L’« orthoténie » : artefact statistique, erreur
méthodologique, mirage ou illusion ?
Quatre ans pour passer des lueurs à l’illumination ! C’est le temps
qu’il fallut, semble-t-il, entre 1954 et 1958, à Aimé Michel, pour aller d’un
intérêt purement documentaire vis-à-vis des soucoupes volantes (SV) exposé dans
son premier livre (1) à un éblouissement face aux alignements des lieux d’observation de celles-ci ; un constat
qu’il voulut ériger en théorie sous le nom d’« orthoténie » (2) qu’il
immortalisa sous ce nom et dont, finalement, sa réputation aurait très bien pu
se passer tant cette thèse fut mal comprise, dénoncée comme hasardeuse et finalement abandonnée
comme illusoire, lui-même avouant s’y être égaré,
mais seulement après 20 ans et, apparemment en pleine connaissance de
cause !
Encore
en 1977, dans la réédition de son livre Mystérieux
Objets Célestes (MOC) parue chez
Seghers (3c), il reconnaissait s’être cru le premier ufologue à avoir mis en
évidence, derrière l’énigme des ovnis, une
technologie d’une efficacité et d’une virtuosité prodigieuse manœuvrant en 1954
dans le ciel et sur le sol d’Europe, y réalisant un plan dont ni le but, ni
l’origine, ni les motifs ne se laissent encore soupçonner ; une
évidence qualifiée bien imprudemment de scientifique.
Sous une réserve toutefois de taille, à savoir que cette fantasmagorie qui le fascinait
toujours soit un phénomène réel… Eh oui, il lui était déjà largement permis d’en
douter si ce n’est pire car on se demande comment il a pu s’y accrocher si longtemps
et ainsi soutenir le mythe parmi ses lecteurs de 1958 et de 1977 !
Rares
sont ceux qui, aujourd'hui, se rallient encore à ce concept d’ « orthoténie »
vu généralement comme celui d’apparitions d’ovnis en ligne droite, tel que rapporté
par Jerome Clarke (4) dans sont encyclopédie publiée en 1998 ; pourtant autant
de place y est consacrée à l’« orthoténie » qu’au nom de son auteur,
ce qui paraît bien disproportionné tant l’œuvre d’Aimé Michel est riche en autres
multiples réflexions philosophico-ufologiques éclipsant de loin la notion d’« orthoténie » :
ne fut-il pas convaincu dès les années 1970 que le phénomène ovni représente
quelque chose se situant au delà de la
compréhension humaine ? Une vision futuriste dont on devrait tirer leçon
encore aujourd'hui en 2008 ! Personnellement, je suis un grand admirateur
d’Aimé Michel et je le considère comme le plus grand ufologue français de tous
les temps, nonobstant son épisode « orthoténique » qui, hélas, nous égara tous
autant que lui et dont nous subissons les séquelles.
Aussi,
n’est-ce pas à charge contre lui que j’entreprends cette étude, mais pour comprendre
comment il a pu ainsi s’(auto)fourvoyer
et nous entraîner avec lui dans le bateau de l’« orthoténie » ;
aussi pour laver le cerveau des ufologues qui, comme moi, ont mordu à cet
hameçon et ont encore du mal, 50 ans après, à s’en débarrasser. Car comme
l’exprimait très justement en 1987 Claude Maugé (5) : l’« orthoténie »
a converti quelques scientifiques (scientists) à l’ufologie. Je fus l’un de
ceux-là justement à une période où A.
Michel était à mon sens le plus convaincant orthoténiquement
parlant.
Ufologie à la française exportée
en Amérique
Le
premier livre ufologique d’A. Michel « Lueurs
sur les SV » (1954), contrairement à ses dires (6), lui avait valu un certain
succès (en France et dans le monde – traduction en anglais) au point que son
second ouvrage en la matière qu’il consacra à la fameuse vague française de
1954 (3a), y exposant sa théorie « orthoténique », parut en 1958 en Amérique quelques
mois avant la version française avec un titre autrement plus
provocateur (7) : titre américain : « Les soucoupes volantes et le mystère de la ligne droite » !
Pourtant
le texte américain était sensé être la « traduction » du français, selon l’auteur. Or, quand on
met les deux versions en parallèle (j’espère ne pas être le premier à le faire,
ayant lu la version américaine avant la française), les différences en sont
si flagrantes et significatives qu’elles ne peuvent s’expliquer à l’évidence par
le passage d’une langue à l’autre : les paragraphes sont souvent déplacés,
notamment ceux touchant à l’ « orthoténie », certaines
digressions supprimées, bref, dans le texte américain, la notion d’« orthoténie »
semble beaucoup mieux explicitée, ordonnée, que dans la version française, moins
dispersée, délayée au fil du récit et obscurcie souvent par des commentaires
plutôt abscons absents en anglais, rajoutés ;
comme si l’auteur, à quelques mois d’intervalle, était déjà assailli de
doutes...
Ainsi,
une vingtaine de pages de la version française ne figurent pas en anglais et un
pointage montre qu’elles parlent très souvent d’hallucination, de télépathie,
de coïncidences de confusion du MOC
avec « autre chose » :
ballon, feu de Saint Elme, avion, hélicoptère, etc. Tout cela ajoute à la
confusion.
Fut-ce
une traduction épurée par rapport à l’original, notamment par le
traducteur, qui a éliminé ce qu’il ne comprenait pas ou savait déjà faux (on va
voir pourquoi) ? A. Michel, dans le court laps de temps séparant les deux
parutions a-t-il voulu faire des corrections, ajouter des commentaires ?
Il est vrai que le traducteur Alexander D. Mebane (8) fut un des premiers à
mettre en cause la justesse des calculs mathématiques d’A. Michel sur lesquels
il fonda imprudemment sa théorie, l’obligeant déjà à bémoliser son enthousiasme
et revoir sa copie (pas en tout cas mathématiquement parlant) avant même la
sortie de la version française ?
Deux autres exemples des différences entre
les textes anglais et français : à propos de la thèse psychologique, les trois
lignes qui y sont consacrées en américain deviennent 25 en français, si bien
qu’on ne sait plus si en fait la loi de propagation en droite ligne est bien celle
des ovnis ou celle des bobards
(suggestion par J. Bergier (1912-1978)) que démontrent les alignements découverts par A. Michel.
Aussi,
concernant le sens des alignements, il fut épargné aux lecteurs anglo-saxons ce
syllogisme fumeux propre à prêter à confusion : l’alignement aléatoire d’un phénomène psychologique (thèse de
l’hallucination, mensonge et mystification) n’a aucune chance de se
produire ; or, toutes les explications connues du phénomène soucoupe se
ramènent à un phénomène psychologique ; donc l’alignement aléatoire du
phénomène soucoupe volante est impossible (3a page 128).
Autre
anomalie : sur la jaquette du livre en américain, l’auteur français est
présenté comme mathématicien et
ingénieur. Or, dans la réédition de MOC
(3c), A. Michel décrit sa formation surtout psychologique et philosophique reconnaissant
avoir étudié quelques mathématiques
et avoir obtenu un diplôme d’ingénieur… du son ! Ainsi, on a du mal à voir le même personnage
dans ce merveilleux philosophe féru de mysticisme décrit par les Américains
comme un savant et expressément
présenté surtout pas comme un rêveur.
Or l’« orthoténie »,
considérée comme la preuve d’une exploration intelligente de la Terre , fit rêver bien des
ufologues, moi y compris surtout quand épurée originellement des premiers
doutes de son auteur. Et il n’y a pas de honte à cela, n’est-ce pas ?
A mon
humble avis, c’est justement grâce à ses visions profondes du phénomène
soucoupe, entre autre (il en vint en fin de vie à confier modestement que tout
ce dont il était certain à propos des ovnis tiendrait aisément sur un timbre
poste !), qu’A. Michel permit à toute une génération d’ufologues (dont je
fais partie) de rêver le phénomène ovni autrement qu’en terme de lumières célestes
évanescentes dans la nuit ou de fantasmes d’individus imbibés d’alcool ou de
science-fiction ; et non à cause de ses calculs mathématiques simplistes,
comme on va le voir ! Ou plutôt si en admettant que son bas niveau en
mathématiques - et particulièrement en calcul statistique - lui permit de
s’enthousiasmer sur quelque chose qu’un statisticien aurait rejeté d’emblée
et, par là même, d’accréditer la théorie en vogue à l’époque : celle
qualifiée de tôles et boulons à
laquelle nous adhérions !
Avant
de passer à l’aspect calculs de
l’ « orthoténie » qui effectivement fut sujet à bien des commentaires,
revenons à la source d’inspiration d’A. Michel et aux circonstances de sa
découverte dont l’auteur donnait quelques détails tout d’abord dans le mensuel Science
& Vie (9) de février 1958 et dans un article paru ultérieurement
dans Planète
(10) en 1963 (pas toujours en concordance ici non plus d’ailleurs, hélas). On
peut y lire déjà exprimé au passé en 1963 : Il y avait bien quelque chose derrière le chaos de 1954 (observations
multiples de la vague) et ce quelque
chose commença à m’apparaître en 1957.
Euréka ! Les témoins
de soucoupes alignés comme à la parade !
En
compilant les rapports d’observations (11) pour son deuxième livre et en se focalisant non plus sur le phénomène
aérien mais sur les récits des témoins, A. Michel fait sa découverte. Un peu par hasard, comme il
l’explique dans Science et Vie accréditant l’idée de ce que les
Américains appellent la sérendipité :
on cherche quelque chose et on trouve autre chose. Nombre de grandes inventions
y ont trouvé leur chemin.
A
cette époque (fin 1956), il se rappelle d’un conseil du poète Jean Cocteau (1889-1963)
donné à lui deux ans plus tôt : - Tu
devrais chercher, lui avait-il dit,
si toutes les soucoupes n’obéissent pas à quelque ordre que nos yeux, à
première vue, ne pourrait soupçonner (12). C’est, semble-t-il, le
remords de l’attitude mesquine de
négliger cette suggestion du poète, de rechercher d’abord la preuve et de
refuser aux nombreuses mauvaises observations la possibilité d’être vraies, qui
le poussent à faire comme si et à
porter sur une carte tous les
témoignages du 14 octobre 1954 (version 1963, déjà romancée ?). Pourquoi ce jour-là ? Parce que les
observations sont nombreuses et rassemblées dans une zone restreinte.
