La rencontre « très,
très rapprochée » d’Antonio Villas-Boas
Ce fermier
brésilien devint célèbre en 1957 lorsqu’il annonça, le plus sérieusement du
monde, avoir fait l’amour avec une créature féminine d’origine extraterrestre!
Son histoire, prise
au sérieux par les ufologues de l’époque, est devenue un cas
« précurseur » de la vague récente des enlèvements dont elle
constitue une version « soft » ; elle s’inscrit aujourd’hui dans
le patrimoine folklorique de l’ufologie des années 1960 trop souvent crédule,
mais combien emblématique.
Au point que nous
en sommes encore influencé jusque dans nos rêves pour ne pas dire dans nos
cauchemars.
Antonio Villas Boas (1934-1992) |
Le 5 octobre 1957, à une heure du matin, un jeune paysan brésilien
de profession, Antonio Villas-Boas, 23 ans, laboure nuitamment son champ, seul
au volant de son tracteur lorsqu’il remarque une grosse étoile rouge dans le
ciel sans nuage. Celle-ci se met tout à coup à grossir comme si, brusquement,
elle se rapprochait. Bientôt, l’homme estime qu’elle se situe à environ 50 mètres au-dessus de
lui, brillant avec éclat si bien que le sol tout autour est illuminé comme en
plein jour.
L’instant de paralysie par la peur passé, Antonio ne
songe alors qu’à fuir quand la coupole aplatie en forme d’œuf allongé, avec
trois saillies métalliques (une au centre et une de chaque côté) et une pointe
au sommet, descend plus bas encore vers le sol. Sous la machine, il y a quelque
chose qui tourne à grande vitesse et une lumière phosphorescente rougeâtre s’en
dégage au moment où l’engin amorce la manœuvre d’un lent atterrissage. Antonio
tente désespérément de s’éloigner comme un animal effrayé mais le moteur du
tracteur cale.
Scénario classique
jusqu’à…
Antonio saute de son siège et prend les jambes à son coup
quand il sent une pression sur son bras ; il se retourne et voit un petit
être, sorti de la machine volante, maintenant posée sur un tripode, qui s’est
lancé à sa poursuite. Le jeune Brésilien le repousse violemment et le nain
tombe à terre. Mais le voilà qui reçoit le renfort de trois autres comparses de
même taille pour maîtriser Antonio, le soulever du sol et l’obliger à monter à
bord de la soucoupe par une échelle, l’ouverture se situant en dessous de l’engin.
Antonio, vaillamment, continue de lutter, se cramponnant
plusieurs fois aux barreaux de l’échelle mais ils parviennent à l’emmener dans
une petite salle carrée aux murs polis et argentés. La porte est refermée.
On le conduit manu militari dans une salle ovale plus
grande dont les parois s’ornent d’inscriptions
inconnues décrites comme des gribouillis marquées en rouge ; deux des figures le
maintiennent encore tandis que les autres le surveillent « en grommelant
comme des chiens » (sic). Antonio est sûr qu’ils discutent de lui. De
grosses lunettes rondes dissimulent leurs yeux qui semblent cependant plus
volumineux que les nôtres. Et ils portent un casque duquel partent trois tubes
reliés à leur combinaison faite d’une matière grise épaisse.
Les grognements ayant cessé, on le force à se déshabiller
totalement et il subit une prise de sang recueillie de sous le menton dans une
fiole de forme tarabiscotée. Puis, au moyen d’une éponge mouillée, une des créatures
lui humecte la peau. Désinfectant, déodorant, aphrodisiaque ? Antonio est
laissé seul dans une salle du vaisseau dont une sorte de lit constitue l’unique
pièce de mobilier. L’homme s’y allonge mais n’y reste que quelques instants car
une violente nausée le prend causée par une sorte de vapeur à l’odeur de brûlé
qui s’échappe de petits tubes émergeant du plafond. Réfugié dans un coin, il a
du mal à retenir son envie de vomir.
A sa plus grande surprise, au bout de quelques minutes,
il y a un bruit de porte et une femme (« bien que son apparence ne soit
pas entièrement terrestre », sic) s’introduit dans la pièce et se dirige
vers lui, un étrange sourire aux lèvres. Elle est toute nue, comme Antonio, et
ses intentions sont clairement affichées. Ses cheveux sont blonds, presque
blancs, ses yeux étirés en amandes, « comme les princesses arabes »
(sic). Son visage se termine par un menton très pointu, ce qui donne à l’ensemble
une forme triangulaire compte tenu de la grande largeur au niveau des
pommettes.
Antonio, quelque peu estomaqué n’en est pas moins homme
et il remarque le corps féminin mince, les seins haut placés et bien séparés,
la taille fine, les petits pieds et les longues mains…
De quoi mettre en appétit un jeune gars de la campagne en
parfaite condition physique. Mais pas au point de le rendre sexuellement
incontrôlé comme il se retrouve, mettant cette excitation anormale sur le
compte du liquide avec lequel on l’a badigeonné dont les vertus devaient être,
selon lui, quelque peu aphrodisiaques.
Soupe aux choux à
la hussarde
Le contact se fait en silence, sans ambiguïté.
Antonio pense in petto qu’on lui demande de jouer le rôle de l’étalon dans
quelque haras, mais cela ne lui coupe pas ses effets puisqu’il s’exécute de
bonne grâce par deux fois, la belle étrangère répondant à ses assauts par de
subtiles caresses et des grognements que certains traduiront par « aboiements
canins », d’autres, moins romantiques, par « gémissements de truie »
! Antonio, dans l’action, tente d’embrasser sa partenaire sur les lèvres qu’elle
a fort minces, remarque-t-il. En vain ! Selon Antonio,
les bruyantes démonstrations de plaisir « gâchaient presque tout, car elles
me donnaient la désagréable impression que j’étais avec un animal ».
Illustration tirée du livre de Lob & Gigi (1979), page 106. |
L’acte à répétition consommé, la créature s’éloigne sans
autre marque de sympathie et d’affection ; la porte est bientôt ouverte et
un des « étrangers » appelle la femme qui, juste avant de disparaître,
adresse à son partenaire un sourire et un geste jugé comme explicite : elle
montre son bas-ventre et ensuite le ciel. Antonio comprend que la créature
hybride, appelée à naître de cette union, est destinée à « revigorer leur
cheptel » sur une autre planète.
Antonio se rhabille et deux êtres masculins viennent le
chercher pour le conduire dans une autre salle où les trois autres sont assis
sur des sièges pivotants grommelant tranquillement entre eux. Sur la table, un
gros cadran qu’Antonio tente d’approcher pendant que les autres regardent
ailleurs. Ils réagissent violemment et l’écartent, l’entraînent…
Quelques minutes plus tard, Antonio se retrouve dehors et
il assiste au décollage de l’engin en direction du sud. Il est 5 h 30 :
son aventure a duré plus de 4 heures.
Les séquelles
Antonio, l’amant d’une nuit de cette belle
Barbarella descendue des cieux, retrouvera son tracteur intact et reprendra son
labeur, comme si de rien n’était. Mais il gardera quelques séquelles de cette
rencontre inopinée : nausées, perte d’appétit pendant un mois, si bien qu’il
consultera un médecin pour des troubles cutanés, entre autres, ainsi qu’une
somnolence tenace et anormale imputables possiblement à un empoisonnement par
des radiations.
L’examen physique d’Antonio par un médecin fit apparaître
sur sa peau, par ailleurs, de petites taches « hyperchromiques », une
de chaque côté du menton ; des stigmates résultant de quelque lésion
superficielle avec un saignement interne… « comme si la peau s’était
reformée » sur l’endroit de la prise de sang.
