Le mystère des « échos
retardés »
Il est intéressant, selon moi, de les examiner comme
des indices qui pourraient accréditer l’idée que des extraterrestres, autres
êtres pensants que nous-mêmes vivant ailleurs dans l’univers, auraient tenté un
jour, en les provoquant, de faire un test sur notre capacité d’intelligence. Histoire
de détecter notre niveau intellectuel!
Hélas, il se pourrait bien que nous ayons été bel et
bien recalés à l’examen.
C'est en juillet
1927 qu'un jeune radioamateur norvégien, Jorgen Hals, en essayant d'intercepter
sur son poste à ondes courtes des messages en provenance d'une station radio
hollandaise, signala qu'il enregistrait des « échos » inexplicables.
Professeur C. Strömer |
Aussitôt, il en
parle au Professeur Carl Strömer (1874-1957), de l'Université de Oslo, qui
vérifie le phénomène et s'étonne du fait que des signaux, émis les uns après
les autres (toutes les 5 secondes dans le cas précis), même s'ils rebondissent
sur un obstacle céleste, ne mettent pas toujours le même temps pour en revenir.
Car, en effet, les « échos » ne sont pas réguliers et leur retard
varie de 3 à 30 secondes.
Aucune explication
d'échos classiques n'est satisfaisante, à moins de supposer que le miroir
réfléchissant se situe entre 500 000 et 5 millions de kilomètres et se déplace
entre ces bornes à une vitesse quasi infinie. A titre indicatif, une
répercussion radio sur la Lune
induit un écho décalé de 2,5 secondes.
De plus, les échos
norvégiens qu'on corrobore en 1928 à Oslo, Londres et Eindhoven, ont une autre
caractéristique absurde: ils ne s'atténuent pas avec le retard. C'est même le
contraire qu'on constate.
B. Van Der Pol |
Tous ces problèmes
n'empêchent pas le Professeur C. Strömer et son collègue B. Van Der Pol (1889-1959)
de publier la théorie lénifiante selon laquelle c'est un phénomène naturel qui
crée les échos, à savoir des courants de particules chargées, soumis à
l'influence du champ magnétique terrestre (?).
Et, bien
qu'observés encore en 1929 par des Français en Indochine, lesquels constatent
une cessation complète des E.L.R. durant une éclipse de Soleil et par O. G.
Villard, de l'Université américaine Stanford en 1932, le mystère est oublié
pendant plus de 30 ans.
Un break de trois décennies
Jusqu'en 1960, date
à laquelle la question de la vie extra-terrestre devint d'une brûlante
actualité avec le démarrage de la conquête spatiale.
C'est alors que
l'illustre Professeur R.N. Bracewell (1921-2007), de Stanford, lui aussi,
exhumant le rapport de Strömer sur les E.L.R., suggéra audacieusement que ce
pouvait être une sonde interstellaire stationnaire présente quelque part dans
le système solaire qui était responsable des échos. Elle aurait été mise là par
une civilisation lointaine pour contrôler les signes d'intelligence sur la Terre.
Sans égard à la
notoriété de son auteur, cette hypothèse ne souleva pas l'enthousiasme de la
communauté scientifique. Il fallut qu'un Ecossais, Duncan Lunan, astronome
(amateur ?) et écrivain de science-fiction (!), prenne l'idée de Bracewell
au sérieux, qu'il affirme avoir décodé le message des E.L.R. et qu'il vienne
exposer ses résultats devant les membres médusés de la Société Interplanétaire
Britannique (BIS), pour secouer la somnolence des esprits.
L'interprétation du
message était résumée en ces termes: « Je viens de l'Etoile Epsilon du
Bouvier, à 103 années lumière de votre planète autour de laquelle je tourne
depuis 13 000 ans. Répondez ! »
Malgré son côté exceptionnel - n'était ce pas
l'annonce du premier contact avec une civilisation extra-terrestre ? - cette
traduction du message des E.L.R., selon D. Lunan, parut « très
convaincante » à beaucoup d'astronomes. C'est que D. Lunan avait fait un
travail remarquable et ingénieux de décryptage à partir des séquences de
retard des échos de 1928-29. Elles lui avaient permis de reconstituer la carte
stellaire de la constellation du Bouvier.
