La mort de Jimmy Guieu
(1926-2000)
Par Michel GRANGER
Il y a 20 ans, mourait Jimmy Guieu. Pour beaucoup d’ufologues, il personnifia le maître de l’ufologie des années 60 du siècle dernier. Sans aller jusque là dans la considération laudative, à travers les contacts que j’ai eus avec lui (conférences, publication avortée de livre, correspondance, etc.), j’ai toujours apprécié en lui un auteur sincère, toujours soucieux de me gagner à sa cause que je ne partageais pas forcément, notamment sur la cause des mutilations de bétail. Il me considérait comme « trop tiède ». Il est vrai que jamais je n’ai jamais adhéré à l’idée que les extraterrestres sont là autour de nous, à nous guetter, nous surveiller, à charcuter notre bétail, avec une motivation claire qu’il n’a jamais réussi à m’expliciter.
Qui n’a un jour acheté dans le
kiosque d’une gare un des livres de cet auteur prolifique à l’imagination
débordante publié par le Fleuve Noir ? Qui n’a entendu parler des
« petits gris » et des EBE (entités biologiques extraterrestres) dont
il avait installé l’idée et l’archétype en France ? Qui n’a été tenté de
rejoindre l’Institut Mondial des Sciences Avancées qu’il avait fondé ?
Il se disait « écrivain, ufologue, parapsychologue, conférencier »,
quatre facettes de sa personnalité qui en faisaient un personnage hors du
commun.
Pionnier de l’ufologie
C’est en 1952 qu’il crée avec
Marc Thirouin (1911-1972) le Groupe d’Etudes Ouranos, la première
association française consacrée aux ovnis qu’on appelait alors soucoupes
volantes. Grâce à ses appels lancés sur Radio-Monte-Carlo, il peut constituer
un réseau d’enquêteurs et de correspondants. Ceux-ci ne regrettent pas de
s’être ralliés à lui car les petits hommes verts répondent eux aussi présents
et gratifient notre pays de la fameuse vague de 1954. Cela lui permet de
publier en France le premier livre du genre « Les soucoupes volantes
viennent d’un autre monde », en 1956, et « Black-out sur les
soucoupes volantes », en 1958, auxquels on se réfère encore aujourd’hui.
Son intérêt pour les ovnis ne
se tarira jamais, bien au contraire. Convaincu de la conspiration du silence
des autorités, il sera aussi un des premiers à se prononcer sur les
enlèvements, alimentant la thèse que les E.T. sont parmi nous. Sa prise de
position en faveur de l’affaire de Cergy-Pontoise viendra le discréditer quand
les protagonistes avoueront l’imposture, notamment dans le cadre de la
collection « Les Carrefours de l’Etrange » qu’il dirigea chez divers
éditeurs.
Un maître de la science fiction
française
Avant tout J. Guieu était un
écrivain, un vrai, un extraordinaire conteur d’histoires. Ses romans de SF
prenaient appui sur les faits réels qu’il glanait à la source même de
l’ufologie, du paranormal, du fortéanisme, des traditions folkloriques et d’un
ésotérisme dont il avait appris à pénétrer les secrets à travers diverses
confréries et sociétés qui l’avaient accueilli en leur sein.
Son œuvre considérée par
certains comme mineure demeure néanmoins considérable avec plus de 100 titres,
traduits, réédités et vendus à des centaines de milliers d’exemplaires. Son
« Le pionnier de l’atome » publié en numéro quatre dans la collection
anticipation du Fleuve Noir fait l’objet d’une recherche incessante des
collectionneurs et se vend fort cher.
Ses derniers livres
inclassables mêlant SF, espionnage, voire politique pas toujours très saine, ne
sont pas, à mon avis, ce qu’il a écrit de mieux.
Un conférencier hors pair
Avec sa voix si caractéristique
et son port de tête énigmatique, J. Guieu savait aussi bien parler que manier
la plume. J’avais pu goûter ses talents d’orateur il y a une dizaine d’années
lors d’une conférence à Louhans (71) où mes amis de l’ALEPI (Association
Louhannaise d’Etude des Phénomènes Inexpliqués) l’avaient invité. Il était un
merveilleux discoureur et énonçait sans sourciller les pires des énormités dont
il ne paraissait pas éprouver la démesure. Intimement persuadé qu’il était sans
cesse sous surveillance, selon lui on ne cessait d’épier ses faits et gestes,
cherchant à empêcher les révélations qu’il distillait sans complexe. J’avais eu
affaire à lui lorsque, en quête d’un éditeur pour mon livre « Le grand
Carnage », il m’avait demandé de le remanier dans le sens de privilégier
la thèse extraterrestre pour expliquer ces inexplicables mutilations de bovins
américains. Il me jugeait trop tiède dans mon engagement et m’exhortait à le
suivre dans ce qu’il considérait lui, non pas comme une possibilité, mais comme
une certitude. Qu’on puisse en douter lui semblait totalement exclu, moi pas.
Hommage à l’homme
Une bonne partie de l’ufologie
française s’est retrouvée réunie derrière son cercueil à ses obsèques à La Chaussée d’Ivry, près
d’Evreux, le 6 janvier dernier. La vieille école hélas de plus en plus clairsemée
mais aussi la nouvelle vague, si j’ose dire, chez laquelle ses écrits ont
suscité maintes vocations. Il a ouvert des horizons, entrebâillé des portes, en
a enfoncé d’autres ; les extraterrestres lui doivent beaucoup mais
sauront-ils s’en souvenir ou du moins se reconnaître dans sa fourmillante
imagination ? Un des derniers du « cercle des poètes », il
personnifiait une figure quasi mythique certes un peu dépassée mais combien
sympathique.
J’ai
publié cette nécrologie dans le journal , DIMANCHE S & L,
30/01/2000.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire