lundi 17 février 2020

La mort de Jimmy Guieu (1926-2000)


Par Michel GRANGER

 Il y a 20 ans, mourait Jimmy Guieu. Pour beaucoup d’ufologues, il personnifia le maître de l’ufologie des années 60 du siècle dernier. Sans aller jusque là dans la considération laudative, à travers les contacts que j’ai eus avec lui (conférences, publication avortée de livre, correspondance, etc.), j’ai toujours apprécié en lui un auteur sincère, toujours soucieux de me gagner à sa cause que je ne partageais pas forcément, notamment sur la cause des mutilations de bétail. Il me considérait comme « trop tiède ». Il est vrai que jamais je n’ai jamais adhéré à l’idée que les extraterrestres sont là autour de nous, à nous guetter, nous surveiller, à charcuter notre bétail, avec une motivation claire qu’il n’a jamais réussi à m’expliciter.


Qui n’a un jour acheté dans le kiosque d’une gare un des livres de cet auteur prolifique à l’imagination débordante publié par le Fleuve Noir ? Qui n’a entendu parler des « petits gris » et des EBE (entités biologiques extraterrestres) dont il avait installé l’idée et l’archétype en France ? Qui n’a été tenté de rejoindre l’Institut Mondial des Sciences Avancées qu’il avait fondé ? Il se disait « écrivain, ufologue, parapsychologue, conférencier », quatre facettes de sa personnalité qui en faisaient un personnage hors du commun.

 Pionnier de l’ufologie

C’est en 1952 qu’il crée avec Marc Thirouin (1911-1972) le Groupe d’Etudes Ouranos, la première association française consacrée aux ovnis qu’on appelait alors soucoupes volantes. Grâce à ses appels lancés sur Radio-Monte-Carlo, il peut constituer un réseau d’enquêteurs et de correspondants. Ceux-ci ne regrettent pas de s’être ralliés à lui car les petits hommes verts répondent eux aussi présents et gratifient notre pays de la fameuse vague de 1954. Cela lui permet de publier en France le premier livre du genre « Les soucoupes volantes viennent d’un autre monde », en 1956,  et « Black-out sur les soucoupes volantes », en 1958, auxquels on se réfère encore aujourd’hui.

 

 Son intérêt pour les ovnis ne se tarira jamais, bien au contraire. Convaincu de la conspiration du silence des autorités, il sera aussi un des premiers à se prononcer sur les enlèvements, alimentant la thèse que les E.T. sont parmi nous. Sa prise de position en faveur de l’affaire de Cergy-Pontoise viendra le discréditer quand les protagonistes avoueront l’imposture, notamment dans le cadre de la collection « Les Carrefours de l’Etrange » qu’il dirigea chez divers éditeurs.

Un maître de la science fiction française

Avant tout J. Guieu était un écrivain, un vrai, un extraordinaire conteur d’histoires. Ses romans de SF prenaient appui sur les faits réels qu’il glanait à la source même de l’ufologie, du paranormal, du fortéanisme, des traditions folkloriques et d’un ésotérisme dont il avait appris à pénétrer les secrets à travers diverses confréries et sociétés qui l’avaient accueilli en leur sein.
Son œuvre considérée par certains comme mineure demeure néanmoins considérable avec plus de 100 titres, traduits, réédités et vendus à des centaines de milliers d’exemplaires. Son « Le pionnier de l’atome » publié en numéro quatre dans la collection anticipation du Fleuve Noir fait l’objet d’une recherche incessante des collectionneurs et se vend fort cher.        
Ses derniers livres inclassables mêlant SF, espionnage, voire politique pas toujours très saine, ne sont pas, à mon avis, ce qu’il a écrit de mieux.


 

 

Un conférencier hors pair

Avec sa voix si caractéristique et son port de tête énigmatique, J. Guieu savait aussi bien parler que manier la plume. J’avais pu goûter ses talents d’orateur il y a une dizaine d’années lors d’une conférence à Louhans (71) où mes amis de l’ALEPI (Association Louhannaise d’Etude des Phénomènes Inexpliqués) l’avaient invité. Il était un merveilleux discoureur et énonçait sans sourciller les pires des énormités dont il ne paraissait pas éprouver la démesure. Intimement persuadé qu’il était sans cesse sous surveillance, selon lui on ne cessait d’épier ses faits et gestes, cherchant à empêcher les révélations qu’il distillait sans complexe. J’avais eu affaire à lui lorsque, en quête d’un éditeur pour mon livre « Le grand Carnage », il m’avait demandé de le remanier dans le sens de privilégier la thèse extraterrestre pour expliquer ces inexplicables mutilations de bovins américains. Il me jugeait trop tiède dans mon engagement et m’exhortait à le suivre dans ce qu’il considérait lui, non pas comme une possibilité, mais comme une certitude. Qu’on puisse en douter lui semblait totalement exclu, moi pas.

 

Hommage à l’homme

Une bonne partie de l’ufologie française s’est retrouvée réunie derrière son cercueil à ses obsèques à La Chaussée d’Ivry, près d’Evreux, le 6 janvier dernier. La vieille école hélas de plus en plus clairsemée mais aussi la nouvelle vague, si j’ose dire, chez laquelle ses écrits ont suscité maintes vocations. Il a ouvert des horizons, entrebâillé des portes, en a enfoncé d’autres ; les extraterrestres lui doivent beaucoup mais sauront-ils s’en souvenir ou du moins se reconnaître dans sa fourmillante imagination ? Un des derniers du « cercle des poètes », il personnifiait une figure quasi mythique certes un peu dépassée mais combien sympathique.

 

J’ai publié cette nécrologie dans le journal , DIMANCHE S & L, 30/01/2000.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire