Pourquoi les astronomes ne voient (presque) pas d'ovnis ?
Pourtant, ils semblent particulièrement bien placés, n'est-ce pas, en
tant qu'observateurs professionnels du ciel ?
Malgré cela, rares sont les astronomes témoins d'ovnis dans le cadre
de leur activité professionnelle. Ou du moins disposés à en faire état
publiquement !
Alors, presbytie, crainte du ridicule ou bien autre chose ? C'est ce
que nous allons tenter de déterminer.
« Tout le
monde en voit. Des gens qui lèvent des yeux distraits vers le ciel une fois par
mois ont la chance d'en apercevoir. Mais nous autres astronomes, qui passons
notre vie à scruter le ciel, nous n'en avons aucune dans nos télescopes »
(1).
Ainsi s'exprimait en son temps le
célèbre Professeur E. Esclangon au sujet des soucoupes volantes, montrant, s'il
était besoin, le bien-fondé de la question posée en titre de cet article.
Il y a fort longtemps que des
arguments techniques ont été avancés pour expliquer ce fait : à savoir la non
détection d'ovnis par les astronomes.
Un phénomène atmosphérique
Le commentaire le plus éclairé en
la matière nous vient, une fois de plus, d'Aimé Michel, l'ufologue français
hélas disparu, auquel nous devons le regard le plus réaliste jamais jeté sur le
phénomène des objets non identifiés.
« Combien d'avions, combien
d'oiseaux, le professeur Esclangon a-t-il aperçu dans son télescope au cours de
sa carrière ? », interroge-t-il. Et de répondre : « Aucun évidemment ! »
Pourquoi ? Eh bien tout d'abord parce que le champ d'observation habituel de
l'astronome est plus lointain que la zone que sillonnent les soucoupes volantes
communément... et les oiseaux.
Aimé Michel (1919-1992). |
Couverture du ciel réduite
Reste la possibilité qu'à courte
distance, un ovni tombe, par inadvertance dirais-je, dans le mince pinceau
angulaire d'un instrument accommodé sur l'infini. L'astronome devrait alors signaler
« quelque chose », à moins
qu'il ne mette cela, à cause de l'effet inévitable de flou, sur le dos d'une
aberration optique ou n'accuse une poussière d'avoir glissé sur son objectif.
Qu'on se rassure, ces
« quelque chose » (s ou sans s ?) sont nombreux dans les annales
de l'astronomie, même si on n'y a pas porté, faut-il le déplorer, grande
attention.
Mais il y a une autre raison à la
non détection des ovnis par les astronomes.
Dans le seul livre scientifique écrit sur la question des
ovnis (2), sous la direction de Carl Sagan, Franklin Roach, astronome de
l'Université d’Hawaï, montrait, en 1968, que la « couverture photographique » du ciel, à l'époque par plus de
211 télescopes en service, était inférieure à 1,5 %. Les chances qu'un ovni
traverse le champ d'observation très étroit d'un télescope, dans ces
conditions, étaient donc très faibles. Et elles doivent le rester aujourd'hui
même si le pourcentage de ciel couvert a dû s'accroître notablement . Mais
comme actuellement le ciel ne fourmille pas d'ovnis !
Ainsi, trouve-t-on deux bonnes
raisons à ce que les astronomes ne voient pas d'ovni : objectif focalisé trop
loin et champ d'observation trop étroit. Si bien qu'on a pu dire que
l'observation des astres était incompatible avec celle des ovnis. Or il se
trouve que, malgré cela, ils en détectent proportionnellement plus que le
promeneur nez au vent depuis le plancher des vaches.
Une enquête très sérieuse
C'est ce qu'a mis en évidence une
enquête déjà ancienne et curieusement seulement publiée cette année, en 1994,
dans le Journal of Scientific Exploration
(3), auprès des membres de l'American
Astronomical Association (A.A.A.), là où les esprits sont plus libres qu'en
France et moins soucieux de ne pas se discréditer auprès de leurs confrères « archisceptiques ».
On verra que des grands noms de l'astronomie américaine n'ont pas craint de
faire état de leurs observations.
