idée de classement, sont Barjavel, Guieu, Klein, Curval, Caroff, Richard-Bessière mais aussi Maurice Renard, Marcel Thiry, Léon Groc et Raoul Bigot.

Or, tous me paraissent aujourd’hui complètement dépassés lorsque, par exemple, Jacques Vallée - alias Jérôme Sériel comme auteur de SF et aussi grand scientifique - annonce, le plus sérieusement du monde, que notre univers pourrait bien avoir 136 dimensions, se fondant certainement sur les avancées récentes de la physique théorique.

Le concept que notre monde compterait des dimensions supplémentaires cachées est relativement récent, bien que figurant en filigrane dans certains textes orientaux antiques. Le britannique Henry More (1614-1687) en est reconnu comme l’inventeur au 17ème siècle, lorsqu’il conféra aux esprits des morts une qualité occulte, « épaisseur de la substance » qu’il appela « spissitude ». Sa pensée profonde influença Newton lui-même.

Il est vrai que l’hypothèse extra-dimensionnelle demande un effort d’abstraction certain que je vais tenter de vous épargner, dans la mesure du possible évidemment.


Notre monde a déjà quatre dimensions

Selon notre expérience de tous les jours, combien la nature semble-t-elle avoir de dimensions ? Je dis bien « semble ». Trois ? Quatre ? Un moyen simple d’obtenir la réponse est de compter les degrés de liberté dont nous jouissons nous-mêmes.

Un ami vous téléphone pour convenir d’un rendez-vous. Quels renseignements doit-il vous donner pour que vous puissiez vous rencontrer ? Premièrement, l’endroit choisi. Pointez sur le plan de la ville la mairie, par exemple : H 13. Selon le quadrillage de votre guide, ces deux coordonnées vous indiquent OU vous rendre. Mais est-ce suffisant pour réaliser la jonction désirée ? Non. Car si vous le cherchez au rez-de-chaussée et qu’il vous attende à l’étage, le contact peut être problématique. Ainsi, spatialement, il vous faut fixer 3 coordonnées, selon les 3 degrés de liberté de notre espace commun : latitude, longitude, altitude. Un objet peut se mouvoir à droite/gauche, au nord/sud, en haut/bas. Notre monde a bien trois dimensions.

A partir de là, le tête-à-tête est-il inéluctable ? Pas sûr. Il manque une donnée essentielle: QUAND ? Votre ami vient-il aujourd’hui ou demain ? C’est fondamental pour ne pas vous poser un lapin. Ce degré de liberté de plus amène, derechef, une dimension supplémentaire. Faites le compte : pour un événement à un endroit donné, à un moment donné, trois dimensions d’espace + une de temps; ça fait quatre.


La quatrième dimension, c’est le temps.

Le temps a pris figure, définitivement, de 4ème dimension depuis que Einstein, avec la révolution relativiste, lui a dévolu une part entière dans le continuum espace/temps.

En termes scientifiques, le sentiment de l’écoulement du temps, du passé vers le futur en passant par le présent, de l’avant vers l’après via le maintenant, n’est qu’une impression subjective, une illusion de nos sens comme l’enseignent depuis longtemps certaines doctrines mystiques. Nous sommes chacun un élément d’un univers-bloc à quatre dimensions indiscernables en théorie les unes des autres et, à ce titre, nous en constituons « une forme permanente et immuable ».

Je sais qu’il y a là une subtilité difficile à saisir - je vous avais prévenu - et ce n’est pas dans la place qui m’est impartie ici que je peux espérer éclairer ceux qui, hélas, ont décroché.

Si la théorie de l’espace-temps retient votre attention, je vous recommande le livre de Rudy Rucker « La quatrième dimension », publié au Seuil en 1985. Il consacre trente pages à ce sujet passionnant et dans un style très accessible.

En revanche, il escamote presque totalement les extraordinaires hypothèses selon lesquelles il y aurait, non seulement une, mais deux dimensions temporelles. C’est l’écrivain anglais J.W. Dunne qui, dès 1927, suggéra cette possibilité fascinante et celle-ci a été reprise en 1965 par le philosophe et mathématicien H.A.C. Dobbs. De cette manière pourrait-on expliquer les prémonitions, les coïncidences en fournissant une base rationnelle à la synchronicité.

Mais plongeons maintenant dans les autres dimensions spatiales qui peuvent exister à notre insu tout autour de nous. Et pour rendre cela compréhensible, je vais devoir recourir à une méthode qui a fait ses preuves : l’analogie.


Terreplate, terreligne et hyperespace

Moins connu que Einstein, mais peut-être tout aussi génial, est Adwin A. Abbott, un théologien anglais du siècle dernier qui, en marge d’une œuvre classique, publia en 1884 un opuscule devenu la Bible pour tous ceux voulant développer momentanément un « sens » de pensée multidimensionnelle. Son titre: Flatland : le Pays Plat.

