L’
« affaire » de Cergy-Pontoise
Cet enlèvement présumé par les extraterrestres d’un
jeune de la banlieue parisienne fit grand bruit à l’époque. Toute la presse
française s’en fit l’écho (« Disparition du 3ème type à
Cergy », Libération,
« Quand passent les ovnis : la disparition de F. Fontaine », Le Progrès de Lyon, « Le jeune
homme enlevé par des ovnis », Le
Dauphiné Libéré, etc., etc.) et même des journaux étrangers.
Voilà ce qu’en di(sai)t (en 2007) mon amie suisse R.
M. : « Franck Fontaine, un jeune homme âgé de 18 ans
au moment des faits, et deux compagnons, Jean-Pierre Prévost, 26 ans, et
Salomon N’Diaye, 25 ans, s’affairaient aux premières lueurs de l’aube du 26
novembre 1979, à charger leur voiture de vêtements qu’ils allaient offrir à la
vente sur des marchés des environs: un travail de routine pour ces trois amis.
C’est alors qu’une étrange sphère blanche et aveuglante descendit du ciel et
fonça sur la voiture. Lorsque Jean-Pierre et Salomon retrouvèrent leurs
esprits, Franck avait disparu. Ce n’est que le 3 décembre que Franck réapparut,
même endroit, même heure, même sphère blanche. Il avait bel et bien été abducté
», c’est à dire la victime d’un kidnapping céleste, selon la terminologie
usuelle.
C’est
effectivement ce qu’il en reste dans les annales ufologiques officieuses
françaises mais S. Allix, dans son livre récent sur les
« abductions » (voir ma chronique du 01/07/2007), ne dit pas un mot
sur F. Fontaine…. Pourquoi ? On verra que des doutes sérieux pèsent sur la
véracité de cette histoire. Le GEPAN, qui a enquêté officiellement
sur l’affaire, même s’il ne prononcera jamais le mot de canular (ce que ne se
prive pas l’Américain J. Clark dans son encyclopédie UFO) n’est pas tendre en
parlant d’un épisode « manquant totalement d’intérêt en terme d’étude
scientifique des aspects physiques des phénomènes aérospatiaux non
identifiés » (sic) : un langage ampoulé pour masquer un embarras
certain ?
Mais
n’anticipons pas ; examinons plus en détail les faits. A 5 h du matin, le 26 novembre 1979, le commissariat
de Pontoise décrocha le téléphone pour entendre quelqu’un crier :
« Un de mes amis vient d’être emporté par un ovni » ! C’était
Salomon, qui, répondant à l’injonction de son ami Jean-Pierre : « Va
appeler les flics ! Dis-leur ce qui se passe. Magne-toi ! »,
signalait la disparition de Frank de la Ford
Taunus dans laquelle il avait pris place pour aller au devant
d’un phénomène lumineux. Lors des préparatifs qui devaient les emmener au
marché de Gisors où ils voulaient tenir un stand de ventes de vêtements (jeans
et pullovers) pour une maison de gros, Frank avait été désigné pour faire
chauffer le moteur après démarrage du vieux break Ford par poussage (démarreur
défectueux). Or c’est pendant cette opération que le trio avait aperçu dans la
nuit étoilée « un objet lumineux bizarre », qui n’éclairait pas le
paysage, descendait lentement en direction des champs au-delà des immeubles. Le
chargement en cours du coffre avait été interrompu et tandis que Jean-Pierre et
Salomon regagnaient leur duplex qu’ils partageaient pour y récupérer un
appareil photo, Frank avait démarré en trombe avec ces mots : « Je
vais voir le bidule de plus près, vous me retrouverez en haut » (de la
rue). De la fenêtre de l’appartement, ses deux compagnons jettent un coup d’œil
et voient la Ford
arrêtée sur la route à gauche : son pot d’échappement ne fume plus.
« Le con, il a calé ! », s’exclame Jean-Pierre et ils se hâtent pour
le rejoindre.
Ils traversent la pelouse et trouvent la voiture
arrêtée non plus à gauche, mais sur le côté droit, en biais. Une énorme sphère
blanc laiteux de 2 ou 3
mètres de diamètre l’enveloppe et 3 ou 4 autres petites
sphères virevoltent autour. Ils observent le phénomène et voient arriver du
ciel un cylindre « cotonneux » dans lequel la grosse sphère est
« aspirée » puis le « tuyau » disparaît en une fraction de
seconde. Ils s’approchent de la voiture : elle est vide ; Frank a été
enlevé !
Suite au coup de fil, la police arrive sur les
lieux… et les gendarmes de Cergy-Pontoise vont interroger les deux rescapés
jusqu’à 18 h : ils ne croient pas à cette histoire d’ovni et craignent
plutôt que tout soit inventé pour dissimuler soit une affaire de meurtre ou
bien quelque chose de plus trivial : aucun des jeunes n’a son permis de
conduire, les vêtements à vendre ne sont pas en règle…
Pendant 8 jours, la presse française va bruisser de
communiqués sur la disparition persistante de F. Fontaine, jusqu’au 3 décembre
quand il sonne à 4 heures du matin à la porte palière de l’appartement de
Salomon : ni affamé, ni assoiffé (des analyses de sang ne révéleront
aucune abstinence, aucun manque de sommeil…), il dit s’être retrouvé dans le
champ de choux bordant l’endroit où était stationné la Taunus et croit que
celle-ci a été volée ; il ne se souvient de rien sur le coup mais peu à peu il
va rassembler ses souvenirs (en présence d’une équipe d’ufologues accourus),
corroborer le récit de ses camarades et narrer une étrange aventure !
