mercredi 27 novembre 2019

La photo du cheval affolé par des ovnis


Voilà une histoire dite « à tiroir » tant elle a fait l’objet de nombreux rebondissements ; elle est digne d’une vraie énigme policière avec une chute spectaculaire.

Commençons par le début : en septembre 1968, M. André Bernier et son épouse, de Bruxelles, sont en vacances, en Espagne, sur la Costa Brava. Ce jour-là, ils sont en excursion de Barcelone à Tarragone et le car fait une pause près de Lloret (déformé en Lioré ou Liorey). « C’était vers la mi-journée, raconte-t-il dans la revue L’Inconnu de janvier 1978, et je descends du bus, pour me dégourdir les jambes, muni de mon appareil photo, dans l’espoir d’y fixer un paysage.

« Près d’une maison qui pouvait être une grange, on déchargeait une charrette attelée ; deux personnes transportaient de lourds paniers dans la remise. Le ciel était uniformément bleu, avec quelques nuages moutonneux… Sans raison apparente, le cheval affolé se cabrait. Je pris un cliché au 1/250ème de seconde, espérant saisir l’attitude de l’animal les pattes antérieures levées. Je ne pris malheureusement qu’une photo, puis nous continuâmes notre route ».

« Jugez de ma stupéfaction, lorsque, rentré de vacances, je reçus les diapositives en provenance du laboratoire de développement. De tout le film, seule cette diapo avait des couleurs dénaturées : le ciel était d’un jaune étrange qui baigne d’ailleurs toute la photographie. A l’endroit exact où je n’avais vu que quelques nuages moutonneux, se trouvait un groupe de cinq objets (en fait, il y en un sixième un peu plus bas) aux contours assez flous et paraissant rayonner une lumière intense… »



Tels sont les faits rapportés par le témoin et rien, à priori, n’incitait à douter de leur véracité. La chronique veut que M. Bernier se soit demandé : « Qu’y avait-il réellement dans le ciel en cette fin septembre 1968 ? Pourquoi d’honnêtes nuages se sont-ils transformés en ce qui ressemble à une escadrille de cinq ovnis » ? Le cheval s’est-il affolé à les voir alors qu’ils étaient imperceptibles à l’œil humain ? Sur la photo reproduite ici, j’ai foncé le ciel autour  des « soucoupes ».

Suite à une émission de la Radio Télévision Belge sur les ovnis en 1969, M. Bernier contacte un ufologue présent sur le plateau et lui confie sa photo et son histoire. Ainsi, laSOBEPS (Société Belge d’Etude des Phénomènes Spatiaux) s’empare de l’affaire : l’analyse de l’image conclut que la possibilité de truquage est quasiment nulle. Il ne s’agit ni d’une réflexion sur des vitres, ni d’une scène montée avec une maquette.

Une piste est cependant soulevée : celle de la coloration jaune du ciel qui baigne toute la photographie et dont la source se situe à faible hauteur, au-dessus du cheval. Du coup, comme dans tout bon scénario policier, on s’oriente vers un coupable : le Soleil, bas à l’horizon et non pas au zénith comme M. Bernier l’a laissé entendre disant qu’il était midi lorsqu’il a pris son cliché. Mais cela n’explique plus les incohérences des ombres. Quant à la couleur jaune, elle peut provenir de l’utilisation en extérieur d’une pellicule couleur destinée à lumière artificielle. C’est cette « erreur » qui aurait transformé les nuages en soucoupes en en exacerbant le relief !

Cette hypothèse sera reprise en 2003 par des membres du CNEGU (comité Nord-Est des Groupes Ufologiques), spécialistes des ovnis issus de reflets lumineux. Mais eux ne pensent pas que le témoin se soit trompé de pellicule – et d’heure ; ils mettent en cause M. Bernier « qui a simplement voulu jouer une simple farce.

Alors, manifestation d’origine inconnue ? Erreur ou mystification ? Montage avec lumières dissimulées au sol, mise en scène de très ordinaires reflets d’un éclairage sur une vitre avec ricochet ?
La clé du mystère est venue en 1986 – discrètement, puisqu’elle n’a été connue qu’en 2005 – lorsqu’un ufologue belge, Jean-Luc Vertongen a tenté de reconstituer le voyage du témoin entre Lloret de Mar et Taragonne… Sur le trajet, se trouve Vilafranca del Penedès avec une grande place et d’un côté le palais des rois d’Aragon et de l’autre une ancienne abbaye abritant le Musée du vin. « A peine avais-je mis les pieds dans l’entrée du musée que, sur ma droite j’apercevais déjà ce cher cheval et sa carriole, dans une vitrine au fond du couloir menant aux salles d’exposition. La vitre cintrée de chaque petite vitrine reflétait les spots accrochés au milieu du plafond de cette petite rotonde… », là où, 18 ans plus tôt, M. Bernier avait fait sa photo avec une pellicule pour l’extérieur !

A noter que la SOBEPS, en 1986, ne jugea pas utile de publier cette découverte, ce qui n’est pas très fair play, c’est le moins que l’on puisse dire, d’autant que son analyse se révèle totalement erronée. Il est vrai que les responsables avaient changé, entre temps. Combien de cas élucidés comme celui-ci encombrent les archives ufologiques ?

Publié dans DIMANCHE SAÔNE & LOIRE du 16 avril 2006.

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