Les mystérieux
hommes en noir (HEN)
Persécuteurs de
témoins d’ovnis, suborneurs d’enquêteurs, intimidateurs fantômes, ils font
partie intégrante du folklore ufologique.
Ils en constituent
une facette obscure, inquiétante, souvent absurde, toujours renouvelée.
Avant de nous poser les sempiternelles questions : Qui
sont-ils ? D’où viennent-ils ? Qui les commandite ?, tentons tout d’abord de
remonter aux sources du mythe, au moins dans sa version moderne digne des films
hollywoodiens de série B des années 1950.
Historique et
racines de la légende
L’épisode de l’île
Maury.
C’est le 21 juillet 1947 qu’un certain Dahl, à
bord du patrouilleur du port de Tacoma, dans le détroit de Puget, observe en l’air,
au-dessus de l’eau, à une hauteur évaluée à 600 m , six machines volantes,
ressemblant à « des chambres à air
géantes », munies de hublots, dont cinq tournent lentement autour de
la sixième. Cette dernière semble en difficulté. Elle descend bas et une
explosion la secoue ; quelque chose tombe en mer: comme du métal fondu qui
provoque l’évaporation de l’eau sous forme de vapeur.
Les six chambres à air volantes reprennent alors de l’altitude
et s’éloignent rapidement.
Il faut croire que la comparaison « pneumatique »
fut moins bien reçue que l’image « soucoupique », immortalisée trois
jours plus tard par K. Arnold (voir ci-contre le dessin qu’en firent J. Lob
& R. Gigi dans leur « Les apparitions OVNI », Dargaud, 1979). M.
Dahl restera, cependant, dans les annales, comme le premier témoin d’objet
volant non identifié à s’entendre intimer au silence sur ce qu’il avait vu
« par un mystérieux homme en noir qui l’avait contacté », quelque
temps après son observation.
Le cas Bender
Mais la légende des hommes en noir (HEN) a réellement commencé en septembre
1953, lorsque Albert K. Bender (1921-2016), fondateur d’un des premiers fan-club
en faveur des ovnis (l’International
Flying Saucer Bureau), décide, brusquement, de mettre un terme à ses
activités ufologiques, pour retourner à ses passions premières : la musique classique
et les sciences occultes.
Ce soudain revirement, aussi inexpliqué que regrettable
dans la mesure où Bender se disait prêt à dévoiler le secret de l’origine des
ovnis, fut annoncé comme consécutif à la visite de « trois hommes en
costume sombre », dont les arguments dissuasifs quant à la poursuite de
ses investigations incitèrent l’ufologue à « laisser tomber ».
Les
« silenceurs »
En clair, suite à cette « rencontre », Bender
en aurait perdu le dormir et le manger, terrorisé par les menaces de la troïka
ou bien traumatisé par les conséquences de la révélation à lui faite, pour le
futur de l’humanité ! Fut-il, de la sorte, réduit au silence ou décida-t-il
lui-même de se taire ? Les avis sont partagés sur cette question.
Dans un cas comme dans l’autre, le résultat fut atteint :
la vérité sur les ovnis ne fut jamais révélée. Les sinistres HEN faisaient leur entrée dans la
mythologie moderne.
Ils sont parmi nous
Et, comme l’énigme des ovnis perdure depuis 50 ans, ce ne
peut être, n’est-ce pas, qu’à cause de l’incessante pression de ces sinistres HEN sur tous ceux qui approchent de trop
près la solution du mystère ! Pour, de cette façon, maintenir le secret et
par-delà les années et les nombreuses observations insolites, ils doivent être
omniprésents et omniscients. Aussi sont-ils devenus les principaux
« empêcheurs de comprendre », toujours prompts à accourir sur les
lieux sous couvert de divers organismes para-officiels et suivant un rituel qui
obéit à certaines règles bien établies, même si toujours un détail apporte sa
touche d’originalité.
Rencontre-type
La personne appelée à être confrontée aux HEN voit un ovni, par exemple, en
fermant les volets de sa maison, à la tombée de la nuit. Elle téléphone le fait
à la police et se voit éconduire poliment, comme c’est trop souvent malheureusement
le cas. Mais, à peine a-t-elle raccroché qu’elle reçoit un appel d’un
soi-disant enquêteur qui lui demande s’il peut venir pour lui parler.
