Aucune « mutilation »
en France ?
En tant qu'auteur
d'un livre documentaire sur les mystérieuses mutilations de bétail en Amérique
du Nord – titre : Le Grand Carnage, paru chez Vertiges/Carrère en 1986,
souvent on m'interroge depuis Outre Atlantique en ces termes : « Y a-t-il
des mutilations suspectes en France », me demande-t-on?
Je remercie très
sincèrement Dale Bacon de me donner l'opportunité ici de répondre
collectivement :- « OUI et NON à la fois.... »
Depuis que je
m'intéresse au phénomène « fortéen » des « mutes »(et cela
fait plus de 10 ans), vous pensez bien que je suis à l'affût de tout incident
qui pourrait, de près ou de loin, présager que le fléau mutilatoire du style de celui que vous subissez se soit propagé
dans notre Hexagone. Et je dispose donc de nombreux exemples qui donnent à
penser...qu'il n'en est rien. Pire même ! Ce qui se passe ici, en France,
semble relever de l'antithèse de ce qui se passe là-bas chez vous aux Etats
Unis. En clair, certes il y a de vilaines exactions perpétrées sur nos bêtes,
mais elles semblent relever de considérations beaucoup plus prosaïques (
flambée du prix de la viande à l'étal des bouchers français très bons mais très
chers) que les incompréhensibles classiques
mutes qui, elles, relèvent de la plus pure absurdité.
Prenons un exemple,
parmi bien d'autres similaires : le 13 août 1988 au matin, M. Perrodin,
agriculteur de La-Grande-Verrière, non loin de chez moi dans la région
d'élevage réputée du Charolais, visitait vers 7h 30 du matin son troupeau (seize
vaches, seize veaux et un taureau) dans un champ dit du « Moulin
Blanc », quand il eut l'attention attirée par un étrange comportement de
ses bovins : ceux-ci étaient curieusement
rassemblés à une cinquantaine de mètres de la barrière.
Or, que découvre M. Perrodin
au beau milieu du pré ? Une véritable mare de sang autour de laquelle les
bêtes se sont agglutinées. Et, en son centre: ce qui reste d'un de ses veaux à savoir pas grand chose en réalité :
la tête, la queue, la panse, le cœur, les poumons et les tripes (sic).
Ainsi, ce qui reste de l'animal français mutilé, c'est
justement ce qui manque sur les
milliers de bovins américains. Cette remarque me paraît particulièrement
révélatrice de la différence entre ce qui se passe ici (chez moi) et là-bas, (chez
vous). Vous pouvez légitimement vous interroger sur l'identité de vos mutilateurs aux goûts morbides et
pervers qui consomment précisément ce que nos bouchers nocturnes laissent sur le terrain... C'est du moins sur
cette piste de voleurs de bétail, ayant opéré le dépeçage sur place, que
s'étaient lancés les gendarmes de la brigade locale qui avaient été alertés,
bien entendu. Car, pour une fois, ils disposaient de quelques indices :des
traces de pneus devant l'entrée du champ et des pièces à conviction négligées par les mutilateurs français et qui
font les délices de vos mutilateurs
puisqu'elles sont généralement portées manquantes sur les carcasses de vos
bovins. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas, comme en témoignent deux
autres exemples récents signalés dans la même région: à Perrecy-les-Forges où
un veau de 350 kilos n'a pas été retrouvé dans le champ où il était enfermé le
12 juin 87 et à Toulon-sur-Arroux où 12 bovins ont été portés manquants sur un
troupeau de 38 têtes, le 25 décembre 1988. Là, tout simplement, les bêtes ont disparu. On a tendance, alors, quand il
y a vol sans traces, ni résidus
d'accuser des professionnels qui disposeraient
d'endroits sûrs pour conditionner la viande à l'abri des regards indiscrets.
Tandis que pour le dépeçage sur place, selon les dires de M. Perrodin ce n'était pas un travail de professionnel,
l'animal ayant été tué à l'aide d'un instrument tranchant et de bien vilaine
façon. Des amateurs en France pour
s'approvisionner en viande de première catégorie, des professionnels en Amérique pour prélever les bas morceaux. Rassurez-vous, tout comme chez vous la règle n'est pas toujours ici non plus
respectée : en juillet 1987 à Saint-Andéol, dans le département du Rhône, ce sont bien des professionnels qui furent accusés - mais
jamais confondus - au sujet de deux magnifiques charolaises, amputées nuitamment de leur quatre membres.