En 1975, un questionnaire
concernant une éventuelle observation d'ovni fut envoyé à 2611 membres de
l'A.A.A. (donc à des professionnels et non à des amateurs). 1356 furent
retournés, ce qui fut déjà considéré comme un franc succès. 62 astronomes
avouèrent avoir observé quelque chose ; cela conduit à un pourcentage nettement
au-dessus de ce que l'on s'accorde à penser au niveau de la population
ordinaire. Un astronome sur 22 (ou sur 42 si l'on admet que tous ceux qui n'ont
pas répondu n'avaient rien vu - d'autres raisons de ne pas signaler leurs
observations ayant pu entrer en ligne de compte comme on le verra plus loin)
aurait aperçu « quelque chose
d'insolite », inassimilable
à quelque bolide ou autre phénomène naturel avec lesquels les astronomes
doivent être beaucoup plus familiarisés que l'homme de la rue.
Il doit aussi être noté que
l'éventail des phénomènes observés ne se distinguait en rien de ce que les
témoins inexpérimentés au sol rapportent avoir vu : une majorité d'événements
nocturnes avec surtout des lumières, puis des points, des
« formations », des lumières diffuses. Mais aussi des disques et des
objets d'autres formes. Enfin 16 engins vus de jour, discoïdaux pour la
plupart. Rien d'original par rapport à ce que signale Monsieur tout le monde à
ras de terre.
Une confirmation
Edward J. Ruppelt (1923-1960). |
Ainsi était dissipé, du moins aux
Etats Unis, le mythe selon lequel « aucun astronome professionnel n'a
jamais vu un ovni ». Frank Edwards, en son temps, allait jusqu'à écrire
que cette assertion « était un des plus grands mensonges de notre temps »
(5).
Pour s'en convaincre, il suffit
de citer quelques exemples dont ceux, pour commencer des 5 astronomes dont il a
été question ci-dessus.
L'un (le R, parce qu'ils sont
restés anonymes, ayant été « piégés » par Hynek) avait vu « une
lumière qui apparut vaguement dans son champ de vision » et allait
beaucoup plus vite qu'un avion et beaucoup plus lentement qu'un météore.
L'astronome II avait vu « un
groupe de 5 objets ressemblant à des billes de roulements » (sic) et, deux
ans plus tard, « un unique objet qui disparut à ses yeux en accélérant ».
Le Professeur La Paz , lui, ne cachait pas son
identité d'astronome réputé. Il avoua avoir vu lui-même un de ces fameux
« globes de feu verts » dans le ciel du Nouveau Mexique, avant que
ceux-ci ne survolent en nombre l'Ouest américain dans les années 1950.
L'astronome OO avait observé :
« deux lumières qui se déplaçaient parallèlement », difficiles à
réduire à des avions ou des météores.
Enfin l'astronome NN était Clyde
Tombaugh, dont nous parlerons ci-après.
Observations d'astronomes d'avant-hier...
Une source potentielle de
références intéressantes à des ovnis se trouve dans les archives de
l'astronomie à la rubrique des « corps célestes opaques se projetant sur
le disque solaire ou lunaire ».
En 1762, à Bâle (Suisse),
l'astronome de Rostan put contempler un gigantesque « cigare volant
auréolé d'un anneau lumineux qui passa lentement devant le soleil » (6).
Le 2 juin 1873, des astronomes de
l'Observatoire de Paris relataient dans le Journal
du Ciel , avoir vu « trois corps ronds qui évoluaient à 80 km d'altitude, à vitesse
réduite et sans laisser de traînée ». Il ne pouvait alors s'agir de
satellites artificiels à cette époque ?
Le 29 juillet 1878, les
astronomes James C. Watson et Lewis Swift, durant une éclipse totale de soleil,
virent deux objets en forme de disque, chacun de plus de 500 m de long, volant à plus
de 35 000 mètres .
Un éminent membre de l'équipe du
Royal Observatory de Greenwich décrivit, en novembre 1882, un « étrange
visiteur terrestre » : il s'agissait d'un grand disque verdâtre apparu
soudain assez bas à l'horizon. Vitesse et altitude excluaient la confusion avec
un zeppelin.
Le Professeur Jose A.Y. Bonilla,
à l'Observatoire de Zacatecas, Mexique, le 12 août 1883, observa au
téléobjectif, à 8 heures du matin et ce, pendant deux heures, plusieurs
centaines de « corps opaques qui traversèrent en ligne droite le disque
solaire ». Il put même en photographier tel que rapporté dans L'astronomie Populaire, en 1885.
