Les amateurs au secours
de SETI
Le meilleur et le pire…
SETI, c’est l’acronyme en
américain qui désigne « La
Recherche d’Intelligences Extraterrestres » par le biais
des ondes électromagnétiques. En clair, il s’agit de détecter, en provenance du
ciel, un éventuel signal généré par
une bouée-phare ou une autre source d’émission artificielle située quelque part
dans l’espace intersidéral ; là où des créatures étrangères, comme nous
douées de curiosité si ce n’est de raison, se manifesteraient par ce signal dans l’espoir d’établir le
contact avec leurs éventuels Frères du Cosmos, « nous », en
l’occurrence.
En 1992, la NASA
avait lancé en fanfare, lors du cinq centième anniversaire de la découverte du
Nouveau Monde par C. Colomb, un programme SETI
ambitieux qui devait durer 10 ans au moins et nous apporter, enfin, la preuve
que « nous ne sommes pas seuls » dans l’Univers.
Mais la politique de restriction budgétaire
américaine mit prématurément un terme à ce bel élan en coupant les budgets
alloués (réduction du déficit de 0,0006 % !) à ce qu’un Sénateur avait
fait proclamer comme le plus beau gaspillage de l’argent public. « SETI, c’est fini ? »,
pouvais-je écrire, à l’époque (1), en
prologue à ce qui fut la « privatisation » de SETI.
Le projet était si avancé qu’il a pu heureusement
continuer sur sa lancée, sans subvention fédérale. L’appel aux sponsors, aux
généreux donateurs, le soutien, notamment, des grands de l’informatique qui ont
permis l’automatisation du système d’analyse des données recueillies, ont
permis de maintenir un volant de recherche lequel peut s’enorgueillir d’avoir,
en 5 ans, pulvérisé tout ce qui avait été mené depuis les années 1960 en terme
de nombre de cibles et de durée d’écoute. Il est vrai qu’on inventorie
aujourd’hui en une seconde 100 millions de « bandes »/s, ce qui
aurait mis plusieurs millénaires en 1970 !
Un nombre époustouflant de données pour quelques
centaines de candidats (il y en avait
eu seulement 12 auparavant) au titre de premier contact. Rien encore de sûr parce qu’aucun signal suspect ne s’est
répété. Impensable, pensent les savants, que quelqu'un émette une seule fois
sans renouveler son appel. Donc toutes ces interceptions uniques ne sont que des glitches,
entendez par là des fausses alertes dues à quelque artefact dans la captation du signal.
Malgré donc un budget de fonctionnement réduit,
les données continuent d’affluer en masse et, faute de personnel pour les
dépouiller, elles s’accumulent inexploitées.
C’est ainsi qu’en 1997, une singulière requête a
été lancée ; par la presse et Internet, il a été offert à tout
propriétaire d’ordinateur compatible (PC) de participer bénévolement à SERENDIP, une antenne SETI basée en Californie à Berkeley !
Faites-vous connaître et on vous enverra gratuitement un logiciel de traitement
de données ainsi qu’un pack d’enregistrement et, chez vous, enfermé dans votre
bureau, vous serez à même de découvrir le message caché de quelque
supercivilisation extraterrestre. Et ce, sur la disquette d’enregistrement de
signaux gracieusement mise à votre disposition par des professionnels qui
préfèrent passer leur temps à autre chose.
50 000 postes individuels ne seront pas de trop ! La carotte du premier découvreur était même brandie
d’une manière à mon sens indécente car vaudra-t-elle quelque chose ainsi en
différé ? Je doute fort qu’on décerne le Nobel à quelque obscur
informaticien de salon qui aura la chance de tomber sur la bonne
disquette ! Ou alors, c’est à n’y plus rien comprendre !
En tout cas, il est extrêmement frustrant de
penser que le fameux signal a peut-être déjà été enregistré et qu’il est à la
merci du bon vouloir et du temps libre des utilisateurs d’ordinateurs
domestiques. Si vraiment cet événement majeur que constituera la preuve d’une
autre intelligence que la nôtre dans notre galaxie est ainsi traité à la
légère, cela devrait inciter nos aimables correspondants cosmiques potentiels à
ne pas donner suite à leur appel.
C’est pourquoi, j’ai vu arriver une autre
initiative qui, elle, me paraissait beaucoup plus satisfaisante pour
l’esprit : c’est celle de la SETI League.
Cette
nouvelle association fut fondée en 1994, suite à la décision du Congrès US de
ne plus soutenir financièrement la recherche de type SETI. Son originalité est
qu’elle prétend ouvrir aux amateurs ce qui était jusque-là réservé aux
professionnels. La technique a tellement évolué qu’aujourd’hui, que, pour une
somme abordable (quand même encore quelques milliers de dollars), on peut
acquérir un matériel d’écoute des micro-ondes électromagnétiques cosmiques aussi
performant que celui des pionniers du SETI
des années 1960. Plus besoin d’un monumental radiotélescope, une mini-station
suffit !
