lundi 11 avril 2016

Les observations d’humanoïdes invalident-elles l’HET ?


Certains ufologues, et non des moindres, prétendent que la présence d’entités humanoïdes vues aux abords d’ovnis posés au sol (rencontres rapprochées du 3ème type) irait à l’encontre de l’hypothèse extraterrestre (HET). Cette idée se serait même installée comme une évidence. Nous allons voir qu’il n’en est rien, bien au contraire !
Il s’agit tout simplement d’une offensive anti-ET orchestrée par une poignée d’ufologues déçus, vexés de leur incompréhension du phénomène et soucieux, surtout, d’éluder frontalement la problématique ovni.
On peut même dire que l’évolution chronologique des idées scientifiques en matière de portraits-robots des intelligences ET suit très parallèlement celle des schémas restitués après les RR3.


Parmi les arguments anti-ET avancés par J. Vallée il y a 20 ans (1), et auxquels se réfèrent les ufologues qui lui ont emboîté le pas depuis dans sa complexification et son ésotérisation du problème posé par les ovnis, venaient en premiers le nombre des rencontres rapprochées dites du troisième type – RR3, selon la terminologie de J. A. Hynek – et la physiologie type humanoïde des êtres entraperçus au cours de la plupart de celles-ci.

Trop de RR3
Quelques mots encore sur l’argument nombre que j’ai déjà abordé ici (2) mais qui mérite qu’on y revienne tant il paraît largement surestimé : J. Vallée évaluait à 5 000 le nombre de cas enregistrés de RR3 jusqu’en 1990. Puis, se laissant emporter par son souci d’en rajouter pour être crédible, il extrapolait joyeusement à 100 000 [facteur 1 cas sur 10 rapportés (x 10) + facteur monde entier (x 2), les cas signalés provenant essentiellement d’Amérique, d’Australie et d’Europe [ce qui ne reflète plus guère la situation d’aujourd’hui ! (3)]. Puis, carrément, il multipliait tout cela par 10, sous prétexte de la mise en évidence d’une certaine attitude d’« évitement » de la population par le phénomène, de moindre fréquentation des zones urbaines là où se trouvent plus nombreux les témoins potentiels. Comme justification à ce coup de baguette magique, il citait une référence de distribution géographique datant de 1975 (4) qui émanait en partie de lui (on n’est jamais mieux servi que par soi-même !) et n’hésitait pas à affirmer sérieusement qu’elle indiquait que les RR3 se produisent avec une fréquence relativement plus grande dans les déserts et les régions sans habitation ! D’où 90 % des RR3 qui auraient pu passer inaperçues !

C’est ainsi qu’il aboutissait en fin de course à ce chiffre ahurissant de 14 millions d’atterrissages d’ovnis en 40 ans sur lequel personne d’autre que lui ne s’est jamais permis de revenir tant il est extravagant !

Qu’une telle extrapolation ait pu franchir les étapes de validation d’une revue dite « à référés » montre combien il est difficile de trouver des spécialistes en une matière pseudo-scientifique qui sachent s’affranchir de la notoriété de l’auteur, aussi grande soit-elle. Une carence malheureusement en vigueur dans tous les domaines anomalistiques où la formation officielle est inexistante et la compétence mesurée à l’aune de facteurs bien peu rationnels.

Du délire à l’état pur mais qui permettait aisément à J. Vallée de soutenir – on l’aurait fait à moins - qu’« il est difficile d’affirmer que des explorateurs spatiaux ont besoin d’un tel nombre d’atterrissages sur la surface d’une planète pour analyser le sol, prendre des échantillons de flore et de faune et établir une carte complète ». Comme s’il avait lui-même l’exclusivité des confidences des ET sur leurs motivations à venir nous visiter !

Qu’en est-il aujourd’hui de ces chiffres nés de l’imagination d’un ufologue isolé ? J’ai déjà dit que l’Occident ne semble plus avoir le monopole des observations d’ovnis. Au contraire, ceux-ci paraissent plutôt bouder ces contrées saturées d’un riche historique ufologique : comme si l’intelligence campée derrière le phénomène voulait justement tester des esprits neufs non timorés et ouverts à d’autres idées.