... d'hier ...
Clyde Tombaugh (1906-1997). |
Clyde Tombaugh, célèbre
astronome américain découvreur de la planète Pluton, l'un des derniers gens de
métier à observer le ciel avec un instrument optique, ne dissimulait pas le
fait qu'il avait vu un ovni. En août 1949, il rapportait avoir suivi à la
lunette le vol d'un cigare lumineux avec des semblants de hublots. Il déclina
cependant une interview proposée 27 ans plus tard par Alan Landsburg arguant
(sic) que « cette observation lui avait créé plus d'ennuis que cela n'en
valait la peine à ses yeux » (7), suite à son témoignage reproduit dans le
grand magazine américain Life. Il est
vrai que cette observation avait fait ombrage aux travaux qui lui avaient été
plus tard confiés concernant « la recherche de satellites naturels
inconnus de la Terre ».
En février 1950, le Dr
C.D. Shane, de l'Observatoire Lick du Mont Hamilton, en Californie, prit 8
clichés sur plaque d'un drôle d'objet trop rapide pour être un astéroïde.
Le 20 mai 1950, selon l'Arizona Daily, le Dr Seymour
Hess, chef du département de météorologie de l'Université de Floride associé à
l'observatoire Lowell à Flagstaff, Arizona, vit, entre minuit 15 et minuit 20 à
l'œil nu, un objet « discoïdal » brillant à apparence métallique.
Le 3 août 1951, le Professeur
Walter N. Webb, chargé de cours en astronomie au Charles Hayden Planétarium à
Boston, exerçait un groupe de jeunes scouts à observer divers objets célestes à
travers un petit télescope. Peu après 11 heures du soir, il remarqua une
« lumière jaune-rouge se déplaçant suivant une trajectoire ondulatoire »
au-dessus des collines. L'objet était si bas qu'il passa derrière le sommet des
arbres.
Frank Edwards (1908-1967). |
Interviewé par Frank Edwards, l'astronome Frank
Halstead, ancien conservateur de l'Observatoire Darling, de l'Université du
Minnesotta à Duluth, reconnaissait volontiers avoir observé, en novembre 1965,
depuis un train, un « objet en forme de cigare » qui survolait la
montagne que longeait la voie ferrée. « Au bout d'un moment, un
second objet se joignit au premier; il avait une forme de disque ».
A la question d'Edwards : « Connaissez-vous
d'autres astronomes qui aient eu des expériences similaires », la réponse
avait été franche : « Oui ».
Le 8 novembre 1957, l 'agence de presse
Reuter rapportait l'observation de 3 astronomes du Mont Stromlo, à Canberra, en
Australie, concernant « un objet plus brillant que la planète Vénus qui
traversa le ciel ». « Définitivement, ce n'était pas fait de main
d'homme », déclarèrent-ils faisant chorus. L'engin fut repéré par des
membres de la Société Astronomique
de France à Toulouse (8).
...et d'aujourd'hui
Le 24 mars 1966, l 'astronome Munoz
Ferrada observa un objet orange, au dessus de Valparaiso, Chili. Selon ses
dires : « c'était définitivement sous contrôle intelligent et sûrement pas
un satellite. »
En juin de la même année, un
membre de la B.A .A.
(British Astronomical Association,
dont je fais partie) et son compagnon rapportèrent avoir observé « un
étrange objet » en forme de cône lumineux.
Le 23 août 1966 fut le jour de
l'observation d'un mystérieux satellite du soleil par Muammer Dizer, directeur
de l'institut du soleil à Kandilli. Il prit même une photo qui fut publiée dans
la revue Sky and Telescope de février 1967.
Edward U. Condon (1902-1974). |
Le tant
décrié rapport Colorado datant de 1968 fait l'impasse sur les témoignages des
astronomes en matière d'observation d'ovnis. Pourtant plusieurs professionnels
de l'astronomie faisaient partie du comité scientifique Condon. Incidemment, au
cas 18 de l'énumération des cas couverts par l'enquête (9), un « astronome »
(amateur, professionnel ?) est cité comme « observateur de lumières dans
le ciel se déplaçant lentement en émettant des étincelles », au printemps
1967. Condon réduit effrontément cela à des ballons d'air chaud lâchés par un
groupe d'étudiants de collège!
