vendredi 18 mars 2016

Pourquoi les astronomes ne voient (presque) pas d'ovnis ?



Pourtant, ils semblent particulièrement bien placés, n'est-ce pas, en tant qu'observateurs professionnels du ciel ?

Malgré cela, rares sont les astronomes témoins d'ovnis dans le cadre de leur activité professionnelle. Ou du moins disposés à en faire état publiquement !

Alors, presbytie, crainte du ridicule ou bien autre chose ? C'est ce que nous allons tenter de déterminer.


« Tout le monde en voit. Des gens qui lèvent des yeux distraits vers le ciel une fois par mois ont la chance d'en apercevoir. Mais nous autres astronomes, qui passons notre vie à scruter le ciel, nous n'en avons aucune dans nos télescopes » (1).

Ainsi s'exprimait en son temps le célèbre Professeur E. Esclangon au sujet des soucoupes volantes, montrant, s'il était besoin, le bien-fondé de la question posée en titre de cet article.

Il y a fort longtemps que des arguments techniques ont été avancés pour expliquer ce fait : à savoir la non détection d'ovnis par les astronomes.

Un phénomène atmosphérique

Le commentaire le plus éclairé en la matière nous vient, une fois de plus, d'Aimé Michel, l'ufologue français hélas disparu, auquel nous devons le regard le plus réaliste jamais jeté sur le phénomène des objets non identifiés.

« Combien d'avions, combien d'oiseaux, le professeur Esclangon a-t-il aperçu dans son télescope au cours de sa carrière ? », interroge-t-il. Et de répondre : « Aucun évidemment ! » Pourquoi ? Eh bien tout d'abord parce que le champ d'observation habituel de l'astronome est plus lointain que la zone que sillonnent les soucoupes volantes communément... et les oiseaux.
           
 
Aimé Michel (1919-1992).
« Le phénomène soucoupe volante (…) n'est pas un phénomène astronomique », affirme Michel avec toute la pertinence* dont il savait si bien user. C'est un phénomène météorologique dans la mesure où, selon les seuls témoins que nous ayons, il sillonne la couche atmosphérique terrestre basse, là où le promeneur est mieux à même de le percevoir à l'œil nu que l'astronome à travers sa puissante lunette grossissante, braquée sur quelque objectif situé tout au loin. Ainsi l'astronome est-il comme un presbyte : il peut détecter quelque chose très éloigné suivant la performance de son appareil, tandis que tout ce qui se situe à proximité lui échappe d'autant plus facilement. Si d'aventure la soucoupe se trouve traverser, au loin, la plage d'observation du télescope, alors c'est sa luminosité qui est insuffisante pour la signaler à l'attention du scrutateur céleste patenté.

Couverture du ciel réduite

Reste la possibilité qu'à courte distance, un ovni tombe, par inadvertance dirais-je, dans le mince pinceau angulaire d'un instrument accommodé sur l'infini. L'astronome devrait alors signaler « quelque chose », à moins qu'il ne mette cela, à cause de l'effet inévitable de flou, sur le dos d'une aberration optique ou n'accuse une poussière d'avoir glissé sur son objectif.

Qu'on se rassure, ces « quelque chose » (s ou sans s ?) sont nombreux dans les annales de l'astronomie, même si on n'y a pas porté, faut-il le déplorer, grande attention.

Mais il y a une autre raison à la non détection des ovnis par les astronomes.

Dans le seul livre scientifique écrit sur la question des ovnis (2), sous la direction de Carl Sagan, Franklin Roach, astronome de l'Université d’Hawaï, montrait, en 1968, que la « couverture photographique » du ciel, à l'époque par plus de 211 télescopes en service, était inférieure à 1,5 %. Les chances qu'un ovni traverse le champ d'observation très étroit d'un télescope, dans ces conditions, étaient donc très faibles. Et elles doivent le rester aujourd'hui même si le pourcentage de ciel couvert a dû s'accroître notablement . Mais comme actuellement le ciel ne fourmille pas d'ovnis !

