mardi 29 mars 2016

La science et les ovnis



Pendant les 30 ans qui ont suivi le fameux rapport Condon (1968) où il était dit, sans détour et même avec provocation, que la science n’avait rien à gagner à étudier le phénomène des objets volants non identifiés, les scientifiques, dans leur grande majorité, ont appliqué au pied de la lettre ces conclusions négatives contestables et ont boudé le champ d’investigation des ovnis comme s’il ne pouvait rien leur apporter.


Il en a résulté une relation ambiguë difficile à comprendre par certains ufologues amateurs passionnés qui se sont considérés comme incompris voire rejetés par la science, laquelle a, depuis, trouvé là argument à esquiver la question ovni. Or voilà qu’en 1997, on a pu croire que les choses allaient changer avec le Congrès Sturrock.


En effet, entre le 29 septembre et le 4 octobre de cette année-là, d’authentiques savants, bardés de diplômes, directeurs de département universitaires, professeurs (tous des gens dont le bagage d’instruction autorisait le titre de « docteur Ph. D. »), se sont réunis à Tarrytown, dans l’état de New York, aux Etats Unis, en présence de 7 ufologues triés sur le volet.

L’initiateur du congrès était le Dr P. A. Sturrock, professeur de physique appliquée à la prestigieuse université Stanford et faisant partie du bureau éditorial de la seule « revue à referee » dans le monde consacrée aux anomalies : The Journal of Scientific Exploration. C’est d’ailleurs dans son numéro de l’été 1998 (Volume 12, numéro 2) que l’on retrouve l’essentiel de ce qui s’est passé au cours de ce meeting, dit de Pocantico, organisé par la Société pour l’Exploration Scientifique et financé par la Fondation Rockfeller, et la conclusion des débats.

Celle-ci est totalement opposée à celle tristement célèbre du projet Colorado de Condon (Sturrock est devenu « l’anti-Condon ») et se résume en ces termes : le phénomène ovni mérite, au contraire, une grande attention de la part des scientifiques car il doit permettre une avancée des connaissances. Même s’il est impossible de dire ce qui en émergera. Quel temps perdu en l’occurrence !

Si actuellement, il règne en ufologie (discipline traitant du sujet des ovnis) un grand état d’ignorance et de confusion non satisfaisant, c’est la faute au Dr Condon et au cercle vicieux que son verdict a installé : le manque de curiosité des scientifiques fait que les informations qu’ils doivent aux ufologues amateurs n’ont pas toute la fiabilité souhaitée et trop souvent les enquêtes ne sont pas menées selon des critères scientifiques. Et pour cause, puisque les scientifiques ne daignent pas y prendre part !

Dans ses recommandations finales, P. A. Sturrock écrit que les scientifiques doivent s’intéresser au problème et, de la sorte, ils ne pourront plus l’éluder et arguer de méthodes d’investigation déficientes puisque ce seront eux qui les choisiront.

Un mystère enfin reconnu
Car il y a bien un mystère et il est physique et non pas psychologique. C’est là où, précisément, le congrès Sturrock a créé l’événement !

Après avoir écouté les arguments de sept ufologues, dont notre J. J. Velasco national du SEPRA, une dizaine de « preuves » ont été retenues comme garantes de l’existence des ovnis :


L'ovni de Campbell River (1981).
1/ Les photos d’ovnis. La preuve photographique peut contribuer à mieux comprendre le phénomène ovni si elle est suffisamment étayée de précisions pour que la possibilité d’une tricherie puisse être exclue.


Une photo de ce type, réalisée en octobre 1981 à Campbell River sur l’île de Vancouver, en Colombie Britannique, Canada, remplit ces conditions : il s’agit d’un disque avec protubérance supérieure. Malheureusement, il n’y a pas eu d’autre témoin oculaire que la photographe elle-même (une femme de 25 ans), ce qui n’en fait pas scientifiquement parlant une preuve irréfutable.