En septembre 1971, quatre
astronomes en veille de l'observatoire Saint-Michel de Haute Provence, dont
deux de Meudon en mission, furent alertés par des coups de téléphone de témoins
signalant un objet lumineux insolite dans le ciel. Ils repérèrent l'objet à l'œil
nu, puis l'observèrent à travers des jumelles 10 x 50 mais ne dirent jamais
publiquement ce qu'ils en pensaient (10).
On ne doit pas non plus négliger
les témoignages des astronomes amateurs, eux aussi spécialistes du ciel, s'il
en est.
Et les amateurs ?
Bien que les rares projets de
surveillance photographique du ciel (RESUFO en France) n'aient jamais donné de
résultats probants, on trouve des exemples qui confirment bien que quiconque
scrute systématiquement le ciel y voit des ovnis. Et ce, depuis bien longtemps
aussi.
Dans la nuit du 24 décembre 1909,
James Ferguson, astronome amateur de Limerick, Irlande, relata avoir observé
« un objet lumineux brillant » au-dessus de l'horizon, pendant plus
de 20 minutes.
Le 15 septembre 1952, vers 20
heures (heure locale), M. J. Grivel, astronome amateur, à Thiès (Sénégal) fit
une observation que la revue L'Astronomie, dans son numéro de
février 1953, reproduisit sous l'étiquette : « objet suspect » (6).
Charles Garreau. Photo © Yves Bosson |
« Un objet cylindrique se
déplaçant en divers sens », traversa la région du Jura, de la Côte d'Or et de la Saône et Loire, le 17 août
1953 et fut suivi au moyen d'une lunette astronomique utilisée en topographie
(grossissement 25 fois).
En septembre 1968, Hermanus
Voorsluys, astronome amateur de Victoria, Canada, non seulement observa des
ovnis à travers son télescope, mais il en fit des photos qui, après
l'élimination d'une confusion avec un ballon, un feu d'atterrissage, un engin
expérimental, continuent d'intriguer.
J'ai personnellement interrogé
sur la question le sympathique Président de la Société d'Astronomie de
Saône & Loire, M. René Bourillon**. Bien qu'extrêmement prolixe sur le
phénomène, « en 25 ans d'observation astronomique, il n'a jamais rien vu
qui puisse passer pour un ovni ». Et d'ajouter qu'à son avis, un télescope
n'est pas fait pour ça: à savoir détecter les ovnis, « parce que l'instrument
augmente trop les vitesses ».
Un témoignage et un argument qui,
pour moi, en vaut beaucoup d'autres.
La crédibilité des astronomes
Voilà donc largement démontré que
les astronomes professionnels aussi bien qu'amateurs voient des ovnis. Est-ce
alors la preuve que les ovnis existent ?
Il ne faut pas aller trop vite en
besogne dans un sens comme dans l'autre. Le fait que les astronomes voient
rarement des avions ne doit pas conduire au fait qu'il n'y a pas d'avion,
n'est-ce pas ? Alors soyons circonspects. Surtout que les astronomes, bien
qu'observateurs entraînés, ne sont pas infaillibles même si leurs témoignages
doivent être raisonnablement plus solides que ceux du commun des mortels. Ils
savent en principe identifier les bolides et autres phénomènes naturels.
Philip J. Klass (1919-2005). |
Mais il ne faut pas aussi prendre tous ces cas
argent comptant; d'autant moins s'ils sont anciens. Un astronome peut voir
quelque chose de « surprenant et d'insolite » et que ce ne soit pas
un ovni. Un seul exemple vient de l'enquête de P.A. Sturrock, citée plus haut,
et a été dénoncé, bien sûr, par Philip J. Klass. Un membre de l'A.A.A. vit, le
5 octobre 1973, à l'œil nu, une lumière brillante que, sur le coup, il ne put
expliquer. D'où les qualificatifs employés. En fait, il s'agissait de
l'explosion d'une fusée Titan-2 intercontinentale lancée par l'US Air Force
depuis sa base de Vandenberg en Californie éloignée de plus de 800 km . (12).
Ainsi, le témoignage d'un
astronome, comme tout témoignage humain, peut être sujet à caution. Mais de là
à réduire toutes les observation d'ovnis signalées par les astronomes à des
mirages célestes, comme le fait Steuart Campbell dans un livre (13), il y a une
limite que je ne peux personnellement pas franchir.
