samedi 23 décembre 2017








L’ « enlèvement » de Linda Napolitano 




L’annonce des faits a occupé la une du Wall Street Journal, du New York Times... ; et même de Paris Match : une « abduction », à savoir un prétendu enlèvement par des extraterrestres descendus d’un ovni, en pleine nuit à Manhattan, île emblématique du centre de New York, à la vue de tous, avec des témoins oculaires multiples et des preuves tangibles ! 

Un événement sans précédent s’il se révélait avéré !

C’est le 30 novembre 1989, vers 3 h 15 du matin, qu’une New-yorkaise de 41 ans, tout d’abord identifiée comme Linda Cortile, prétend, après avoir eu le sentiment d’une étrange présence dans sa chambre à coucher où elle repose avec son mari ; puis, gagnée par une peur paralysante, avoir été extraite du lit conjugal par trois petites créatures étrangères, pâles de peau, à grosse tête et aux yeux noirs énormes, et « passée » à travers la fenêtre vitrée et fermée, située au douzième étage d’un immeuble, en ce quartier populeux s’il en est ; elle se sent flotter hors de sa chambre dans les airs, comme engluée dans un rayon lumineux blanc bleuâtre, lévitée et hissée jusqu’à un énorme engin volant non identifié resté en sustentation pendant toute l’opération de rapt au-dessus du building. « Pêchée comme une palourde », selon sa propre expression !

L’ovni, après l’opération effectuée, s’élève, survole le pont de Brooklyn, et finalement plonge dans l’East River !

L'immeuble de Linda; son appartement
(les trois fenêtres)
Après une expérience de temps manquant pendant laquelle elle sera l’hôte de ces mystérieux kidnappeurs venus du ciel, Linda Napolitano, de son vrai nom, mère de 2 enfants et secrétaire réceptionniste dans une imprimerie, reprend conscience au terme d’un périple non spatial (?) mais sûrement « sous-marin » : elle décrira les fonds boueux d’un fleuve qu’elle a vus à travers les hublots du submersible.

Plus tard, après avoir perçu un grand bruit, elle se retrouve dans sa chambre à son point de départ après qu’on l’ait laissée retomber sur son lit d’une certaine hauteur sans que son mari, qui y est demeuré allongé inconscient, « comme débranché momentanément », ne réagisse. Elle quitte le lit et gagne la chambre voisine des enfants qu’elle trouve inertes, respiration à peine perceptible. « Ils ont tué ma famille, pense-t-elle, aussitôt, horrifiée ! » Mais son époux et ses deux fils vont se ranimer brusquement « comme si le courant venait d’être remis ».

Voilà du moins l’histoire incroyable qui a été reconstituée à partir des réminiscences conscientes de cette femme, prétendument soustraite pendant une période indéterminée (quelques heures) à son milieu familial.

Sur le coup, Linda ne se souvient que de cela, le reste devenant « brumeux, fragmentaire ». Or, par un heureux hasard (ou bien est-ce voulu par les kidnappeurs ?), elle est depuis peu en contact avec le plus grand spécialiste américains de ce type d’expérience (abduction), Budd Hopkins, peintre et sculpteur new-yorkais et aussi auteur d’un livre à succès sur la question (1).

Aussi, dès le lendemain de l’incident, elle lui téléphone.

Ne sont-ils pas en relation depuis quelques mois pour des « soupçons » de la part de cette secrétaire new-yorkaise concernant d’autres enlèvements de sa part subis dans sa jeunesse (2) (le premier en 1970, quand elle avait 19 ans) et ceci, suite au premier livre de Budd sur le sujet. Les premières régressions hypnotiques de Linda antérieures à l’enlèvement fameux datent, en effet, de mai 1989. D’ailleurs, ils habitent l’une et l’autre à seulement quelques miles de distance.