Celle-ci
fera la une de Paris Match du 21 décembre 1979 avec l’interview de Frank et
elle figure dans le livre (1) qu’en tira l’ufologue et écrivain de science
fiction (bien précisé par J. Clark) J. Guieu qui rencontra le trio dès le 4
décembre et proclama : « J’y crois ! ». Il défendra
jusqu’au bout bec et ongles qu’il y a eu là à Cergy-Pontoise une intervention
des extraterrestres … et ce, malgré des prolongements douteux et même un
épilogue qui laisse supposer le contraire.
Frank Fontaine à l'époque. |
Frank Fontaine, la vedette initiale de l’affaire de
Cergy-Pontoise, disparu le 26 novembre 1979 et réapparu le 3 décembre au matin
quasi amnésique, rendu dès le 4 janvier 1980 dans le fief du groupe ufologique
(IMSA (2)) à Aix-en-Provence, va, peu à peu, sortir d’une torpeur dormitive
consécutive (?) au trajet automobile depuis Cergy pour raconter l’étrange
aventure qu’il a « vraiment » vécue (sic).
Dessin de Haurrio. |
Ce
qu’ignore Jimmy Guieu (ou alors est-ce la raison de la sortie précipitée de son
livre en avril 1980 ?), c’est que J.-P. Prévost prépare de son côté un
ouvrage intitulé « Le Grand Contact » où il traite l’écrit de J.
Guieu d’ « affaire
commerciale » et insinue que l’invitation à Aix des protagonistes de
l’affaire n’était pas une opération désintéressée…
Le
livre de J.-P. Prévost sort en décembre 1980, chez l’éditeur bien connu Michel
Moutet : il est surtout consacré aux messages télépathiques d’Haurrio qui
est apparu à Jean-Pierre pour la première fois près d’un tunnel désaffecté, à
Bourg-de-Sirod, près de Champagnole dans le Jura, alors qu’il effectuait là un
stage de moniteur de colonie de vacances : il y a vu 4 disques lumineux
« qui semblaient l’attendre » ; de l’un est sorti un être à la
peau couleur d’aluminium qui lui a dit : « Mon nom est
Haurrio ». Ces êtres venus d’une autre dimension (frères vivant parmi
nous) sont ici pour aider la
Terre à surmonter la menace atomique et leur motivation
est l’Amour Universel. Quant
au Grand Contact officiel, il aura lieu le 15 Août 1980.
A cette date, à Cergy, plusieurs
milliers de personnes seront rassemblés dans l’attente de quelque chose qui ne
vint pas : motif, selon J.-P. Prévost : « bouchons sur les
routes spatiales » ! Une autre « fenêtre » était prévue le
15 août 1983… Hélas, en juin, soit 2 mois avant, J.-P. Prévost annonce :
« L’affaire de Cergy, c’était du bidon » ! Et encore, tel que
rapporté dans Le Parisien Libéré du 7 juillet 1983 : « C’est moi qui
ai tout organisé, tout monté. Frank Fontaine a passé les 8 jours de sa
disparition dans l’appartement d’un ami à Pontoise ; c’est moi qui l’y ai
conduit, et c’est moi qui l’ai ramené. Comment peut-on imaginer des
extraterrestres venant enlever un guignol… ». Sympa pour celui qu’il
appelait « Frank !... Mon vieux Frank ! », le jour de sa
réapparition (dixit J. Guieu).
Jimmy Guieu, je l’ai dit,
n’accepta jamais l’aveu de J.-P. Prévost, prétextant connaître d’autres
contactés qui ont reçu des messages de Haurrio, ce qui peut s’expliquer compte
tenu du contexte où lui-même avait été inclus dans le programme des ET et,
ainsi, constituait une belle satisfaction pour un écrivain de SF. Plus
surprenant, l’ufologue franco-américain, Jacques Vallée, avança qu’à son avis
le trio des jeunes banlieusards parisiens avaient été « les victimes d’une
opération psychologique menée par des agents secrets de l’armée pour créer une
secte laquelle serait observée ou utilisée pour des expériences
sociologiques » (?). Quant à Frank Fontaine, après avoir purgé une peine
de prison pour vol en 1982, interviewé par Vallée en 1989, il confirma que
l’enlèvement avait bien eu lieu tel qu’il l’avait relaté. Qui croire
alors ? Si vous avez une opinion argumentée, je serais heureux de la
connaître.
(1)
« Contacts ovni – Cergy-Pontoise », collaboration J. Guieu/Fontaine/Prévost/N’Diaye.
Editions du Rocher, 1980
(2)
Institut Mondial des Sciences Avancées !
Publié dans DIMANCHE SAÔNE & LOIRE des
28 octobre et 4 novembre 2007.
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