Encore sous le choc de son observation, sans défiance et
plutôt troublé, le témoin acquiesce. A peine a-t-il reposé le combiné
téléphonique qu’un bruit lui parvient de sa porte d’entrée. Quelqu’un sonne. Un
coup d’œil à la fenêtre lui montre une grosse limousine sedan noire stationnée
devant le trottoir. Les HEN sont
arrivés incroyablement vite et à une époque où le téléphone de voiture n’est
pas encore inventé !
Trois individus vêtus de sombre sont introduits; débute
alors l’interrogatoire...
A quoi ils
ressemblent
Apparus subitement, comme par enchantement, dans l’intimité
du témoin - personne n’étant sensé connaître l’expérience ovni ou paranormale
récemment vécue par ce dernier - les HEN
se révèlent bientôt sous leur jour le plus négatif.
Toujours intervenant par trois - trois hommes, rarement
deux plus une femme - leur physique et leur allure ne laissent pas d’intriguer,
voire même d’inquiéter, tant ils correspondent à l’archétype même de l’antipathie
personnifiée.
Un bizarre
accoutrement
Leur tenue, tout d’abord frappante, est voyante autant
que ténébreuse ; elle est à la base de leur réputation : veston noir, pantalon
noir, chapeau noir profondément enfoncé, souliers noirs à semelles épaisses,
« intactes », chaussettes noires, cravate noire... et chemise d’un
blanc immaculé parfaitement amidonnée. Leurs vêtements, en effet, sont toujours
impeccablement propres et bien repassés mais, très fréquemment, ils sont
totalement passés de mode.
Les HEN portent
aussi souvent des grosses lunettes de soleil, pas de bagues ni de montres.
Physique ingrat
« Grands, corpulents, longs en torse et bas sur
pieds, bruns de peau même en plein hiver, visage de type oriental avec des yeux
remontant vers les tempes, ils ont généralement les cheveux en brosse. » Du
moins c’est ce qui ressort de ce qu’on peut apercevoir de leur physionomie à travers
leur habillement la plupart du temps assez fourni, même quand il fait chaud.
Un teint hâlé, mat, leur a valu un certain nombre de noms
d’oiseaux tels gitans, indiens, apaches, faces jaunes, lapons...
Leur âge est estimé dans la fourchette de 30 à 40 ans.
Une variante les décrit comme chauves, sans sourcils, à
la skinhead avant l’heure ; mais cela
constitue plutôt une exception.
Leurs yeux, encore leurs yeux, ne clignent jamais et
luisent comme des ampoules électriques (Bender) ou sont dits « flamboyants ».
Leur lobe d’oreilles, parfois pointues vers le haut, a été vu carré (!) et leur
bouche sans lèvres rappelle une fente rectangulaire (sic).
Attitude guindée
Leur maintien n’a rien de naturel, c’est le moins que l’on
puisse dire. Uniformément peu ou pas souriants, ils sont raides dans leurs
mouvements, froids dans leurs échanges, cérémonieux, hiératiques dans leur
conduite.
Leur langage mal articulé (on a parlé de télépathie) est
suranné, hésitant, en tout cas très inamical et marqué presque toujours d’un
accent fortement prononcé. Leur respiration est sifflante, comme s’ils étaient
essoufflés. Quand ils marchent, ils claudiquent à la manière de quelqu’un qui
possède une jambe plus grande que l’autre ou bien comme si leurs hanches
« étaient montées sur pivot ». Parfois, ils chancellent.
Des robots
téléguidés ?
Ce comportement peu « biologique » (cas
Hopkins) a fait penser que ce sont des robots ou mieux des cyborgs. Certains
connaissent des défaillances subites « comme s’ils manquaient momentanément
d’énergie ». L’un d’eux aurait même traîné derrière lui, sortant de son
long manteau, un fil électrique terminé par une prise !
Ils se déplacent en parfaite synchronisation tous les
trois à la manière des « participants à un exercice militaire ». Plus
bizarre encore, certains d’entre eux ne laissent aucune trace même dans la boue
(sic). Les chats font le gros dos à leur approche, les chiens hurlent à la
mort.
Drôles de moyens de
transport
Leur véhicule de prédilection pour se déplacer a fait
aussi leur réputation. Ils ont un goût marqué pour les grosses conduites
intérieures du type limousine, avec trois places à l’avant ; mais pas des
modèles du dernier salon, loin s’en faut ! Plutôt des pièces de collection,
parfaitement entretenues et rutilantes, datant d’une époque où la compacité n’existait
pas et où ailes et chromes s’offraient beaucoup de volume.
Cadillac, Buick, Dodge, Jaguar sont leurs marques
préférées, mais on les a vus aussi débarquer d’une Ford, de Rolls Royce et même
de Volkswagen.
Leurs sombres
desseins
Une fois mis en présence du témoin, toujours seul faut-il
le souligner, leurs intentions ne transparaissent pas dès l’abord. Sans rien
lui demander, ils semblent appréhender la personnalité du témoin aussi bien que
s’ils le fréquentaient de longue date. A partir de là, on a suggéré qu’ils
avaient le pouvoir de lire dans les esprits.
Quant à l’expérience qui motive leur venue, elle est
aussi parfaitement connue des HEN,
dans ses moindres détails. Au point qu’on a pensé qu’ils en étaient eux-mêmes
les instigateurs !
Quand ils communiquent entre eux, ils baragouinent en une
langue que rarement le témoin comprend. D’où l’idée que ce sont des étrangers.
- Taisez-vous
sur cette affaire et n’en parlez plus ! Telle est en substance la sommation qu’ils colportent.
La « visite »
proprement dite
Les voilà donc à pied d’oeuvre, en face du témoin, dans
leur bizarre accoutrement de croque-morts élégants mais déphasés, trio surgi de
nulle part et abhorré de tous ceux qui redoutent leur venue.
Que veulent-ils au juste ?
- Silence sur ce
que vous savez !
- Oubliez tout ce
que vous avez découvert sur les ovnis, sinon...
Voilà le message colporté par les HEN, maintes fois répété, mais différemment formulé selon les
circonstances Cela va des conseils distillés sur un ton quasi paternel, aux
tentatives d’intimidation plus précises, jusqu’aux menaces à peine perlées
mettant en cause le bien-être du témoin, de sa famille, de sa région... et du
Monde tout entier !
Des nuances pour le moins bizarres, n’est-ce pas et qui
ont eu tendance à se diversifier depuis que les HEN ont élargi leur champ d’action aux témoins variés d’événements
extraordinaires ? Comme si cette sombre milice, en multipliant ses
interventions, avait, elle-même, du mal, à s’adapter à son évolution.
Leur mission
Ils viennent, tout d’abord, pour écouter le récit de leur
hôte. Or, ce dernier, impressionné par leur mine patibulaire et encore sous le
coup de l’émotion de son expérience, est naturellement enclin à se confier à
des tiers. Ils profitent donc de cette situation de faiblesse psychologique,
surtout qu’ils s’abritent souvent derrière quelque organisme officiel de
sécurité du pays impliqué, ou bien une agence d’espionnage ou encore un bureau
de détective.
Si jamais une preuve photographique du phénomène qui a
occasionné leur venue existe, ils veulent la récupérer coûte que coûte. Et si,
par malheur, une telle pièce à conviction est exhibée imprudemment en leur
présence, ils la confisquent illico presto. Et il n’y a plus grand espoir de la
voir restituée un jour. C’est ainsi que Jean Claude Bourret, en 1974, mit sur
le compte des HEN un détournement de
documents ufologiques destinés à France Inter.
Des hommes très
secrets
Si les HEN ne
répugnent pas à donner des noms, exhiber des cartes d’identité et de fonction
ou des documents militaires, il s’avère vite que tout est bidon. Une
vérification ultérieure conduira immanquablement à une impasse, faute d’une
donnée indispensable soigneusement occultée.
Le numéro minéralogique de leur automobile si
caractéristique n’est généralement pas attribué selon le service des
immatriculations, ce qui a fait dire qu’ils ont accès aux banques de données
des administrations, inaccessibles au commun des mortels.
