KLEE, l’indicatif TV revenu de nulle part
« Les civilisations avancées de l'espace utiliseront un jour les
signaux de télévision pour contacter l'humanité », prédisait, en 1975, le
grand astronome et astrophysicien américain de l'Université Stanford, le Dr
Ronald N. Bracewell (1).
Et d'ajouter: « A mon avis le message nous sera envoyé par
l'entremise de la télévision parce qu'il est plus aisé d'échanger des idées par
des signes et des images. Ce seront probablement des signaux géométriques que
les extra-terrestres enverront comme test pour savoir s'il existe de la vie
intelligente sur la Terre ».
L'ennui, chez les scientifiques, fussent-ils
aussi illustres que le Dr Bracewell (1921-2007), c'est qu'ils sont certes les
champions en matière de prospective technologique et les maîtres dans le
domaine de la futurologie à long terme, mais ils demeurent bassement
anthropomorphiques dès qu'il s'agit d'imaginer des comportements, des
intentions, des lignes de conduite émanant d'intelligences autres que la nôtre.
Dans le cas précis qui nous occupe, il est
question de déterminer quelle forme pourrait prendre le message que des êtres « étrangers »
auraient décidé de transmettre par le biais de la télévision. Et là l'idée de
l'astronome américain, à savoir un message formé d' « images
géométriques », paraît simpliste pour ne pas dire naïve.
Beaucoup plus grisante est la démarche qui
consiste à se demander comment « ils »
interféreraient avec nos propres émissions pour se signaler à notre attention
sans déclencher la vague de panique si souvent redoutée.
Cette manière de raisonner est d'autant plus
féconde qu'elle permet d'envisager que de tels messages aient pu déjà nous
parvenir sans que quiconque, sur Terre, ne les ait reconnus comme tels !
Plutôt que d'ajouter foi à quelques
relations peu crédibles selon lesquelles des entités étrangères seraient
apparues sur des postes TV isolés et y auraient transmis un message - le cas se
serait produit, selon le St Petersburg Times du 28
Novembre 1977, à Southampton (Grande Bretagne), penchons-nous ici sur le cas
d'une anomalie TV observée autour des années soixante, oubliée depuis, mais qui
pourrait constituer la manifestation du message tant attendu et pas assez
explicite pour emporter la conviction des spécialistes.
Du Texas à l’Angleterre
Voici les faits, en un premier temps. Jusqu'en
1950, il y avait à Houston, Texas (USA) une station de télévision dont la
marque d'identification était constituée par le sigle de 4 lettres: KLEE.
C'est sur le même principe que nos trois
chaînes TV françaises sont désignées respectivement par TF1, A2, FR3 et autre
M6. Comme il est coutume, pendant les périodes creuses ou la station ne
diffusait aucune émission (2), elle transmettait tout de même une mire destinée aux réglages que doivent
nécessairement effectuer les professionnels en dehors des heures de programmes.
Ainsi, la mire de la station comportait-elle, en grosses lettres sur l'écran,
l'inscription KLEE TV.
En juillet 1950, la station texane fut
revendue à un groupe concurrent qui la débaptisa en « KPRC TV ».
Automatiquement, la mire marquée « KLEE TV » fut remplacée et
alors, selon toute logique, elle n'aurait plus dû jamais réapparaître en direct
ou autrement sur aucun appareil récepteur de télévision et ceci au Texas,
certes, mais aussi ailleurs, à plus forte raison.
Or, justement de façon tout à fait imprévue
- voire impossible - des images de cette mire furent captées plusieurs années
plus tard, non seulement dans la banlieue de Houston, mais dans des lieux aussi
éloignés que le Wisconsin, le Connecticut, le New Jersey, l'état de New York et
même en Angleterre !
C'est ainsi que des particuliers tels que
Charles W. Batley de Londres, H. C. Taylor de Morecambe, Lancashire,
spécialiste des réceptions TV longue distance et des professionnels de
l'Atlantic Electronics Ltd de
Lancaster, signalèrent le fait à plusieurs reprises à l'automne 1953 et au
début de 1954.
Une photo du signal parasite |
Pas de doute, bien qu'ayant subi certaines
distorsions, les lettres étaient tout à fait reconnaissables et leur
disposition correspondait exactement à celle qu'elles occupaient sur la mire de
KLEE
transmise jusqu'en 1950 et qui n'avait plus été diffusée depuis plus de 3 ans!
Le phénomène continua à être rapporté pendant plusieurs mois... même des années puisqu'en février 1962, une téléspectatrice de Millwaukee (Wisconsin) vit apparaître sur son écran la fameuse inscription KLEE TV.