De même, s'il est bon de demander
l'avis des astronomes sur les ovnis, méfions-nous de leur tendance à répondre
hors sujet : comme, suivant leur habitude, en se prononçant sur l'éventualité
d'une vie extra-terrestre (14). En fait, ils cherchent à éluder soigneusement
le sujet qui amènerait l'interviewer à leur demander s'ils ont vu, au cours de
leurs nuits de veille, quelque chose d'insolite. Cette technique de langue de
bois, courante en politique, est malheureusement fort prisée par les astronomes
français. Donc inutile de prêter trop d'importance à leur verdict, concernant
les ovnis en général, sauf ceux qu'ils ont vu éventuellement. A ce propos, si
vous connaissez d'autres exemples, surtout récents, d'observation d'ovnis par
des astronomes, je vous saurais gré de bien vouloir m'en aviser et vous en
remercie par avance.
Une dernière remarque sur les
astronomes : ceux qui ne croient pas aux ovnis - et c'est la grande majorité -
ont le fâcheuse tendance de se faire entendre plus que ceux qui y croient.
Surtout en France d'ailleurs.
« Reluctance » nationale
Une légende solidement accréditée dans l'opinion en
France veut qu'aucun
astronome n'ait jamais vu de soucoupe volante.
Michel Carrouges
(15).
Il est vrai que des déclarations
comme celle de Mme Camille Flammarion, qui avait certainement
l'esprit moins ouvert que son illustre mari, répondant à un journaliste par:
« Les astronomes ne croient pas aux soucoupes volantes pour une raison
bien simple : ils n'en ont jamais vu une
seule », ne sont pas là pour faciliter les relations
ufologues/astronomes.
Peut-on dès lors se demander
pourquoi si peu de ces professionnels du ciel signalent leur observation en
France en particulier.
Je doute qu'une consigne venue
d'en-haut muselle les astronomes. Je ne suis pas une chaud partisan de cette
théorie du silence édicté par les instances. Je pense plutôt à une banale
crainte du ridicule dans un domaine où leur crédibilité est grande mais on l'a
vu faillible. La réticence à signaler leurs observation est plus subtile : en
reconnaissant avoir vu quelque chose, ils cautionneraient en quelque sorte d'un
phénomène qu'ils ne peuvent expliquer et qui sent le soufre.
J. Allen Hynek (1910-1986). |
J. A. Hynek, ancien président du département
d'astronomie de la
Northwestern University , qui avoua jusqu'à sa mort en 1986 son
regret de n'avoir jamais vu d'ovni, parlait de « la terrible crainte de la
publicité » par les astronomes autres que lui. « Il suffirait qu'on
lise dans les quotidiens un titre ainsi libellé: - Un astronome a vu une soucoupe volante pour que celui-ci soit
considéré comme suspect par ses collègues » (16).
L'éventualité d'une peur de
marginalisation professionnelle par leurs pairs n'est pas à exclure non plus.
Des exemples de sanctions foisonnent pour ceux qui ont montré trop
ostensiblement leur intérêt pour l'étrange et l'inexpliqué en général et pour
les ovnis en particulier.
Rapporter un ovni, pour un
astronome, ce serait comme relater une rencontre avec un serpent de mer pour un
officier de la
Marine Nationale. Dans ma vie de chimiste professionnel, j'ai
rencontré peu de collègues avouant ouvertement s'adonner à des expériences
d'alchimie. Et pourtant j'ai appris par la bande que certains s'exerçaient dans
le secret à l'art d'Hermès.
L'opinion négative - voire leur scepticisme
- des astronomes vis-à-vis des ovnis, maintes fois exprimée, a même dissuadé
les ufologues de leur demander leur participation pour résoudre l'irritante
énigme des ovnis. La mobilisation des professionnels du ciel pour une
surveillance « ufologique », tout d'abord souhaitée, est maintenant
totalement non désirée. La non-observation affichée des astronomes les a rendus
suspects aux yeux des ufologues.
Manque d'intérêt
Carl Sagan (1934-1996). |
Le fameux Carl Sagan, qui n'a
cessé de discréditer l'ufologie après l'avoir clairement encensée quand il
était jeune, apporte comme démenti à l'existence des ovnis le fait que lors
d'une intense surveillance du ciel opérée dans les années 1950 par les
observateurs de Harvard, et tandis que cette période fut caractérisée par de
nombreux témoignages au sol, « aucun objet suspect ne fut détecté par les
professionnels ».