Les seules preuves de leur existence que nous ayons sont
quelques photos les montrant, de loin, en faction sous une porte cochère et une
récente vidéo (1992) d’une FEN (femme
en noir) filmée dans une automobile aux vitres teintées !
Plus bêtes que
méchants !
Leur sens de l’humour est totalement inexistant ou alors
inaccessible au témoin. Ils semblent à peu près normaux jusqu’à ce qu’une
grosse bévue vienne alerter leur interlocuteur. Comme, par exemple, sucer un
cigare par l’extrémité même qu’ils viennent d’allumer (sic).
Ce décalage apparent par rapport à la réalité est une
dominante remarquée de leur complexe personnalité.
Jamais il n’a été constaté, à ma connaissance qu’un HEN avait fait du mal à quelqu’un,
nonobstant quelques plaintes de charge délibérée en voiture ou autrement ; pas
un seul accident réel n’a été provoqué par l’un d’eux. Il n’empêche qu’on a pu
dire qu’ils furent probablement à l’origine de la mort suspecte de plusieurs
ufologues renommés dont les suicides ou maladies foudroyantes ont prêté à
jaser. Mais il faut être prudent sur cette question.
Leur départ
Comme ils sont venus, ils disparaissent mystérieusement.
Evanouis dans la nuit, dématérialisés au coin de la rue, téléportés vers un
ailleurs indéterminé ?
Laissant le témoin dans un état de désarroi total, de
confusion mentale - maux de tête à répétition - voire de nausées car, parfois
aussi, il a été rapporté qu’ils dégageaient une drôle d’odeur, même désagréable
! Bender, après sa rencontre avec les trois infâmes HEN qui le persuadèrent d’abandonner ses activités ufologiques, fut
décrit « comme lobotomisé ». On a parlé de lavage de cerveau induit
psychiquement par les HEN.
Fréquemment, ils laissent derrière eux divers phénomènes
curieux comme une activité poltergeist, un téléphone qui se détraque, des
machines en panne...
Leur nationalité
Les HEN,
presque toujours vus comme des étrangers dans la région où ils sévissent, ont
été décrits, certes, surtout aux Etats Unis, mais aussi en Angleterre, au
Mexique, en Suède, Espagne, Australie, Afrique du Sud, en Italie, en Angleterre.
La France ne
semble pas très touchée par le phénomène, selon J. L. Degaudenzi.
Malgré des interventions dénombrées par centaines depuis
près de 50 ans, malgré les indices de leur identité qu’ils ont bien voulu
laisser à profusion, aucun homme en noir n’est jamais venu, hélas, comparaître
à la barre d’un quelconque tribunal pour répondre des accusations de
harcèlement, de terrorisme ou même, simplement, de trouble de l’ordre public.
C’est donc à partir de témoignages humains uniquement
(on-dit, allégations, narrations, relations, opinion, rumeur, etc.) qu’on a
tenté de les identifier. La tâche n’est pas aisée comme on va le voir.
Qui sont-ils ?
Quand ils s’immiscèrent dans l’ufologie naissante,
affublés d’uniformes rappelant ceux de l’US Air Force, exhibant volontiers des
pièces officielles garantes de leur affiliation gouvernementale ou bien se
réclamant d’un bureau si secret qu’ils ne pouvaient en donner le nom (sic), l’idée
s’imposa qu’ils étaient d’obscurs fonctionnaires, issus d’une non moins ténébreuse
agence du type F.B.I. ou C.I.A., engagés dans une vaste conspiration du silence
(Keyhoe).
Police secrète ?
Ou bien des policiers aux cartes d’assermentation
falsifiées, comme ce fut vérifié à plusieurs reprises ?
Malgré les démentis très nets du colonel George P.
Freeman, porte-parole du Pentagone pour le projet Livre Bleu (« Ces hommes ne sont reliés, en aucune
manière, à la force aérienne, ce sont des imposteurs »), d’aucuns,
encore aujourd’hui, obnubilés par l’idée du black-out gouvernemental, voient en
eux les tontons macoutes de l’ufologie.
