La science et les ovnis
Pendant les 30 ans qui ont suivi
le fameux rapport Condon (1968) où il était dit, sans détour et même avec
provocation, que la science n’avait rien à gagner à étudier le phénomène des
objets volants non identifiés, les scientifiques, dans leur grande majorité,
ont appliqué au pied de la lettre ces conclusions négatives contestables et ont
boudé le champ d’investigation des ovnis comme s’il ne pouvait rien leur
apporter.
Il en a résulté une relation
ambiguë difficile à comprendre par certains ufologues amateurs passionnés qui
se sont considérés comme incompris voire rejetés par la science, laquelle a,
depuis, trouvé là argument à esquiver la question ovni. Or voilà qu’en 1997, on
a pu croire que les choses allaient changer avec le Congrès Sturrock.
En
effet, entre le 29 septembre et le 4 octobre de cette année-là, d’authentiques
savants, bardés de diplômes, directeurs de département universitaires,
professeurs (tous des gens dont le bagage d’instruction autorisait le titre de
« docteur Ph. D. »), se sont réunis à Tarrytown, dans l’état de New
York, aux Etats Unis, en présence de 7 ufologues triés sur le volet.
L’initiateur
du congrès était le Dr P. A. Sturrock, professeur de physique
appliquée à la prestigieuse université Stanford et faisant partie du bureau
éditorial de la seule « revue à referee » dans le monde consacrée aux
anomalies : The Journal of Scientific Exploration. C’est d’ailleurs
dans son numéro de l’été 1998 (Volume 12, numéro 2) que l’on retrouve
l’essentiel de ce qui s’est passé au cours de ce meeting, dit de Pocantico,
organisé par la Société
pour l’Exploration Scientifique et financé par la Fondation Rockfeller ,
et la conclusion des débats.
Celle-ci
est totalement opposée à celle tristement célèbre du projet Colorado de
Condon (Sturrock est devenu « l’anti-Condon ») et se résume en
ces termes : le phénomène ovni mérite, au contraire, une grande attention de la
part des scientifiques car il doit permettre une avancée des connaissances.
Même s’il est impossible de dire ce qui en émergera. Quel temps perdu en
l’occurrence !
Si
actuellement, il règne en ufologie
(discipline traitant du sujet des ovnis) un
grand état d’ignorance et de confusion non satisfaisant, c’est la faute au
Dr Condon et au cercle vicieux que son verdict a installé : le
manque de curiosité des scientifiques fait que les informations qu’ils doivent
aux ufologues amateurs n’ont pas toute la fiabilité souhaitée et trop souvent les enquêtes ne sont pas menées
selon des critères scientifiques. Et pour cause, puisque les scientifiques
ne daignent pas y prendre part !
Dans
ses recommandations finales, P. A. Sturrock écrit que les scientifiques doivent
s’intéresser au problème et, de la sorte, ils ne pourront plus l’éluder et
arguer de méthodes d’investigation déficientes puisque ce seront eux qui les
choisiront.
Un mystère enfin reconnu
Car
il y a bien un mystère et il est physique et non pas psychologique. C’est là
où, précisément, le congrès Sturrock a créé l’événement !
Après
avoir écouté les arguments de sept ufologues, dont notre J. J. Velasco national
du SEPRA, une dizaine de
« preuves » ont été retenues comme garantes de l’existence des
ovnis :
1/ Les photos d’ovnis. La preuve photographique peut contribuer à mieux comprendre le
phénomène ovni si elle est suffisamment étayée de précisions pour que la
possibilité d’une tricherie puisse être exclue.
Une photo de ce type, réalisée en octobre 1981 à Campbell
River sur l’île de Vancouver, en Colombie Britannique, Canada, remplit ces
conditions : il s’agit d’un disque avec protubérance supérieure.
Malheureusement, il n’y a pas eu d’autre témoin oculaire que la
photographe elle-même (une femme de 25 ans), ce qui n’en fait pas
scientifiquement parlant une preuve irréfutable.
2/ Les effets de luminosité des ovnis. L’ufologue Jacques
Vallée - invité au congrès Sturrock – a rapporté qu’il n’était pas rare que
l’apparition d’un ovni éclaire tout le
paysage, selon les témoins. D’où une estimation quantitative de cette
luminosité intrinsèque de l’ovni pouvant aller de quelques kilowatts à
plusieurs mégawatts bien que l’évaluation de la distance à l’objet soit parfois
très douteuse.