L'examen tel que figuré dans le livre de B. Hopkins.
Elle est donc parfaitement préparée à se prêter à de nouvelles séances et B. Hopkins n’osait certainement pas espérer meilleure opportunité de se livrer ainsi, à chaud, à une opération de réactivation de souvenirs inaccessibles (on dit « masqués » comme par un écran qu’il s’agit de lever) liés à une abduction. Les détails oubliés de Linda sont obtenus lors de six séances d’hypnose opérées à partir du 2 décembre 1989 (3 jours après l’incident !), menées par lui-même. Ils décrivent une aventure tout à fait conforme au scénario « abductif » classique avec, notamment, l’incontournable examen médical anatomique subi par la victime, lors de son séjour dans l’ovni. Les étrangers (aliens) lui ont aussi examiné le nez. Elle rapporte qu’ils lui ont parlé dans une langue inconnue et en rapporte même quelques courts extraits d’un langage E.T. présumé. B. Hopkins, est aux anges : il se demande s’il n’a pas découvert le « cas du siècle » (du moins le qualifie-t-il ainsi) en matière d’enlèvement forcé par des extraterrestres !

D’autant que l’affaire va prendre un tour encore plus exceptionnel : normalement ces « expériences en chambre » relèvent de l’intimité de la femme enlevée (l’école ufologique française parle de femmes ravies, ce qui me semble un peu ambigu) ; il faut prendre argent comptant ce qu’elle raconte – en conscience et sous hypnose – et s’en contenter. Or là, grande première, voilà que des témoins de l’opération autres que la victime vont se manifester ! 

Des tiers témoignent, oui mais anonymement

C’est en février 1991, soit plus d’un an après l’incident, que B. Hopkins reçoit une lettre de deux soi-disant témoins affirmant avoir assisté à cette scène surréaliste, d’une femme à moitié nue aspirée par un ovni, en plein Manhattan, en novembre 1989 !

Deux agents de police en patrouille qui rapportent avoir observé quelque chose d’ovale flotter au-dessus de l’immeuble, depuis leur voiture tombée en panne, moteur calé ; quelque chose qui, vu à la jumelle de l’intérieur de leur véhicule où ils étaient assis, s’arrêta juste sous une fenêtre d’où une femme en chemise de nuit vaporeuse blanche fut observée qui s’élevait dans le ciel escortée par des créatures humanoïdes plus petites en direction d’un ovni orange rougeâtre en haut, bleu brillant en bas… stationné là. Ils « virent flotter une femme en blanc, flanquée de trois petites créatures laides », une devant et deux derrière, tout d’abord recroquevillée en position fœtale puis debout, montant de conserve en direction de l’ovni et y disparaissant par le bas. Ils l’a comparent à un ange !

L’ovni, ensuite, passa au-dessus d’eux avant de plonger dans l’East River, derrière le pont de Brooklyn. Aussitôt Budd fait le rapprochement avec le cas de Linda et, à partir de là, va s’ensuivre une histoire passablement extraordinaire, digne d’un scénario de film de SF série B. Un projet était d’ailleurs à ce propos en préparation à partir de l’enlèvement de Linda ; peut-être m’a-t-il échappé ?

Les policiers, dont les lettres et les enregistrements envoyés à B. Hopkins se multiplièrent, prétendirent, en outre, avoir aperçu, non loin de là, l’escorte policière en procession de cinq limousines d’une importante personnalité politique (VIP) de niveau international, en transit en Rolls Royce vers un héliport tout proche. Cet homme sera appelé par Budd : le troisième homme et ne peut en aucun cas n’avoir rien vu. D’où un troisième témoin potentiel (on ne parlera jamais des chauffeurs de l’escorte).

En novembre 1991, ce fut une dame qui révéla avoir assisté à l’enlèvement en novembre 1989, en rentrant d’un pot de départ à la retraite professionnel ; sa voiture a calé aux abords du building de Manhattan. Au début, elle croit d’ailleurs que l’immeuble est en feu tellement le ciel est éclairé. Elle distingue quatre « enfants » en l’air et une femme en blanc montant vers l’ovni en sustentation. Elle croit qu’on tourne un film de science fiction, tant les effets lumineux étaient fantastiques.  L’ovni s’éloigne. Son moteur redémarre. Cette dame fera des dessins de la scène de l’enlèvement, des dessins mis en doute parce qu’ils exigeraient une acuité visuelle au-dessus des capacités humaines vu la distance.