Ainsi
est-on en mesure de capter le
message tant attendu sans être bardé de diplômes et de doctorats mais seulement armé d’un solide enthousiasme (bizarre
comme ces deux qualités sont souvent antinomiques !). C’est ce qu’a
compris Paul Shuch, ingénieur en aérospatiale et directeur de la SETI
League , qui a lancé le projet Argus en avril 1996.
Le projet dit Argus
(du nom du prince d’Argos aux 100 yeux) consiste à mobiliser tous les
volontaires du monde entier pour coordonner une recherche SETI dite plein ciel ;
chacun de nous peut devenir un setiste
en se dotant d’une antenne parabolique type TV, d’un récepteur de micro-ondes
et d’un ordinateur individuel équipé d’un logiciel adéquat destiné au filtrage qui fonctionnera sur Windows
95. Le prix de tout cela devrait être bientôt divisé par 10 sous forme de kit.
L’objectif est de disposer en 2001 de 5000
stations d’écoute amateurs (actuellement il y en a 63 aux dernières nouvelles
et la ligue compte plus de 500 membres). A chacune d’elle sera dévolue par la League
une petite fenêtre du ciel pour qu’il n’y ait pas de redondance et chaque
participant s’engagera à se conformer à un protocole bien défini en cas de
découverte.
Le
projet se prétend international. Le siège de la League est basé à Little
Ferry dans le New Jersey, aux Etats Unis. Il y est attaché bien sûr un site
Internet (www.setileague.org). On peut y adhérer directement pour la modique somme de 50
dollars. Une antenne de la
SETI League existe
en France ; Elisabeth Piotelat, en est la coordinatrice. On peut se
renseigner sur le site http://www.chez.com/telescope/seti/
(2). Nous ne sommes encore que 5 membres en France ! Rejoignez-nous.
Que la recherche SETI ait beaucoup à gagner de l’engouement des amateurs, de leur
exaltation par rapport au regard blasé fait de froideur scientifique que portent
les professionnels sur les signaux
candidats, par exemple, me paraît personnellement indéniable. Mais la
contrepartie existe tout aussi déplorable au point qu’on peut se demander si un
enjeu aussi sérieux visant à dire si nous ne sommes les seules créatures
pensantes de l’Univers peut être confié à n’importe qui incapable de discerner
un signal ET de l’émission d’un satellite espion ou bien pire.
« La
réception d’un signal d’origine intelligente extraterrestre changerait
radicalement et de façon permanente notre vision de nous-mêmes et de notre
place dans l’Univers » (3). Hélas certains ne semblent pas impressionnés
(ignorance ou machiavélisme ?) par une question aussi fondamentale et ses
possibles répercussions.
Le 22 octobre dernier, un radioamateur, rapportait
aux astronomes SETI via Internet
avoir capté à 21 h 13, heure de Greenwich, un étrange signal issu de la
constellation de Pégase, située à 22 années lumière de la Terre (4). Son annonce
n’ayant provoqué aucune réaction jusqu’au 26 octobre, il élargissait alors le
champ de ses correspondants (sa mail list,
dit-on aujourd’hui) et diffusait des images digitales de sa découverte, un
signal distinct du bruit de fond à 1000 pour un. Le récepteur du signal, cette
fois, se disait être Paul Dore (ce dernier reconnut plus tard n’être pour rien
dans cette affaire), un employé de la Siemens
Plessey Systems,
qui disait utiliser, depuis 18 mois, une antenne parabolique de 10 mètres de diamètre
appartenant à sa compagnie à des fins personnelles de détection de signaux
extraterrestres. Il avait inscrit sa découverte sur la liste Internet sensée
déclencher des vérifications mais, sans attendre, était allé aussi informer la BBC.
Selon lui, le même signal s’était répété le
lendemain, provenant du même endroit (coordonnées de la transmission précisées).
La visualisation des images du signal sur le WEB lança un vif débat
surtout lorsque Art Bell, le présentateur vedette de l’émission nocturne
américaine Côte à Côte, s’empara de
l’information et invita à son show Richard Hoagland qui suggéra audacieusement
que le signal provenait sûrement d’un vaisseau spatial en route vers la Terre depuis Pégase, dont la
vitesse considérable expliquait le glissement Doppler.