2/ Les effets de luminosité des ovnis. L’ufologue Jacques Vallée - invité au congrès Sturrock – a rapporté qu’il n’était pas rare que l’apparition d’un ovni éclaire tout le paysage, selon les témoins. D’où une estimation quantitative de cette luminosité intrinsèque de l’ovni pouvant aller de quelques kilowatts à plusieurs mégawatts bien que l’évaluation de la distance à l’objet soit parfois très douteuse.

3/ Les enregistrements radars (on se souvient des ovnis belges) fut l’occasion pour J. J. Velasco de parler du catalogue Weinstein en développement au SEPRA (ravi de l’apprendre) et qui compile 489 cas dont 101 où il y a eu détection radar et observation visuelle simultanées.
Un cas « particulièrement intéressant » survint le 28 janvier 1994, à 70 km au sud-est de Paris à 11 700 mètres d’altitude dans des conditions météo excellentes.
Un gigantesque disque d’un diamètre estimé à 1 km et d’une hauteur de 100 m fut observé visuellement par un steward et le copilote d’un avion et détecté par un centre de contrôle radar militaire pendant 50 secondes.

4/ Les lumières d’Hessladen, en Norvège, un coin privilégié à ovnis depuis 1981 (20 rapports par an en émanent), ont été aussi vues en tant que champ de reproductibilité possible. Il a été suggéré d’y installer un réseau permanent de surveillance.

5/ Les interférences avec les véhicules (calages de moteurs) ont été examinées avec comme support un catalogue de 441 cas établis par l’ufologue M. Rodeghier. 1 % seulement des moteurs affectés sont des diesels.

6/ Les interférences avec les avions souvent plus dramatiques. L’ufologue R. Haines présenta son étude des observations d’ovnis par des pilotes d’avions dont 4 % impliquent des effets électromagnétiques passagers qui ont été associés à la présence d’un étrange objet. L’interprétation possible serait une perturbation du champ magnétique autour de l’ovni.

7/ Les effets d’inertie et gravitationnels dus aux ovnis. Un des meilleurs cas, selon l’ufologue M. Swords, est celui d’un hélicoptère, en 1973 en Ohio, qui fut aspiré par un ovni placé au-dessus de lui sur une hauteur de 600 m sous les yeux d’un témoin oculaire.
Le panel scientifique se déclara très intéressé par ce type de rapport mais souligna que sans l’existence de preuve physique solide, il est difficile à un groupe de scientifique de se prononcer, d’autant que, pour le cas ci-dessus, le commandant de l’hélicoptère semblait ne pas avoir très bien su où adresser son rapport d’un événement aussi extraordinaire (sic).

8/ Les traces au sol. Le cas français de Trans-en-Provence, survenu en 1981, a beaucoup impressionné le panel. Du moins, J. J. Velasco a-t-il su le présenter de façon convaincante en occultant bien sûr certains doutes formulés par des ufologues français privés. Dommage.

9/ Les effets sur la végétation. Les cas français connus comme « Christelle », « Amarante », « Joe le Taxi », firent encore grosse impression (manifestement inconnus aux Etats Unis).
A la suite de quoi, on a pu lire que des SEPRA devraient être créés dans d’autres pays.
Ce n’est pas tout à fait notre avis, nous autres ufologues français que le responsable du SEPRA ignore superbement et tient dans l’ignorance de ce qui est étudié avec nos deniers.
Il est beaucoup plus valorisant, bien entendu, d’aller faire la roue dans un exposé magistral devant un panel yankee de scientifiques de haut niveau que de faire de la communication chez soi !

10/ Les effets physiologiques sur les témoins. Certains témoins d’ovnis ont, en effet, éprouvé des sensations temporaires ou des effets à long terme à l’approche de l’ovni ou bien suite à son passage : forte sensation de chaleur ou au contraire de froid, choc, paralysie, dommages oculaires, brûlures, surdités, nausées…
Le cancer de Betty Cash, confrontée en 1980 à un objet volant en forme de diamant qui lui barra la route, près de Dayton, au Texas, et dont elle a succombé récemment, fut évoqué.