Et il concluait que
c'était de là que venait la sonde émettrice d'échos et qu'elle faisait partie
d'une flottille d'engins similaires, envoyés vers « des soleils
prometteurs », afin d'y chercher une preuve de vie et surtout un « nouvel
habitat », la planète d'origine devenant inhospitalière du fait d'un
soleil défaillant.
La proposition de Duncan
Lunan (1) était de reproduire les séquences d'échos sur Terre « et la
sonde, reconnaissant le code, se mettra à communiquer véritablement avec
nous ». Il s'agissait ni plus ni moins que de répondre au S.O.S. d'une
civilisation E.T. en détresse.
Plusieurs prétextes
s'opposèrent à ce projet.
Tout d'abord, il
n'est pas certain que la population terrienne aurait pris le risque de réagir à
un tel appel au secours. Ensuite, parce que les données astronomiques de
l’époque infirmèrent que la distance à la Terre d'Epsilon du Bouvier, pierre angulaire des
diagrammes de Lunan, était bien de 103 années lumières. On trouva 203 ! Et
aujourd’hui, on la situe à 209,75.
De plus, des chercheurs
indépendants prenant pour bases d'autres séquences de E.L.R. trouvèrent, qui
une carte de la constellation du Lion située à l'opposé du ciel (Ilyev), qui
aucune carte céleste du tout (Lawton), ce qui redonna de la vigueur aux
partisans de l'explication naturelle.
Et on en resta là. Le
hasard avait bien servi le petit astronome écossais ou plutôt « trop
d'imprécisions et de degrés de liberté », terme édulcoré pour dire qu'il
s'était fourvoyé.
Et les E.L.R.
étaient dus, comme on l'avait subodoré, à des ricochets sur des nuages de gaz
fortement ionisés de la basse atmosphère qui se comportent comme de « gigantesques
tubes ampli radio ».
Certaines mauvaises
langues trouvèrent curieux, tout de même, que si les E.L.R. étaient si naturels
que cela, on envoie copie du rapport final d'étude de Crawford/Sears &
Bruce (2) à tout l'état-major des armées américaines et au ministère de la Défense nationale.
De toute façon, il
n'y avait donc plus à s'étonner des E.L.R., même si 92 radioamateurs les
mentionnèrent entre 1968 et 1971. Quant à la sonde, soit elle n'existait que
dans l'imagination de Duncan Lunan, soit elle attend toujours notre réponse,
croyant que la Terre
est peuplée de créatures obtuses et myopes puisqu'elles regardent si loin en
négligeant une évidence rapprochée (3).
Pour
en savoir plus :
A noter qu’un curriculum vitae de Duncan Alasdair Lunan
datant de 2007 (lui-même est encore en vie étant né en 1945), qu’on peut
trouver sur Internet, ne donne même pas la référence de ses écrits sur le
message E.L.R. qu’il avait prétendu avoir décodé.
Il faudrait se procurer une « revisitation » de
cette affaire qu’il a effectuée dans le numéro de mars 1998 de Analog
Science Fiction and Fact, volume 118 n°3, titré : « Epsilon
Boötis Revisited », ce que je m’apprête à faire à la date de la remise à
jour de ce texte. Depuis, ce travail été effectué avec l’aide de D. A. Lunan lui-même
et publié dans LE MONDE DE L’INCONNU de février-mars 2011 (n° 48).
Cette revue est encore disponible à l’achat version papier sur http://www.zepresse.fr.
2/ F. W. Crawford, D. M. Sears, R. L. Bruce, « Possible
observations and mechanism of very long delayed radio echoes », Journal of
Geophysical. Research, section A = Space Physics, vol. 75, no. 34, pages 7326 à
7332, décembre 1970.
3/ Ce constat n’est-il pas applicable au phénomène ovni ?
Publié in LE COURRIER DE SAÔNE & LOIRE DIMANCHE
du 25 mai 1986.
Dernière remise à jour le 4 janvier 2010.
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