1954, la « vague ufologique » en France, c’était
quoi ?
Il y a
juste 50 ans (écrit en 2004), la
France enregistrait la pire vague d’ovnis de son histoire. Le
« grand jeu », comme le qualifia Aimé Michel (1), allait démarrer à
la fin de l’été et monter crescendo au point qu’en octobre, le maire de
Châteauneuf-du-Pape (84) interdisait le survol du territoire communal par les soucoupes volantes (L’Aurore,
28/10/1954) ! C’était en effet sous cet aspect de deux assiettes
renversées et accolées par leurs bords, mais aussi sous bien d’autres, que les « mystérieux
objets célestes » (encore un terme d’A. Michel) allaient peupler le ciel
français au rythme de plusieurs dizaines d’observations par jour :
machines volantes sphériques, discoïdales, cylindriques, coniques, en forme de
fusées, de cigare, de ballons de rugby, de champignon… et même de
saucisson !
Trois
mille rapportées au total, on le sait aujourd'hui après que l’ufologue Jean
Sider (2), le seul qui a revisité récemment cette vague de 1954, ait passé au crible
les journaux régionaux de l’époque. Et avec une proportion énorme
d’atterrissages (comparés aux survols)
de 20 % jamais égalée, nulle part dans le monde, ainsi que des signalements
multiples de pilotes, descendus de
leur « vaisseau volant » pour se dégourdir les jambes : une
ménagerie de créatures malhabiles venues d’on ne sait où, de taille humaine
parfois, mais aussi des « nains », des humanoïdes et des êtres en
« scaphandre », de « bonhommes Michelin » !
Deux exemples de « petits êtres »
en combinaison : le premier, le cas Marius Dewilde à Quarouble (59), le
second en Moselle (septembre octobre 1954) tirés du livre de Jacques Lob &
Robert Gigi : Les apparitions OVNI, Dargaud Editeur, 1979.
Un
scénario de science fiction de haute voltige avec une théâtralisation (J. Sider
parle avec raison de « Grand Guignol » itinérant) au sol allant
jusqu'au spectacle de cirque.
Aujourd'hui,
avec le recul, est-il possible de déterminer quelle fut l’origine de ce qui
s’est produit réellement à l’automne 1954 ? Voyons les différentes
hypothèses avancées à ce jour et si une (sinon aucune), donne une
interprétation adéquate de cette vague ufologique unique en son genre… (en fait,
il y eut des vagues de moindre ampleur en Italie et en Belgique).
A
l’époque, la majorité des ufologues étaient des partisans de la thèse
extraterrestre dite théorie « tôle et boulons » selon laquelle ces
« soucoupes volantes » (SV) ne pouvaient être que des astronefs
spatiaux matériels, venus généralement d’ailleurs et de Mars en
particulier ; ainsi, sans trop s’interroger sur le pourquoi de ce subit
intérêt de villégiature pour notre ciel, ni des mobiles de cette visite
impromptue, ni du comment de cette « destination privilégiée
française », on assistait certainement là à une affluence de voyage
d’agrément (n’était-elle pas belle notre France qui ne connaissait encore ni la
pollution, ni le chômage, ni le terrorisme ?) plutôt qu’à une
« offensive » ou un « débarquement » de ces visiteurs de
l’espace, car aucun d’entre eux n’était signalé comme ayant manifesté la
moindre attitude belliqueuse ou même menaçante. Au contraire, paraissant
surtout dérangés par nos regards
inquisiteurs qui s’intéressaient à eux - à l’instar de nudistes épiés par des
gens habillés - ils s’esquivaient dès que possible, en une attitude frileuse
sur laquelle on s’est, peut-être (?), trop peu interrogé.
Des
Ouraniens comme les appelait Jimmy Guieu, chef de file de cette école de
pensée. Certes, l’idée d’extraterrestres manifestant un brusque attrait pour la Terre et plus précisément la France butait déjà sur un certain nombre de
problèmes (trop de diversité dans les machines et les pilotes, trop
d’évanescence, d’élusivité, pas de plan dans l’approche, etc.), mais rares
étaient ceux qui les soulevaient. Ou alors, il fallait lire entre les lignes de
certains écrits...
Aimé
Michel, qui venait de publier « Lueurs sur les soucoupes volantes »
(3), crut pourtant discerner dans les évolutions de ces SV une logique de leurs
déplacements. Il appela ça l’« orthoténie ». Les observations du même
jour se plaçaient en lignes droites sur les cartes d’état-major ! La
fameuse ligne BAVIC (de Bayonne à
Vichy) comptait, pour le 24 septembre 1954, pas moins de six points. Seul
bémol, le « pointillé » obtenu par les lieux survolés n’était pas
« chronologique ». Il fallait inférer que les soucoupes sillonnaient
un couloir de vol déterminé et parcouru plusieurs fois par jour comme par des
navettes !
Hélas,
il s’avéra, par la suite, que cette belle « modélisation » du
parcours des ovnis, élaborée en une période d’intense trafic, n’était qu’une
illusion née du hasard (Jacques Vallée simula l’orthoténie avec des points pris
au hasard sur une carte de France) et, plus grave, d’une sélection, je dirais
inconsciente pour atténuer l’accusation, de son auteur qui a tant fait pour
populariser l’ufologie que ce faux-pas ne saurait entacher l’admiration que je
lui voue*. Je pense même que Michel avait entrevu la vérité, comme on le verra
plus loin …
Mais
cette vague ufologique, compte tenu de son ampleur et de son ambiguïté, n’eut
de cesse de provoquer les sceptiques pour qui l’homme ne peut être, dans sa superbe,
qu’un être unique et élu et ne
saurait avoir des Frères du Cosmos, quels qu’ils soient. Il fallut quand même à
ces démolisseurs un quart de siècle pour fourbir leurs armes, ce qui déjà
inflige un cinglant démenti à leurs prétentions personnelles de prévalence
intellectuelle. En fait, il s’avère en profondeur que leur intervention fut
plutôt le résultat bassement né de querelles intestines au sein des divers
courants ufologiques que le fruit d’une analyse planifiée, ce qui en diminua
largement la portée.
C’est
en effet, en 1979, 25 ans après, que les SV de 1954 subirent une attaque en
règle d’ufologues dissidents dont l’attitude pathologique mériterait une étude sérieuse quant à ses ressorts intimes
et ses motivations profondes. Plutôt que d’aborder la question de fond :
pourquoi les ET sont venus si nombreux en 1954 dans le ciel de France et
surtout si divers [J. Guieu (3) écrivait que les astronefs provenaient d’au
moins trois « autres mondes » cosmiques], ils s’en prenaient non pas
tant aux SV qu’aux témoignages (et aux témoins), tentant de réduire les premières et ridiculiser les
seconds. Ce fut l’époque de la sournoise offensive de l’Union Rationaliste,
sous la bannière de son Président E. Schatzman (vous savez celui qui soutint
que les ovnis n’étaient que le reflet des phares d’autos dans les yeux des
vaches !) et la plume acide de G. Barthel et J. Brucker (deux anciens
ufologues, sans aucune formation adéquate, membres aigris et revanchards de
l’association Lumières dans la Nuit )
qui, dans un ouvrage intitulé « La Grande peur Martienne » (4), tentèrent de
ramener la chronique des ovnis de 1954 à des canulars, des inventions,
des fanfaronnades de café (sic) de Français avinés, des méprises montées
en épingles, voire adaptées par les journalistes, bref à une
imposture !
L’hypothèse
dite « psychosociologique » livrait là son premier combat en voulant
ramener cet épisode au résultat d’une rumeur conditionnée par la presse dans la
droite ligne des grandes hallucinations collectives du Moyen Age : l’ergot
de seigle, cette fois, était remplacé par le virus de se voir cité dans les
médias et mettre en vedette dans le village (sic). La France aurait été victime
d’une vaste rumeur, d’une psychose généralisée de masse alimentée par les
journalistes et des victimes de la frustration de n’avoir rien vu et qui
inventaient quelque chose ! Consternant !
Le
livre de B & B est une collection de dénigrements, de moqueries vis-à-vis
des témoins qui tend à faire passer les Français de 1954 pour des mythomanes
afin d’expliquer les plus grosses confusions avec un bolide (à les entendre, le
ciel de l’époque en fut quadrillé), la
Lune (très prisée par les psychosociologues en matière de
source d’ovnis !), des ballons météo et autres foudre, météores,
mirages... Le tout consolidé par des contre-enquêtes négatives. A les en
croire, il ne restait rien, RIEN, après leur passage à la moulinette de plus de
500 cas. Gros travail, n’est-ce pas ! Oui jusqu'au jour où un chercheur
sérieux, sans idées préconçues, Jean Sider (c’est lui qui a écrit le dernier
livre sur cette vague d’ovnis intitulé « Le dossier 1954 et l’Imposture
Rationaliste », (2) a pulvérisé en miettes le bel édifice érigé au nom du
négativisme le plus exécrable en démontrant que B & B ont contre-enquêté
depuis leur fauteuil et interrogé plusieurs des témoins décédés ! Un
constat sans appel qui montre que l’imposture n’était pas du côté annoncé.