La version
1958 est un peu différente. A. Michel, en 1954, suite à la suggestion de J.
Cocteau, prend une carte de France au millionième et passe de longues semaines (sic)
à y repérer exactement les lieux d’où émanent tous les récits de témoignages ovnis
de ses dossiers. A chaque endroit ainsi localisé, il pique une punaise de
couleur. Premier constat visuel : TOUTE la France a vu des soucoupes
volantes ! C’était bien,
écrit-il, le chaos irrémédiable (répartition
aléatoire) prévu par les interprétations
les plus sceptiques à savoir un mélange de phénomènes classiques naturels non
reconnus (halos, bolides, météorites, ballons-sondes, avions, hélicoptères,
Vénus, Mars etc.) et de mensonges, d’hallucinations, de facéties…
Ce
premier pointage donc fin 1954 sur une carte de France des centaines
d’observations de l’année - débarrassé des cas mal prouvés et douteux (les bonnes seulement (Scornaux)) - ne donne
rien. Deux ans plus tard, il revient donc sur cette notion d’ordre et classe les observations en
diurnes et nocturnes : toujours rien. Puis, région par région… Et il
arrive à la région Bourgogne, Lyonnais, Franche-Comté : J’eus pour la première fois l’impression de
distinguer quelque chose de singulier, d’anormal, écrit-il. De Poligny
jusqu’à Gueugnon (S. & L.), cinq punaises présentaient une disposition
rigoureusement rectiligne sur une distance de 130 km . Dans ses dossiers,
il cherche à quoi correspondent ces cinq observations et, première surprise, toutes
étaient datées du même jour : le 14 octobre 1954 entre 18h 30 et 19h 35.
Deuxième
surprise : les observations ne peuvent correspondre en aucune façon, ni à
l’hypothèse d’un bolide (une des observations parle d’un objet posé au
sol !), ni à celle d’un hélicoptère même avec des détails ajoutés par des témoins imaginatifs. Et là, dans
un geste désespéré pour échapper à une aussi
merveilleuse série de coïncidences » - c’est le mot approprié si on
reste sur l’interprétation aléatoire - A. Michel se dit : - Au lieu de piquer sur ma carte toutes
les observations de la saison, pourquoi ne pas essayer de sérier les
jours ? Reprenant tout à zéro sur ce principe, c’est l’illumination. Le désordre apparent résultait-il d’un
mélange de plusieurs ordres ? SI.
Et A.
Michel, armé d’une règle, se met à rejoindre par des lignes droites les lieux
de témoignages de la vague d’octobre à novembre 1954, jour après jour : il obtient des centaines de lignes à trois
points (c’est bien le minimum, on le verra), des de quatre, quelques de 5 et
une de six ! Dans une proportion qui
dépasse souvent 90 %, la plupart des observations se situent sur des lignes
droites valables 24 heures seulement, l’heure critique où les droites d’un jour
s’effacent pour faire place à de nouvelles droites se situant vers 1 heure du
matin. Déjà là, il est difficile de trouver d’où sont tirés ses calculs si
ce n’est d’une estimation pifométrique. Mais il vient de découvrir les
alignements ; la fièvre « orthoténique » va le tenir pendant plus de 20
ans et marquer l’ufologie mondiale de façon indélébile au point qu’aujourd’hui
encore on en ressent les répercussions.
Pour
l’instant, voyons comment Michel tenta de décrire cet ordonnancement soucoupique car, dès l’instant de la découverte, il
lui apparut que ces lignes ne
correspondaient pas, hélas, aux trajectoires des ovnis.
La ligne droite « clé du phénomène soucoupe »
Premier
constat : l’alignement des observations ne signifie pas que ce qui a été
observé se déplaçait en ligne droite (13) malgré le fait que souvent, la trajectoire de l’ovni indiquée
par le témoin correspondait à l’alignement ! La preuve est là aussi
fournie opportunément par hasard avec le bolide observé le 17 novembre 1955
visible depuis la France ,
la Suisse , l’Italie,
l’Allemagne : les lieux d’origine des lettres reçues à son propos par
l’observatoire de Paris sont répartis sur la carte de façon absolument aléatoire. Pourquoi un objet lumineux survolant le pays
à plusieurs dizaines de km d’altitude au moins n’aurait-il été aperçu que sur
sa projection orthogonale ?, s’interroge A. Michel. La question est
valable aussi bien pour un météore (bolide) que pour un hypothétique objet qui
aurait produit l’alignement des observations du 24 septembre 1954 Bayonne-Vichy
dit BAVIC, comme on le verra. Donc un
alignement des points d’observation ne signifie nullement une trajectoire
rectiligne de l’objet observé !
Second
constat, apte en effet à doucher l’enthousiasme : la succession de la ligne n’a rien à voir avec la succession
chronologique, il y a désordre sur la ligne ; exemple lundi 27
septembre 1954 : ligne Perpignan (15h)-Foussignargue (2 h du matin)-Lemps
(22 h 15)-Premanon (20h 30)-Mulhouse (minuit) ; ça se complique !
Pour sauver les meubles A. Michel doit concéder que ceci montre que les mêmes alignements
peuvent être pris en charge par des objets différents à des heures dont la
succession n’a rien à voir avec le sens du déplacement ! Ainsi, en général, les lignes ne
correspondent pas à la trajectoire d’un simple objet mais à un couloir de circulation dans lequel
les soucoupes vont et viennent d’un côté et d’autre. D’autant que des objets
vus sur la même ligne sont différemment décrits au point qu’il est difficile
d’en attribuer une forme unique déformée par les témoins.
Et pourtant la solution était
dans cette idée,
persiste-t-il encore en 1963. Dans une nouvelle introduction à la version de
1977 (3c), où A. Michel ne prononce pas une seule fois le mot « orthoténie »,
il écrit que ce qui le décida à publier son 2ème livre, ce fut le sentiment que j’avais peut-être trouvé
une méthode scientifique (…) pour permettre une étude objective du
phénomène SV. En 20 ans, le peut-être
était symbolique de ses doutes mais aussi de sa fidélité à l’« orthoténie »
malgré les critiques !
Déjà
en 1958, et après avoir brièvement évoqué l’hypothèse psychologique (qualifiée
en anglais de dérangement mental ou de mensonges !), les doutes assaillaient
le découvreur au point de lui faire consacrer 165 lignes en français contre
seulement 91 en anglais à la possibilité que ces lignes puissent être formées
par hasard. Mais là où ça se gâte c’est quand l’auteur veut évaluer la
probabilité de cette hypothèse.
Carence mathématique du
traitement des données
Pour
ce faire, il veut estimer la probabilité pour que la ligne droite BAVIC de 6 points soit formée par pur
accident : à partir de la longueur de cet alignement (485 km ), il estime une aire
de dispersion possible (cercle de distribution possible en anglais) de 185 000
km2 environ (cercle de 485/2 km de rayon !). Supposant un battement de 8 km (distance maximum de
l’objet réel à l’observateur !), il calcule un rectangle de 3880 km2
(485 x 8) (qualifié de corridor en
anglais, pas en français !) où les 6 objets vus furent localisés.
Puis
il pose le problème statistique en ces termes : Dans une aire de 185 000 km2, combien faudrait-il
d’observations réelles réparties au hasard pour avoir une chance d’en avoir
quatre (pourquoi 4 ?) dans le
rectangle ? Et il accouche de la solution : 190 ! Résultat
de l’opération : (185 000 x 4)/3 880. Puis, crânement, il infère que
puisque, ce jour-là, il n’y a que 7
observations (il ne compte pas les deux extrêmes ?), on peut donc parier 190 contre 7, ou 27,1 contre 1 que l’alignement
Bayonne-Vichy n’est pas un effet du hasard.
On
verra que son traducteur infirme totalement ce résultat et qu’il y a là du
grain à moudre pour son grand détracteur : le Dr D. H. Menzel. Mais
on n’en est pas encore là.
Accueil enthousiaste des
ufologues
A sa
sortie en France, Mystérieux objets
célestes fit sensation (Toulet, 1967) auprès des ufologues. Comme je l’ai
dit l’« orthoténie » va dans le sens des croyances du temps : à
savoir que les soucoupes volantes sont des vaisseaux spatiaux en mission
d’exploration sur la terre ; les va-et-vient mis en évidence par l’« orthoténie »
dans des couloirs enchevêtrés semble compatible avec un quadrillage de la zone
explorée. Selon R. Fouéré (1904-1990), le second livre d’A. Michel suscita chez les partisans de la réalité des
soucoupes volantes une surprise émerveillée et un immense enthousiasme (14).
Du coup, les ufologues étrangers et pas des moindres tentèrent d’appliquer le
modèle « orthoténique » aux vagues enregistrées dans leur pays : A. Ribera
en Espagne, (vague de 1950, droite tracée à la main : maximum de 3 points
(27 mars) et de 4 sur la semaine du 23/03 au 31/03/1950), O. Fontes au Brésil
(1960), J. Vallée en Afrique du Nord (15), la plupart donnant les résultats de
leurs travaux « orthoténiques » dans la revue ufologique britannique Flying Saucer Review qui jouissait, à
l’époque, de la réputation d’être la meilleure du temps (16) et où se développa
justement entre 1964 et 1974 l’âpre débat sur l’« orthoténie ».
L’ufologue belge J.-G. Dohmen, en 1972, crut découvrir des couloirs privilégiés à soucoupes en Belgique sans
s’imposer de période temps d’après les observations belges ! J. Vézina et M.
Leduc firent de même au Québec, en 1983.
Toutes
ces tentatives ne furent que de pâles imitations des réseaux de Michel :
de la pseudo-orthoténie.
Des personnages célèbres comme
Paul Misraki (17) (1908-1998) et Rémy
Chauvin (18) (1913-mort depuis en 2009) furent d’ardents « orthoténistes ».
Certains même cédèrent à une véritable orthoténimania
en voulant à tout prix placer en ligne droite divers autres phénomènes
qualifiés de connexes : les
cavernes peintes [à tout auteur tout honneur : cavernes préhistoriques Michel
(19), 1969], sources thermales (F. Lagarde, 1970), foudre (J. Bastide, 1972),
lieux de naissance d’hommes illustres (20) (J. C. Dufour (1974) et même théâtre
d’événements paranormaux (A. Druffel, 1983).
