Le « voyage interrompu » de Barney et Betty
Hill
« Le cas Hill est un des plus importants cas d’ovnis
jamais investigué. »
Stanton
Friedman, 2007.
Barney, Betty et Delsey ; tiré de la version anglaise du livre de J. Fuller (1966). |
Tout s’est bien passé y compris la
visite des chutes du Niagara que Betty n’avait jamais vues et ils rentrent chez
eux un peu prématurément, alertés par l’approche annoncée de la tempête
tropicale Esthel sur l’Est des
Etats-Unis. Après avoir envisagé de faire escale dans un motel puis finalement
y avoir renoncé, ils débouchent de la Nationale 22 en provenance de Sherbrooke ; suite
à un bref passage dans le Vermont et une courte halte dans un restaurant
de Colebrook pour faire des provisions de bouche, non pour se restaurer (il ne
reste pas grand-chose de leur argent), ils roulent sur la Nationale 3 ; tout va
bien à bord de leur Chevrolet Bel Air bleue de 1957. Au volant, Barney entonne
une chanson populaire.
Quelques minutes après minuit, alors
qu’ils traversent les
« Montagnes Blanches », une zone désolée et inhabitée, après la ville
de Lancaster et en direction de Whitefield via Lincoln, Betty
remarque, à travers la vitre remontée, quelque chose qui brille dans le ciel
étoilé non loin de la lune présentement presque à son plein.
Elle pense tout d’abord avoir
affaire à une étoile filante mais révise son opinion en voyant la lumière faire
un arrêt dans le ciel ; puis celle-ci repart et semble se déplacer ; Betty
fait part de son observation insolite à son mari qui, lui, réputé pragmatique, penche
plutôt en faveur d’un de ces satellites artificiels qu’ont commencé à lancer l’Amérique
et les Soviétiques depuis quelques années.
Betty reste intriguée par cette
étrange lumière qui paraît se rapprocher d’eux car sa taille ne cesse d’augmenter.
Elle propose de faire un arrêt pipi pour le chien et, en même temps, pour
statuer sur cette lumière qui, très clairement, se dirige dans leur direction. Barney
stoppe la voiture, et Betty sort le chien en laisse qui satisfait à ses besoins ;
puis elle regagne le véhicule que n’a pas quitté Barney pour s’emparer d’une
paire de jumelles 7 x 50 de marque Crescent qu’ils ont emporté avec eux à des
fins touristiques ; mais l’observation rapprochée ne révèle rien de plus qu’une
simple lumière et Betty réintègre la Chevrolet avec le chien ; ils poursuivent
leur route vers le Sud.
Comme les hypothèses invoquées ne
collent pas vraiment à cette lumière (qui persiste à être visible, change de
vitesse et de direction, devient plus brillante, plus proche, un peu comme si
elle les narguait délibérément), Barney garde un œil sur ce mystérieux point
lumineux, ralentit plusieurs fois pour mieux voir et finalement s’arrête à
nouveau ; l’inquiétude le gagne : il s’extrait de l’habitacle et récupère sous
le tapis du coffre de la « Chevy » un pistolet calibre 22 dont ils s’étaient
muni en cas de nuit à passer dans la voiture ; après observation, il repart.
Pour la première fois, ils ont le sentiment d’être « observés ».
Près de Cannon Mountain, la lumière
exécute une abrupte série de manœuvres et Barney freine pour s’immobiliser dans
une aire à pique-nique ; il sort à nouveau et exprime tout haut une suite
d’explications possibles : un avion commercial dans son couloir pour
rejoindre le Canada, un « Piper Cub » plein de chasseurs ou,
peut-être même, un hélicoptère ? Betty lui fait part de ses objections à
chacune de ses éventualités : le vol non conventionnel, la configuration
lumineuse et surtout ce qu’ils voient est totalement silencieux !
Impressionnés, ils braquent à tour
de rôle les jumelles en direction de l’ovni (c’en est un assurément) et
distinguent maintenant une forme derrière une source lumineuse nébuleuse, comme
un fuselage sans aile avec des lumières clignotantes sur les côtés.
Le chien se met à gémir et Betty le
reconduit dans l’automobile ; à partir de ce moment Barney se persuade que
l’objet lumineux tourne autour d’eux et ceci de plus en plus près.
Après plusieurs haltes successives,
dont une au lieu-dit touristique « The Flume » (Le ravin), Betty, qui
continue de surveiller la lumière aux jumelles et distingue des détails, s’écrie :
« Arrête-toi, crie-t-elle à Barney, nous n’avons jamais vu ça de notre
vie ! »
Le couple Hill et Delsey avec les dessins de la soucoupe et des deux entités. |
Barney
tourne bride et rejoint en courant la Chevrolet dans laquelle Betty le voit entrer
essoufflé, tremblant, dans un état proche de l’hystérie. Et qui lance en
substance : « Faisons fissa sinon ils vont nous capturer ! »
Comme Barney a démarré sur les
chapeaux de roue, l’ovni s’est déplacé pour venir se placer juste au-dessus d’eux
et c’est alors que depuis l’habitacle, ils perçoivent une sensation de
vibration pénétrante avec un bruit décrit comme une bizarre série de
« bip-bip » qui fait trembler la carrosserie.
Un peu plus loin, au bas d’une
descente, nouvelle série de « bip-bip » et, resté dans leur esprit,
le vague souvenir d’avoir rencontré un barrage routier avec un globe lumineux
énorme rouge orange et le sentiment d’un contact humain…
Finalement, après un trajet où
Barney a conduit comme un automate ne songeant même plus qu’ils avaient projeté
un arrêt dans un restaurant ouvert à Concord, ils regagnent directement
Portsmouth et arrivent chez eux à l’aube vers 5 heures du matin. En fait, le voyage, après
son « interruption », a duré deux heures de trop compte tenu de la
distance parcourue car ils n’ont tout de même pas roulé à 30
km/heure !
Rentrés dans leur appartement, ils allument les lumières
et se ruent à la fenêtre pour regarder le ciel ; comme si l’ovni avait pu
les suivre jusque-là : heureusement non ; certes, ils ont retrouvé leurs
esprits mais ne se souviennent de pas grand-chose de ce qui s’est
passé réellement pendant ce « voyage interrompu » si ce n’est ce qui
vient d’être narré. Ils ont eu deux heures de « temps
manquant » et ne garde aucun souvenir de ce qui s’est passé pendant :
une sorte d’« amnésie
à deux » !
Au bout d’un moment, Barney laisse tomber : « C’est
la chose la plus bizarre qui me soit jamais arrivé ». Tous les deux sont
très calmes, voire tranquilles et relaxés : bizarre après ce qu’ils ont
vécu.
Betty, le
lendemain, téléphone à sa sœur Janet (la mère de K. Marden) et lui raconte leur
rencontre avec cet objet volant au vol « erratique » et
« suiveur ». Elle signale que chaque tentative de se rappeler ce qui
s’est passé plonge son mari dans l’effroi le plus total. Il a perdu sa joie de
vivre et sombre dans un état contemplatif. Quant à elle, pas mieux renseignée
sur ce qui leur est arrivé, elle a commencé d’avoir une série de rêves
récurrents cauchemardesques où elle se retrouve avec Barney, transportés à bord
d’un étrange appareil, avec des humanoïdes lui font subir un examen physique
approfondi…
L’état de
santé de Barney ne s’améliore pas – il se demande s’il n’a pas eu des
hallucinations –, il développe divers troubles : maux de tête, insomnies,
hypertension, anémie, ulcère. Il bénéficie de 3 mois d’arrêt de travail. L’homme
ne « répondant » pas aux médicaments, un trouble émotionnel est
envisagé donc intervention d’un psychiatre qui, finalement leur
conseille, chez un collègue spécialiste de la chose (en dentisterie !), l’hypnose
médicale, proposition accueillie avec enthousiasme par Betty, obsédée par ses cauchemars
qui continuent…
Ainsi, ils révèlent les étapes
d’une même étonnante aventure qu’ils auraient vécue durant ce
« trou » de deux heures, embarqués à bord d’un ovni,
« partiellement immobilisés », soumis par des êtres à tête chauve et
mongolienne à divers examens physiques médicaux. « Ce fut une expérience
qui changea ma vie », déclare-t-elle.
Reproduction d'un ET kidnappeur des Hill. |
Mais Betty ne s’est pas laissé démonter par les doutes
affichés à son encontre. C. Sagan (1934-1996), le fameux astrophysicien, qui n’est
pourtant pas tendre pour les abductés, raconte les avoir rencontrés ainsi que
le Dr Simon. Et de reconnaître leur sérieux et leur sincérité ainsi que le
sentiment mitigé devant le fait qu’ils devinrent des « figures
publiques » (A. J. Hynek (1910-1986) les rencontra aussi) dans des
circonstances plutôt bizarres. Le Dr Simon, quant à lui, se porte garant qu’ils
n’ont pas menti. « Les Hill ont eu une expérience qui s’apparente à une espèce
de rêve », précise-t-il.