Il existe sur Internet un excellent site (5) qui répertorie années après années les observations d’humanoïdes. On peut y voir que, depuis 1990, le nombre de rencontres avec des humanoïdes a chuté drastiquement passant de 400 à 100 en 2009 après un pic en 1990. Quatre fois moins ! Et 2010 suit la même tendance.
Comme si les ET avaient réagi illico pour apporter le démenti à l’illustre ufologue, 1991 avait été une année très pauvre en signalements d’humanoïdes. Depuis, le nombre semble s’être stabilisé autour de 100 par an, mais les données sont manifestement polluées par les rencontres en chambre type enlèvements (abductions) pour lesquelles, on l’à déjà vu ici (6), une forte influence psychosociale imprègne les visions largement imaginaires pour ne pas dire plus.

100 RR3 par an, c’est 4 000 en 40 ans, bien loin du chiffre de J. Vallée de 14 millions !

Devant cette chute drastique du nombre annuel de RR3 avec humanoïdes (hors abductions et même avec), J. Vallée est-il revenu sur son chiffre aberrant pour autant ? Bien sûr que non. En ufologie, comme nulle part ailleurs, les assertions des supposés spécialistes ont un statut papal d’infaillibilité : elles ne sont jamais remises en cause, comme gravées dans le marbre à l’image de l’illusion de la ligne droite : l’orthoténie d’A. Michel qui continue encore à hanter certains ufologues.

Passons maintenant au fait que l’humanoïdie des entités aperçues à proximité d’ovnis au sol serait sensée aller à l’encontre de leur extraterrestrialité. Argument tout aussi fallacieux ; et ceci à deux points de vue :

-          la vision imaginaire à travers les stéréotypes de représentations des extraterrestres dans l’esprit des romanciers ou illustrateurs de science-fiction ;

-          la vision biologique.

SF et soucoupes volantes
Selon une autre catégorie d’ufologues psychosociologisants, les descriptions des créatures par les témoins auraient été largement influencées par les représentations d’extraterrestres issues de la science-fiction et ce, particulièrement par les dessins des pulp magazines, ces mythiques publications américaines bon marché (on parlait d’illustrés en France, de mon temps !) de la première moitié du siècle dernier (avant l’observation de K. Arnold de 1947) qui eurent un énorme succès auprès des couches populaires ?

Selon ces tenants de l’imprégnation de l’inconscient collectif par ces images colorées au point de les voir restituées par les témoins d’ovnis et de leurs occupants sous forme d’archétypes (thèse jungienne), le schéma stéréotypé de l’ET humanoïde proviendrait de cette fascination des jeunes américains pour ce genre de littérature.

Là aussi, il y a longtemps que des études sérieuses ont montré que cette influence n’avait pu agir qu’à la marge et non pas colorer à l’extraterrestre des observations d’objets usuels et non reconnus comme tels par le témoin. Cette thèse fantasmatique, pour ne pas dire fantasmagorique, continue cependant à être colportée surtout dans les milieux sceptiques puisqu’elle permet d’enfermer les témoins dans une camisole d’halluciné ce qui complaît grandement aux railleurs impénitents de l’HET.

Cette représentation de Martiens parue dans Cosmopolitan de mars 1908 pour illustrer la nouvelle de H. G. Wells : The Things That Live on Mars n’a jamais trouvé de place dans l’iconographie ET ufologique.

Le dernier numéro papier de la revue FATE (7) [interrompue depuis un an pour raison de crise économique aux USA] consacre un article à l’un de ces dessinateurs qui travailla pour Amazing et Wonder Stories. Or, précisément, ces dessins de créatures extraterrestres n’ont rien d’humanoïdes. En voici quelques exemples.


On peut trouver aussi quelques images d’ET plutôt exotiques nés de l’imagination d’écrivains ou de dessinateurs de SF dans un livre récent (8).


Par quel mécanisme ces images si prégnantes n’auraient-elles pas, elles aussi, marqué l’imagination des Américains moyens des années 1930 ? Au point de les voir renvoyées, comme projetées sur quelque objet incongru aperçu à distance et non reconnu ?

Mon ami britannique Hilary Evans, dans son beau livre Mondes d’Ailleurs, publié en français en 1999 (9), en commentaire d’un portrait de martien issu d’un magazine de 1937 sous la forme d’insectes géants qu’il disait être parmi les créatures favorites d’Hollywood et des auteurs de science-fiction ajoutait finement que celles-ci figurent rarement dans les témoignages d’ovnis.

Le prototype de l’ET selon les RR3

Un tableau de l’iconographie extraterrestre est paru en 1997 (10), dressé par l’ultra-sceptique Joe Nickell, qui présente de façon synthétique les formes décrites par les témoins de rencontres rapprochées au fil du temps (1947-1993).

L’auteur remarque avec pertinence que les descriptions d’occupants des ovnis tendent à devenir standardisées. Il note que la forme humanoïde a commencé en 1961 avec le cas B. & B. Hill (oublie-t-il les Vénusiens de G. Adamski ?) et ajoute que l’implication mythologique de ce type de description semble être que les aliens sont des voyageurs temporels, c'est-à-dire nous-mêmes dans quelques siècles voire milliers d’années.

Souvenons-nous de cette intéressante suggestion de la part d’un ultra-sceptique quand nous verrons que l’humanoïdie des créatures censées être sorties des ovnis ne va en rien à l’encontre de leur origine extra-spatiale.

Pour ma part, je note à partir de ce tableau chronologique des ET décrits par ceux qui ont fait une RR3 que, certes, la forme humanoïde est dominante mais qu’elle n’est pas exclusive, loin s’en faut.

Voyons donc alors en quoi cette apparence proche de celle de l’Homme pourrait exclure une provenance de l’espace extraterrestre.

Le problème de la physiologie avancé par J. Vallée
C’est le fait que les rapports d’aliens comprennent 2 bras, 2 jambes, une tête dotée d’organes de perception (même nombre, mais pas mêmes formes) qui fournissait à J. Vallée son deuxième argument fatal anti-HET. Selon lui, cela distendrait exagérément notre biologie que ces entités, supposées venues d’ailleurs, soient le produit d’une évolution d’un autre corps planétaire comme établi par l’HET.

On va voir que ce prétexte anti-HET est tout à fait gratuit ou alors il reflète une ignorance en matière d’évolution qui surprend chez un scientifique.

L’allégation selon laquelle la comparaison des créatures terrestres, aussi diverses soient-elles, irait dans le sens de telles ressemblances anatomiques était largement contestable puisque ne s’adressant pas à des êtres doués d’une intelligence équivalente à la nôtre.

Peut-on supposer, écrivait J. Vallée, que les visiteurs ET originaires d’un environnement planétaire complètement différent du nôtre, non seulement nous ressembleraient, mais respireraient notre air et marcheraient comme nous ? Et d’ajouter : Même si, par quelque principe inconnu d’exobiologie, les aliens ont évolué naturellement en forme humanoïde… Or, précisément, il y a un principe de biologie, ignoré semble-t-il par J. Vallée, qui résout cette question. C’est celui dit de convergence que J. C. Ribes & G. Monnet n’oubliaient pas de mentionner dans leur livre publié précisément en 1990 (11) et ayant la vocation d’expliquer la vie extraterrestre. Une convergence évolutive, déjà constatable sur la Terre (ressemblance des dauphins – mammifères contemporains – avec les ichtyosaures – reptiles fossiles - éloignés de quelques millions d’années), à laquelle ils adhéraient en écrivant : Nous pensons que l’adaptation aux conditions de vie d’une autre planète où s’est déroulée une évolution animale conduit naturellement à un être qui présente les mêmes caractéristiques générales que nous.

Et d’évoquer de petits hommes sur de grandes planètes, bien sûr fonction du facteur taille induit par la pesanteur.

Pour une fois, les astronomes faisaient montre de plus d’imagination qu’un ufologue. Mais en l’espèce, J. Vallée faisait-il là œuvre d’ufologie. Lui qui se disait bien informé ne mentionnait, en effet, aucunement cette théorie qui attribue une forme humanoïde à l’aboutissement de toute évolution du moins sur des planètes types Terre.

Réfutations faciles
Comme déjà signalé en ces pages (2), les réactions au texte anti-HET de J. Vallée ne se firent pas attendre, notamment de la part d’un membre de la McDonnell Douglas Corporation (une des plus importantes compagnies aérospatiales du monde) californien, R. M Wood (12), pour qui l’HET n’est pas si mauvaise que ça (et je le rejoins sur ce point).

Et, plus spécifiquement, sur l’argument de Vallée selon lequel la structure corporelle humanoïde des allégués aliens n’est pas susceptible de provenir d’une autre planète et n’est pas biologiquement adaptée au voyage spatial, R. M. Wood conteste la supposition explicite que l’HET implique qu’une évolution indépendante est survenue sur d’autres corps planétaires. Rien n’indique que ce soit vrai et, d’après lui, ce n’est pas du tout essentiel pour l’HET.

Il se peut que l’évolution indépendante des formes de vie ait donné l’homo-sapiens parce qu’il est très fonctionnel. Il n’est pas évident que différentes pesanteurs, des inclinaisons de planètes différentes sur l’équateur, des durées de jour différentes ou différentes intensités de la lumière solaire conduiraient à des formes de vie substantiellement différentes. Il est possible que 98 % des formes de vie dans l’univers sont semblables à celles de la terre et ce, sans avoir recours à une situation dite de panspermie dans laquelle toutes les formes de vie peuvent facilement aller partout.

Certes, ces considérations semblent aussi personnelles et spéculatives que celles de J. Vallée mais, selon moi, on peut aller dans le même sens – et de façon plus consensuelle – en remarquant que le monde scientifique actuel, dans sa chasse à la vie sur les exoplanètes, nous dit, à nous tous qui voulons bien l’entendre, que la vie ne doit être au rendez-vous que sur des planètes qui sont en situation par rapport à leur étoile, par rapport à leur taille… bref avec des caractéristiques générales qui se rapprochent de celles de la Terre. On recherche ainsi une planète sœur, vivable voire habitable, sur laquelle, selon les spécialistes, doit se trouver la vie, voire une intelligence. Et cela, ni par anthropomorphisme, ni par conviction théologique, mais très scientifiquement parlant. Jamais je n’ai entendu dire que des poissons vivant dans des océans de méthane et intelligents de surcroît puissent se trouver sur l’une des 450 grosses exoplanètes qui ont été déjà localisées. On s’accorde plutôt pour dire que la vie a peu de chance d’exister sur ces grosses planètes type Jupiter.

Un autre Californien s’interrogea pour savoir si les thèses de J. Vallée pouvaient être conciliées avec l’HET (13). Pour lui, ce serait possible en admettant que l’espèce humaine a été l’objet d’une expérience d’ingénierie génétique de la part d’une société extraterrestre (ce qu’il expose dans un livre (14) publié en 1989) : cela résoudrait immédiatement 3 problèmes posés par J. Vallée : la fréquence des visites, l’existence depuis longtemps du phénomène ovni et les similarités physiologiques et comportementales entre les êtres humains et les créatures supposées ET.

Je doute que cette thèse à laquelle j’ai contribué dès 1972 en envisageant les croisements d’ET débarqués sur Terre avec les autochtones terriens (entre les fils du Dieu biblique et les filles des hommes, tel que stipulé dans la Genèse) ne séduise encore beaucoup aujourd’hui même si elle est encore chère à mon cœur (folie de jeunesse ?).

Mais c’est avec des arguments plus solides que nous allons démontrer que la théorie anti-ET de J. Vallée, basée sur la similarité physiologique des occupants d’ovnis avec les hommes, ne tient plus la route.

A quoi ressemblent-ils, les ET ?
On va voir que si, effectivement, la forme des ufonautes observés au voisinage des ovnis posés au sol s’est bien anthromorphisée, il en est de même des idées que se font les savants sur la forme que pourraient prendre les intelligences extraterrestres.

Loin de moi l’idée de dresser un tableau chronologique reprenant l’idée que se sont faite les penseurs compétents qui se sont penchés sur la probable forme des éventuelles intelligences ET. Je n’en ai ni les moyens ni l’ambition. Je vais simplement lancer quelques coups de sonde dans quelques sources à moi disponibles pour démontrer qu’en la matière, les idées ont beaucoup changé.

Par exemple, C. Sagan (1934-1996), dans son livre phare (15) publié en 1973, ne consacre que très peu de place à cette question des formes possibles d’ET intelligents. Il écrit seulement ces quelques lignes page 23 de l’édition poche française : Le jour viendra peut-être où nous entrerons en contact avec une autre forme d'intelligence, issue de quelque planète d'un lointain système solaire, avec des êtres produits par des milliards d'années d'évolution autonome, des êtres dont rien ne nous laisse à supposer qu'ils seraient à notre ressemblance - encore qu'ils puissent penser de façon voisine de la nôtre. Il nous faut élargir le champ de notre reconnaissance, non seulement aux formes de vie terrestre les plus simples et les plus humbles, mais aussi aux formes de vie étrangères et avancées, qui nous avoisinent peut-être dans l'immensité stellaire de notre galaxie (c’est moi qui ai souligné).

Ronald Bracewell (16) [1921-2007], auteur du concept de Club Galactique, pour sa part, en 1974, ne se risquait qu’à ces quelques sentences à propos des formes de vie ET intelligentes : Il n’est pas probable qu’une autre forme de vie intelligente doive ressembler physiquement à l’homme. Probable ou possible ? Et d’ajouter : Nous ne pouvons supposer que notre taille est représentative (des ET). Il envisageait des géants ou des nains en fonction des conditions de la planète d’où ils seraient originaires.

Ainsi, ces deux grands esprits semblaient accréditer l’idée que les humanoïdes observés lors des RR3 1961-73 ne correspondaient pas aux idées qu’ils se faisaient des ET. Sont-ce sur ces avis éclairés que s’est fondé J. Vallée pour étayer son attaque anti-ET ?

Pas en tout cas sur celui de Poul Anderson (1926-2001), écrivain de SF qui, en 1963, écrivait (17) : En fait, de nombreuses espèces intelligentes doivent paraître très proches des humains au moins pour quelqu’un qui ne voit pas très bien et a perdu ses lunettes, selon une boutade de Willy Ley (1906-1969), pionnier de la conquête spatiale et de la cryptozoologie !

Faisons un saut de 24-25 ans. Seth Shostak, astronome américain au SETI Institute, se pose comme un nouveau Sagan. Mais dans son livre (18) publié en 1998, soit il fait montre de moins d’imagination, soit il souscrit à au consensus ambiant qui veut voir aujourd’hui la forme humanoïde comme probablement la plus majoritaire dans l’univers des civilisations ET.

Pour lui, les ET intelligents doivent être complexes pour être capables ; ni trop petits (au moins quelques milliards de cellules et aucune chance qu’ils tiennent sur une tête d’épingle !), ni trop gros, pour garder une certaine agilité. En fait, il fait l’hypothèse que ce sont des animaux à sang chaud non amphibies avec des jambes (pas des roues !), des membres, des mains (pas des tentacules), des yeux (pour récupérer de l’information sur leur environnement), tout cela en un nombre ne dépassant pas deux (par économie cérébrale). En d’autres termes ces ET ont une tête avec un cerveau dedans et un corps humanoïde avec bras et jambes. Un grand changement, n’est-ce pas, par rapport à la prudence de ses illustres prédécesseurs.

Certes, la forme humaine n’est certainement pas la seule à l’œuvre, mais du moment qu’elle peut figurer la morphologie de ceux qui sont susceptibles de s’intéresser à nous, ce serait de la mauvaise foi de leur refuser le statut d’ET rien que parce qu’ils nous ressemblent !

Pour s’en convaincre encore plus, il suffit de regarder le portrait robot d’ET dressé dans le dernier numéro de Sciences & Avenir (novembre 2010) qui, certes, présente un quadrupède à 4 pattes mais aussi avec deux bras et mains !

L’évolution des vues pour la représentation des ET en direction de prototypes se rapprochant de l’humain vient aussi du fait, je le répète, que la recherche des exoplanètes à zone habitable se focalise sur les planètes qui pourraient révéler la présence d’eau (comme le SETI) et dont les conditions physiques et atmosphériques se rapprochent de celles de la Terre.

Il est vrai qu’on peut se demander à quoi bien servirait de détecter un nuage intelligent du type évoqué dans le célèbre roman de SF de Fred Hoyle (1915-2001) (19).

Mais la réciproque est vraie : si des extraterrestres s’intéressent à nous et nous visitent à bord des ovnis, rien d’étonnant qu’ils répondent à la définition de nos Frères du Cosmos et aient ainsi recherché une civilisation qui leur ressemble. Du moment qu’ils existent et qu’on les recherche !

Ce n’est pas parce que des ET pourraient revêtir une forme radicalement différente de la nôtre que ce sont eux qui ont choisi de nous visiter ; au contraire…

N’en déplaise aux monstres nés de l’imagination des écrivains de science-fiction ou des scénaristes d’Hollywood qui travaillent dans un tout autre registre : celle de l’émotivité. En nous concentrant sur la détection de planètes jumelles de la Terre, dont on nous dit qu’elles fourmillent dans le cosmos, on doit quand même s’attendre à tomber sur nos frères siamois du cosmos. Et si les exobiologistes s’engagent à fond dans cette voie, ce n’est pas par hasard.