Pour
en terminer avec la thèse de l’hallucination collective, de la maladie
psychogénique de masse, du syndrome de Lazarus
(professeur de Berkeley, auteur de cette « conceptualisation
environnementale »), et autres joyeusetés psychosociales qui visent à nous
faire prendre des vessies pour des lanternes (des météores pour des soucoupes
qui se sont posées au sol et desquelles sont sorties des créatures !),
signalons que le stress de la
France , en 1954, et la rumeur née de la publication, cette année
là des deux livres mythiques, juste avant le pic de la vague, « Lueurs sur
les soucoupes volantes » d’Aimé Michel et « Les Soucoupes Volantes
viennent d’un autre Monde » de Jimmy Guieu (5), même s’ils se vendirent à
des milliers d’exemplaires, ne permet aucunement de modéliser un scénario tel
que celui qui sévit, la même année, avec l’épidémie de pare-brises cassés
autour de Seattle. Il suffit de relire le fameux « UFO’s A scientific
Debate », de Sagan et Page qui date de 1972, pour s’en convaincre, ce que
n’ont pas dû faire nos duettistes du persiflages et autres assimilés, trop
heureux de régler leurs petits comptes persos et d’atteindre à une éphémère
célébrité, eux qui non plus, n’avaient rien vu si ce n’est leur nombril.
Mais
même si la vague de 1954 a
été compilée objectivement et réhabilitée
par J. Sider et a retrouvé tout son éclat (avec des cas inédits et une
estimation fabuleuse de 3000 observations), elle n’a toujours pas de solution.
Il y a bien eu, sans contestation possible, des milliers d’incursions externes
au-dessus de la France
en 1954. Comme ce n’était manifestement
pas des Martiens (on sait aujourd'hui que les seuls habitants possibles
de Mars sont des protozoaires) et comme l’HET
(hypothèse extraterrestre) est battue en brèche de nos jours à cause de 50 ans
de travaux d’approche sans la moindre concrétisation de débarquement, il nous
faut donc chercher ailleurs, même si je pense justement qu’il ne faut pas trop
s’éloigner.
Expliquer
la vague d’ovni de 1954 par le paranormal ne me paraît pas devoir non plus
emporter l’adhésion, comme le suggère J. Sider. Même s’il dit apercevoir dans
certains témoignages vieux d’un demi-siècle les indices d’enlèvements, type
abductions, comme il n’en apporte aucune preuve tangible, il me laisse extrêmement
circonspect.
Mais
s’il s’avère bien que ce ne sont pas les extra-terrestres qui étaient en
excursion au-dessus du territoire français, il y a 50 ans, qui
étaient-ils donc alors ? L’objectivité de certains épisodes ne fait aucun
doute. Ce ne sont tout de même pas l’action de « metal benders » qui
a incurvé le ballast de Valensole ?
Jean
Sider penche depuis quelques années vers une thèse héritée de celle très
ancienne du « trickster » anglo-saxon (farceur). Selon lui, cette
comédie, car c’en fut une (une sorte de théâtre fou ambulant), a été organisée
par une intelligence supérieure omniprésente depuis toujours autour de nous
qui, dans ses manifestations, se calque sur nos croyances, a accès au cerveau
des individus ciblés et exploite quelque chose en nous ; mais quoi ?
Là, pas de réponse sauf une référence à un auteur qui alloue aux ovnis une
origine quasi divine. Ce qui me chagrine en l’espèce, c’est que ladite
intelligence supérieure, (à la limite, peut-être Dieu ?) n’ait rien de mieux
à faire que suspendre et faire évoluer au-dessus de nos têtes des formes de
soucoupes et en extraire des marionnettes grotesques à agiter sous notre nez.
Cette vue simpliste d’une intelligence supérieure nous jouant des farces de ce
niveau est justement une insulte à celle-ci au cas où elle est autre chose
qu’une supputation gratuite.