Ainsi, trouve-t-on deux bonnes raisons à ce que les astronomes ne voient pas d'ovni : objectif focalisé trop loin et champ d'observation trop étroit. Si bien qu'on a pu dire que l'observation des astres était incompatible avec celle des ovnis. Or il se trouve que, malgré cela, ils en détectent proportionnellement plus que le promeneur nez au vent depuis le plancher des vaches.

Une enquête très sérieuse

C'est ce qu'a mis en évidence une enquête déjà ancienne et curieusement seulement publiée cette année, en 1994, dans le Journal of Scientific Exploration (3), auprès des membres de l'American Astronomical Association (A.A.A.), là où les esprits sont plus libres qu'en France et moins soucieux de ne pas se discréditer auprès de leurs confrères « archisceptiques ». On verra que des grands noms de l'astronomie américaine n'ont pas craint de faire état de leurs observations.

En 1975, un questionnaire concernant une éventuelle observation d'ovni fut envoyé à 2611 membres de l'A.A.A. (donc à des professionnels et non à des amateurs). 1356 furent retournés, ce qui fut déjà considéré comme un franc succès. 62 astronomes avouèrent avoir observé quelque chose ; cela conduit à un pourcentage nettement au-dessus de ce que l'on s'accorde à penser au niveau de la population ordinaire. Un astronome sur 22 (ou sur 42 si l'on admet que tous ceux qui n'ont pas répondu n'avaient rien vu - d'autres raisons de ne pas signaler leurs observations ayant pu entrer en ligne de compte comme on le verra plus loin) aurait aperçu « quelque chose d'insolite », inassimilable à quelque bolide ou autre phénomène naturel avec lesquels les astronomes doivent être beaucoup plus familiarisés que l'homme de la rue.

Il doit aussi être noté que l'éventail des phénomènes observés ne se distinguait en rien de ce que les témoins inexpérimentés au sol rapportent avoir vu : une majorité d'événements nocturnes avec surtout des lumières, puis des points, des « formations », des lumières diffuses. Mais aussi des disques et des objets d'autres formes. Enfin 16 engins vus de jour, discoïdaux pour la plupart. Rien d'original par rapport à ce que signale Monsieur tout le monde à ras de terre.

Une confirmation

Edward J. Ruppelt (1923-1960).
Cette enquête corroborait le résultat d'une consultation auprès des professionnels du ciel beaucoup plus ancienne (1952) et limitée (elle portait sur 45 astronomes « d'une autorité reconnue par tous », cependant). Edward J. Ruppelt, qui dirigea pendant 2 ans le projet Blue Book, de connivence avec le fameux Professeur J. Allen Hynek, avaient alors trouvé que 11 % des astronomes consultés (donc 5) « avaient constaté des phénomènes qu'ils ne pouvaient expliquer ». « C'était plus que la moyenne pour un groupe de gens déterminés » (non astronomes), laquelle avait établi que 1 % environ des gens, à l'époque, avaient vu des ovnis. « Il semblait en résulter que les astronomes voyaient plus d'U.F.O. (unidentified flying saucers) que les citoyens ordinaires »(4).
Ainsi était dissipé, du moins aux Etats Unis, le mythe selon lequel « aucun astronome professionnel n'a jamais vu un ovni ». Frank Edwards, en son temps, allait jusqu'à écrire que cette assertion « était un des plus grands mensonges de notre temps » (5).

Pour s'en convaincre, il suffit de citer quelques exemples dont ceux, pour commencer des 5 astronomes dont il a été question ci-dessus.

L'un (le R, parce qu'ils sont restés anonymes, ayant été « piégés » par Hynek) avait vu « une lumière qui apparut vaguement dans son champ de vision » et allait beaucoup plus vite qu'un avion et beaucoup plus lentement qu'un météore.

L'astronome II avait vu « un groupe de 5 objets ressemblant à des billes de roulements » (sic) et, deux ans plus tard, « un unique objet qui disparut à ses yeux en accélérant ».

