Le grand carnage
Des milliers de carcasses de
bovins et de chevaux jonchant la prairie du Middle West. A chacune, il manque
un ou plusieurs organes vitaux: qui un œil, qui une oreille, qui la mamelle ou
la partie rectale.
Une des victimes en 1978 au Nouveau Mexique.
Des fermiers qui se refusent à
reconnaître dans ces mutilations le travail des prédateurs : écureuils,
vautours, renards, pies jacasses, corbeaux. Et pas des jeunes fermiers
inexpérimentés, frais émoulus de leur nouvelle condition d’éleveurs. Mais des
professionnels qui ont vécu toute leur vie déjà avancée dans ces contrées et
qui savent identifier les marques du passage des bêtes sauvages vivant encore
dans ces immenses herbages.
A l'origine de tout cela, un poney
au cou littéralement dépiauté en 1967 au Colorado sur lequel courut les rumeurs
les plus folles : trouvé radioactif, il aurait tout simplement été touché par
un ovni !
Et une histoire de vol de bétail
datant de 1897, avec cette image obsédante d'un veau beuglant entraîné dans les
airs par un étrange hélicoptère encore inexistant techniquement puisque
silencieux.
Des enquêteurs passionnés, dont
les soupçons s'égarent parfois aux limites du raisonnable pour justifier ce
grand carnage aux 4000 victimes, en cours depuis plus de 20 ans : savants
clandestins poursuivant en secret quelque recherche sur les armes
bactériologiques maintenant prohibées aux USA ; maniaques sexuels en mal
d'horreur ou pourvoyeurs d'organes pour les sectes florissantes dans ces zones
reculées du Nouveau Mexique, du Texas et de l'Arkansas. Le Gouvernement même,
suspecté des pires collusions, est accusé de fomenter un véritable Watergate bovin en se servant de ces
malheureuses bêtes inoffensives dans quelque dessein inavouable : prospection
minière, recherches sur les lasers, armes chimiques...
Des hélicoptères non immatriculés
qui, nuitamment et silencieusement, sillonnent les prairies en un va-et-vient
infernal sans qu'aucun ne soit intercepté par les surveillants du ciel, ce qui
sous-entend une connivence avec l'Air Force.
Aussi et surtout, des fermiers,
des enquêteurs et des membres des forces de l'ordre qui voient dans ces actes
de cruauté gratuite, aux coupables insaisissables - pas un seul n'a jamais été
surpris en flagrant délit - l'acte de ces êtres mythiques qu'on appelle
extra-terrestres, lesquels feraient des prélèvements pour déterminer le degré
de pollution de notre atmosphère dans l'intention de mettre le holà à certaines
de nos activités polluantes avant qu'il ne soit trop tard...
A l'autre bout du problème, des
médecins, des vétérinaires, des universitaires qui, ne condescendant même pas à
se rendre sur les lieux, proclament du haut de leurs diplômes que la communauté
rurale nord-américaine est prise d'une de ces fameuses vagues d'hystérie collective,
si souvent présente dans l'histoire des peuples.
Suivant cette thèse, ce n'est pas
à une étude sur le terrain qu'il faut consacrer l'enquête - d'ailleurs, elle a
été effectuée et a coûté bien trop cher pour le résultat qu'on en a tiré - mais
une étude sociologique afin de déterminer pourquoi une communauté cesse parfois
de voir des faits anodins comme tels et se met à y discerner, sans raison
apparente, les traces du passage du diable ou de ces démons modernes qui
circulent en soucoupe.
En prenant appui sur les contacts
que j'ai aux Etats-Unis : fermiers, enquêteurs, shérifs, sans cesse sollicités
pour des interventions en plein champ puis frustrés par le fait que leurs
supérieurs leur demandent de plus en plus fermement de laisser tomber ces enquêtes
absurdes, j'ai tenté, avec l'objectivité qu'on doit aux authentiques mystères,
d'y voir clair dans ce gigantesque puzzle dont les différentes pièces refusent
de s'emboîter les unes aux autres.
Une large partie du livre est
consacrée aux faits bruts tels que relatés dans la presse nord américaine. J’ai
ensuite exposé les résultats de l'enquête officielle et laissé la parole à ses
détracteurs. Sont examinées enfin les diverses interprétations officieuses du
phénomène dont certaines ne laissent pas d'être inquiétantes et ceci sous
divers aspects.
Ainsi, suis-je arrivé à la
question : sommes-nous, Européens, à l’abri de telles excentricités. A
savoir : le grand carnage est
exclusivement américain. Doit-on s'attendre à le voir bientôt débarquer chez
nous pour décimer nos troupeaux. Y a-t-il des indices d'une évolution
géographique du style pandémique : les mutilateurs sont-ils à nos frontières?
Une interrogation en forme de
crainte qui, à l'image de l'épidémie de la vache folle,
« désaméricanise » le phénomène et nous oblige à craindre le pire...
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Un des nombreux synopsis envoyés
aux éditeurs, entre 1983 [ G.-H. Gallet (1902-1995) qui dirigeait la collection
« Les Chemins de l’Impossible » chez Albin Michel et qui m’avait
accepté – et publié – 12 ouvrages sortis entre 1972 et 1979, m’avait écrit
en date du 24 janvier 1980 : Le
sujet que vous évoquez à propos de ces mystérieuses mutilations d’animaux dont
a parlé largement la presse anglophone, me paraît une bonne idée qui entrerait
bien dans les « Chemins de l’Impossible », mais, entre-temps, l’éditeur avait décidé d’arrêter la
collection] et Le Grand Carnage ne sera pas édité avant fin 1986 (refusé par une bonne vingtaine d'éditeurs avant qu’Alain Lefeuvre se
ravise…).
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