Emporté
par son succès et peu ébranlé par les critiques qui ne l’épargnaient pas, on le
verra, Aimé Michel persista jusqu’en 1963 date à laquelle il prônait une orthoténie globale (20).
Globalisation de l’« orthoténie »
et autres structures
En
prolongeant les alignements à des grands cercles, A. Michel voulait accréditer
une « orthoténie » globale
(à l’échelle du globe). Or le prolongement de BAVIC traversait en effet des pays où cinq vagues d’ovnis avaient
été observées depuis 1954 : Europe de l’Ouest, USA (1957), Brésil,
Nouvelle Guinée (1959) et Nouvelle Zélande (1960). Est-ce que les lignes « orthoténiques »
françaises s’étendaient hors du territoire avec des périodes pouvant déborder
les 24 h (plus de raison que les SV aient leur chronomètre de bord callé sur
l’heure GMT = temps moyen de Greenwich valable en France) ? A. Ribera, en
1963, plaçaient 4 observations de 1950 en Espagne sur la ligne BAVIC prolongée et une de 1936 !
Par ailleurs, outre le mystère de la ligne droite, les lignes tracées entre les points
d’observation à partir du 2 octobre 1954, selon A. Michel, commencent à offrir
un spectacle fascinant : il y a
convergence des lignes en étoile presque au même endroit (Poncey en
l’occurrence) : des centres de dispersion « orthoténique » ! Ce qui
correspondait à un dessin de J. Bergier tracé sur la nappe où ils déjeunaient
ensemble longtemps auparavant et qui
avait dit sur le ton de la boutade : Ce
qui serait amusant, ce serait de trouver un jour quelque chose comme ceci.
Et voilà
que cela se confirme le 7 octobre (Montlevicq), 11 octobre (Montluçon) !
Ainsi
apparaît une « orthoténie » en étoile que Michel croit même
superposable d’un jour sur l’autre en faisant coïncider les centres par
translation suivie d’une rotation dans le sens inverse des aiguilles d’une
montre. De la sorte, nous avons 4
branches de l’étoile du 7 qui recouvrent 4 branches de l’étoile du 2 et un
alignement du 7 qui se superpose à un alignement du 2.
Comble
de l’étonnement, Michel discerne des phénomènes particuliers au centre des
étoiles : grand cigare vertical dit des
nuées, effet de feuille morte dans
le mouvement de l’ovni…
Dans
l’euphorie « orthoténique », l’idée d’A. Michel était de développer les figures (structures, configurations)
produites par les lignes « orthoténiques » locales (réseaux, nœuds, etc.)
pour en faire un instrument au niveau des grands cercles. Cette présence de centres de dispersion et ces constantes
lui permettent d’étayer le côté intelligent de ce qui se cache derrière l’« orthoténie ».
Il
voulait aussi édifier une théorie sur les réseaux
que constituaient ces intersections de lignes convergeant selon lui plus
souvent que le permettrait le hasard en foyers de dispersion. L’« orthoténie »
allait-elle permettre de prévoir le passage d’ovnis en certains lieux, comme le
laissait entendre son auteur dans « Planète » ?
Mais,
la fièvre « orthoténique » était déjà tempérée par les critiques qui affluaient
de tous les azimuts.
Premières critiques
Suite
à la parution de « MOC » en
France, Jacques Vallée, jeune étudiant « ayant raté mathématique générale », tombe sur Mystérieux Objets Célestes au Bazar de
l’Hôtel de Ville à Paris ! Il est frappé
par le sujet (il n’avait manifestement pas lu le livre de 1954) et, en 1958, écrit
à A. Michel ; ils correspondirent ensuite jusqu’à se rencontrer en 1961 et
devinrent amis ; cette rencontre est certainement à l’origine de la
vocation de J. Vallée qui devint, on le sait, un ufologue réputé.
Tout
ça pour dire qu’on trouve dans le livre de J. Vallée : Sciences Interdites (22), qui est son
journal de réflexions couvrant la période 1958-1970, allusion à l’« orthoténie »
dont l’aspect mathématique l’avait
particulièrement intéressé.
On y
apprend ainsi qu’avant 1961 (23), Michel fut accusé d’avoir tracé ses lignes puis d’avoir contacté les journaux
locaux pour savoir s’il existaient des observations s’y rapportant et, fut
traité d’escroc par les « officiels »
de la société astronomique de France. Mais on nous dit que ces critiques furent
faites en privé et notamment que P.
Guérin (1926-2000) se plaignit à Michel des insuffisances
de sa méthode. Bizarre qu’A. Michel attendît
jusqu’en 1964 pour seulement réagir après l’attaque de D. Menzel alors que les
mêmes accusations en France de ces scientistes tenants
du rationalisme avaient moindrement éveillé son courroux.
En
fait, initialement, c’est le traitement consécutif par informatique de l’ « orthoténie »
globale par J. Vallée qui déchaîna les foudres de D. Menzel lequel en dénonça
les pièges dans Flying Saucer Review
d’août 1964.
Les objections des statisticiens
Dans
la version anglaise du livre (pas dans la française publiée après,
pourquoi ?), on trouve en appendice une étude « orthoténique » de la vague
américaine de 1957 effectuée par le traducteur A. Mebane, un authentique
ingénieur, qui corrobore triomphalement
(sic) l’existence d’un tel phénomène en Amérique (or, réellement, il n’en est
rien). Fort charitablement, ce n’est pas par la méthode Michel dont il ne fait aucun commentaire qu’il teste
l’hypothèse nulle (accidentelle) mais par un calcul irréprochable (Menzel
dixit) visant à estimer la probabilité qu’un certain nombre de points placés
aléatoirement donnent une droite : l’hypothèse qu’il prend est que le
triangle formé par trois points ait un angle proche de 180 degrés centigrades à
1,5 degré près. Et de présenter une formule binomiale
qui, en effet, donne une chance sur 500 000 que la ligne BAVIC soit apparue par hasard (6 points alignés sur neuf) mais
aussi indique qu’à partir de 9 points, il est normal qu’il y en ait 3
d’alignés, qu’à partir de 22, il y en ait 4, qu’à partir de 30, il y en ait 5,
etc. Ainsi les alignements jusqu’à 5 points ne reflètent que la loi du hasard. Tout
ce qu’il a trouvé en Amérique, en fait.
L’astronome américain Donald H. Menzel (1901-1976),
de l’Université de Harvard, grand négateur des ovnis, ne se contenta pas comme
son collègue français Evry Schatzman (1920-2010) d’opposer à Michel une formule
du style : vos alignements ne
peuvent exister parce que les soucoupes ne peuvent exister !
(sic), mais, dans une objection d’expert,
mouilla la chemise en modélisant l’« orthoténie » par la méthode de
calcul inaugurée de façon simpliste par A. Michel. Notant que la discussion mathématique (du Français) était pleine d’erreurs évidentes (il
avait beau jeu de rapprocher les deux chiffres de probabilité d’une ligne telle
que BAVIC due au hasard figurant dans
le même livre : une chance sur 190 (Michel) et une sur 500 000
(Mebane) ! et sa formule indiquant le nombre de lignes droites sensées
apparaître par hasard complètement fausse,
tandis que les formules statistiques de Mebane étaient correctes), Menzel
reprenaient telles quelles celles-ci en prétendant faussement une
simplification et une meilleure définition du corridor (et pour cause puisque c’est plutôt la base du calcul
topographique). Mais il arrivait bien entendu aux mêmes conclusions que
Mebane : à savoir que les alignements jusqu’à 5 points étaient le fruit du
hasard. Même, il s’étonnait que le nombre de tels alignements signalés par
Michel soient parfois moins nombreux que prévu statistiquement (oublis ?).
Sa première
intervention parut dans la
Flying Saucer Review de mars 1964 avec le titre de « Les soucoupes volantes se déplacent-elles en
ligne droites » et souleva la polémique (24) car il était dit y mettre
directement en cause Michel accusé d’avoir triché
et quasiment fabriqué le phénomène. J’ai
relu attentivement son texte de la
FSR et n’y ai pas
trouvé les attaques personnelles et les insinuations dites tendancieuses alléguées notamment par A. Michel sinon qu’il mettait
en garde l’auteur de la théorie « orthoténique » de ne pas s’être leurré. On
verra que l’astronome américain n’avait pas tout à fait tort car, déjà, il évoquait
un biais provenant des incertitudes dues
aux articles de journaux qui souvent se trompent sur les dates ou donnent des
informations approximatives quant à ces dates (prémonition ?). On verra
plus loin qu’il avait raison. A sa décharge en outre, j’ajoute que A. Michel ne
l’avait pas ménagé dans son premier livre en jetant quelques cailloux dans son
jardin (sic) et lui reprochant notamment de faux raisonnements et une ambition
hors de raison dans sa thèse des lentilles atmosphériques pour expliquer
certaines soucoupes.
Moins
rancunier que A. Michel lui-même, dans un livre collectif paru en 1972 (25), D.
Menzel revenait sur la question de l’« orthoténie » et laissait de
côté les attaques personnelles sans pour autant épargner l’inventeur de l’« orthoténie »
auquel il reprochait :
-
le
choix arbitraire de minuit à minuit aux lignes « orthoténiques » comme si les soucoupes volantes respectaient
l’heure française !
-
la
non prise en compte de la distance apparente et l’inclinaison sur l’horizon des
ovnis,
-
le
même poids statistique alloué aux bonnes et aux mauvaises observations,
-
le
non respect des règles qu’il s’est donné au début de son analyse (récupérations
d’observations hors de la période de 24 h, de cas isolés hors territoire
français sans tenir compte de tous les autres le même jour),
-
et
surtout la propension à tester hypothèse sur hypothèse à l’aune de l’« orthoténie »
et sur ce que les patterns peuvent
signifier eux-mêmes, ce qui réduit les chances qu’une correspondance représente
quelque chose de réel, un piège dans
lequel, selon lui, même des statisticiens expérimentés sont tombés.
Critiques
difficilement contestables (26) même pour les tenants de l’« orthoténie » ;
cette fois la réaction de A. Michel fut violente et il traita Menzel de polémiste suite à son intervention de
1964 dans la FSR.
J’avoue
ne pas m’expliquer ce haro de Michel sur Menzel ? Lui et ses admirateurs
ont-ils voulu passer leurs nerfs sur l’astrophysicien américain anti-ovni pour
se défouler de ne pouvoir le faire sur ceux qui l’avaient ainsi mis en cause en
France ?
Parmi
les autres mathématiciens qui tentèrent de vérifier mathématiquement l’« orthoténie »,
il y eut tout d’abord F. Toulet (1967), statisticien du G.E.P.A., et Jacques Scornaux (1975) de la SOBEPS.
Mais avant, chronologiquement, il y eut l’impact de
l’ordinateur.
Entrée en piste de l’informatique
Le
deuxième coup fatal porté à l’« orthoténie » vint des simulations de
distributions d’observations au hasard sur le territoire français telles que
modélisées (27) par J. Vallée sur l’ordinateur de l’Observatoire de
Meudon en dehors des heures de travail.
J.
Vallée, comme tout étudiant scientifique, était appelé à utiliser les
ordinateurs de l’époque qu’on gavait de cartes perforées dans les centres de
calcul (28). Leur utilisation pour simuler l’ « orthoténie »
ne lui avait pas échappé.
Et là
les résultats de Mebane sont corroborés : les alignements de 2, 3 voire 4
points sont pur fruits du hasard. Le calcul des grands cercles passant et lissés par ces points au moyen de la
méthode des moindres carrés sur des intervalles de 24 heures montrent, dès le
printemps 1962 (22), que la théorie « orthoténique » s’écroule.
L’informatique
se prête particulièrement à tester l’hypothèse nulle (dite relevant du pur
hasard). J. Vallée, dans son journal à la date du 17 juin 1962, à Paris,
écrit : Hier, j’ai terminé le
calcul de tous les grands cercles mentionnés dans le livre d’A. Michel, sans y
trouver aucune loi. Et, à Chicago où il se trouve en novembre 1963 : Il n’y a plus aucun doute sur ce que
révèlent les statistiques produites par
simulation (son programme) : les
réseaux d’Aimé Michel peuvent très bien apparaître par hasard et leurs effets
se vérifier avec la même précision que les vraies observations. Cela remet en
question tout ce que j’ai dit et écrit sur l’orthoténie ; il va
probablement falloir détruire tout ce que j’allais publier. Je m’attends
maintenant à voir s’écrouler toute la théorie selon laquelle il y aurait un
ordre caché derrière les apparitions… » (22, page 85). Vallée reste
flou sur la méthode qu’il a utilisée pour faire un sort aux structures en
étoiles – et il écrit avoir détruit tous ces calculs (22, page 277) – mais A.
Michel lui fait une telle confiance qu’à cette époque, enfin, il abandonne ses
prétentions « orthoténiques » pour ne plus que se concentrer sur quelques
alignements et nœuds remarquables.
Il
faut croire que J. Vallée changea entre-temps d’avis puisqu’on trouve dans son
livre publié début 1966 (29) (dans l’intervalle, il serait devenu docteur en
informatique (30), selon J. Scornaux, alors que je me demande bien si ce
diplôme existait à cette époque ?), 35 pages consacrées à l’« orthoténie »
où il semble mal à l’aise pour l’éliminer ; est-ce son amitié avec son
auteur qui le pousse ainsi à temporiser ? On a vu que D. Menzel ne put le
supporter. S’ensuivit une querelles de chiffres (Vallée ayant démontré que
Menzel s’était trompé du simple au double dans ses calculs !) relayée par la FSR
qui n’apporte rien à l’ « orthoténie », ni à l’ufologie.
Il en
résulta malheureusement de telles améliorations
des méthodes de calcul qu’elles devinrent dès lors inaccessibles au commun des
mortels eut-il fait Maths Sup (moi).
J.
Vallée va même jusqu’à qualifier l’idée des alignements de remarquable s’interrogeant si
elle ne fournit pas un point de départ d’une exceptionnelle valeur pour l’étude
sérieuse d’un phénomène (SV) qui peut être d’une capitale importance, non pas
pour telle ou telle branche de la science, mais pour l’espèce humaine entière !
(point d’exclamation de moi). Une base de
discussion sérieuse de la motivation intelligente des SV.
Et les
alignements et les réseaux décrits par A. Michel sont un fait réel. Reste à savoir
si la possibilité de leur apparition (naturelle) n’a pas été considérablement sous-estimée. Or, J. Vallée, qui a
lu Mebane et Menzel, le sait parfaitement. Et ses simulations sur ordinateur à plaques IBM 1620 corroborent les
résultats de ses prédécesseurs mathématiciens : toutes les lignes de 3 à 4
points peuvent être expliquées par le hasard (le hasard explique donc au moins 81
% des alignements mentionnés par A. Michel) et ce d’autant mieux que le critère de distance (grosseur du point
d’observation qui a une étendue finie, sauf pour les atterrissages avec trace
au sol) passe de 1 à 2,5 km .
Dans
certains de ses calculs à partir de « n » observations, J. Vallée
démontre même que le nombre d’alignements de 3 points devrait même être
supérieur à celui observé ! Ce qui, on l’a vu, incitera D. Menzel à
ironiser sur le moindre alignement des observateurs de SV par rapport au hasard (formule : les ovnis évitent les lignes droites !) sans s’apercevoir que cela aurait pu être aussi pris comme une
preuve de l’artificialité des parcours des ovnis.
Restent
quelques rares alignements
inexplicables selon J. Vallée : ceux de 5 et 6 points : la ligne BAVIC (6 points sur 14 observations) récalcitrante ;
AUPER (5 points, Aurec-Quimper,
02/10/54), CAMAC (6 points, Cassis-La
Ferté-Macé, 07/10/54) et Southend-Pô di Gnocca (5 points, 15/10/54).
Dans son journal de novembre 1963, J. Vallée
avait ajouté : Il restera bien sûr
quelques alignements exceptionnels... » (22, page 85). On verra quel sort
leur sera réservé.
Quant
aux structures en étoile, caractère significatif des réseaux, J. Vallée, grâce à une étude entreprise sur une base
entièrement différente qu’il n’explicite pas, aurait montré qu’ils existent eux
aussi mais sont, de même, le fruit du hasard. Seules deux figures de simulation
sont produites dans son livre montrant à 1 et 2,5 km près avec une
trentaine de points l’existence de réseaux réalisés par hasard qui ne le cèdent
en
rien aux réseaux les plus complexes mis en avant comme preuve de la théorie des
alignements. Il semble que les calculs de Vallée convainquirent A. Michel
d’abandonner sa recherche de réseaux journaliers, sauf certains demeurant
cependant comme remarquables (Poncey,
Montlevicq). Mais ne l’empêcha pas de les reproduire encore en 1977 !
Retour aux « matheux »
C’est
dans la publication périodique du GEPA
(31) « Phénomènes spatiaux »
de juin 1967 que François Toulet, membre et jeune
statisticien diplômé, présenta sa mathématique de l’orthoténie. Dans
l’approche du problème, on sent là le professionnel : en fait, sans
l’usage de l’ordinateur et au moyen de l’analyse combinatoire, il donne la
formule mathématique qui établit une limite supérieure de la probabilité pour
que « n » points répartis
aléatoirement dans un espace « E » génère une droite de « i »
points entachés d’un battement (tache)
dans un couloir de surface « e ». Heureusement, il épargne aux
membres du GEPA lambda les calculs
intermédiaires et annonce que pour « n » respectivement égal à :
10, 20, 30, 40, 50, 100, 500, 1000 le
nombre de points alignés doit être au moins de : 6, 7, 7, 5, 8, 10, 15 et 22 pour une largeur de couloir
de 1 km
(longueur = 838 km ).
Ce qui
voudrait dire qu’à partir de 10 observations émanant de lieux placés là par
hasard, on est en droit d’attendre 6 points alignés ! Froidement, F.
Toulet écrit que l’application de
l’orthoténie simple ne semble pas donner pour l’instant de résultats
intéressants. Et de passer à l’« orthoténie »
synthétique, combinaison de cette « orthoténie » de
forme (= simple) à une « orthoténie » de structure (phénomènes (cigare vertical, vaisseau-mère) et de comportement (cigare stoppé, manœuvre en feuille morte,
direction du vol) de ce qui a été vu,
liés à la position de point et d’étoile : on aura une somme de petits faits, de petites coïncidences, et comme
une « synthèse ». Et là, les calculs non explicités sur la base
d’un alignement de 6 observations (sur 7 ou 11 ?) aboutissent à dire
qu’il n’y a qu’une chance sur 10 millions pour qu’un pareil ensemble de faits
se produise ! Une marge, en effet.
Trois
ans et demi plus tard, F. Toulet revenait, toujours dans les pages de Phénomènes Spatiaux (32), avec de
nouvelles formules mathématiques et une
notion d’orthon, un quantum
d’alignement de trois points, étendue à celle d’orthons distincts, doubles, triples…!
Le
but, autant qu’il était possible d’en juger en tant que non spécialiste (un peu
quand même), était de voir ainsi si le nombre d’orthons produits par une distribution d’observations ufologiques
était supérieur ou inférieur à celui de la simulation aléatoire type Vallée en
fonction du nombre d’observations quotidiennes.
Le
test donnait des nombres « orthoténiques » :
-
supérieurs
à ceux de la chance pour les alignements des 24/09/54 (BAVIC), 26/09, 29/09, 12/10, 14/10,
-
voisins
pour les 27/09, 3/10, 11/10, 7/10 (Montlevic),
-
et
inférieurs pour le 2/10.
Un
traitement similaire était donné aux croisements (étoiles) quant à leur
distribution moyenne.
On
cherchait en vain une conclusion accessible et clairement formulée ; elle
venait sous la forme qualitative : à lire tous ces résultats, on garde l’impression qu’il y a quelque
chose et que, si une bonne partie de
l’orthoténie est due au hasard, ainsi que l’a démontré l’ordinateur, néanmoins
on peut chiffrer quelques probabilités très faibles. En fait, il n’en est
rien !
Et
d’énumérer les raisons de douter :
-
erreurs
systématiques sur les mesures (points des observations),
-
caractère
aléatoire pas vraiment clair ?
-
et
surtout fragilité du postulat de base.