Le Professeur La Paz, lui, ne cachait pas son identité d'astronome réputé. Il avoua avoir vu lui-même un de ces fameux « globes de feu verts » dans le ciel du Nouveau Mexique, avant que ceux-ci ne survolent en nombre l'Ouest américain dans les années 1950.

L'astronome OO avait observé : « deux lumières qui se déplaçaient parallèlement », difficiles à réduire à des avions ou des météores.

Enfin l'astronome NN était Clyde Tombaugh, dont nous parlerons ci-après.

Observations d'astronomes d'avant-hier...
           
Une source potentielle de références intéressantes à des ovnis se trouve dans les archives de l'astronomie à la rubrique des « corps célestes opaques se projetant sur le disque solaire ou lunaire ».

En 1762, à Bâle (Suisse), l'astronome de Rostan put contempler un gigantesque « cigare volant auréolé d'un anneau lumineux qui passa lentement devant le soleil » (6).

Le 2 juin 1873, des astronomes de l'Observatoire de Paris relataient dans le Journal du Ciel , avoir vu « trois corps ronds qui évoluaient à 80 km d'altitude, à vitesse réduite et sans laisser de traînée ». Il ne pouvait alors s'agir de satellites artificiels à cette époque ?

Le 29 juillet 1878, les astronomes James C. Watson et Lewis Swift, durant une éclipse totale de soleil, virent deux objets en forme de disque, chacun de plus de 500 m de long, volant à plus de 35 000 mètres.

Un éminent membre de l'équipe du Royal Observatory de Greenwich décrivit, en novembre 1882, un « étrange visiteur terrestre » : il s'agissait d'un grand disque verdâtre apparu soudain assez bas à l'horizon. Vitesse et altitude excluaient la confusion avec un zeppelin.

Le Professeur Jose A.Y. Bonilla, à l'Observatoire de Zacatecas, Mexique, le 12 août 1883, observa au téléobjectif, à 8 heures du matin et ce, pendant deux heures, plusieurs centaines de « corps opaques qui traversèrent en ligne droite le disque solaire ». Il put même en photographier tel que rapporté dans L'astronomie Populaire, en 1885.

... d'hier ...

Clyde Tombaugh (1906-1997).
Clyde Tombaugh, célèbre astronome américain découvreur de la planète Pluton, l'un des derniers gens de métier à observer le ciel avec un instrument optique, ne dissimulait pas le fait qu'il avait vu un ovni. En août 1949, il rapportait avoir suivi à la lunette le vol d'un cigare lumineux avec des semblants de hublots. Il déclina cependant une interview proposée 27 ans plus tard par Alan Landsburg arguant (sic) que « cette observation lui avait créé plus d'ennuis que cela n'en valait la peine à ses yeux » (7), suite à son témoignage reproduit dans le grand magazine américain Life. Il est vrai que cette observation avait fait ombrage aux travaux qui lui avaient été plus tard confiés concernant « la recherche de satellites naturels inconnus de la Terre ».
           
En février 1950, le Dr C.D. Shane, de l'Observatoire Lick du Mont Hamilton, en Californie, prit 8 clichés sur plaque d'un drôle d'objet trop rapide pour être un astéroïde.

Le 20 mai 1950, selon l'Arizona Daily, le Dr Seymour Hess, chef du département de météorologie de l'Université de Floride associé à l'observatoire Lowell à Flagstaff, Arizona, vit, entre minuit 15 et minuit 20 à l'œil nu, un objet « discoïdal » brillant à apparence métallique.

Le 3 août 1951, le Professeur Walter N. Webb, chargé de cours en astronomie au Charles Hayden Planétarium à Boston, exerçait un groupe de jeunes scouts à observer divers objets célestes à travers un petit télescope. Peu après 11 heures du soir, il remarqua une « lumière jaune-rouge se déplaçant suivant une trajectoire ondulatoire » au-dessus des collines. L'objet était si bas qu'il passa derrière le sommet des arbres.

Frank Edwards (1908-1967).
Interviewé par Frank Edwards, l'astronome Frank Halstead, ancien conservateur de l'Observatoire Darling, de l'Université du Minnesotta à Duluth, reconnaissait volontiers avoir observé, en novembre 1965, depuis un train, un « objet en forme de cigare » qui survolait la montagne que longeait la voie ferrée. « Au bout d'un moment, un second objet se joignit au premier; il avait une forme de disque ».

A la question d'Edwards : « Connaissez-vous d'autres astronomes qui aient eu des expériences similaires », la réponse avait été franche : « Oui ».

Le 8 novembre 1957, l'agence de presse Reuter rapportait l'observation de 3 astronomes du Mont Stromlo, à Canberra, en Australie, concernant « un objet plus brillant que la planète Vénus qui traversa le ciel ». « Définitivement, ce n'était pas fait de main d'homme », déclarèrent-ils faisant chorus. L'engin fut repéré par des membres de la Société Astronomique de France à Toulouse (8).

...et d'aujourd'hui

Le 24 mars 1966, l'astronome Munoz Ferrada observa un objet orange, au dessus de Valparaiso, Chili. Selon ses dires : « c'était définitivement sous contrôle intelligent et sûrement pas un satellite. »

En juin de la même année, un membre de la B.A.A. (British Astronomical Association, dont je fais partie) et son compagnon rapportèrent avoir observé « un étrange objet » en forme de cône lumineux.

Le 23 août 1966 fut le jour de l'observation d'un mystérieux satellite du soleil par Muammer Dizer, directeur de l'institut du soleil à Kandilli. Il prit même une photo qui fut publiée dans la revue Sky and Telescope de février 1967.

Edward U. Condon (1902-1974).
 Le tant décrié rapport Colorado datant de 1968 fait l'impasse sur les témoignages des astronomes en matière d'observation d'ovnis. Pourtant plusieurs professionnels de l'astronomie faisaient partie du comité scientifique Condon. Incidemment, au cas 18 de l'énumération des cas couverts par l'enquête (9), un « astronome » (amateur, professionnel ?) est cité comme « observateur de lumières dans le ciel se déplaçant lentement en émettant des étincelles », au printemps 1967. Condon réduit effrontément cela à des ballons d'air chaud lâchés par un groupe d'étudiants de collège!

En septembre 1971, quatre astronomes en veille de l'observatoire Saint-Michel de Haute Provence, dont deux de Meudon en mission, furent alertés par des coups de téléphone de témoins signalant un objet lumineux insolite dans le ciel. Ils repérèrent l'objet à l'œil nu, puis l'observèrent à travers des jumelles 10 x 50 mais ne dirent jamais publiquement ce qu'ils en pensaient (10).

On ne doit pas non plus négliger les témoignages des astronomes amateurs, eux aussi spécialistes du ciel, s'il en est.

Et les amateurs ?

Bien que les rares projets de surveillance photographique du ciel (RESUFO en France) n'aient jamais donné de résultats probants, on trouve des exemples qui confirment bien que quiconque scrute systématiquement le ciel y voit des ovnis. Et ce, depuis bien longtemps aussi.

Dans la nuit du 24 décembre 1909, James Ferguson, astronome amateur de Limerick, Irlande, relata avoir observé « un objet lumineux brillant » au-dessus de l'horizon, pendant plus de 20 minutes.

Le 15 septembre 1952, vers 20 heures (heure locale), M. J. Grivel, astronome amateur, à Thiès (Sénégal) fit une observation que la revue L'Astronomie, dans son numéro de février 1953, reproduisit sous l'étiquette : « objet suspect » (6).