L’ennui, pour asseoir cette théorie de la première heure,
c’est qu’ils paraissent moins intéressés par le récit du témoin que par leur
propre rôle de persuasion visant à le convaincre que tout cela a une origine
bassement terrestre. Bizarre, très bizarre !
Un concept dépassé
Le stéréotype de l’officier fédéral américain en mission
secrète fit long feu quand les enquêtes privées, menées sur le compte des HEN, n’aboutirent à rien, quand aucun
scandale n’éclata, quand personne ne revendiqua la moindre intervention, quand
personne ne se fit épingler...
Qu’une telle politique de secret ait pu survivre à 50 ans
de dissimulation est une insulte à la démocratie libérale pratiquée et prônée
par les Etats Unis d’Amérique. Aussi la thèse des agents de l’ombre,
pourchassant de leurs ignobles assiduités les témoins d’ovnis fraîchement
traumatisés par leur observation, tomba en désuétude et n’est plus en vogue qu’auprès
d’une minorité de paranos ou de nostalgiques (C. Fuller ou W. Moore).
Zone d’influence
élargie.
Cette théorie purement nationaliste fut d’ailleurs
infirmée par les HEN eux-mêmes lorsqu’on
les vit étendre le champ de leurs interventions bien au-delà du territoire
américain, en Europe, en Afrique, enfin à presque toute l’étendue de la Terre.
La thèse de la conspiration yankee se mua de la
sorte en une conspiration mondiale massive dont le chantre fut le regretté
Frank Edwards (1908-1967 - sa disparition prématurée alimenta même la rumeur).
Les années 1970 virent le point culminant de l’état de guerre froide entre les
deux blocs capitaliste et communiste. A la réflexion, ces lugubres HEN avaient bien des allures d’espions
russes !
Ce fut l’époque où les HEN furent assimilés à des terroristes venus de l’Est et même
parfois accusés d’avoir participés à l’assassinat de Robert Kennedy...
Là encore, la persistance des visites des HEN, toujours vus, jamais pris, vint
mettre un terme à cette nouvelle théorie à la mode.
La thèse
extraterrestre
En désespoir de cause, on en vint à la solution qui
résout tous les mystères : celle des extraterrestres. Puisqu’ils sont si
étroitement connectés au phénomène ovni, les HEN ne sont-ils pas eux-mêmes des pilotes de soucoupe volantes,
désireux de rattraper le coup après une démonstration céleste quelque peu
ostentatoire. Que n’y avait-on pas pensé plus tôt !
Ainsi étaient évacuées toutes les bizarreries dont
seulement quelques articles inscrits au catalogue ont été cités ici.
Existe-t-il une mafia interplanétaire dont le but est de
couvrir toute trace des activités ovnis ? Ou bien une police galactique qui
veille à ce que d’éventuels vilains ET, dangereux pour notre civilisation, ne
se mêlent des affaires de la
Terre ? Une telle question, incubée dans des esprits acquis,
ne pouvait que séduire. Elle eut son heure de gloire, appuyée par certaines
anecdotes telles que celle d’une grosse Cadillac conduite par un HEN qui décolla d’une autoroute et
disparut aux yeux d’un couple témoin ébahi, une nuit de 1976, au Minnesota.
Une réponse intermédiaire
Mais, encore une fois, les faits vinrent infliger un
démenti à cette interprétation interventionniste venue d’ailleurs. En effet,
les HEN ont du mal à s’insérer dans
la théorie extraterrestre. Ils ne portent pas de combinaison spatiale, respirent
notre air - certes parfois avec difficulté mais sans vraiment défaillir, n’ont
pas de gros yeux globuleux, ni de bras multiples, pas même une apparence
insectoïde, sauf quelques anomalies physiques (souvenez-vous des oreilles)...
Bref, ils ont toutes les caractéristiques des terriens, y
compris leurs défauts et leurs carences (aucun ne vole !). Ils sont donc d’origine
terrestre, n’en déplaise à certains.
On vit alors naître un amalgame espions/ET, précurseur
des tendances actuelles, mettant en scène des agents du gouvernement d’une
civilisation non humaine basée sur Terre (Keel), ou bien des sbires à la solde
d’entités ET déjà installées parmi nous, à notre insu ?
Ou, plutôt, que
sont-ils ?
Pas des gangsters, pas des barbouzes communistes, ni des
étrangers venus d’ailleurs, même installés chez nous, alors qui ... ou plutôt
quoi ?
La « corporéité » des HEN est, en définitive, fortement sujette à caution et le phénomène
à eux associé souvent baptisé de « syndrome » leur ôte une grande
partie de leur matérialité.
Ceci, malgré les nombreux témoignages qui donnent bien
comme vivants, physiques, tangibles, faits de chair et de sang, ces sombres
personnages endimanchés et évanescents. Car, ils sont trop insaisissables pour
être d’une honnête consistance. D’où l’idée de les reléguer dans une dimension
différente.
Habitants d’un
autre réalité ?
Au cours d’expériences visant à l’expansion de la
conscience, Carlos Castaneda, anthropologue à l’Université de Californie,
pénétra, à plusieurs reprises, dans ce qu’il appelle « un état spirituel
de réalité non ordinaire ». Il y fut confronté à toutes sortes d’entités
bizarres : un coyote parlant, par exemple, une sorcière en forme de vache.
Alors pourquoi les HEN ne
viendraient-ils pas de là, eux aussi ?
Selon C. Castaneda (1925-1998), cela n’a rien à
voir avec les hallucinations; c’est le produit de l’objectivation de « forces »,
dites « alliées du sorcier », qui peuvent prendre la forme et la
taille qu’elles veulent, mais que l’on ne peut apercevoir qu’avec l’oeil
intérieur. Il n’empêche que ces « créatures » ne sauraient exercer
aucune influence directe sur les affaires de l’humanité. Bonne ou mauvaise.
Les
« caméléon » de l’ufologie
C’est Aimé Michel (1919-1992) qui, en son temps, souligna
l’aspect « mimétique » des HEN.
Ils nous miment, nous imitent et s’adaptent à l’air du temps, nonobstant
quelques petits anachronismes patents.
John Keel (1960-2009) reprit cette idée en suggérant que
les HEN « jouent » avec
nous en adoptant les formes et les attitudes que nous voulons bien leur donner,
par-delà notre inconscient. « Ce sont des gens réels mais des sortes de
fantômes », écrit-il. « Dans la nature, pleins d’animaux se
camouflent ainsi pour passer inaperçus, dans le but de coexister avec les autres
espèces, dangereuses pour eux ».
Dans ce contexte, les HEN
seraient d’authentiques entités « ultraterrestres ». Inoffensives
ou...
Emanations
sataniques ?
Le caractère plutôt hostile des HEN a poussé certains ésotéristes à leur allouer un caractère
nettement diabolique.
On trouverait même leur trace déjà dans la Bible , en tant qu’« Esprits
du Mal qui habitent les espaces célestes » (sic), Épître aux Ephésiens
6,12). L’affiliation avec le Diable des HEN
a-t-elle ainsi fait couler beaucoup d’encre. Satan lui-même n’a-t-il pas été
souvent décrit vêtu de noir ?
Ces HEN, d’obédience
démoniaque, « parahumaines » dirions-nous aujourd’hui, seraient des
croque-mitaines, des loups-garous, des pères fouettards, jouant le même rôle
que le Malin en théologie ; ils constitueraient un des volets, certes
grotesque, des innombrables entités mythologiques qui prennent diverses
apparences à travers les traditions mondiales.
Les HEN
auraient été créés par l’Enfer et refaçonnés dans leur forme actuelle par
Hollywood.
Entités jungiennes ?
Une autre hypothèse plus parapsychique veut les voir
plutôt comme la pensée matérialisée de nos vieux démons, la forme objectivée de
la peur collective, de la hantise de Big Brother, de l’invasion subreptice de
la vie privée (Steiger)?
Ainsi, ces HEN
jungiens auraient-ils toujours été présents, tout au long de l’histoire de l’humanité,
projetés en dehors de nous par nos propres préoccupations, nos angoisses. On
trouve, en effet, dans de nombreuses traditions, mention d’entités qui,
déguisées à la mode du temps, pourraient parfaitement camper l’archétype de l’HEN. Ces larves, à l’américaine,
seraient dès lors les équivalents folkloriques modernes du Vardogr norvégien, des Trolls
suédois, du Tivish irlandais, du Marbal juif, du Doppelganger teuton. Des gardiens du temple réputés menacer ceux
qui étudient et qui se trouvent, de par leurs connaissances, sur le point de
lever le voile d’Isis (Maeterlinck).
Formes
« tulpoïdes » ?
Dans le contexte de la tradition tibétaine, les HEN ne seraient que des « tulpas »,
c’est à dire des créations psychiques holographiques en trois dimensions
personnifiant nos craintes les plus secrètes, et engendrées par celles-ci, en
un singulier processus « agrégatif » issu de l’inconscient collectif
(Jung). Une sorte de catharsis au niveau profond et vital (Mill).
Sont-ils des émissaires de « Shambhala », une
ville spirituelle située quelque part dans les montagnes de l’Himalaya (refuge
de la grande Fraternité Blanche), capables d’apparaître et de disparaître sans
traces et de réaliser des prodiges surnaturels ? Sont-ils des Frères de l’Ombre
de la tradition assaisonnés à la sauce du 20ème siècle?
Sont-ils des ectoplasmes produits par de complexes
distorsions de l’espace et du temps (Keel) ? La réponse n’est pas, hélas,
disponible.
Un mythe moderne
Ainsi, les HEN,
hâtivement, vus comme des brutes épaisses, se révèlent-ils une manifestation
particulière des fameux égrégores de la Sainte Trinité ,
rendus bien anodins par ce travestissement ridicule et désuet que leur a imposé
la période de la guerre froide. Des frégolis, champions de l’escamotage,
devenus ridicules et inactifs à cause des progrès de la psychologie et de la
psychanalyse. Tel est leur peu enviable destinée dont on peut, cependant, s’étonner
de la persistance.
Une vision réductionniste qui ne laisse pas, en tout cas,
de me rendre songeur, moi, le boudé des HEN
que je suis. En effet, je n’en ai rencontré aucun, nulle part et pourtant j’ai
pas mal bourlingué même en Amérique du Nord. Pour qu’ils me négligent à ce
point, je dois graviter bien loin de la Vérité... Heureusement ,
j’ai quelques témoignages de deuxième main.
« Ils sont
toujours là... »
Tel est l’avis éclairé de mon bon ami Ray Keller, de
Hilmar, Californie, exprimé en 1990 dans la publication de son association OSIRIS
(Outer Space International Research and Investigation Society) à laquelle j’adhère
depuis toujours.
A preuve, en 1986, un couple d’habitants de Hamilton, en
Ohio, prétendirent en avoir rencontré plusieurs.
En 1992, un professeur de New York fut confronté, selon
lui, à un HEN tandis qu’il lisait
tranquillement à la bibliothèque de l’Université de Pennsylvanie. « C’était
un grand maigre, pâlichon, de plus d’un mètre 85, tout vêtu de noir. Essayant d’engager
la conversation et se heurtant à la réticence de son vis-à-vis, ce sinistre
individu s’écria : - Les ovnis sont le
phénomène le plus important de ce siècle... et vous n’êtes pas intéressé !
Ma grande amie américaine, Cosette Willoughby, 74 ans, en
a vu deux fois dans sa vie ! Mon ami, Howard Kaufman, de Woodland Hills,
Californie, lui aussi en a rencontré un qu’il assimile à un « ami
extraterrestre »...
Si d’aventure, vous en avez vous-même rencontrés, n’hésitez
pas à me faire signe.
Bibliographie :
Timothy Green Beckley, MIB, Aliens among us, 1956.
Hilary Evans, Visions, Apparitions, Alien visitors, 1984.
UFO Times, N° 10, novembre 1990.
MAGONIA, n°40, août 1991.
UFO Encounters, Vol. 1 N°1, 1992.
UFO Encounters, Vol. 1 N°1, 1992.
Bulletin of Anomalous Experiences,
Vol. 3, N°3, juin 1992.
ELSEWHEN, N°15, 1993.
Etrangetés &
Mystères, N°
13, juillet 1994.
Texte publié en 5 fois dans Dimanche Saône & Loire entre le 5 mars et le 9 avril 1995 et republié étoffé dans le n°6 de
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