Sommes-nous seuls dans l’univers ?
Ce texte fut publié dans le Courrier de Saône-et-Loire Dimanche du 6
avril 1986.
La veille, le rédacteur en chef
du journal, Michel Limoges, le présentait ainsi !
Michel Granger suppose que nous ne sommes pas seuls dans l’univers.
Voilà un sujet inépuisable pour la chronique de l’étrange : la
vie dans l’univers. Sommes-nous les seules bébêtes pensantes de la
création ? Si oui, prions Dieu pour qu’il nous retrouve dans les milliards
de galaxie qui composent l’univers. Si non, nos « frères » sont-ils
des décalques de nos petites personnes, ou des ânes bâtés ou des supercerveaux
auprès desquels nous ne serions que des microbes intellectuels. Autant de
savants autant de réponses.
Michel Granger nous en expose quelques-unes et nous demande,
éventuellement, la (ou les) nôtre.
Il n’y a pas plus d’un
demi-siècle que la question de la vie extra-terrestre a commencé à intéresser
les scientifiques.
Galilée (1564-1642). |
Il n’en fut rien, hélas. Pendant
toute la fin du 19ème siècle et le début du 20ème, ce
sujet de réflexion fut contrarié par la croyance selon laquelle la vie est un
phénomène rarissime, quasi unique. Et alors l’intelligence, pis encore !
Heureusement, les temps ont
changé. Les opinions aussi. Quoiqu’aucune preuve directe de l’existence d’une
vie extra-terrestre n’ait encore été scientifiquement acquise - ce qui autorise
un dernier noyau dogmatiques à continuer de croire que nous sommes bien la
seule singularité pensante de tout l’univers -, on a tendance aujourd’hui, au
contraire, à admettre que le cosmos grouille de vies de toutes sortes, de
civilisations plus ou moins technologiques, de supersociétés futuristes... en
avance peut-être sur nous à un tel point qu’ils nous regarderaient comme les
entomologues regardent les fourmis s’evertuer à reconstituer leurs nids si par
malheur on le détruit.
Profitons donc de la conjoncture
favorable pour parler de cette question essentielle qui, à mon sens, justifie
peut-être, à elle seule, le fait que nous existions. En effet, d’une certaine
manière, ne serait-ce pas le moyen unique de nous libérer de nos éternelles
angoisses qui tournent autour de ces grandes interrogations : qui sommes-nous?
D’où venons-nous? Que faisons-nous là sur la Terre ?
Montrons, tout d’abord, comment
les scientifiques modernes en sont arrivés, depuis une vingtaine d’années, à
affirmer que l’Homme, dans l’univers, n’a aucunement le droit de revendiquer
une place privilégiée ; au contraire, il est probable que nous constituons un
modèle plutôt bas de gamme dans la myriade des intelligences qui peuplent
présentement l’immensité du cosmos. Une fausse note de stupidité dans un choeur
philharmonique de supercerveaux !
Les savants font un blocage quand
il s’agit de résoudre un problème autrement que par le calcul mathématique.
Aussi se sont-ils empressés de pondre une équation pour justifier l’omniprésence
de la vie intelligente dans l’univers. Cette équation, unique en son genre,
fort simple au demeurant, présente toutefois un gros handicap : elle ne
comprend que des inconnues et n’en compte pas moins de cinq, rien que pour
estimer le nombre actuel d’espèces douées de raison vivant ailleurs que sur la Terre.
Carl Sagan ( 1934-1996). |
Ce sont deux savants américains réputés, Carl
Sagan et Frank Drake, qui ont pondu cette fameuse formule; celle-ci, à partir d’un
produit de données indéterminées, aboutit à la certitude que nous avons une
multitude de frères pensants, sur d’autres planètes invisibles dans le ciel.
Tel est le miracle des mathématiques dès qu’elles se fondent sur des
statistiques. Vous avez une chance infime de trouver les six bons numéros du
loto et pourtant, chaque semaine, il y a toujours un gagnant tant il y a un
grand nombre de joueurs.
Il en est de même pour les
chances de vie sur une planète. Elles sont extrêmement faibles : à preuve,
nous
sommes la seule vie qui, semble-t-il, existe dans le système solaire Faibles,
mais pas nulles, puisqu’il y a bien de la vie... sur la Terre , n’est-ce pas ? On dit
une probabilité d’au moins 1/9 = une vie sur 9 planètes.