Charles Garreau. Photo © Yves Bosson
 En août de la même année, un « mystérieux objet céleste » - comme on les appelait à l'époque - stationna pendant 12 heures au dessus de la Bourgogne, étant observé de Salins, dans le Jura, au Creusot. Charles Garreau, qui couvrit l'événement, raconte dans un de ses livres (11) qu'un professeur parisien, en vacances à Arnay-le-Duc, observa l'objet à la lunette (grossissement 20 fois) : « il avait la forme d'un anneau d'une certaine épaisseur présentant deux taches très brillantes, diamétralement opposées. »
           
« Un objet cylindrique se déplaçant en divers sens », traversa la région du Jura, de la Côte d'Or et de la Saône et Loire, le 17 août 1953 et fut suivi au moyen d'une lunette astronomique utilisée en topographie (grossissement 25 fois).
           
En septembre 1968, Hermanus Voorsluys, astronome amateur de Victoria, Canada, non seulement observa des ovnis à travers son télescope, mais il en fit des photos qui, après l'élimination d'une confusion avec un ballon, un feu d'atterrissage, un engin expérimental, continuent d'intriguer.

J'ai personnellement interrogé sur la question le sympathique Président de la Société d'Astronomie de Saône & Loire, M. René Bourillon**. Bien qu'extrêmement prolixe sur le phénomène, « en 25 ans d'observation astronomique, il n'a jamais rien vu qui puisse passer pour un ovni ». Et d'ajouter qu'à son avis, un télescope n'est pas fait pour ça: à savoir détecter les ovnis, « parce que l'instrument augmente trop les vitesses ».

Un témoignage et un argument qui, pour moi, en vaut beaucoup d'autres.

La crédibilité des astronomes

Voilà donc largement démontré que les astronomes professionnels aussi bien qu'amateurs voient des ovnis. Est-ce alors la preuve que les ovnis existent ?

Il ne faut pas aller trop vite en besogne dans un sens comme dans l'autre. Le fait que les astronomes voient rarement des avions ne doit pas conduire au fait qu'il n'y a pas d'avion, n'est-ce pas ? Alors soyons circonspects. Surtout que les astronomes, bien qu'observateurs entraînés, ne sont pas infaillibles même si leurs témoignages doivent être raisonnablement plus solides que ceux du commun des mortels. Ils savent en principe identifier les bolides et autres phénomènes naturels.

Philip J. Klass (1919-2005).
Mais il ne faut pas aussi prendre tous ces cas argent comptant; d'autant moins s'ils sont anciens. Un astronome peut voir quelque chose de « surprenant et d'insolite » et que ce ne soit pas un ovni. Un seul exemple vient de l'enquête de P.A. Sturrock, citée plus haut, et a été dénoncé, bien sûr, par Philip J. Klass. Un membre de l'A.A.A. vit, le 5 octobre 1973, à l'œil nu, une lumière brillante que, sur le coup, il ne put expliquer. D'où les qualificatifs employés. En fait, il s'agissait de l'explosion d'une fusée Titan-2 intercontinentale lancée par l'US Air Force depuis sa base de Vandenberg en Californie éloignée de plus de 800 km. (12).

Ainsi, le témoignage d'un astronome, comme tout témoignage humain, peut être sujet à caution. Mais de là à réduire toutes les observation d'ovnis signalées par les astronomes à des mirages célestes, comme le fait Steuart Campbell dans un livre (13), il y a une limite que je ne peux personnellement pas franchir.

De même, s'il est bon de demander l'avis des astronomes sur les ovnis, méfions-nous de leur tendance à répondre hors sujet : comme, suivant leur habitude, en se prononçant sur l'éventualité d'une vie extra-terrestre (14). En fait, ils cherchent à éluder soigneusement le sujet qui amènerait l'interviewer à leur demander s'ils ont vu, au cours de leurs nuits de veille, quelque chose d'insolite. Cette technique de langue de bois, courante en politique, est malheureusement fort prisée par les astronomes français. Donc inutile de prêter trop d'importance à leur verdict, concernant les ovnis en général, sauf ceux qu'ils ont vu éventuellement. A ce propos, si vous connaissez d'autres exemples, surtout récents, d'observation d'ovnis par des astronomes, je vous saurais gré de bien vouloir m'en aviser et vous en remercie par avance.