En novembre 1957, son histoire va faire la une du
magazine populaire O Cruzeiro ;
c’est lui-même qui aurait alerté les journalistes des circonstances
rocambolesques de son aventure. Selon l’un d’eux, sa sincérité ne fait pas de
doute : « Nous n’avons pas affaire avec un cas de psychopathe, un
mystique ou un sujet à des visions. Malgré cela, le fond de son histoire
devient le plus lourd handicap en sa faveur ».
La nature particulière de cette expérience apte à choquer
les gens prudes resta circonscrite à son pays d’origine (bien qu’il ait déjà
raconté l’affaire à un chirurgien ufologue de l’Ecole Nationale du Brésil dès
février 1958) jusqu’en 1962 où l’association ufologique américaine APRO
(Aerial Phenomena Research Organization) crut bon de la médiatiser la
qualifiant tout d’abord de « viol allégué d’un fermier brésilien par
quelque créature femelle non inhibée (sic) venue de l’espace ». Le mot
viol fut ensuite édulcoré en « séduction ».
Retenons qu’Antonio tira de cette extraordinaire rencontre
l’occasion de se sortir de sa rurale condition. Devenu un avocat respectable et
respecté en obtenant une licence en droit puis attorney, homme marié, père de
quatre enfants, en 1978, A .
Villas-Boas passa à la télévision brésilienne où il fut interrogé sur son
incroyable aventure : il n’en dévia pas d’un iota y ajoutant un seul
nouveau détail : le prélèvement de semence dans une éprouvette récupéré
lors du deuxième acte sexuel.
Sa rencontre très, très rapprochée avec cette
extraterrestre venue d’on ne sait où inspira au moins un canular avoué en 1967 ;
mais fut-elle aussi à l’origine des visions ultérieures, par les victimes d’enlèvements
présumés, de bébés-éprouvette alimentés par tuyaux et autres images qui font
partie de l’ufologie fantastique ? C’est fort possible. Le déplacement aux
Etats-Unis d’A. Villas-Boas au début des années 1960 alimenta la rumeur...
Avait-il été invité par les ufologues ou par les autorités américaines en
tant que premier « contacté physique » par une race étrangère arrivée
et accidentée sur terre 10 ans plus tôt ?
Assista-t-on là, au Brésil en 1957, à un épisode
contemporain d’un mythe qui perdure jusqu’à nos jours mais que d’autres font
remonter à la Genèse
biblique quand il est dit textuellement que, jadis, les filles des hommes se
sont unies aux fils des dieux ? C’est précisément le contraire qui a eu
lieu, près de la ville de Francisco de Sales, non loin de Sao Paulo, voilà 54 ans.
A. Villas-Boas a-t-il réactivé dans notre inconscient des
images archétypales qui y sont enfouies ? C’est la thèse des psychosociologues,
qui donnent ainsi, selon moi, dans la facilité. A-t-il, au contraire, cédé à
une vision irréelle et onirique ? Antonio n’avait rien d’un déséquilibré pour
tous ceux qui eurent à le côtoyer.
En définitive, le plus célèbre papa d’hybride – du moins
se persuada-t-il comme tel, est mort discrètement en 1992 dans la ville brésilienne
de Uberaba à l’âge de 58 ans, sans rencontrer sa progéniture ni revoir sa
partenaire étrangère de 1 m
50. Du moins a-t-il jugé bon de ne pas nous en informer.
Arguments pour
et contre et possibilités de confusion.
Le pour : l’apparente sincérité du témoin
et les séquelles physiques subséquentes de son rapport consentant difficilement
attribuables à une imagination même débridée.
Le contre : finalement, le peu d’impact
psychologique qu’eut son aventure sur Antonio va plutôt en sa défaveur. On n’imagine
tout de même une réaction plus immédiate et plus spectaculaire suite à un tel
traumatisme. Il est vrai que l’ufologie brésilienne fourmille de détails
sensationnels.