11/ Les analyses de débris laissés derrière eux par certains ovnis. Jacques Vallée présenta un certain nombre de cas de matériaux retrouvés suite au survol ou à l’explosion alléguée d’un ovni : Council Bluffs, Iowa, en 1977, Iles Maury, en Washington, 1947, Campinas, Brésil, 1954 et Ile Vaddo, Islande, 1956. Aucun de ces cas n’apporte la preuve claire d’un échantillon qui échappe à la connaissance scientifique actuelle, nota P. A. Sturrock.

Reconnaissons que l’écoute par les scientifiques de ces ufologues constitue indirectement une reconnaissance, insuffisante certes, mais implicite tout de même du travail des ufologues amateurs qui ont galéré dans l’ombre depuis des décennies afin de recueillir des preuves, des témoignages pour que soit étudié enfin un jour officiellement le fruit de leur passion (on se console comme on peut !).

Dommage qu’à cette occasion, un tel hommage ne leur ait pas été rendu, plus ouvertement. Mais il ne fallait pas demander l’impossible, n’est-ce pas !

L’énigme des ovnis
Non content d’en rester là, le Dr Sturrock a transformé en un livre (a) structuré les interventions de Pocantico, en y ajoutant quelques chapitres indispensables comme une critique du Projet Colorado qu’on se demande pourquoi elle a mis si longtemps à voir le jour à ce niveau (Condon est mort et enterré depuis longtemps).

Le livre, intitulé The UFO Enigma, la première enquête scientifique majeure depuis le rapport Condon, s’articule donc sur les preuves physiques de l’existence des ovnis, ce qui semble redonner de la vigueur à la vieille thèse jugée obsolète dite tôle et boulons.

Hormis le fait que Sturrock semble avoir découvert à cette occasion le travail de notre GEPAN/SEPRA national (exemplaire en la matière mais fait, à notre goût, beaucoup trop aux dépens des ufologues amateurs français) et en avoir été quasiment émerveillé (alors qu’on sait que le GEPAN n’a pas toujours été irréprochable dans ses enquêtes, loin s’en faut), le livre : L’énigme des ovnis constitue une nouvelle référence indispensable à ceux qui continuent de s’interroger sur le phénomène ovni. Il est à souhaiter qu’un éditeur français osera en faire éditer la traduction, ce qui n’est pas certain (b).

La fin du mystère ?
Faut-il en espérer toutefois la fin du mystère ? Pas sûr !

Sturrock précise bien dès le début que le panel qu’il avait réuni n’avait pas pour mission de résoudre le problème des ovnis.

Encore heureux tant certains des scientifiques invités devaient être certes intéressés mais ne faisaient aucunement figure de spécialistes en la matière sauf dans leur discipline propre qui n’avait, parfois, que de lointains rapports avec la manifestation protéiforme d’un phénomène aérien inconnu dit ovni.

Il aurait d’autre part été bien présomptueux de voir une poignée de scientifiques brusquement (et éphémèrement ?) passionnés par l’énigme des ovnis (peu y ont porté quelque attention auparavant, peu ont publié sur la question dans des revues sérieuses, et je vois plutôt en eux des faire-valoir de l’organisateur), en quelques jours seulement, fournir la réponse à un problème irrésolu depuis plus de 50 ans. Le rêve n’est pas permis en cette matière. La preuve.

Le mystère, donc, demeure.

L’avancée est que la Science (pas toute d’ailleurs) a reconnu ce mystère. Mais s’engagera-t-elle plus loin ? Il est permis d’en douter.

Dans la clôture de son texte, P. Sturrock donnait son sentiment, à savoir que si les scientifiques voulaient bien s’en occuper, le problème des ovnis serait résolu en deux ans.

Or voilà plus de deux ans (c) qu’on a dit cela.

Normalement, si le Dr Sturrock avait été écouté, il n’y aurait plus de mystère ovni. Or rien n’a été élucidé… à ma connaissance.


Référence et note :
a/ Sturrock, Peter A., The UFO Enigma, A new Review of the Physical Evidence, Waner Books, New York, 1999.

b/ La traduction en français est sortie en 2002 aux Presses du Châtelet.








 c/ Aujourd’hui en 2016, date de mise à jour de ce texte, cela fait seize ans !


Publié en version courte in Dimanche S. & L., le 5 décembre 1999.
Republié complété in Ufomania, N°27, septembre 2000.



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