Frank Drake (1930->). |
Par
de subtils raisonnements de ce genre, et en multipliant ensemble et
successivement les chiffres obtenus :
- probabilité pour
qu’une étoile s’accompagne de planètes (exemple le Soleil et la Terre , donc probabilité non
nulle estimée à 1/4).
- probabilité pour
que cette planète ait un environnement favorable à la vie (on prend 1/10, peu
différent de 1/9).
- probabilité pour
qu’une vie primitive (amibes, par exemple) se soit effectivement développée à
partir de ces conditions propices (les biologistes donnent une probabilité de
un, c’est à dire la certitude absolue, mais, par prudence, prenons encore 1/10)
- et probabilité
pour qu’une intelligence (exemple Homme) ait évolué à partir de ces organismes
inférieurs (1/10 encore).
On arrive au résultat de 1/4000
soit 1/4 x 10 x10 x 10.
C’est peu un soleil habité
« intellectuellement » pour 3 999 qui ne le sont pas. Mais c’est
énorme quand on sait que notre galaxie compte plus de 400 milliards de soleils !
Ainsi, d’après notre calcul, la Voie Lactée que nous
découvrons la nuit en regardant le ciel, a pu abriter 100 millions de mondes
susceptibles d’avoir produit, sous une forme ou sous une autre, des créatures
intelligentes. C’est en vertu de ce nombre très élevé que les spécialistes sont
si sûrs d’eux. La marge semble trop grande pour leur donner tort.
La Voie Lactée. |
Reste à déterminer la fraction de
ces communautés encore au stade technologique à l’heure où vous me lisez, beaucoup
ayant certainement déjà disparu comme des kamikases, ou parce que leur Soleil s’est
éteint, et d’autres étant encore trop jeunes, bien que potentiellement
« capables ». N’a-t-il pas fallu 4,6 milliards d’années à la Terre pour enfanter l’Homo technicus ?
Je vous épargne les calculs
intermédiaires. Tout compte fait, cela revient à diviser le chiffre ci-dessus
par 100.
En dernier ressort donc, c’est un
million de civilisations au moins à notre niveau ou en passe de l’être qui
cohabitent dans notre espace galactique. Nous ne sommes pas seuls, je vous en
prend à témoin. Ni seuls, ni favorisés.
En effet, elle est telle la
profusion de nos semblables dotés de raison (sous quelle forme, ça c’est une
autre histoire ?) et nous sommes si « débutants » dans le métier (l’ère
technologique humaine date à peine de quelques siècles), que la plupart de nos
frères de l’espace doivent presque tous être nos aînés. Sagan pense, quant à
lui, que la durée de vie d’une société technologique est de l’ordre d’un
million d’années!
Ronald N. Bracewell (1921-2007). |
Dix mille siècles devant nous, un
million de civilisations sœurs autour de nous, une large majorité nettement
« en avance » sur nous, tel est le destin grandiose de l’Homme au
sein du « club galactique » des créatures intelligentes du cosmos,
selon un terme inventé par Ronald N. Bracewell,
un des pontes de l’exobiologie américaine. L’exobiologie, c’est l’étude de la
vie en dehors de celle que nous connaissons sur Terre.
Dans ces conditions, comme nous
manifestons déjà « au berceau » des vélléités de voyages spatiaux, de
communications interstellaires, de colonisation de l’espace, nos grands frères
galactiques ont dû y penser voilà des milliers d’années et, qui sait ?,
certains ont-ils songé à « sonder » la planète Terre ?
Avons-nous alors été
« visités », au même titre que nous nous sommes rendus sur la Lune entre 1969 et 1972 et
trouve-t-on des preuves de ces « visites » ? Existent-elles
enfouies notamment dans les légendes, les mythes ? Doit-on y lire sous
forme allégorique le témoignage de ces « rencontres » avec des intrus
extraterrestres ? Des missions de reconnaissance ont-elles encore lieu
aujourd’hui ? A notre insu ?
Nous a-t-on contactés et
pourquoi ? Avons-nous reçu des messages sans les reconnaître ? Quel
serait l’impact d’une confrontation physique ou psychique avec des émissaires
venus d’ailleurs ? Qu’avons-nous à y gagner ? A y perdre ?
Nous-mêmes, sommes-nous des extraterrestres implantés, exilés, réinsérés ?
Qu’est-ce qui tendrait à le prouver ? La Terre est-elle sous contrôle ?
Toutes ces questions méritent attention et je m’emploierai
à tenter d’y répondre un autre jour très certainement.
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