Une dernière remarque sur les astronomes : ceux qui ne croient pas aux ovnis - et c'est la grande majorité - ont le fâcheuse tendance de se faire entendre plus que ceux qui y croient. Surtout en France d'ailleurs.

« Reluctance » nationale

Une légende solidement accréditée dans l'opinion en France veut qu'aucun
astronome n'ait jamais vu de soucoupe volante.
Michel Carrouges (15).


Il est vrai que des déclarations comme celle de Mme Camille Flammarion, qui avait certainement l'esprit moins ouvert que son illustre mari, répondant à un journaliste par: « Les astronomes ne croient pas aux soucoupes volantes pour une raison bien simple : ils n'en ont jamais vu une seule », ne sont pas là pour faciliter les relations ufologues/astronomes.

Peut-on dès lors se demander pourquoi si peu de ces professionnels du ciel signalent leur observation en France en particulier.

Je doute qu'une consigne venue d'en-haut muselle les astronomes. Je ne suis pas une chaud partisan de cette théorie du silence édicté par les instances. Je pense plutôt à une banale crainte du ridicule dans un domaine où leur crédibilité est grande mais on l'a vu faillible. La réticence à signaler leurs observation est plus subtile : en reconnaissant avoir vu quelque chose, ils cautionneraient en quelque sorte d'un phénomène qu'ils ne peuvent expliquer et qui sent le soufre.

J. Allen Hynek (1910-1986).
J. A. Hynek, ancien président du département d'astronomie de la Northwestern University, qui avoua jusqu'à sa mort en 1986 son regret de n'avoir jamais vu d'ovni, parlait de « la terrible crainte de la publicité » par les astronomes autres que lui. « Il suffirait qu'on lise dans les quotidiens un titre ainsi libellé: - Un astronome a vu une soucoupe volante pour que celui-ci soit considéré comme suspect par ses collègues » (16).

L'éventualité d'une peur de marginalisation professionnelle par leurs pairs n'est pas à exclure non plus. Des exemples de sanctions foisonnent pour ceux qui ont montré trop ostensiblement leur intérêt pour l'étrange et l'inexpliqué en général et pour les ovnis en particulier.

Rapporter un ovni, pour un astronome, ce serait comme relater une rencontre avec un serpent de mer pour un officier de la Marine Nationale. Dans ma vie de chimiste professionnel, j'ai rencontré peu de collègues avouant ouvertement s'adonner à des expériences d'alchimie. Et pourtant j'ai appris par la bande que certains s'exerçaient dans le secret à l'art d'Hermès.

L'opinion négative - voire leur scepticisme - des astronomes vis-à-vis des ovnis, maintes fois exprimée, a même dissuadé les ufologues de leur demander leur participation pour résoudre l'irritante énigme des ovnis. La mobilisation des professionnels du ciel pour une surveillance « ufologique », tout d'abord souhaitée, est maintenant totalement non désirée. La non-observation affichée des astronomes les a rendus suspects aux yeux des ufologues.

Manque d'intérêt

Carl Sagan (1934-1996).
Le fameux Carl Sagan, qui n'a cessé de discréditer l'ufologie après l'avoir clairement encensée quand il était jeune, apporte comme démenti à l'existence des ovnis le fait que lors d'une intense surveillance du ciel opérée dans les années 1950 par les observateurs de Harvard, et tandis que cette période fut caractérisée par de nombreux témoignages au sol, « aucun objet suspect ne fut détecté par les professionnels ».

Encore faudrait-il que les astronomes manifestent une once d'intérêt envers le phénomène. Ce qui est loin d'être évident. La tête de l'astronome est-elle ainsi faite qu'elle est imperméable aux mystères du ciel ? Un comble !
           
Michel Carrouges (1910-1988).






Michel Carrouges rapporte qu'en août 1952, les météorologistes de Villacoublay, ayant observé au théodolite des lumières suspectes dans le ciel parisien, se virent répondre par le gardien de service de l'Observatoire de Paris « qu'il n'y avait personne cette nuit-là » (sic). Pas étonnant que nos astronomes hexagonaux ne voient rien s'ils ne regardent même pas !

Il est un fait que de moins en moins d'astronomes regardent à travers des télescopes préférant examiner des photos ou des enregistrements TV confortablement assis à leur bureau.

Et que dire de l'astronome Y, interrogé dans le cadre de l'enquête de 1952, qui n'avait rien vu mais déclara : « Si je voyais un des objets, je n'en dirais rien »

Finalement pour comprendre le silence « ufologique » des astronomes, une anecdote contée par le Professeur Hynek résume bien, à mon sens, tout le problème.

« Durant l'été 1968 écrit-il, plusieurs centaines d'astronomes se réunirent à Victoria, en Colombie britannique. Au cours d'une soirée donnée en leur honneur, la rumeur circula parmi eux que l'on pouvait observer, à l'extérieur du bâtiment, des lumières évoluant bizarrement - des U.F.O. Les plaisanteries, les rires jaunes - preuves réelles d'un malaise - fusèrent aussitôt parmi les participants, mais nul d'entre eux ne s'aventura au-dehors pour constater le fait par lui-même » (17).
           
C'est donc simplement un adage qui justifie le mieux le fait que les astronomes ne voient pas d'ovnis : n'est pire aveugle que celui qui ne veut rien voir.

Notes :

* Depuis que j'ai écrit ces lignes, j'ai tempéré mon admiration pour A. Michel depuis que j'ai découvert qu'il nous avait mené quasi sciemment en bateau au sujet de l' « orthoténie ».

** Il a été remplacé à ce poste depuis bien longtemps.


Références :

1/ Cité par Aimé Michel dans Lueurs sur les soucoupes volantes, Editions Mame, 1954.
2/ UFO's. A scientific Debate, Edited by Car Sagan and Thornton Page, Cornell University Press, 1972.
3/ Peter A. Sturrock, J.S.E., Volume 8, N°1/2/3, 1994.
4/ Capitaine Edward J. Ruppelt, Face aux soucoupes volantes, Editions France Empire, 1958.
5/ Frank Edwards, Flying Saucers - serious business, Lyle Stuart, New york, 1966.
 6/ rapporté dans Les soucoupes volantes viennent d'un autre monde, Jimmy Guieu, Editions Fleuve Noir, 1954.
7/ Alan Landsburg, A la recherche des civilisations extra-terrestres, Presses de la Renaissance, 1978.
8/ Jacques Vallée et Janine Vallée, Les Phénomènes insolites de l'espace, La Table Ronde, 1966.
9/ Dr Edward U. Condon, Scientific Study of Unidentified Flying Objects, Bantam Books, 1969.

10/ Charles Garreau, Soucoupes volantes, 25 ans d'enquêtes, Editions Mame, 1971.
11/ Charles Garreau, Alerte dans le ciel, Editions Alain Lefeuvre, 1981.
12/ Philip J.Klass, UFOs, The public deceived, Prometheus Books, 1983.
13/ Steuart Campbell, The UFO mystery solved, Explicit Books, 1994.
14/ voir, par exemple, le chapitre "Que disent les astronomes ?" dans le livre de Philippe Schneyder, OVNI, Premier Bilan, Editions du Rocher, 1983.
15/ Michel Carrouges, Les Apparitions de Martiens, Arthème Fayard, 1963.
16/ rapporté par Brad Steiger dans O.V.N.I. : Le projet "Blue Book", Belfont, 1979.

17/ J. Allen Hynek, Les objets volants non identifiés, mythe ou réalité ?, Belfont, 1974.










Ce texte a été publié dans le numéro 4 de la Revue de l'ALEPI (Association Louhannaise d'étude des Phénomènes Inexpliqués), en février 1995.





















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