Par le découvreur, se prétendant encore Paul Dore
puis John Doe, continuait de signaler deux nouvelles émissions, les 26 et 27
octobre. La fréquence était même précisée : 1453,827 mégahertz avec un
glissement Doppler de +/- 200 Hertz. Mais la copie des nouveaux signaux
diffusés sur Internet montraient une telle similitude, notamment pour le bruit
de fond, qu’ils poussaient au scepticisme. Une telle signature quasi identique à un certain intervalle de temps était
incompatible avec deux réceptions espacées de plusieurs jours. Le radioamateur
s’empêtrait dans des explications peu convaincantes de confusion d’images
format gif puis, certainement déçu de
voir son stratagème éventé, se disait visité par trois hommes en noir qui l’auraient contraint de signer un engagement à ne rien divulguer (sic).
Les tenants de la thèse de la conspiration dressaient l’oreille surtout en ces
temps d’Apocalypse.
Heureusement la nouvelle avait enfin atteint les
sphères officielles qui trouvaient quelques minutes à lui consacrer.
Un étudiant de l’Université du Montana notait
rapidement que « le système EQ Pégase » est un endroit peu probable
sinon impossible pour une vie indigène intelligente. Le système de Pégase est une étoile double de la catégorie des naine
rouges, de type M4 et M6. Dans ces conditions, une planète comparable à la Terre est certainement
exclue compte tenu de la trop grande jeunesse des 2 étoiles.
Un responsable professionnel du projet BETA (SETI officiel) disait n’avoir rien détecté en provenance de Pégase
après y avoir braqué l’antenne de l’observatoire de Oak Ridge. Une tromperie, affirmait le Professeur
Nathan Cohen, de l’Université de Boston, arguant du fait que le signal n’était
pas dans la largeur de bande requise pour un signal SETI dit polychromatique.
Et de suggérer que si un signal avait été réellement reçu, c’était sûrement
celui d’un satellite terrestre.
La confirmation annoncée de la détection du signal
par le Max Plank Institut für
Radioastronomie de Bonn, à travers le Effelsberg
Radio Observatory ne venait jamais apporter la moindre caution et même
occasionnait un cinglant démenti d’implication.
La détection d’un nouveau signal le 30 novembre par un radio amateur de l’île
de Guernesey ne changeait rien à un épilogue plutôt Lamentable. Méprise ?
Canular ?
Il faut reconnaître que la fenêtre radio d’où
émanait le signal se révélait être particulièrement propice aux interférences
avec les satellites et les sources terrestres. Détecter un signal avec une
telle netteté en provenance de Pégase aurait relevé du miracle. A défaut de
tromperie délibérée, le signal provenait-il d’un satellite militaire secret,
partie du projet 415 ? C’est le
moins pire auquel nous osons nous raccrocher.
Après avoir observé une longue période de silence,
la SETI League dénonçait, elle aussi, l’imposture
(5). Le Dr Paul Shuch déclarait dans un communiqué officiel: Notre ligue indépendante a analysé la
prétendue découverte depuis le 23 octobre. Aucune de nos 63 stations actives
autour du monde n’a été capable de le confirmer. Et d’ajouter : La personne qui a fait état de ce signal a
violé les principes élémentaires de la science responsable (notamment en
gardant l’anonymat, mais il n’était pas « setiste »). Il n’a pas rempli les protocoles de
détection de signal soigneusement mis en place par la Ligue et auquel tous nos
membres doivent souscrire. C’est revenir 100 ans en arrière ! »
Allusion aux signaux captés au début du siècle ?
En tout cas, cette histoire, survenue moins de 3
ans après que les amateurs aient été sollicités pour prêter main-forte aux
chercheurs officiels SETI (eux en 30
ans n’ont jamais accusé réception d’un message suspect sauf pour le fameux WOW sur lequel on se pose aujourd’hui –
plus de 20 ans après son enregistrement – des questions !), montre à
l’évidence combien il faudra être prudent pour accréditer la détection d’un signal. Les protocoles de la
SETI League sont là
pour ça, n’est-ce pas, mais on ne m’interdira pas de penser (n’en déplaise à
toi Elisabeth) qu’il y a un réel danger de décrédibilisation en la matière. Un
autre phénomène très important à mon sens a été livré en pâture aux amateurs
qui en ont fait l’embrouillamini que l’on constate aujourd’hui : c’est le
phénomène ovni. Je ne souhaite pas l’ufologicalisation
de SETI n’en déplaise à tous les
lecteurs d’UFOMANIA.
Références :
1/ Michel Granger, DIMANCHE S & L,
27 février 1994.
2/
Devenu : http://setiathome.free.fr/moi/apropos.html#contact
3/ Douglas A. Vakoch, SEARCHLITES,
Volume 5, number 1, hiver 1999.
4/ UFO ROUNDUP, Volume 3, Number
44, 2 novembre 1998.
5/ FORTEAN TIMES, n° 119,
février 1999.
Publié
dans UFOMANIA,
N°23/24, août 1999.
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