3/ Les enregistrements radars (on se souvient des ovnis
belges) fut l’occasion pour J. J. Velasco de parler du catalogue Weinstein en développement au SEPRA (ravi de
l’apprendre) et qui compile 489 cas dont 101 où il y a eu détection radar et
observation visuelle simultanées.
Un cas « particulièrement intéressant » survint
le 28 janvier 1994, à 70 km
au sud-est de Paris à 11
700 mètres d’altitude dans des conditions météo
excellentes.
Un gigantesque disque d’un diamètre estimé à 1 km et d’une hauteur de 100 m fut observé
visuellement par un steward et le copilote d’un avion et détecté par un centre
de contrôle radar militaire pendant 50 secondes.
4/ Les lumières d’Hessladen, en Norvège, un coin
privilégié à ovnis depuis 1981 (20 rapports par an en émanent), ont été aussi
vues en tant que champ de
reproductibilité possible. Il a été suggéré d’y installer un réseau permanent de surveillance.
5/ Les interférences avec les véhicules (calages de
moteurs) ont été examinées avec comme support un catalogue de 441 cas établis
par l’ufologue M. Rodeghier. 1 % seulement des moteurs affectés sont des
diesels.
6/ Les interférences avec les avions souvent plus
dramatiques. L’ufologue R. Haines présenta son étude des observations d’ovnis
par des pilotes d’avions dont 4 % impliquent des effets électromagnétiques
passagers qui ont été associés à la présence d’un étrange objet.
L’interprétation possible serait une perturbation du champ magnétique autour de
l’ovni.
7/ Les effets d’inertie et gravitationnels dus aux ovnis.
Un des meilleurs cas, selon l’ufologue M. Swords, est celui d’un hélicoptère,
en 1973 en Ohio, qui fut aspiré par un ovni placé au-dessus de lui sur une
hauteur de 600 m
sous les yeux d’un témoin oculaire.
Le panel scientifique se déclara très intéressé par ce
type de rapport mais souligna que sans
l’existence de preuve physique solide, il est difficile à un groupe de
scientifique de se prononcer, d’autant que, pour le cas ci-dessus, le
commandant de l’hélicoptère semblait ne pas avoir très bien su où adresser son
rapport d’un événement aussi extraordinaire (sic).
8/ Les traces au sol. Le cas français de
Trans-en-Provence, survenu en 1981,
a beaucoup impressionné le panel. Du moins, J. J.
Velasco a-t-il su le présenter de façon convaincante en occultant bien sûr
certains doutes formulés par des
ufologues français privés. Dommage.
9/ Les effets sur la végétation. Les cas français connus
comme « Christelle », « Amarante », « Joe le
Taxi », firent encore grosse impression (manifestement inconnus aux Etats
Unis).
A la suite de quoi, on a pu lire que des SEPRA devraient être créés dans d’autres
pays.
Ce n’est pas tout à fait notre avis, nous autres
ufologues français que le responsable du SEPRA
ignore superbement et tient dans l’ignorance de ce qui est étudié avec nos
deniers.
Il est beaucoup plus valorisant, bien entendu, d’aller
faire la roue dans un exposé magistral devant un panel yankee de scientifiques
de haut niveau que de faire de la communication chez soi !
10/ Les effets physiologiques sur les témoins. Certains
témoins d’ovnis ont, en effet, éprouvé des sensations temporaires ou des effets
à long terme à l’approche de l’ovni ou bien suite à son passage : forte
sensation de chaleur ou au contraire de froid, choc, paralysie, dommages
oculaires, brûlures, surdités, nausées…
Le cancer de Betty Cash, confrontée en 1980 à un objet
volant en forme de diamant qui lui barra la route, près de Dayton, au Texas, et
dont elle a succombé récemment, fut évoqué.