A
savoir que tous les calculs avaient été faits en supposant que chaque région du
territoire a une probabilité d’observation d’ovnis proportionnelle à sa
surface. Ainsi, aucun effet population n’entrait dans les modèles… Ceci ne
mettait pas en cause l’« orthoténie » mais la validité des calculs
visant à la vérifier ou l’infirmer par rapport à une apparition par
hasard ! Patatras, on en revenait au point de départ.
Le
postulat de base abandonné devait-il être remplacé par un autre ?
Notamment par celui appelé qualifié par F. Toulet de tir
contagieux (comparé à celui utilisé de tir indépendant) modulant la
probabilité d’une observation en fonction croissante du nombre d’observations
déjà enregistré dans le coin. Appliqué à l’entité territoriale département, ce test de répartition
semblait faire coller les données extraites du livre de Michel Carrouges (1910-1988) : Les apparitions de Martiens (33)
beaucoup mieux à la réalité qu’une répartition brute (nombre de département
ayant enregistré i ovnis vs nombre d’ovnis par département). Grave problème,
une même loi de contagion est connue en sociologie pour la contagion des
rumeurs !
A. Michel, dans un texte intitulé : Orthoténie : Réalités et Illusions
qui suivaient celui de F. Toulet dans la revue du G.E.P.A., se disait « fatigué »
en tant qu’inventeur de l’« orthoténie », s’accrochait encore aux étoiles, aux alignements exceptionnels, saluait
le travail de F. Toulet qui, par le seul raisonnement démontrait la même chose
que D. Menzel mais sans mettre en cause son intégrité, et se ralliait, selon
l’expression de F. Toulet, à classer
l’orthoténie en la tenant pour un mirage, les alignements existant bien
mais étant inexplicables. C’est
l’orthoténie qui n’existe pas. Et d’user du terme piège (34) et d’une argutie éthologique pour dire qu’il
peut s’agir de quelque chose d’incompréhensible, d’indéfinissable en langage humain rejoignant la notion de contact évité dans une page sublime de
la fin de son ouvrage (1958). L’« orthoténie » avortée avait eu le
mérite au moins de lui faire développer ce thème.
En 1971, le Dr David R. Saunders,
ex membre du comité Condon, auteur d’un plaisant petit livre sur les ovnis (35)
publié trois ans plus tôt où il parlait succinctement de son travail statistique sur l’« orthoténie »
qui l’avait convaincu que les chances
sont de façon écrasante en faveur de la réalité de l’orthoténie (36),
revenait sur la question du calcul statistique autour de ce concept. Son texte,
paru initialement dans la FSR (37) heureusement a été traduit en
français (38). Malgré cela, il est totalement inaccessible aux non
spécialistes : l’auteur veut répondre à la question : BAVIC est-il remarquable ? et,
pour ce faire, il abandonne la notion de probabilité au profit de celle d’information, celle de couloir pour une définition abstraite de
l’alignement et parle de la remarquabilité
de BAVIC en un exposé qui… n’a pas
convaincu F. Toulet, certainement le plus apte à en comprendre le raisonnement
et les subtilités. C’est donc à lui que je m’en remets pour dire qu’il
reconnaît le travail sérieux de son collègue américain, lequel travail, selon
lui, ne démontre nullement le caractère
non aléatoire de l’alignement BAVIC. Il
y a bien quelque chose de non aléatoire mais ce n’est pas l’alignement !.
La critique de F. Toulet porte sur le modèle de distribution aléatoire de D. Saunders
qui postule que les coordonnées d’une
observation X et Y sont indépendantes et oscillent selon la loi de Gauss,
alors que, selon M. Carrouges, ce n’est pas le cas pour une bonne fraction de
ces observations. BAVIC n’existe pas ; il n’existe qu’en tant qu’alignement non
aléatoire ! J’avoue là avoir décroché depuis longtemps.
Enfin,
en 1975, Jacques Scornaux, sous prétexte de possibilités de réhabilitation,
voulut mettre son grain de sel franco-belge dans l’« orthoténie » ;
un grain destiné à justifier une
copieuse étude indigeste que INFORESPACE, organe de la SOBEPS (39) cru bon de morceler en
quatre parties.
Rejetant
la méthode de Mebane (topologique) comme inadaptée quand on tient compte d’un battement (distance entre le phénomène
observé et le témoin), il propose d’utiliser la méthode géométrique de Menzel,
dite des moindres carrés (40), améliorée par un forçage de la droite obtenue à passer par les points
d’observation les mieux localisés. Pour
arriver aux mêmes conclusions à savoir :
-
qu’effectivement
les simulations montrent que le nombre de droites par point est nettement inférieur à la prévision
statistique (cela donne raison au ricanement
de Menzel) ;
-
que
les points rapprochés s’alignent plus facilement à un même battement, que les
points éloignés ;
-
que
l’analyse statistique fait
disparaître une à une les étoiles, celles-ci se révélant de façon
surprenante entièrement expliquées par le hasard ; notamment les deux plus
remarquables : Poncey-sur-Lignon du
2 octobre et Montlevicq du 7 octobre.
-
Finalement,
J. Scornaux se lance à l’assaut (sic)
de BAVIC, le dernier bastion de l’« orthoténie » sur lequel bien des statisticiens ont croisé
le fer sans qu’une décision définitive soit tombée, semble-t-il, en
s’interrogeant : Serait-il
possible de l’expliquer par le hasard ? Ou bien est-ce bien l’expression d’une
réelle étrangeté ?
Qu’on
exprime la probabilité d’occurrence d’un alignement de 6 points (ou 5 car le
cas Ussel, pourtant le plus précisément situé, est éliminé pour sauvegarder le
passage au sud de Vichy à moins de 4 km !) sur 14 observations dans
l’espace ou dans le temps (cela revêtira une singulière signification lors des
vérifications ultérieures de Jeantheau), on arrive à un chiffre très faible,
voisin de 1/600 000 ! Et de commenter ce chiffre en rappelant que pour déterminer la fréquence d’un phénomène
aléatoire se produisant une fois sur N, il faut un nombre d’événements
supérieur à N et de loin. Il faudrait donc 1000 rapports d’observations (on
s’accorde pour 500 en 1954) ou bien attendre 600 000 jours [16 siècles !
(41)] pour pouvoir trancher la question : Y a-t-il « autre chose » derrière la simple réalisation d’un événement très improbable mais non
impossible ? Théoriquement, selon les lois de Gauss, rien n’interdit à
un fait très improbable de se produire immédiatement mais il faut effectivement
très longtemps pour le revoir apparaître. Un truisme largement à la portée de tout non
statisticien.
La
déception ne vient donc pas seulement des études de statistiques et l’« orthoténie » apparaîtrait en
fin de compte comme une fausse piste,
un piège, selon le terme de A.
Michel. La valeur scientifique de l’« orthoténie » aurait été
négligeable mais son mérite historique grand
dans le sens qu’elle a permis de prendre au sérieux les atterrissages et les
rencontres rapprochées avec humanoïdes ?
Est-ce
un bien ou un mal quand on mesure aujourd’hui l’état de déliquescence de
l’ufologie ? Mais l’ « orthoténie », en 1975, n’avait pas
encore subi l’assaut qui allait lui faire le plus mal : le passage à la
moulinette des sceptiques socio-psychologues.
L’attaque des sceptiques
En 1977/79,
parurent plusieurs ouvrages écrits par des ufologues repentis, honteux de leur
crédulité alors qu’ils appartenaient à un groupe. On sait que ce genre d’approche génère les pires debunkers qui soient : ceux-ci tentèrent
ni plus ni moins à réduire la vague de 1954 à rien d’autre qu’une vaste rumeur, une psychose généralisée où se mêlent
indistinctement les confusions de « bonne foi », les interprétations hâtives, les
embellissements des rapporteurs, des voisins, les gros canulars et les grosses
farces sans compter les arrangements journalistiques (42). Cette approche socio-psychologique de la
problématique ovni qui nie toute étrangeté au phénomène, privilégiant
exclusivement le plaquage de fantasmes socioculturels sur quelque chose de
banal non reconnu, a enfanté une école ufologique bien représentée en France
bien que non structurée (43).
L’« orthoténie »,
bien sûr, fut immanquablement la victime collatérale
de ces tirs de démolition. Au cours de contre-enquêtes effectuées 20 ans avant
les faits, MM. Barthel et Brucker auraient démontré de nombreuses confusions,
des plaisanteries, des farces, voire des inventions. Et pas des moindres :
Prémanon, Quarouble n’y aurait pas résisté. Ainsi, pour la ligne BAVIC, A. Michel aurait été victime
d’erreurs glissées dans ses données… Les 6 points de BAVIC sont ainsi réduits à 3 !
Michel
Monnerie (44), premier socio-psychologue français, soulignait qu’ainsi les cas
sérieux s’alignaient avec les canulars et n’y voyait rien de surnaturel sinon
que l’« orthoténie » n’était qu’une illusion.
Par
ailleurs, un problème de dates se faisait déjà jour, crucial pour la notion d’orthoténie quotidienne. Que A. Michel
ait pu, en 1977, n’en faire aucun état dans sa postface 20 ans après [réédition de son MOC
(3c)] et n’en pas avertir ses lecteurs, relève pour moi d’une certaine désinvolture
que je m’explique mal(45). Car, si déjà à cette époque en matière « orthoténique
», la messe était dite, il ne restait plus qu’à en formuler le requiem !
Le coup de grâce des années 1990
Il fut
magistralement asséné en 1997 par Michel Jeantheau (46) dans un chapitre du
livre de Jean Sider sur le dossier 1954 (47).
M.
Jeantheau y relate comment son recensement de tous les articles de presse concernant la vague ovni de 1954 à la Bibliothèque
Nationale , à laquelle il eut accès jusqu’en 1991, aboutit à une révélation ahurissante. Sous le titre : Que devient BAVIC ?, il raconte
comment, à partir des observations ovnis annoncées pour le 24 septembre par A.
Michel, il a retrouvé ses sources spécifiées dans son livre MOC (essentiellement
le Parisien Libéré du 27 septembre et
Paris Presse du 28). Ces deux
journaux que A. Michel lança à la figure de D. Menzel pour faire taire son
vilain défaut de polémiste arguant du fait que toutes les insinuations
d’invention, de localisation à posteriori, étaient une insulte à son honnêteté
(voir son article dans la FSR intitulé : Réflexions d’un honnête menteur in FSR mai/juin 1965).