Les époux Hill en 1965. |
L’histoire
sensationnelle de ce kidnapping d’un couple d’Américains par une soucoupe
volante parut en feuilleton dans la revue « Look ». Un livre à succès
lui assura une couverture mondiale. Elle est considérée comme le facteur
déclenchant de cette vague d’enlèvements présumés par des ETs qui se perpétue
encore aujourd’hui aux Etats-Unis et qu’on range pudiquement dans la catégorie
des contacts du 4ème type.
Barney
mourra subitement d’une hémorragie cérébrale en 1969, ce qui n’empêchera pas
Betty de continuer inlassablement à raconter sa fantastique aventure jusqu’à sa
« retraite » ufologique en 1991 et même après jusqu’à sa mort
survenue en 2004. Elle était devenue une figure emblématique, une
« légende » de l’ufologie américaine.
Arguments pour et contre et possibilités de confusion.
Pour : les « traces » physiques de la « rencontre » à
savoir :
v
Les taches « magnétiques » de la taille d’une
pièce d’un demi-dollar sur le coffre de la Chevrolet atténuées par l’impossibilité physique
décrite selon laquelle une boussole, posée dessus, se mettait à tourner toute
seule (!),
v
Les taches de matières végétales sur les pantalons de
Barney et le dessus de ses chaussures éraflés ; les déchirures de la robe
de Betty et la poudre rose trouvée dessus dont les analyses suggérèrent la
présence d’une « substance biologique anormale »,
v
Les deux montres des témoins arrêtées au moment crucial et
constatées irréparables,
v
Le chien Delsey qui, consécutivement à l’incident,
souffrit de mycoses et de troubles internes.
Schéma des Hill (O) et carte de M. Fish. |
Marjorie Fish (1932-2013). |
Mais en 1981, Daniel Bonneau, astronome français, montre
par interférométrie que Zeta Reticuli est, en réalité, une étoile double !
Les données plus récentes du satellite Hipparcos confirmeront cette particularité.
Ainsi, certains y verront une confirmation du schéma indiquant le lieu exact d’où
provenaient les ET aux gros yeux aperçus par les Hill. D’autres argueront qu’un
tel système stellaire binaire est très peu susceptible, à la lumière des
connaissances astronomiques actuelles, d’abriter des planètes habitables telles
que la Terre.
Aux
dernières nouvelles (2008), un Australien, Brett Holman, ayant accédé aux
données online de l’observatoire
astronomique de Strasbourg (SIMBAD), prétend que 5 étoiles au moins du schéma
de M. Fish doivent être « rejetées » parce que situées à des
distances qui ne sont pas celles prises en compte par l’institutrice. Si bien
que l’image qu’elle en avait déduite en trois dimensions ressemblant au schéma
des Hill n’a plus de raison d’être avec « toute la rigueur scientifique
nécessaire » tel que vu de l’étoile Zeta Retculi. « Goodbye Zeta
Reticuli » titrera-t-il son article paru dans le Fortean Times, n°242 de
novembre 2008.
Confusion :
Note :
1/ Ces détails
du récit conscient des Hill ne furent pas mentionnés dans le livre qui
popularisa cette affaire, à savoir celui de John. G. Fuller, « Le voyage
interrompu », publié en 1966 et traduit en français en 1982. Ils
proviennent de deux mises à jour récentes publiées toutes les deux en 2007
: l’une de l’ufologue scientifique Stanton Friedman, « Captured ! », utilisant
des notes personnelles de Betty retrouvées après sa mort par sa nièce, Kathleen
Marden, elle-même coauteur du livre, et l’autre de Dennis Stacy, ufologue
américain, incluse dans la version « revisitée » de l’enlèvement des
Hill intitulée « Encounters at Indian Head », éditée par Karl Pflock
et Peter Brookesmith, suite à une réunion privée en septembre 2000 au New
Hampshire rassemblant aussi bien pro- que anti-Hill et ayant eu comme invitée
Betty.
Publié dans LE MONDE DE L’INCONNU, n°345, août-septembre 2010.
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