En fait, selon B. Hopkins dans son livre, il y aurait eu au moins sept témoins de l’incident qui se sont manifestés, et il y en aura sept autres plus tard, ce qui portera le total à quatorze ! Les principaux auraient assisté au même événement depuis quatre endroits différents. Hélas aucun n’a jamais souhaité se faire connaître nommément. Aussi doit-on se référer seulement au témoignage de Linda, à celui de Budd et aux lettres, enregistrement audio etc., reçus par ce dernier et qui constituent le matériel de son livre. 

Une « saga extraordinairement complexe »

Car, là où l’histoire se corse c’est quand les deux officiers de police débarquent, selon Linda, chez elle, en février 1991, tout d’abord « pour parler ». Ils veulent rencontrer en vrai la belle « abductée »… Mais leurs rapports vont vite évoluer au point qu’elle va se retrouver kidnappée réellement par de vulgaires terriens, en avril, puis en octobre 1991.

L’un deux, semble même être tombé éperdument amoureux de Linda, la forçant à renfiler dans l’intimité la robe de chambre transparente qu’elle portait la nuit fatidique, puis, devenant entreprenant, il tente de la violer... Une « force mystérieuse » empêche le mécréant d’arriver à ses fins ce jour-là. Mais une autre fois, il passera à l’acte et n’hésitera pas à la séquestrer sur une plage et à la violer ! Sous des prétextes « extraterrestres », (lui aussi, serait un hybride !), ils se mettront même en ménage ensemble !

Assurément à partir de là, certains – dont moi-même - commencent à se poser quelques questions; car, aucune preuve réelle, digne de ce nom, de cet « enlèvement » n’existe en définitive. C’est Linda qui, sous hypnose, décrit, raconte. Et Hopkins, l’auteur à succès, qui transcrit, médiatise : Les pseudo-témoins, eux, ne se manifestent que par personnes interposées, toujours les mêmes : Linda et Hopkins (et même le mari de Linda qui en rencontre un !), et cela au plus tôt seulement 15 mois après les événements ! Linda sombre dans une certaine version du traumatisme de Stockholm quand on la voit après son viol mener une romance avec un des témoins.

Et elle en rajoute, se dit « hybride » entre les humains et les E.T., avec un sang extrêmement rare ! Elle prétend avoir été « tracée » par les ET depuis son enfance et ce, grâce à un implant qui lui aurait été placé dans le nez ; il servait à ses demi-géniteurs étrangers pour la localiser en cas de besoin ! Un médecin aurait constaté le fait sous forme d’une grosseur nasale révélée au toucher et par radio. Il lui aurait été implanté cela en 1976 quand elle avait été à nouveau enlevée. L’implant n’est malheureusement plus là en 1989 parce que les E.T. sont revenus le récupérer et il lui reste, en effet, une petite cicatrice. C’est cette évidence médicale à laquelle fait allusion B. Hopkins.

Linda n’hésite pas non plus à associer sa famille à l’incroyable aventure qu’elle dit avoir vécue : son mari est autorisé à rencontrer un des deux policiers mais pas à dévoiler son identité. Son jeune fils prétend lui aussi avoir été victime d’abduction.

Le « troisième homme »

En fait, on a appris que le troisième homme onusien n’est autre que Perez de Cuellar, ancien secrétaire des Nations Unies, impliqué malgré lui dans cette affaire ; interrogé, il tombe des nues ; mais les E.T. ont-ils effacé les souvenirs de sa mémoire ? Certains le prétendent pour expliquer son amnésie même si cela vient en contradiction avec le fait qu’il aurait été « choisi » comme témoin. L’incident ne serait même pas fortuit ; il aurait été perpétré volontairement sous les yeux du fameux personnage de l’ONU afin de convaincre celui-ci des intentions et des pouvoirs des E.T et afin qu’il rapporte l’incident à l’ONU. En particulier, ceux-ci auraient voulu lui signifier qu’ils sont là pour, éventuellement, « rétablir la paix mondiale ». En fait, « il y aurait eu ce jour-là une tentative des ET pour infléchir le destin du monde notamment en matière d’environnement », tentative qui a échoué !