Or,
que constate M. Jeantheau : tout d’abord que, dans ces deux articles, ne
figurent pas les données complètes pour construire la ligne BAVIC. Loin s’en faut ! En cas
d’incertitude pour la date figurant dans ces articles de presse (pour 5 cas sur 6, rien moins), M. Jeantheau
recherche si l’incident ufologique n’a pas été rapporté ailleurs, ce qui
éventuellement permettrait d’un préciser la date. Et le résultat est accablant
pour la ligne « orthoténique » BAVIC
et son découvreur ! Par des recoupements, il s’avère que Bayonne date du
23 septembre (voire du 22), Lencouaq du 23, Tulle du 22, Ussel du 20, Gelles du
17 (!), et Vichy du 24 ou 23 ! Les observations figurées dans la ligne « BAVIC » correspondent à 5 dates
différentes. Comment A. Michel a-t-il pu ainsi assigner ces dates
erronées ? On se perd en
conjectures. BAVIC sombre dans le néant,
écrit M. Jeantheau et, comme pour étayer la remarque que la façon de A. Michel
manquait pour le moins de rigueur, il recherche les dates des 3 autres
observations du jour dont une seule
paraît être du 24. Sur 9 observations, seulement 2 sont du 24 septembre !
Quant
aux cinq autres observations rajoutées à ce même jour par J. Vallée, il en
trouve 3 douteuses quant à la date et une (Vierzon) bien du 24 mais placée dans l’alignement du 23 par A. Michel !
N’importe quoi !
Heureusement,
A. Michel n’est plus là pour subir cet hallali « orthoténique » sans appel. M.
Jeantheau a-t-il différé sa révélation justement pour épargner les vieux jours
du pape de l’ufologie française ?
Dans
un souci de démonstration bien légitime, M. Jeantheau présente SA carte
ufologique de la journée du 24 septembre 1954 (11 points) et n’y voit aucune particularité de remarquable ;
or, en surimpression à cette carte publiée dans 46-47/, je me suis permis de
rajouter 2 alignements : un de 4 et un de 3 !
Décidément
l’illusion « orthoténique » est tenace, n’est-ce pas ?
A. Michel au banc des accusés ?
A un
tel niveau d’inexistence de BAVIC, le dernier fleuron de l’orthoténie
(39) quotidienne, on est tout de même autorisé à s’interroger sur les méthodes
de sélection et de traitement des données par A. Michel (un ami me suggère
qu’il n’avait justement aucune !). Et ce, tout en respectant sa mémoire.
Comment
a-t-il pu à ce point se tromper ? Comment a-t-il pu se prêter à ce
mirage ? Comment a-t-il pu ainsi être fasciné par quelque chose qu’il
savait frelaté, être la victime – inconsciente ou un brin consentante ? -
du maléfice « orthoténique » journalier pour la vague de 1954 ? Avec le
recul et avec ce qu’on a appris, il apparaît responsable de quelque chose qui s’accorde
mal avec le caractère d’intégrité qui ressort de ses livres et qu’on lui prête.
Il n’empêche qu’il soulignait dès 1966 que cela ressemblait à un jeu d’enfant. Mais
pourquoi continua-t-il à jouer avec ses lecteurs jusqu’en 1977 (voir note
rajoutée en 2016) ?
L’ufologue
J. Giraud avait une thèse qui amusa beaucoup M. Monnerie. Il s’émerveillait
(Monnerie dixit) du fait que les erreurs
aillent toutes dans le même sens pour permettre à A. Michel de découvrir
l’orthoténie en 1957 et à lui de s’interroger en 1976. Il en
déduisait, toujours selon M. Monnerie, que tout
cela était manigancé « d’en haut » et que les farceurs étaient « poussés » à faire un faux qui s’alignerait avec d’autres,
faux ou authentiques, afin que A. Michel puisse faire sa découverte et qu’elle
s’autodétruise quelques années plus tard. Comme le clin d’œil d’un dieu qui ne
voudrait pas laisser de trace !
Bien
que cette thèse ne soit pas pour moi sujet de raillerie (c’est la thèse du filou [trickster en anglais] qui en
d’autres circonstances me plaît bien), je voudrais revenir sur les écrits de A.
Michel qui pourraient accréditer l’idée qu’il y avait anguille sous roche et
qu’il est difficile de croire que cette fabrication
se soit faite à son insu.
On
peut lire dans la version anglaise de MOC
(7), page 111 : la seule liberté que
j’ai prise avec les rapports de journaux, est celle de la détermination des
dates, les ajoutant quand elles manquent, les changeant quand elles sont
fausses. Or ce passage est supprimé de la version française ! Au
profit de la formule : Tout ce qu’on
pourra me reprocher, c’est d’avoir recherché les dates exactes, quand elles
étaient erronées ou insuffisamment précisées dans les journaux. La nuance est
de taille quand on sait que les dates assignées par A. Michel étaient fausses
et ont servi, en cette occurrence à
bâtir le ligne BAVIC. Ces propos
étaient inclus dans le paragraphe intitulé en français : La parole est aux savants, traduit
(librement ?) par A. Mebane par Les
savants doivent faire un choix.
Paraphrasant
J. Vallée, ce sont ces libertés prises avec les dates par A. Michel qui ont été
largement négligées quant à leur incidence sur certains alignements.
A la
décharge de A. Michel pour tenter d’alléger sa lourde responsabilité dans ces
dates placées opportunément à l’appui de sa thèse « orthoténique » quotidienne,
je n’ai trouvé que deux arguments :
1/la
visite de J. A. Hynek venu, en 1959, le voir à Paris pour vérifier les journaux (sic) où il avait puisé ses
données ; qu’en ces deux jours de discussion, ils n’aient pas mis en
évidence les graves lacunes de dates, au moins pour celles manquantes, est très
regrettable ; au point de lui faire partager quelque peu l’illusion « orthoténique
» avec ces illustres visiteurs (Hynek, Guérin…) ? Pourquoi pas ?
2/ A.
Michel a-t-il pu être la victime de la science-fiction ?
A. Michel influencé par la SF ?
Une
suggestion certes surprenante : A. Michel fut-il la victime innocente (?)
d’un concept pernicieux défendu par un de ses plus grands disciples du moment
(48) ; projeta-t-il sur ses cartes ponctuées des lieux d’observation
journaliers, dont certaines venaient impertinemment se placer sur des lignes
droites, les réminiscences de science fiction ? Menzel raconte qu’en
visite à Paris, il trouva dans la caisse d’un bouquiniste de bord de Seine à
Paris une copie du livre de Pierre Devaux (1901-196 ?) intitulé L’exilé de l’Espace aventure dans le système
solaire » (49) où l’idée de l’« orthoténie » était déjà
décrite en 1948 ? Il est intéressant
de spéculer que Michel peut avoir lu ce livre et fut de ce fait entraîné à
développer l’hypothèse orthoténique.
Ou alors, c’est une remarquable coïncidence » (25). Mais la plus
grande coïncidence n’est-elle pas de voir Menzel tomber par hasard sur ce livre
lors d’un séjour à Paris ?
Je me suis
procuré ce livre et l’ai lu avec quelque intérêt (modéré) : il raconte les
aventures vécues par les membres d’une expédition en fusée sur Vénus partie à
la recherche… du secret révélé par Vercingétorix vaincu à César ! A savoir
que les Ancêtres du chef des Gaulois ont pu, grâce aux ultra-sons, se rendre
sur Vénus…
Une
planète Vénus colonisée à la fin du 20ème siècle (P. Devaux date les
faits de 19…) et qui est décrite couverte de fougères géantes et de
Fleurs-Estomacs, habitée de sauriens identiques à ceux vivant sur Terre au
secondaire : Mégalosaures et Hommes-Crocodiles. Les aventures dans le
système solaire consistent à retrouver la Roma Veneris (apparemment les Romains ont exploité le
secret) et le descendant du Grand-Prêtre : Paulus Maximus.
Mais
l’orthoténie dans tout ça ?
Au
chapitre indiqué par Menzel, on trouve brièvement l’exposé d’une toile
d’araignée constituée par des villes portant les noms plus ou moins déformés d’alésias, des lignes voulues
divergeant en une gigantesque étoile européenne autour de ce point précis et
dont l’exploitation va permettre de désigner Vénus. Sincèrement, A. Michel
aurait-il pu être inspiré même inconsciemment
par ce bref passage (50) qui, en aucune façon, ne constitue ce que Menzel
qualifie de remarquable description d’un
phénomène similaire à l’orthoténie ?
Compte
tenu de sa brièveté, d’ailleurs presque traduit in extenso par Menzel, qui ne
constitue nullement un temps fort du livre, je vois plutôt dans ce dernier coup
de patte de Menzel à Michel autre chose là aussi … que le hasard.
Certes,
il a été prédominant dans l’histoire de l’« orthoténie » : hasard
de l’attribution inconsciente (?) d’une même date aux observations BAVIC, hasard facétieux produisant des
dates, mais j’ai du mal à gober le hasard comme provocateur de la trouvaille du
livre de P. Devaux par D. Menzel en visite à Paris ! Menzel écrivait qu’il
était intéressant de spéculer que Michel pouvait avoir lu ce livre et fut ainsi
entraîné à développer l’hypothèse « orthoténique ». Moi, je crois qu’il est
aussi intéressant de spéculer que Menzel avait été avisé de cette coïncidence par
un Français (ufologue ou non) et qu’il décochait là un dernier coup de pied
rancunier à celui qui avait osé le défier publiquement et marquer des points
contre son grand parti pris.
Orthoténie en l’an 2000
J. Clark
écrit que pour la plupart des
ufologues, l’orthoténie a été une impasse … Mais que de temps en temps
quelques avocats déterminés tentent de la faire revivre.