Il ne s’agit pas de celui de Jacques Brel mais d’un monde fictif à deux dimensions - longueur et largeur - seulement, habité par des créatures extra-plates puisque totalement dénuées d’épaisseur !

A travers la satyre sociale de l’époque victorienne - échelle hiérarchique fonction du nombre de côté de ces figures plane où la femme se présente comme un « charmant » segment (le sexe maigre), les militaires et les enseignants en des triangles très pointus et la classe supérieure en polygones, le cercle étant le Roi - se dessine une théorie mathématique extrêmement ingénieuse. A l’aide d’analogies simples, Abbott nous amène à comprendre que nous pouvons très bien n’être, sans le savoir, que la « surface » tridimensionnelle d’une réalité quadridimensionnelle. Comme un Carré - le héros du Plat Pays - est l’intersection d’un plan avec un cube ou un segment celle d’un carré avec le Pays de la Ligne, à une seule dimension.

Pour imaginer cet espace à quatre dimensions (hyperespace), il suffit d’ajouter un quatrième degré de liberté correspondant à l’alternative ana/kata (équivalent quadrimensionnel de haut/bas) et de se représenter un hypercube à 16 coins et 24 faces, une hypersphère constituée d’une série de sphères devenant de plus en plus petites à mesure que l’on s’éloigne dans la direction ana ou kata etc. Une aubaine pour l’inspiration vagabonde.

Par le biais du jeu subtil de l’esprit, on entre, sans s’en rendre compte, dans le champ abstrus des géométries « exotiques ».


Géométries « différentes »

Et ceci, sans avoir à s’emmêler les neurones et risquer l’attaque cérébrale en passant par les formules compliquées de Riemann, Lobatchewski, Bolyai et Cie. Pourtant, le résultat est tout aussi étonnant quand, dans l’espace courbe de Riemann, la somme des angles d’un triangle est supérieure à 180 degrés et lorsqu’un coin d’hypercube de Abbott est constitué de quatre plans se coupant tous, les uns et les autres, à angle droit !

Seule la pédagogie change. Abbott a choisi l’analogie avec un habitant de Terreplate « évangélisé » par une sphère de dimension supérieure. Et ce Carré rampant m’est autrement sympathique que l’analyse non orthogonale. Chacun ses goûts, n’est-ce pas !

Croyez bien qu’il n’est pas dans mes intentions d’être irrévérencieux envers ces grands mathématiciens inspirés, créateurs des géométries dites non euclidiennes. Leurs travaux fondés sur des données hypothétiques et des nombres abstraits, après avoir été considérés comme pures spéculations intellectuelles, se révèlent aujourd’hui des outils indispensables à notre compréhension des univers parallèles.

Car, depuis peu, on s’est aperçu que les lois qui régissent l’univers ne sont pas les mêmes que celles qui conditionnent notre planète. Et, en particulier, au niveau microscopique, il semble bien que la physique des particules soit vraiment multidimensionnelle.


Supercordes et dimensions multiples

Selon les spécialistes, en effet, notre réalité subatomique aurait bien des dimensions spatiales supplémentaires. Et pas moins de six aux dernières nouvelles! C’est ce que sous-tend la fameuse théorie récente du « superstring », qui n’a rien à voir, je le déplore Messieurs, avec un affriolant dessous féminin en dentelles, mais constitue le nec plus ultra actuel en terme de modèle théorique constitutif de la matière. Je ne vais pas entrer dans le détail, rassurez-vous. Sachez cependant que si cela est vrai, y compris nous et les êtres invisibles, résultons du mouvement de petites cordes qui se meuvent et se tortillent dans un espace à 9 dimensions: trois étant celles que nous connaissons et les 6 autres s’étant recroquevillées sur elles-mêmes, « compactées » mais réelles.

Quel auteur de science-fiction aurait osé un tel délire ?

Et on n’en est peut-être qu’au début. Déjà certains avancent un nombre de dimensions compactées de 26 dans les supercordes et même de 950 ! Là encore les mathématiciens ont pris les devants. Hilbert n’a-t-il pas développé une théorie d’espace à une infinité de dimensions ?

Quelles conséquences cela a pour nous me direz-vous ? Eh bien ces dimensions cachées ouvrent les portes des univers multiples, parallèles, coexistant à l’infini avec le nôtre. Dieu vivant, qui sait, dans le dernier de ceux-ci. Chacun de nous serait l’ombre 3-D de quelqu’une d’une dimension supérieure et ainsi de suite jusqu’à l’infini. Nous serions tous l’ombre de Dieu en quelque sorte ou alors des créations objectivées de ses rêves.

Comme l’écrivait P.D. Ouspensky déjà en 1908: « Si la quatrième dimension existe alors que nous n’en possédons que trois, cela signifie que nous n’avons pas d’existence réelle et que nous n’existons que dans l’imagination de quelqu’un ».

Qu’en pensez-vous, mes biens chers Frères ?



Publié dans Le COURRIER DE SAÔNE & LOIRE DIMANCHE du 18 mars 1988.