Possibilité de
confusion :
Difficile d’en envisager une, même si d’aucuns pensent
que le récit fantastique d’A. Villas-Boas aurait pu en rester au stade des
fantasmes post-pubères ou de l’onirologie succube d’un jeune étudiant isolé, forcé
aux travaux des champs par son père (J. Vallée y détecta « un symbolisme
de conte de fées »).
Les précédents
Avec ce cas
quelque peu scabreux, on aborde le sujet du rapport des ovnis avec le
sexe ! Au risque de surprendre, dès le début, l’ufologie n’a pas craint d’afficher
un tel lien ouvertement assumé au point que la monumentale encyclopédie de
Jerome Clark y consacre un paragraphe entier.
Déjà en
avril 1897, dans le Louis Post-Dispatch, un voyageur de commerce rapportait sa
rencontre avec un couple de gens nus descendus d’un dirigeable sur les collines
non loin de Springfield, au Missouri.
Un des
premiers « contactés » américains, Howard Menger (1922-2009) prétendit,
avoir fait des « rencontres », dès 1932 (il avait 10 ans !),
avec des extraterrestres de sexe féminin, dont « une
fille magnifique, en tenue de ski » (sic) qui lui avait avoué être
vieille de 500 ans !
En 1956,
il épousa en secondes noces une blonde prénommée « Marla » qui, d’après
lui, venait d’une autre planète. Sous le nom de Connie Weber, elle écrivit et
publia en 1958 un livre intitulé « Saturnien, mon amour… » !
Deux ans
plus tôt, une Australienne prénommée Sonya prétendit avoir visité la planète
Saturne et y avoir rencontré des êtres plus actifs sexuellement que les
Terriens !
Dans les
années 1965-70, comme le phénomène des enlèvements commençait à poindre, de
nombreuses femmes s’en prétendant les victimes soulignèrent les connotations
sexuelles des rencontres avec les « ufonautes » : examens
intimes, inséminations et même actes sexuels.
En 1976,
un vacher colombien fit état d’une étrange impulsion qui le poussa à sortir de
chez lui pour assister à l’atterrissage d’un vaisseau lumineux en forme d’œuf
de poule d’où sortirent une bande de joyeuses créatures hautes de 1,5 m , au visage plat et yeux
protubérants, dont trois femmes complètement nues qui adoptaient des postures d’invite
provocatrices. Il eut un rapport sexuel avec l’une d’elle et remarqua que son
ventre était dépourvu de nombril.
En 1980,
une femme sud-africaine affirma avoir une romance avec un savant de la planète
inconnue Meton et avoir eu avec lui
une union magnétique d’essence divine qui l’avait amenée à l’extase
(orgasme ?).
On
pourrait multiplier ce genre d’exemples érotico-ufologiques dont les annales
sont remplies, mais sautons aux abductions actuelles dont certains détails
constituent la version hard de ces vieux récits.
C’est
ainsi que depuis que de véritables études universitaires se sont penchées sur
la question (elles datent de 10 ans à peine et sont peu connues), on y a
découvert une profusion d’actes sexuels dont certains à caractère
pornographique et, plus graves, des agressions qui entrent carrément dans la
catégorie des viols, voire de la pédophilie. Actes répréhensibles décrits avec
complaisance par les témoins et racontés par ceux qui exploitent ces histoires
sous couvert de contacts intersidéraux alors qu’il s’agit plutôt de secrets d’alcôve.
Une dérive qui, en tout cas, n’est pas bonne pour l’ufologie déjà malmenée par
beaucoup d’incompréhension de la part de ceux qui soutiennent encore, comme
moi, que son principal objet, les ovnis, est un phénomène extérieur à l’individu
et non un fantasme ou une affabulation psychologique ou pathologique.
Publié dans LE MONDE DE L’INCONNU, n°351,
août-septembre 2011.
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