Dernier
en date, en 2000/2003, dans les pages de l’International
UFO Reporter fondé par Hynek et édité par J. Clark, Ebehart et Rodeghier,
Don Johnson voulut « revisiter »
l’« orthoténie ». Ce conseiller en informatique du New Hampshire était
le responsable de la base de données UFOCAT
et se proposait de produire une nouvelle évidence pour ressusciter l’« orthoténie »
dormante. Ayant l’outil pour
exploiter avec les logiciels informatiques Microsoft
et disposant de 1116 rapports d’observations concernant la vague française de
1954, il revisite les alignements BAVIC,
CAMAC et AUPER et peut lancer une linéarisation générale des observations de
la vague ; c’est ainsi qu’il découvre un
véritable feu d’artifice se croisant sur Vauriat (51), dans le Puy de Dôme. Il trouve que 73 observations
de la vague (52) se placent sur BAVIC,
68 sur CAMAC, 70 sur AUPER . BAVIC passe même par le village du contacté brésilien Antonio Vilas
Boas ! CAMAC par Rome, AUPER par la Mecque et une autre ligne par Lhassa…
Pour lui, il ne fait aucun doute que derrière ces lignes
(il parle de réseau= grid) un
système de navigation » peut-être symptomatique d’un système de propulsion
et une intelligence attachée aux ovnis qui s’intéresse aux affaires politiques
et religieuses humaines.
C’est
l’ufologue français Claude Maugé (53) tendance « socio-psychologisante » qui monta au créneau pour tempérer
l’enthousiasme de cet « orthoténiste » de la dernière heure. Il
voulut apporter quelques corrections aux propos de D. Johnson, notamment en
arguant du fait que la ligne BAVIC
n’existe pas en tant que ligne « orthoténique » puisque la date des
observations n’est pas la même ; à moins de modifier la base de 24 h
instaurée par A. Michel mais cela
requiert un mode totalement nouveau d’orthoténie : précisément celui
que D. Johnson préconisait. Plus pertinente, la remarque de savoir ce que
Johnson entendait par cas UFO de haute
qualité qu’il aurait privilégié dans son étude ; C. Maugé rappelait
que la plupart des cas de 1954 n’ont pas été enquêtés à l’époque et, à mon sens, n’insistait pas assez sur les
canulars dénoncés à posteriori dont on ne sait si D. Johnson en avait purgé son
fichier. Et de s’interroger si un
mathématicien n’a jamais étudié l’orthoténie ? Je pense avoir montré
ci-dessus que quand même on peut répondre que oui. Quant à dire que l’orthoténie a été totalement abandonnée par
les ufologues français, je trouve cela quelque peu excessif. Car, comme
j’ai pu le constater sur le terrain auprès des ufologues de base d’une petite
association locale à laquelle j’appartiens, cette affirmation n’est pas tout à
fait vraie. Quelle le soit dans l’élite ufologique socio-psychologique, je n’en
doute pas mais cette école est encore loin de représenter l’ufologie française.
Dans chaque ufologue français dort un « orthoténiste » en manque, même
si on peut le déplorer. Si ça peut consoler les mânes de A. Michel !
Conclusion
Que
reste-il de l’« orthoténie » ? Rien sinon un « grand espoir déçu » (Scornaux), une
frustration. Déjà en 1966, A .
Michel admettait que l’ « orthoténie » devait être considérée
comme une péripétie sans lendemain.
Qu’une
telle débauche de calculs ait contribué à banaliser une fabrication de l’esprit (type « pareidolia ») est aussi réellement remarquable.
Après
avoir évoqué pour expliquer l’« orthoténie » un produit de l’imagination de A. Michel, D. R. Saunders, en 1968
(n’avait-il pas encore effectué ses calcul ?), écrivait que la dernière explication raisonnable de la
vague de 1954 en France était le produit d’une conspiration inspirée par les
Soviétiques avec tous les rapports d’observations préfabriqués à Moscou pour
distribution à des témoins complices aux endroits et aux moments appropriés.
Plus
sérieusement, il ne reste rien de l’« orthoténie » journalière
telle que définie par A. Michel.
Mais
qu’en est-il de l’« orthoténie » généralisée à une vague entière
telle qu’appliquée ci-dessus par Don Johnson et beaucoup plus tôt par J. Vallée ?
A partir de calculs faciles aujourd’hui grâce à l’informatique sur les bases
des formules de Menzel, on sait que le hasard doit aligner (au même battement près) plus de 12 000 lignes de
30 points (!) et donner une chance sur 4 d’en faire apparaître une de 40 pour
1000 observations et 15 lignes de 20 points à partir d’un nombre d’observations
de 500, tout cela selon les lois inéluctables du hasard ; et on se dit,
dès lors, que quiconque osera se replonger sur le mystère de l’« orthoténie »
par vague risque bien de s’y
illusionner à nouveau surtout si, comme D. Johnson, il admet comme meilleur
test statistique celui de l’inspection
visuelle…
Les tenants de la théorie des
alignements ont été les victimes de phénomènes de « pattern – recognition », des phénomènes subjectifs,
a-t-on pu lire (29). Comme celui de voir dans des pointillés des lignes ayant donné lieu aux fameuses
théories sur les canaux martiens. Hélas nul ufologue, fût-il scientifique,
n’est à l’abri d’une telle création fantaisiste de l’imagination dont le
Science garde maints stigmates. Gardons-nous seulement de l’alimenter, voire de
la fabriquer. Pour le reste…
Notes et références :
1/
Aimé Michel, Lueurs sur les Soucoupes
Volantes, Mame Editeur, coll. « Découvertes », Paris, printemps
1954. Paru, donc avant le début de la fameuse vague française d’ovnis. L’auteur
avait publié en 1953 un premier ouvrage sur l’histoire de l’alpinisme !
2/ « Orthoténie »,
tiré de l’adjectif grec « ορθοτενής »
= orthoteneis, signifiant « tendu
en ligne droite ».
3/
Aimé Michel, À propos des soucoupes volantes - Mystérieux objets célestes
(MOC), a- éd. Arthaud, 1958, coll.
« Clefs de l'Aventure/Clefs du Savoir » ; b- Editions Planète,
1966, réédition avec nouvelle préface ; c- Editions Laffont/Seghers, 1977,
réédition sans la nouvelle préface de 1966 mais avec une conclusion
intitulée : vingt ans après.
4/ Jerome Clark, The
UFO Encyclopedia, Omnigraphics Inc. Detroit, MI, 1998 : 1128 pages grand format.
5/
Claude Maugé, UFO Statistics, in « UFOs
1947-1987 », Fortean Tomes, Londres, 1987.
6/ Selon
lui (7), ce premier livre ne fut
guère remarqué du public. Il fut quand même, reconnaît-il, lu par tous ceux qui, en France
s’intéressaient aux ovnis et, ils étaient nombreux. Notamment Pierre Guérin
qui devint ami d’A. Michel et lui permit de rencontrer à Paris (une première
fois) en 1959 Josef Allen Hynek (1910-1986) et de s’intéresser à Jacques Vallée.
C’est ce premier livre qui lui avait aussi ouvert les pages du mensuel Science
& Vie où il exposa pour la première fois en français, début
1958, sa trouvaille « orthoténique ». A noter que, dans la revue américaine
grand public FATE de décembre 1957, où A. Michel relatait pour la
première fois l’incident de Poncey-sur-Lignon (4 octobre 1954), déjà des
problèmes de dates se posaient pour 2 observations qu’il avait incluses dans la
journée du 4 alors qu’elles avaient eu lieu le 3 (Abbéville et Bergerac). Il
écrit que l’article de FATE fut écrit vers la fin de
1956 à une époque où seul un cas
particulier d’orthoténie lui était apparu clairement : celui du 3
octobre Albain-Pommiers dont il rapportait les 5 points d’observation à une ligne droite occasionnellement
parcourue par un avion. En tout cas, le terme d’ « orthoténie » n’apparaissait pas encore
dans l’article de FATE.
7/ Aimé Michel, Flying
Saucer and the Straight-Line Mystery, Criterion Books, New York , 1958. Criterion Books avait publié le
premier livre sur les ovnis de A. Michel sous le titre : The Truth about Flying Saucers.
8/
Alexander D. Mebane appartenait à la division recherche de la Civilian
Saucer Intelligence,
association ufologique de New York.
9/ Soucoupes volantes : l’étrange
découverte d’Aimé Michel, Science & Vie n°485,
février 1958 ; photo de A. Michel et Philippe Cousin, rédacteur en chef du
mensuel.
10/ Aimé Michel,Oui, il y a bien un problème Soucoupes Volantes ! La
découverte des alignements, in Planète, n°10, mai/juin 1963.
11/ceux-là
même qu’il excluait d’une méthode scientifique pour la vague de 1954, un dossier monstrueux, dont le nombre
de témoignages et leur concordance créent à la longue une sensation de
malaise » (3a).
12/ En
fait, il s’agissait de voir si les ovnis ne suivaient pas les lignes géomagnétiques
terrestres.
13/ Comme
le fait remarquer judicieusement J. Scornaux, la notion de ligne droite
n’existe pas dans la nature ; « elle
est une création de l’esprit humain » ; en tout cas, elle n’est
pas utilisée même par les avions ; les Airbus de lignes actuellement
visualisent le trajet de l’avion pour les passagers sur leur écran de dos de
siège et on voit ainsi que la courbe est la trajectoire naturelle des avions.
14/
René Fouéré, Phénomènes Spatiaux, n°12, juin 1967.
15/ J.
Vallée y inaugurait une orthoténie non
quotidienne alignant 5 points d’observation de Tenes à Souk-Ahras à partir
de 56 observations enregistrées entre 1942 et 1957.
16/ La Flying
Saucer Review
existe encore aujourd’hui mais ne fait hélas plus référence. Dans le numéro de
mars/avril 1964 où D. Menzel attaquait l’« orthoténie » de Michel, on
apprenait qu’un argument contre l’« orthoténie » avait été apportée
par l’auteur de SF américain I. Asimov qui avait avancé qu’on aurait pu obtenir
les mêmes résultats en sélectionnant les villes et les villages des Etats-Unis.
17/ Paul Misraki, Des signes dans le ciel , Editions
Robert Laffont, 1978. Dans cette réédition de son livre paru initialement en
1962, le parolier de chansons parlait de l’ « orthoténie » comme
conservant un caractère des plus
impressionnants pour être la première preuve scientifique de la réalité des
ovnis.
18/
Rémy Chauvin, en 1983, n’hésitait pas à inclure à ses références La
Ligne BAVIC pour son livre de Science et Fiction : Voyage Outre-Terre, publié aux Editions
du Rocher.
19/ Aimé Michel, Palaeolithic
UFO-Shapes, in Flying Saucer Review,
15, 6, November-December 1969. En fait, il s’agissait de
montrer que la ligne BAVIC traversait certains lieux préhistoriques dont les
cavernes avaient révélé des dessins paléolithiques contenant des dessins
d’ovnis !