11/ Les analyses de débris laissés derrière eux par
certains ovnis. Jacques Vallée présenta un certain nombre de cas de matériaux
retrouvés suite au survol ou à l’explosion alléguée d’un ovni : Council
Bluffs, Iowa, en 1977, Iles Maury, en Washington, 1947, Campinas, Brésil, 1954
et Ile Vaddo, Islande, 1956. Aucun de ces
cas n’apporte la preuve claire d’un échantillon qui échappe à la connaissance
scientifique actuelle, nota P. A. Sturrock.
Reconnaissons
que l’écoute par les scientifiques de ces ufologues constitue indirectement une
reconnaissance, insuffisante certes, mais implicite tout de même du travail des
ufologues amateurs qui ont galéré dans l’ombre depuis des décennies afin de
recueillir des preuves, des témoignages pour que soit étudié enfin un jour
officiellement le fruit de leur passion (on se console comme on peut !).
Dommage
qu’à cette occasion, un tel hommage ne leur ait pas été rendu, plus
ouvertement. Mais il ne fallait pas demander l’impossible, n’est-ce pas !
L’énigme des ovnis
Non
content d’en rester là, le Dr Sturrock a transformé en un livre (a)
structuré les interventions de Pocantico, en y ajoutant quelques chapitres
indispensables comme une critique du Projet Colorado qu’on se demande pourquoi
elle a mis si longtemps à voir le jour à ce niveau (Condon est mort et enterré
depuis longtemps).
Le
livre, intitulé The UFO Enigma, la
première enquête scientifique majeure depuis le rapport Condon, s’articule donc
sur les preuves physiques de
l’existence des ovnis, ce qui semble redonner de la vigueur à la vieille thèse
jugée obsolète dite tôle et boulons.
Hormis
le fait que Sturrock semble avoir découvert à cette occasion le travail de
notre GEPAN/SEPRA national (exemplaire
en la matière mais fait, à notre goût, beaucoup trop aux dépens des ufologues
amateurs français) et en avoir été quasiment émerveillé (alors qu’on sait que le GEPAN n’a pas toujours été irréprochable dans ses enquêtes, loin
s’en faut), le livre : L’énigme des
ovnis constitue une nouvelle référence indispensable à ceux qui continuent
de s’interroger sur le phénomène ovni. Il est à souhaiter qu’un éditeur
français osera en faire éditer la traduction, ce qui n’est pas certain (b).
La fin du mystère ?
Faut-il
en espérer toutefois la fin du mystère ? Pas sûr !
Sturrock
précise bien dès le début que le panel qu’il avait réuni n’avait pas pour
mission de résoudre le problème des ovnis.
Encore
heureux tant certains des scientifiques invités devaient être certes intéressés
mais ne faisaient aucunement figure de spécialistes en la matière sauf dans
leur discipline propre qui n’avait, parfois, que de lointains rapports avec la
manifestation protéiforme d’un phénomène aérien inconnu dit ovni.
Il
aurait d’autre part été bien présomptueux de voir une poignée de scientifiques
brusquement (et éphémèrement ?) passionnés par l’énigme des ovnis (peu y ont porté quelque attention auparavant,
peu ont publié sur la question dans des revues sérieuses, et je vois plutôt en
eux des faire-valoir de l’organisateur), en quelques jours seulement, fournir
la réponse à un problème irrésolu depuis plus de 50 ans. Le rêve n’est pas
permis en cette matière. La preuve.
Le
mystère, donc, demeure.
L’avancée
est que la Science
(pas toute d’ailleurs) a reconnu ce mystère.
Mais s’engagera-t-elle plus loin ? Il est permis d’en douter.
Dans
la clôture de son texte, P. Sturrock donnait son sentiment, à savoir que si les
scientifiques voulaient bien s’en occuper, le
problème des ovnis serait résolu en deux ans.
Or
voilà plus de deux ans (c) qu’on a dit cela.
Normalement,
si le Dr Sturrock avait été écouté, il n’y aurait plus de mystère
ovni. Or rien n’a été élucidé… à ma connaissance.
Référence et note :
a/ Sturrock, Peter A., The UFO Enigma, A new Review of the Physical Evidence, Waner Books,
New York ,
1999.
c/ Aujourd’hui
en 2016, date de mise à jour de ce texte, cela fait seize ans !
Publié en version courte in Dimanche
S. & L., le 5 décembre 1999.
Republié complété in Ufomania,
N°27, septembre 2000.
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