S’il y a aussi des ET difformes par rapport à nous, un autre facteur est avancé pour accréditer l’idée que la forme humanoïde pourrait être dominante et même l’aboutissement inéluctable de l’évolution de la vie. Et là J. Vallée est inexcusable de n’y avoir pas pensé.

La thèse de la convergence
L’idée de convergence évolutive n’est pas nouvelle, elle date des années 1970-80. On a vu Ribes & Monnet en parler en 1990 pour les dauphins et les ichtyosaures mais la liste en est longue ; elle se manifeste non seulement entre les mammifères marins et les reptiles, même si les premiers semblent avoir évolué à partir de quelque chose comme un chien et les seconds des lézards, mais aussi à d’autres niveaux tels que l’intelligence et l’organisation sociale comme chez les abeilles et l’octopus ! Elle touche à la morphologie, mais aussi à la bipédie, au mimétisme, au vol… J. Vallée devait en avoir connaissance en 1990.

Pour ce qui est de ce phénomène de convergence évolutive, c’est Stephen Jay Gould (1941-2002), biologiste, géologue, historien des sciences, dont le bagage scientifique dépasse largement celui des ufologues, qui en fut le grand agitateur d’idées même s’il fut plutôt contre, hors génétique.

Dans son livre : La structure de la théorie de l'évolution (2002, prix inabordable en occasion dans sa traduction française), il définissait cela comme un phénomène se situant à l'opposé, car engendré par les forces externes de la sélection naturelle et agissant sur un substrat interne malléable qui n'impose aucune contrainte. Autrement dit, une évolution parallèle provient du partage de mécanismes développementaux communs (donc homologues), contraignant de l'intérieur une similitude de forme chez les organismes considérés, alors que la convergence signe l'adaptation à une même pression externe exercée par l'environnement.

En clair, l’évolution n’est pas seulement dictée par la pression des conditions de la vie mais aussi par des mécanismes inhérents à la vie. Une vie, d’ailleurs, qui, selon la thèse de la convergence, conduirait inévitablement à l’intelligence.

Toutes ces convergences rendent difficile d’éviter la conclusion que l’évolution d’une créature humanoïde était à peu près programmée depuis au moins l’explosion cambrienne, écrit Simon Conway Morris, un professeur de paléobiologie de l’Université de Cambridge, auteur d’un livre remarquable sur la question (20). Ainsi, l’homme serait l’aboutissement dévolu aux planètes qui en sont à ce stade.

Et d’ajouter : Si la recherche pour la vie extraterrestre réussit, peut-être que la plus grosse surprise sera de constater que toutes les formes de vie se ressemblent.

Peut-être J. Vallée serait-il bien inspiré de lire le livre de S. Conway Morris pour revoir sa copie en ce qui concerne son critère d’exclusion extraterrestre constitué par l’apparence humanoïde des créatures apparues dans les RR3 ?

Un avis autorisé ?
Interviewé à l’occasion des 50 ans du programme SETI (recherche vaine d’une vie extraterrestre intelligente capable – ou soucieuse – de nous envoyer des signaux électromagnétiques), le pionnier américain F. Drake répondit dernièrement en ces termes (21) à la question suivante : A quoi pensez-vous qu’un extraterrestre ressemblera ?

Réponse : Nos physiologie et morphologie ne sont certainement pas uniques. Mais les humains sont finalement bien bâtis : c’est bon de se tenir debout parce que cela libère les mains pour manipuler des outils, par exemple. C’est mieux d’avoir la tête en hauteur pour repérer une proie. Nos deux bras ne sont sans doute pas optimum comme quiconque qui a transporté des paquets de marchandises de sa voiture à sa maison a pu s’en apercevoir. Ainsi, mon hypothétique ET sera un peu comme nous mais avec quatre bras. Mais à quoi l’évolution a-t-elle pu conduire ailleurs ?

Qui a dit que les setistes manquent d’imagination ? Finalement, le plus aguerri de la catégorie décrit les extraterrestres de façon bien anthropomorphique.

Conclusion
En aucune façon, la présence d’humanoïdes sortis des ovnis n’élimine l’hypothèse selon laquelle ils pourraient s’agir d’êtres extraterrestres. Celui qui affirme ça se met en porte à faux, non seulement par rapport à la stratégie SETI actuelle qui cherche activement à repérer des planètes où de tels êtres pourraient se trouver, mais avec une théorie avant-gardiste de l’évolution de la vie qui semble indiquer qu’ils sont très, très nombreux.

Pourquoi ne serait-ce pas une de ces civilisations type humanoïde que l’on recherche qui a décidé, il y a 63 ans, de venir croiser dans nos parages ? Rien ne permet actuellement de l’exclure, sinon une forte dose de mauvaise foi dont celle, par exemple, de nourrir l’idée insensée que nous sommes les seuls créatures pensantes de l’univers.

Notes et références :

1/ Vallée, Jacques F., Five arguments against the extraterrestrial origin of Unidentified Flying Objects, Journal of Scientific Exploration, Volume 4, Number 1, 1990.

2/ Granger, Michel, L’HET est-elle obsolète ?, UFOMANIA, n° 58, mars 2009.

3/ Le MUFON UFO Journal, n°508 de août 2010, titrait : « La Chine est-elle la nouvelle destination de choix pour les ovnis ? »

4/ Poher, Claude & Vallée, Jacques, Basic Pattern in UFO observations, American Institute of Aeronautics and Astronautics, 13th Aerospace Sciences Meeting, 20 janvier 1975. Voilà une référence prestigieuse et surtout très inaccessible !


5/ http://www.ufoinfo.com/humanoid/ qui existe encore en 2016 mais semble avoir stoppé son estimation annuelle en 2014. Dommage !
Le graphique du nombre des observations d’humanoïdes par an a évolué (la base de donnée s’est enrichie de nouveaux cas passés) mais reste conforme à ma conclusion de 2009 : baisse du nombre de cas de 500 en 1990 à 100 depuis 2010.


6/ Granger, Michel, Les enlèvements ET : réels ou imaginaires ?, UFOMANIA, n° 60, septembre 2009.

7/ FATE, PO Box 460, Lakeville MN 55044-0460, USA. Abonnement à 6 numéros version papier : 39,95 dollars US. Site WEB : www.fatemag.com.

8/ Bosson, Yves & Abdelouahab, Farid, Dictionnaire visuel des mondes extraterrestres, Flammarion, 2010.



9/ Evans, Hilary, Mondes d’Ailleurs, MLP Editions (Carlton Books Ltd), 1999.


10/ Nickell, Joe, Extraterrestrial Iconography, Skeptical Inquirer, septembre/octobre 1997.

11/ Ribes, J.-C. & Monnet, Guy, La Vie Extraterrestre, Essentiels, Larousse, 1990.

12/ Wood, Robert M., The Extraterrestrial Hypothesis is not that bad, in Journal of Scientific Exploration, Volume 5, number 1, 1991.



13/ Bramley, William, Can the UFO Extraterrestrial Hypothesis and Vallée Hypotheses Be Reconciled ?, in Journal of Scientific Exploration, Volume 6, number 1, 1992.


14/ Livre intitulé The Gods of Eden et publié par Dahlin Family Press qui défend les mêmes thèses que celles du prolixe Z. Sitchin (1922-2010, décédé récemment) d’humains ingénierisés par des ET.

15/ Sagan, C., Cosmic Connection, ou l’appel des étoiles, Editions du Seuil, Paris, 1975.

16/ Bracewell, Ronald N., The Galactic Club. Intelligent Life in Outer Space, Stanford Alumni Association, Californie, 1974.

17/ Anderson, Poul, Is There Life on Other Worlds?, Collier Books, New York, 1963.



18/ Shoshak, Seth, Sharing the Universe. Perspectives on Extraterrestrial Life, Berkeley Hill Books, Berkeley, Californie, 1998.

19/ Hoyle, Fred, Le Nuage noir ou Nuage de l’Apocalypse, Dunod, 1962.

20/ Conway Morris, Simon, Life’s Solution. Inevitable Humans in Lonely Universe, Cambridge University Press, 2003.


21/ New Scientist, 9 janvier 2010.






Publié dans UFOMANIA n°65, hiver 2010.

1 commentaire:

  1. N'oublions pas de mentionner l'ouvrage sur les RR3 et les différents travaux d'Eric Zürcher, que nous retrouvons
    ici en interview: https://www.youtube.com/watch?v=t6LtXWrafhU

    Certaines de ces enquêtes sont disponibles sur le site web du C.R.U.N. comme ici avec le cas du bois des Prannes:http://info-crun.over-blog.com/article-le-cas-du-bois-des-prannes-haut-var-1976-46488345.html

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