Le phénomène continua à être rapporté pendant plusieurs mois... même des années puisqu'en février 1962, une téléspectatrice de Millwaukee (Wisconsin) vit apparaître sur son écran la fameuse inscription KLEE TV.
Mrs Rosella Rose, c’était son nom (!), relata
: « C'était le matin, entre 7 et 7 h 30, avant de partir au travail, je
tentais de capter une émission sur ma télé. Soudain, sur l'écran, apparut
l'inscription KLEE TV. Or, je n'avais jamais entendu parler de cette station
et je ne savais pas d'où cela pouvait provenir. L'image clignota plusieurs fois
et disparut ».
Un « différé » de plus de 11 ans
totalement incompréhensible. Une « absurdité technique selon les
techniciens britanniques de la BBC
et ce, à plus d'un titre.
Absurdité technique ?
Tentons d'expliquer simplement pourquoi la
réception différée d'un signal de télévision sur ainsi plusieurs années, et à
une telle distance de l'émetteur, peut constituer « une des plus étranges
énigmes des temps modernes » ; une « impossibilité
technologique », surtout à une époque où aucun satellite de communication
n'était officiellement installé dans le ciel et où les liaisons
transatlantiques étaient laborieuses.
Tout d'abord, la nature même des ondes TV dites
de hautes fréquences (longueur 1 à 10
m , fréquence 30 à 300 mégahertz selon les pays) exclut
complètement l'éventualité d'un « signal vagabond » ricochant sur les
couches supérieures de l'atmosphère; l'hypothèse évoquée d'un train d'onde
errant à réflexion multiple est donc une utopie.
Les ondes TV se propagent, en effet, en
ligne droite et traversent normalement l'atmosphère, s'échappant directement
dans l'espace, si bien que, compte tenu de la rotondité de la terre, il a fallu
les rabattre vers le sol afin d'atteindre et « arroser » une plus
vaste zone ; comme, ainsi, au delà de l'horizon optique le champ décroît
très vite, on a dû disposer sur le territoire visé de hautes antennes relais
pour augmenter la portée de la diffusion et, plus tard, placer des satellites
en orbites destinés au même effet. En 1950, il n'y en avait pas que je sache.
Qui n'a pas, par ailleurs, remarqué que les
ondes porteuses de TV ont un champ de transmission extrêmement limité et qui
n'en a jamais pâti (3), à l’époque héroïque des premières réceptions TV, en suivant
un film où les images étaient désagréablement déformées ?
Bien que les ondes TV soient plus
pénétrantes que les ondes radio -lesquelles ont de plus grandes longueurs
d'onde -, elles butent sur les obstacles matériels solides, créant de
véritables « zones d'ombre ». C'est bien connu. Et la propagation
indirecte par réflexion, peu importante au demeurant, ne peut pas être
exploitée techniquement, sauf cas particuliers, à cause des effets d'échos ou
de distorsion. C'est pourquoi les relais sont de complexes systèmes récepteurs-
réémetteurs et non pas de simples miroirs réfléchissants.
Quant à la réflexion des signaux TV sur les
couches gazeuses de l'ionosphère, elle ne se produit pratiquement pas,
contrairement à celle des ondes radio qui, elles rebondissent dessus et peuvent
ainsi faire le tour de la Terre
plusieurs fois de suite, provoquant de la sorte des messages « errants ».
Ce type de phénomène de ricochet est donc totalement exclu en télévision.
De la sorte, les ondes TV traversent la
coquille gazeuse de l'atmosphère terrestre et se perdent alors dans l'espace. C’est
ainsi qu’on a pu dire que d’éventuels extraterrestres sont avisés de nos
programmes de télé depuis plus d’un demi-siècle.
Pour expliquer le retour incongru du signal KLEE
TV, on a bien émis l'hypothèse que les ondes porteuses avaient pu être
renvoyées vers la Terre
dans des conditions atmosphériques particulières. De l'avis des experts, c'est
possible mais peu probable.
De cette manière, justifierait-on par des
circonstances climatiques exceptionnelles que le fameux sigle eût pu être
réceptionné à une distance aussi lointaine du point d'émission que
l'Angleterre ? Difficile déjà à admettre.
Problème du décalage
Mais le mystère reste entier pour ce qui est
du « décalage temporel » enregistré entre le moment de la dernière
diffusion (1950) et celui de la première « réception impossible » en
1953 ! Car une autre propriété des ondes TV, c'est qu'elles se propagent à une
vitesse proche de celle de la lumière ; donc, même si elles subissaient des
réflexions successives autour du globe terrestre - et les chances en sont
naturellement infinitésimales, on l’a vu -, elles seraient captées avec un
retard qui ne saurait excéder quelques dixièmes de seconde !