20/
BAVIC passe par
Chalon-sur-Saône !
21/ Aimé Michel, Global
Orthoteny : Aime Michel’s latest discovery in Flying Saucer Review, 9,3, May/June 1963.
22/Jacques
Vallée, Science Interdite, Journal
1957-1969, O. P. Editions, 1997.
23/ Donc
bien avant les insinuations de
Menzel.
24/ A.
Michel, en 1977, écrit que le rapport de Menzel est truffé d’équations mathématiques alors qu’il n’en contient que
deux !
25/ Donald H. Menzel, UFO’s – The Modern Myth, Chapitre 6, Appendix 5 : Do Flying Saucers move in straight
lines ?, in UFO’s A Scientific
Debate, edited by Carl Sagan and Thornton Page, Cornell University Press,
Ithaca, 1972.
Dans son livre publié en 1977 : The UFO enigma. The definitive explication of the
UFO phenomenon (Doubleday & Company, Inc. New York), D. H. Menzel ne disait
pas un mot ni de A. Michel, ni de l’« orthothénie ». Il prétendait
que les soucoupes volantes s’expliquaient facilement comme des illusions provoquées
par des phénomènes météorologiques et optiques.
26/
Depuis les années 1985, A .
Michel a essuyé des accusations autrement graves que celles de Menzel :
manipulation de ses sources peut-être involontaires (?), suppression de
certaines explications triviales rapportées dans ces sources, réarrangement des
dates, trafic de l’individualité des cas, etc.
27/ J.
Vallée, par un tirage de nombre aléatoires, ce en quoi excelle un ordinateur,
fait placer des points au hasard sur une forme stylisée du territoire français.
Puis il joint les points ainsi placés pour voir s’ils sont en ligne droite.
Aujourd’hui les logiciels Microsoft
permettent très facilement cette opération.
28/
J’ai personnellement eu recours à cette technique à Montréal en 1968/69 pour
des calculs d’orbitales moléculaires dans le cadre de l’obtention de mon
doctorat en chimie.
29/
Jacques Vallée et Janine Vallée, « Les
phénomènes insolites de l’espace ; Le dossier des mystérieux objets
célestes », Editions de La Table Ronde , Collection L’ordre du Jour, 1966.
30/J. Vallée
donna des cours de programmation informatique à J. A. Hynek !
31/ G.E.P.A., « Groupement d’Etudes de Phénomènes Aériens et d’Objets Spatiaux
Insolites », hélas disparu. Avant fin 2008, sortira une réimpression
de l’intégralité des numéros de la revue sous la direction de la veuve de René
Fouéré, Francine, une grande amie à moi.
32/
Numéro 26, décembre 1970.
33/
Michel Carrouges, « Les apparitions
de Martiens », Editions Le Grand Damier, 1956.
34/ Ce
« piège » dans lequel il
était tombé nécessitait da sa part cette mise au point qu’il en avait parlé
dans le sens « de ce qui marche pour
1954 et est illusoire pour les autres vagues » (Phénomènes spatiaux,
juin 1967). Pathétique : y avait-il encore quelque chose à sauver ?
36/ Le
raisonnement supportant cette conclusion selon D. R. Saunders était compliqué et il en réservait la primeur
au Dr Edward U. Condon (1902-1974) pour lui donner l’opportunité de l’inclure
dans le rapport final de L’Université du Colorado, ce qui ne fut pas fait, bien
entendu. Le rapport Condon consacre deux pages à l’« orthoténie » traitant
son auteur A. Michel de journaliste
français qui a étudié et écrit sur les croyants aux ovnis. Parlant de la
ligne BAVIC, il la date du 24
septembre 1944 !! Le bien-fondé du concept y est bien entendu mis en
question.
En
fait, la méthode de D. Saunders, selon (38) est classique comme dérivée de la
méthode statistique prenant en compte la somme des carrés des distances et un
changement de coordonnées passant comme origine par le barycentre des points
considérés. Usant du langage FORTRAN,
il s’agit d’un calcul de rapport de variances pour les degrés de liberté
spécifiés se référant aux tables de Pearson et au poids de la présomption en faveur d’une explication ne reposant pas
sur le hasard ; bref que bonheur pour un statisticien et d’un grand
hermétisme pour les autres.
37/ D. R. Saunders, Is BAVIC remarquable ? in « Flying Saucer Review », 17, 4, july/august 1971.
38/ Phénomènes spatiaux, n°31, mars 1972.
39/ La
défunte Société Belge d’Etudes des Phénomènes Spatiaux (SOBEPS) qui publiait sa revue tous les deux mois. L’intervention de
J. Scornaux intitulé : L’orthoténie :
un grand espoir déçu ? parut dans les numéros 23 à 27 d’octobre 1975 à
mai 1976.
40/ À
noter que cette méthode est devenue d’une banalité affligeante depuis
l’existence de sa fonction incorporée au logiciel informatique Excel de Microsoft. Par curiosité, j’ai comparé le résultat de BAVIC avec les coordonnées indiquées par
Vallée (29) et celles tirées de IGN :
coefficient de corrélation de 1,0000 et
0,9994 respectivement, ce qui paraît tout de même miraculeux !!
41/ Bien
au-delà de la date où les voyages interplanétaires sont sensés nous permettre
de vérifier in situ la nature extraterrestre des MOC en allant rencontrer leurs expéditeurs ! J. Vallée
chiffrait cela à 10 ou 20 ans ! En 2008, 100 ou 200 ans serait plus
raisonnable ; en tout cas bien avant la réapparition d’un alignement style
BAVIC.
42/ Gérard
Barthel et Jacques Brucker, « La Grande peur Martienne », Nouvelles
Editions Rationnalistes, 1979.
43/ Le
rôle de porte-parole de cette école fut un temps assumé par Pierre Lagrange au
grand dam des ufologues traditionnels qui lui collent encore au dos cette
étiquette. Il semble avoir abandonné cette théorie au profit de quelque chose
qui varie selon le type de média qui l’accueille. La socio-psychologie des
ovnis est représentée Outre Manche par la revue MAGONIA éditée par John Rimmer dont on nous a annoncé la
disparition pour fin 2008. Il est vrai que cette facette de l’ufologie actuelle
n’a rien pour séduire.
44/
Michel Monnerie, Le naufrage des
extra-terrestres, Nouvelles Editions Rationnalistes, 1979. Auteur aussi de Et si les ovnis n’existaient pas ?,
Les Humanoïdes Associés, 1977.
45/
Notamment, qu’honnêtement l’auteur n’ait pas reconnu que 81 % des alignements
(ceux de 3 et 4 points) reproduits encore dans la version de 1977 de MOC peuvent être expliqués par le hasard
est plutôt étonnant pour ne pas dire décevant !
46/ En
fait, il semble que sa découverte date de 20 ans plus tôt, mais les éditeurs
lui refusèrent la publication d’un livre qu’il dut sortir à compte d’auteur et
qui passa inaperçu d’autant plus à cause de son titre : Michel
Jeantheau, Le Rayonnement, La pensée
Universelle, 1988.
48/ B.
Meheust, auteur de Science-fiction et
Soucoupes volantes publié en 1978 par Mercure de France et réédité
récemment en 2008. MM .
Michel et Méheust échangèrent dans les
années 1970, ce qui n’empêche pas A. Michel d’écorcher son nom en Méhust au chapitre excédentaire intitulé : 20 ans après, dans la réédition Seghers
de MOC (3c).
49/
Pierre Devaux, L’Exilé de l’Espace,
Collection « Science et aventures », Editions Magnard, 1948.
50/
Pourquoi pas aussi par le dessin de J. Bergier sur une nappe de restaurant pour
les étoiles ?
51/ Le Vauriat, signalé malicieusement sur BAVIC par J. Bergier pour l’embarrasser, tomba, au contraire, à pic
dans son élaboration d’une « orthoténie » dite globale en 1963 qu’il exposa dans la FSR.
Grâce à D. Saunders, ce petit village du Puy-de-Dôme fit
figure de nombril ufologique de la vague d’ovni de 1954 (point d’intersection
des lignes BAVIC, CAMAC
et AUPER). Le 29 août 1962, il fut le
théâtre d’une observation d’ovni particulièrement
bonne (Johnson, 2000).
52/
Saunders, grâce à la même base de donnée UFOCAT
(basée sur les coordonnées Michelin) qui contenait, en 1970, 500 observations
sur la vague de 1954 en trouvait 70.
Pour lui, BAVIC contenait 5 % de tous
les rapports de la vague de 1954.
53/
Claude Maugé est un ami à moi avec lequel je corresponds depuis plus de 10 ans.
Malgré nos vues divergentes sur l’origine des ovnis, j’ai toujours grand
plaisir à échanger avec lui sur le sujet car, contrairement à ce que je
croyais, sa thèse n’est pas une négation du phénomène, lequel débarrassé de ses
oripeaux trompeurs socio-psychologiques en sortirait, pour ce qu’il en reste, transfiguré.
Publié dans UFOMANIA Magazine n°57, novembre-décembre 2008.
Note de 2016 :
Je sais que cette mise en cause des travaux d’Aimé Michel ne plaît
pas à certains de ses inconditionnels dont on se demande bien pourquoi ils
veulent à tout prix exonérer le maître de
l’ufologie française de ses responsabilités ; mais ce n’est pas tant
ce qui s’apparente bien à un « trafic de données » (terme que j’ai
osé utiliser) pour asseoir une théorie fumeuse (elle nous fascina à l’époque) qui
me choque mais le fait que Michel n’ai jamais pris la peine d’avertir ses
lecteurs qu’il s’était trompé. Notamment dans l’édition de 1977 de son livre où
il évacuait brièvement les accusations de Menzel selon lesquelles, « il
aurait inventé ou découvert après coup » ses observations les plus
probantes
C’est quand même le minimum de l’intégrité de reconnaître qu’on
s’est trompé ou plutôt qu’on a profité de certaines incertitudes pour laisser
libre cours à une débauche d’imagination, entraînant une cohorte de fans à
s’illusionner au point d’imprimer cette idée fausse dans l’inconscient
collectif des ufologues. Il est vrai que je connais peu de philosophes qui
viennent ainsi battre leur coulpe pour d’autres théories ufologiques tout aussi
illusoires.
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