Mais la curieuse
opposition entre les exactions américaines et françaises mérite, quand même,
toute l'attention. Le sang des bovins français, est, on l'a vu, généralement
répandu sur le sol - et il n'a pas tendance à l'imprégner - alors que vos
carcasses sont dites exsangues avec
aucune trace sanguine autour. Notre sol ne doit pas être plus imperméable au
sang de bovins que le vôtre De plus, il
y a une sélection des organes mutilés
des deux côtés mais, de façon symptomatiques, ce ne sont pas les mêmes, ceux
prisés par vos mutilateurs étant
abandonnés comme quantités négligeables par les nôtres. Et, de surcroît, une précision
dite chirurgicale pour évider, dans
vos prairies, le rectum d'une de vos génisses et un travail d'amateur pour
débiter de la viande à rosbif, ici, sur notre territoire!
Non, je vous le dis,
les mutilations classiques américaines que vous constatez dans votre Middle-West
n'ont rien à voir avec les activités néanmoins criminelles de nos bouchers français
clandestins que nous observons ici. Et la parution de mon livre n'a pas fait
apparaître des cas qui seraient passés inaperçus
accréditant l'hypothèse de la rumeur pour arguer de l'hallucination collective
pour résoudre le problème qui vous est posé là-bas. A mon avis, c'est bien
ailleurs qu'il faut chercher la solution.
Reste à se demander
pourquoi, en France, il n'y a pas de mutilations classiques mais uniquement des actes de vandalisme visant à se
procurer de la viande fraîche à bon marché. Cette question, je l'ai posée à
bon nombre de personnes et la meilleure réponse, à mon sens, semble émaner de
mon bon ami australien, John Prytz (1947->) ; la voici. Elle résume bien à
mon avis ce qu'on peut en dire.
- Soit les mutilations américaines sont des actes naturels
de prédation, comme tendent à l'affirmer les officiels de votre pays. Dans ce
cas, peut-être, en France, n'y a-t-il pas
de ces mêmes espèces de prédateurs susceptibles de telles actions sur des
bovins et des chevaux ? En tout cas, croyez bien que nos éleveurs sont
souvent confrontés à du bétail tué par des chiens errants et le spectacle
n'est pas beau à voir, les animaux étant généralement affamés et dévorant en
partie leur proie (cas dans le Jura le 18 juin 1986 sur une génisse de 2 ans).
On parla bien d'un lynx, mais d'habitude il s'attaque à des proies plus petites.
- Soit ce sont les
humains les responsables de vos mutes,
des hommes aux goûts plutôt pervers et
morbides qui n'existent pas en France. Ou alors des adeptes de cultes rituels
sans doute non représentés ici? Cette hypothèse me paraît douteuse car, même dans
la région rurale que j'habite, il y a prolifération de cultes et sectes de
toutes sortes. Jamais en tout cas, on ne les a accusé de s'en prendre aux
animaux, sauf pour se nourrir. Et, la plupart du temps, ils sont
végétariens...
- Soit sont-ce les
extraterrestres qui déciment vos troupeaux? Alors pourquoi ne s'en
prennent-ils pas aux nôtres ? La
France n'est-elle pas encore dans leur champ
d'expérimentation ? Pour quelle raison ? Il y a ici une telle densité de population
qu'ils auraient bien du mal à œuvrer incognito.
Quoi qu'il en soit,
il faut rester vigilant. Et mieux informer le public français du fléau qui vous
afflige. Je m'emploie de toutes mes forces dans ce sens.
Mais j'ai besoin
d'être soutenu dans mon action. Par vous qui êtes sur place ; notamment, il me
faut connaître à tout prix les cas récents de mutes pour pouvoir répondre à toute sollicitation impromptue des
médias français. En particulier, j'ai échoué dans mon projet d'un grand
reportage photographique dans le plus célèbre hebdomadaire français, Paris
Match ( tirage 6 millions d'exemplaires - l'interview a été faite
mais non diffusée) pour la raison invoquée qu'ils ne voulaient pas publier sur quelque chose de dépassé. Telle
avait été, tout au moins, la mise en garde reçue de leur bureau de New York. Et,
faute d'assez de preuves actuelles à
l'époque (été 1986), pour apporter un démenti à cet argument fallacieux, ceci
allié, en plus, avec un manque de bonnes photographies propres aux agrandissements,
l'affaire a capoté et la majorité du public français est restée dans
l'ignorance du Grand Carnage, à part les
quelques milliers de mes lecteurs.
Je ne voudrais pas
rater à nouveau le coche s'il se représente. Et je compte sur vous.
Texte écrit en mai 1989 et
publié en anglais dans le Fortean Research Journal, Fall/Winter 1989.
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