Encore faudrait-il que les
astronomes manifestent une once d'intérêt envers le phénomène. Ce qui est loin
d'être évident. La tête de l'astronome est-elle ainsi faite qu'elle est
imperméable aux mystères du ciel ? Un comble !
Michel Carrouges (1910-1988). |
Michel Carrouges rapporte qu'en août 1952, les météorologistes de Villacoublay, ayant observé au théodolite des lumières suspectes dans le ciel parisien, se virent répondre par le gardien de service de l'Observatoire de Paris « qu'il n'y avait personne cette nuit-là » (sic). Pas étonnant que nos astronomes hexagonaux ne voient rien s'ils ne regardent même pas !
Il est un fait que de moins en
moins d'astronomes regardent à travers des télescopes préférant examiner des
photos ou des enregistrements TV confortablement assis à leur bureau.
Et que dire de l'astronome Y,
interrogé dans le cadre de l'enquête de 1952, qui n'avait rien vu mais déclara
: « Si je voyais un des objets, je n'en dirais rien »
Finalement pour comprendre le
silence « ufologique » des astronomes, une anecdote contée par le
Professeur Hynek résume bien, à mon sens, tout le problème.
« Durant l'été 1968
écrit-il, plusieurs centaines d'astronomes se réunirent à Victoria, en Colombie
britannique. Au cours d'une soirée donnée en leur honneur, la rumeur circula
parmi eux que l'on pouvait observer, à l'extérieur du bâtiment, des lumières
évoluant bizarrement - des U.F.O. Les
plaisanteries, les rires jaunes - preuves réelles d'un malaise - fusèrent
aussitôt parmi les participants, mais nul d'entre eux ne s'aventura au-dehors pour
constater le fait par lui-même » (17).
C'est donc simplement un adage
qui justifie le mieux le fait que les astronomes ne voient pas d'ovnis : n'est pire aveugle que celui qui ne veut
rien voir.
Notes :
* Depuis que j'ai écrit ces
lignes, j'ai tempéré mon admiration pour A. Michel depuis que j'ai découvert qu'il
nous avait mené quasi sciemment en bateau au sujet de l'
« orthoténie ».
** Il a été remplacé à ce poste
depuis bien longtemps.
Références :
1/ Cité par Aimé Michel dans
Lueurs sur les soucoupes volantes, Editions Mame, 1954.
2/ UFO's. A scientific Debate,
Edited by Car Sagan and Thornton Page, Cornell University Press,
1972.
3/
Peter A. Sturrock, J.S.E., Volume 8, N°1/2/3, 1994.
4/ Capitaine Edward J. Ruppelt,
Face aux soucoupes volantes, Editions France Empire, 1958.
5/
Frank Edwards, Flying Saucers - serious business, Lyle Stuart, New york , 1966.
6/ rapporté dans Les soucoupes
volantes viennent d'un autre monde, Jimmy Guieu, Editions Fleuve Noir, 1954.
7/ Alan Landsburg, A la recherche
des civilisations extra-terrestres, Presses de la Renaissance , 1978.
8/ Jacques Vallée et Janine
Vallée, Les Phénomènes insolites de l'espace, La Table Ronde , 1966.
9/
Dr Edward U. Condon, Scientific Study of Unidentified Flying Objects, Bantam
Books, 1969.
11/ Charles Garreau, Alerte dans
le ciel, Editions Alain Lefeuvre, 1981.
12/
Philip J.Klass, UFOs, The public deceived, Prometheus Books, 1983.
13/
Steuart Campbell, The UFO mystery solved, Explicit Books, 1994.
14/ voir, par exemple, le
chapitre "Que disent les astronomes ?" dans le livre de Philippe
Schneyder, OVNI, Premier Bilan, Editions du Rocher, 1983.
16/ rapporté par Brad Steiger dans O.V.N.I. : Le projet "Blue Book", Belfont, 1979.
Ce texte a été publié dans le
numéro 4 de la Revue de l'ALEPI (Association Louhannaise d'étude des Phénomènes
Inexpliqués), en février 1995.
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