Par conséquent, que le dernier signal KLEE
TV ait pu errer entre ciel et terre de façon captive, pendant trois ans
et même plus, répercuté alternativement au sol et sur les couches supérieures
de l'atmosphère comme une mouche enfermée dans une bouteille, relève de la pure
utopie ou plutôt de la plus grande stupidité. D'ailleurs, si par extraordinaire
cela s'était produit, la mire aurait dû être régulièrement interceptée entre
1950 et 1954 ; or, elle ne l'a pas été... Ce retour à l'envoyeur fortuit
après tant de déviations aurait dû aussi générer des déformations telles
qu’elles auraient rendu la mire non identifiable.
Une autre conjecture avancée en la
circonstance pour solutionner le problème posé est que les ondes TV porteuses
du fameux message KLEE TV aient traversé l'ionosphère (comme toute onde TV qui se
respecte), se soient échappées dans l'espace normalement et réfléchies
accidentellement sur « un corps céleste inconnu » propice à cela,
situé à quelques années lumière de distance de la Terre. On peut toutefois
et on doit se demander lequel. Et là les réponses ne se bousculent pas au
portillon.
A propos de KLEE, un ingénieur de la BBC (British Broadcasting Corporation)
déclarait : « Il est physiquement impossible que ces ondes de télévision soient
allées rebondir par hasard sur quelque obstacle céleste situé à une si grande
distance. Nous sommes confrontés à un phénomène qui défie complètement nos
connaissances actuelles sur les transmissions TV ».
Autre impossibilité !
Mais il y avait pire que cela pour inscrire
cette énigme au livre de l'amphigourique. Car, quand bien même la réflexion
aurait eu lieu sur un corps inconnu de l'espace, il était de surcroît hors de
question à l'époque que, émis par une station TV américaine, le message puisse
être capté et rendu « télévisuellement » directement par un appareil
récepteur britannique puisque les deux pays n'utilisaient pas le même système
de transmission.
Les caractéristiques techniques des images
transmises par l'un et l'autre des pays étaient totalement incompatibles :
polarité, balayage horizontal et vertical (nombre de lignes), fréquence,
amplitude de modulation, etc. Même aujourd'hui, lorsque des émissions américaines
en direct sont relayées par satellite pour être diffusées sur le continent
européen, cela nécessite une opération intermédiaire effectuée par un
convertisseur électronique pour les rendre compatibles et intelligibles à nos
appareils européens. La tendance actuelle (4) est à la vente de postes TV qui
fonctionnent selon les deux systèmes (PAL et SECAM) mais, en 1955, ils
n'étaient pas encore inventés !
Restait alors la seule solution admissible cadrant
réellement avec les faits qui semblent indubitablement établis, à savoir dernière
émission du sigle KLEE TV en juillet 1950 et réception à partir de 1953 dans
différentes régions de la planète : la récupération par « quelqu'un »
du signal KLEE pendant la durée de son émission, son enregistrement, son
stockage quelque part pendant plusieurs années et sa réémission en différé,
reconverti ou non. Mais dans quel but et par qui ?
Telles sont les questions clés sur
lesquelles repose désormais le mystère. Deux possibilités ont été évoquées: les
plaisantins et le contact extra-terrestre.
Canular ?
La première - et c'est malheureusement celle
à laquelle s’arrêtèrent les autorités, bien embarrassées par cette histoire -
ne voit dans l'affaire du message retardé qu'une farce de radio-TV amateur
isolé ou non.
Le fait que la réception pirate signalée à
Milwaukee ait eu lieu à peu près à la date où les stations TV non
professionnelles - locales dirions-nous aujourd'hui - obtenaient l'autorisation
d'utiliser les ultra-hautes fréquences (UHF) pour leurs diffusions aux USA, a
largement conforté cette idée.
Une diapositive de la mire KLEE
TV avait-elle été gardée en souvenir par un opérateur, TV amateur à ses
heures, et n'avait-il rien trouvé de plus intelligent que de la réémettre
histoire d'enflammer les imaginations de ses contemporains ? La malignité
humaine, certes, n'a pas de limites et personne ne peut savoir où elle va se
loger. Mais dans ce cas, le jeu en valait-il la chandelle ?