B. Hopkins ira même en 1993 jusqu’à provoquer sa propre rencontre avec le secrétaire des Nations Unies à l’aéroport de Chicago et lui demander s’il était à New York en novembre 1989. Finalement, irrité, il aura cette réponse : « Je ne suis pas l’homme que vous cherchez ! »

Devenue pendant 10 ans la coqueluche des médias et l’invitée vedette des réunions ufologiques en tant que « reine des abductées », Linda rentrera ensuite dans l’anonymat. Elle aurait dit à B. Hopkins : « Si j’ai seulement eu une hallucination en cette nuit de 1989, comment les psychiatres peuvent-ils expliquer que tant de gens ont observé celle-ci » ?

Budd Hopkins écrit : « L’importance de ce cas est virtuellement incalculable car il supporte fortement la réalité objective des enlèvements ovnis et la validité de la pratique hypnotique régressive ».

Arguments pour et contre et possibilités de confusion.

Pour : l’apparente sincérité et même le désarroi maintes fois affiché de Linda. La preuve de l’affabulation de Mrs Napolitano n’a jamais été apportée, ni la connivence avec Hopkins. Mais, peut-on se demander, pourquoi Linda s’est-elle toujours opposée à porter plainte auprès de la police  pour des actes à caractère nettement délictueux, dirigés contre sa vertu, sa famille, par des humains faciles à appréhender ? On aimerait bien savoir.

Les dernières nouvelles de Linda Napolitano nous viennent de début 2010 : elle n’est pas revenue sur son histoire ; tout au contraire, elle semble encore se souvenir dans les moindres détails de son expérience originale (3).

Malgré ses côtés nettement rocambolesques, notamment dans ses prolongements, l’abduction de Linda est loin d’être une des plus scabreuses de celles qui ont proliférés ces dernières années en Amérique.

Contre : Les gardiens de l’immeuble de Manhattan, présents 24 h sur 24, n’ont rien vu. Les milliers d’autres témoins potentiels de ce quartier populeux sont, eux aussi, restés muets. Le pouvoir « d’invisibilité sélective » des E.T. invoqué manque d’arguments pour convaincre.
Le fait que Linda était en contact avec B. Hopkins depuis avril 1989 a été pris aussi, bien sûr, comme un argument à l’encontre la véracité de son témoignage.
Une enquête à l’héliport de Dowtown a montré qu’il n’y a pas eu de transfert de personnalité, cette nuit-là. Une autre enquête à la société d’escorte ne donne rien sinon qu’elle n’emploie aucun personnel aux prénoms connus des deux témoins invisibles. Si vraiment l’arrêt du moteur du véhicule avait bien motivé un retard dans le timing de l’opération, la société d’escorte en aurait gardé la trace Or rien à cette date.

Confusion : seule l’hypothèse de l’affabulation peut être, hélas, avancée ici : Linda serait une « sociopathe ». Le psychiatre J. Mack, spécialisé dans les expériences d’abduction, l’interviewa et la déclara crédible et mentalement stable. Nous ne pouvons que nous en remettre à lui.


Notes et références :

1/ Le livre où B. Hopkins raconte par le menu l’enlèvement de Linda s’intitule : Witnessed, The True Story of the Brooklyn Bridge UFO Abductions et fut publié par Pocket Books, New York en 1996. Il ne fut pas hélas traduit en français. Les photos et dessins reproduits ici sont tirés de ce livre.
B. Hopkins est aussi l’auteur de « Enlèvements extraterrestres : les témoins parlent » (traduction de Missing Time), publié aux Editions du Rocher, Collection Age du Verseau 1988. Il est décédé en 1911.




2/ Déjà, à l’âge de 8 ans, elle aurait fait une « rencontre avec une étrange figure ».

3/ Source, Saucer Smear, Volume 57, N°3, 2 avril 2010. Et l’appréciation ne vient pas d’un pro-abductionniste.



Publié dans LE MONDE DE L’INCONNU, n°347, octobre-novembre 2010.













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