La
vérité, si elle existe, n’est-elle pas plutôt au-dessus de nos moyens
intellectuels ; en cherchant à la conceptualiser, n’aboutissons-nous pas
qu’à l’avilir ? Je sais que cette position est frustrante mais il faut parfois
faire preuve d’humilité. Vouloir tout expliquer, n’est-ce pas trop
présomptueux ? N’arrive-t-on pas à tout interpréter de travers et à créer
des croyances multiples dont le nombre nous empêche de chercher d’autres explications
à force de gloser autour de ces croyances. Un cercle vicieux qui entretient
notre ignorance et la querelle entre les diverses écoles ufologiques. Par
ailleurs, il est plus que probable que si le phénomène ovni en général, et
celui de 1954 en particulier, trouvait une explication totalement matérialiste
(comme on l’a cherche depuis 50 ans), elle perdrait ipso facto tout son intérêt
et l’intense fascination qu’elle n’a cessé d’exercer sur l’esprit humain
tomberait, ce qui, pour moi, serait la pire des choses.
Aimé
Michel lui-même, qui avait beaucoup et bien réfléchi sur la question (ce que je
n’ai vu personne faire pareillement, surtout pas moi), n’avait-il pas entrevu
(inconsciemment peut-être au même titre qu’il avait inconsciemment biaisé son
orthoténie ?) la Vérité
quand il écrivait, en 1958 : « Les moutons ne saurons jamais qu’on
les élève pour prendre leur laine et les manger ». C’était extrêmement osé
reconnaît Jean Sider, qui a déniché ce passage dans « Mystérieux Objets
Célestes », mais c’est tellement subtil, que je m’y rallierais volontiers.
Et dans ce cas, comme les moutons qui n’ont pas encore réalisé ce qui leur
arrive, nous ne sommes pas plus à même de comprendre ce qui s’est passé à
l’automne 1954 et peut-être pas près de le savoir. Il est plutôt plaisant selon
moi de penser que l’explication du phénomène ovni pourrait être conditionné à
la prise de conscience des moutons sur la question du pourquoi ils finissent si
nombreux en méchouis ou servis dans une assiette de flageolets !
Références :
1/ Aimé
Michel, Mystérieux Objets Célestes,
Seghers, 1977.
2/ Jean Sider, Le dossier 1954
et l’Imposture Rationaliste », Ramuel, 60640 Villeselve.
3/
Aimé Michel, « Lueurs sur les
Soucoupes Volantes », Mame Editeur, coll. « Découvertes »,
Paris, printemps 1954.
4/ Gérard Barthel & Jacques Brucker, La grande Peur Martienne,
Nouvelles Editions Rationalistes, 1979.
Publié dans UFOMANIA Magazine n°41,
automne 2004.
* Avant mon étude plus approfondie sur l’orthoténie.
Ajout de 2016
Dans un livre tout récent (2015) édité par Anomalist Books et
ayant pour titre The UFO Experience as a
Parapsychological Event, le paraufologue (sic), Eric Ouellet, un professeur
de sociologie militaire au Collège Militaire Royal du Canada où il est à la
tête du département des études de défense (!)), soutient l’hypothèse
parapsychologique pour les ovnis.
Et, dans ce cadre, il met la vague ufologique de 1954 en France
avec son climax en octobre sur le compte de l’effet produit dans les esprits
sur notre territoire par la création prochaine du Front de Libération Nationale (FLN)
en novembre ! Une preuve, selon lui, de l’aspect anticipatoire ou
« précognitif » du phénomène ovni généré par le psi.
Ah, les psychosociologues, ils ont vraiment contribué à
décrédibiliser le phénomène au-delà de l’entendement. Et voilà que ce n’est pas
fini avec ce Canadien résolument provocateur.
Avec la terrible menace terroriste d'aujourd'hui et le stress des
populations à son maximum, leurs idées farfelues devraient remplir le ciel
d’ovnis. Or jamais le ciel n’a été aussi vide.
Si ça pouvait les faire se taire. Hélas, ils ne sont pas contraints, comme les
scientifiques normaux, à une confrontation avec les faits mais seulement avec
les effets de leurs délires
éternellement ressassés, ce qui les pousse aux dernières énormités sans aucune
conscience du ridicule qu’elles génèrent.
Bonjour je suis le Fils de Marius Dewilde auriez vous des document a me faire parvenir pour refair le livre de mon Pére :marc.marin2103@gmail.com
RépondreSupprimerBonjour je suis le Fils de Marius Dewilde auriez vous des document a me faire parvenir pour refair le livre de mon Pére : marc.marin2103@gmail.com
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