D’autre part, l’idée d’un seul bouc
émissaire a été contestée parce qu’il a fallu disposer d'un matériel fort
onéreux pour réussir cette tromperie et on voit mal ce qu'elle a pu rapporter à
son auteur ; on a parlé d’un groupe anglais (non identifié) qui, à
l'époque, aurait tenté ainsi de faire homologuer l'invention d'un système
(lequel ?) de transmission TV longue distance. Sinon la satisfaction de
constater avec quel sérieux l'affaire fut considérée par les meilleurs
spécialistes anglo-saxons en matière de détection de signaux suspects en
provenance de l'espace. Surtout s’il s’agissait d'une pub pour la marque KLEE…
NEX) !
Il y avait, en effet, encore une autre hypothèse
pour expliquer la réception différée du sigle KLEE TV et elle est
directement en rapport avec les déclarations de R. Bracewell, rapportées
ci-dessus mais fut traitée beaucoup plus confidentiellement.
Message
extraterrestre ?
N'est-ce pas excitant de penser que ce « message
TV impossible » ait pu constituer le test psychologique d'intelligence
évoqué par l'astronome américain ?
C'était le Dr Frank Drake, de
l'observatoire astronomique de Green Bank et fondateur du projet OZMA,
une des premières tentatives élaborées par les Etats Unis dans le dessein de
détecter les signaux intelligents émanant de l'espace.
Le Dr
Drake, à l'époque reconnu comme le plus grand expert du monde sur ces questions
de contacts interstellaires, fut l'hôte ni plus ni moins du ministère
britannique de la Défense. Pour
parler, en autre, du mystère KLEE ?
Finalement, le rapport de Frank Drake sur
cette affaire, autant qu'on puisse en savoir, conclut à la mystification en une
variante de ce qui a été indiqué plus haut. Selon Drake, les auteurs de cette
farce seraient « deux hommes d'affaires anglais qui auraient voulu faire
croire que les images TV pouvaient traverser l'Atlantique ». A quelle fin ?
Cela n'a pas hélas été divulgué.
Bien entendu, jamais personne ne fut informé
des éléments qui avaient amené F. Drake (5) à conclure dans ce sens.
De son côté, le projet OZMA fut ajourné sans
aucun résultat positif. D'autres opérations similaires furent lancées et elles
avortèrent toutes. Le projet SETI - search for extraterrestrial
intelligence = recherche d'intelligences extra-terrestres - est toujours en
cours, n'ayant encore rien donné à ce jour (2009). Il est de plus en plus
contesté dans sa forme plutôt que dans son principe : les extraterrestres
ne seraient pas forcément des accrocs de la communication
électromagnétique !
N'avons-nous pas reconnu le message contenu
implicitement dans le retour vers la
Terre de la mire KLEE TV ? Les responsables de cet écho
insolite - mais pas unique - basés à quelques années lumière de la Terre , ont-ils placé trop
haut la barre d'intelligence susceptible de retenir leur attention
(périphrase qui peut cacher des intentions plus inquiétantes) et ainsi, en
ont-ils conclu que notre planète est encore sans intérêt pour eux, les créatures
y vivant étant incapables d’identifier et de déchiffrer la signification de leur
subtil appel ?
C'est une éventualité cocasse qui me plaît
énormément et que j'aimerais voir envisager avec le plus grand sérieux même si
celle-ci heurte quelque peu notre orgueil d'Homo Sapiens...
Notes et références :
1/ Auteur, notamment, de The
Galactic Club ; Intelligent Life in Outer Space, Stanford Alumni
Association, Stanford, Californie, 1974.
2/ Les chaînes de l’an 2000 diffusent aujourd’hui
tant de programmes enregistrés et de rediffusions que l’on ne voit plus guère
les « mires ».
3/ Je parle d’un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas
connaître ! Quand, par exemple, mon père devait se rendre au fond du
jardin de la maison familiale pour modifier l’orientation de l’antenne TV afin
que nous puissions continuer à suivre une émission !!
4/ Dans les années 1990.
5/ Frank Drake, consacre 5 pages à l’affaire KLEE dans le chapitre 12 qu’il a écrit
pour le livre collectif UFO A Scientific
Debate, édité par C. Sagan et T. Page, aux Cornell University Press, Ithaca
et Londres, en 1972.
Chapitre sur les « capacités et les
limitations des témoins » (sic) des phénomènes ovnis et similaires ! A
noter qu’il omet de mentionner son implication personnelle dans l’affaire, ce
qui dénote une mentalité disons assez équivoque.
Paru initialement in LE MONDE INCONNU,
N°82, avril 1987 (mensuel disparu en 1993).
Republié en abrégé dans DIMANCHE SAÔNE & LOIRE,
29 juillet 1990.
Dernière mise à jour le 3
décembre 2009.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire