mercredi 19 juin 2024

 

Quel avenir nous promettent les « Frankenstein » de la génétique ?

 

 

« L’aube d’un grand jour se lève : celui où l’espèce humaine va prendre en main son destin biologique par le biais de la science de la Vie ». Cette phrase extraite de la jaquette de notre livre « Des sous-dieux au Surhomme » est tellement lourde de conséquence que certaines voix autorisées ont crié à l’apprenti sorcier !

 

Des savants officiels, sous le couvert de recherches eugéniques c’est à dire vouées à l’amélioration des qualités de la race humaine, mettent en danger ladite espèce tant sont encore mal maîtrisées les techniques qu’elles mettent en œuvre. Et les conséquences de leurs travaux, si par malheur ils en perdaient le contrôle, feraient peser sur l’humanité des dangers disproportionnés à celui qu’on se complaît à brandir bien haut à grand renfort de publicité, à savoir le péril nucléaire.

 

Ces expérimentations maudites touchent à la recherche sur l’A.D.N. (acide désoxyribonucléique, composant exclusif du gène lui-même constituant du chromosome et ainsi « substratum chimique » de l’hérédité) et se rangent hypocritement sous la dénomination anodine d’« ingéniérie génétique ». Anodine... pas pour tout le monde. Le biologiste Jonathan King du MIT (Massachussets Institute of Technology) n’a-t-il pas déclaré que « l’ingéniérie génétique est une forme pernicieuse d’intervention sur un processus qui perdure depuis des millions d’années: l’évolution » ?

 

Et d’ajouter : « Nous prenons de risque de créer une pollution biologique qui se reproduira d’elle-même. C’est différent de toute autre pollution que nous connaissons et beaucoup plus dangereux. Une nappe de pétrole, nous pouvons la récupérer. Mais avec la pollution biologique, le temps que nous nous apercevions de notre erreur et il sera trop tard. Aucune équipe de scientifiques qui travaille dans ce domaine n’a nié que c’était dangereux... et c’est ça qui m’inquiète... »

 

Certains laboratoires de recherches médicales sont-ils ainsi en train de mener des expériences dont ils ne sont pas à même de contrôler le déroulement si bien que cela peut conduire à une foudroyante épidémie ? Voyons ensemble quelles manipulations sont visées. La technique inventée par le prix Nobel George Wald et qui consiste à introduire des gènes étrangers dans des bactéries naturelles a, en effet, ouvert la voie à la fabrication de nouvelles formes de vie artificielles dont, bien entendu, les effets ne peuvent être prévus à l’avance. D’où la possibilité d’engendrer des germes « inédits » capables de proliférer d’eux-mêmes et -pourquoi pas ?- de s’échapper du laboratoire par l’entremise par exemple d’un technicien infecté et de déclencher, de cette façon, une épidémie inéluctable. Les Américains sont particulièrement sensibles à de tels arguments depuis qu’en 1977, 29 personnes ont été les victimes d’un mal mystérieux qu’ils ont surnommé « la maladie des légionnaires ». Le microbe responsable a récemment été identifié mais c’était la première fois qu’on le rencontrait.

 

Par deux fois déjà, des savants ont été amenés à tuer le « monstre » qu’ils avaient fabriqué. Ce fut tout d’abord le Docteur Chakrabarty qui, en 1975, réussit à inculquer à une bactérie Escherichia coli (elle vit, par millions, dans l’estomac humain et aide à la digestion) la faculté de synthétiser l’enzyme cellulase. Par là même, le microorganisme « modifié » avait acquis la vertu de digérer la protéine structurelle des végétaux : la cellulose. Il s’apprêtait à y incorporer, en plus, le pouvoir de transformer la cellulose en méthane (ces recherches étaient financées par le laboratoire de la General Electric à Schenectady, Etat de New York) quand il fut pris d’appréhension à l’idée qu’au cas où ce « monstre » serait libéré accidentellement dans la nature, il pourrait s’ensuivre que des populations entières infectées périraient, victimes de diarrhées incoercibles. Imaginez que vous ingurgitiez une laitue et qu’elle soit transformée en gaz domestique dans votre estomac !

 

L’autre incident concerne directement la « chirurgie génétique », c’est à dire le croisement (si l’on peut dire) de virus différents. En 1971, le Docteur Lewis du NIH (National Institute of Health) parvint à obtenir une chimère (fruit d’une reproduction entre espèces) à partir d’adénovirus, virus commun du rhume et du virus SV 40 responsable de tumeurs chez le singe mais pas chez l’homme. Rien ne pouvait alors prouver, à priori, que cette recombinaison de DNA n’avait pas rendu l’adénovirus actif vis à vis de l’homme, d’où l’apparition d’un nouveau type de cancer. Le Docteur Lewis, conscient de ce risque, refusa de livrer des souches de son virus hybride à ces collègues, ce qui provoqua à l’époque un véritable tollé en tant que violation du principe de libre-échange des données scientifiques en vigueur au NIH. Mais l’alerte était donnée et le processus d’embargo enclenché. Ce dernier devait être proclamé en 1975, date à laquelle un moratoire fut voté par 140 chercheurs réunis à Asilomar au sud de San Francisco.

 

Depuis, des passe-droits ont été délivrés et les expériences « à haut risque » autorisées. Il est caractéristique de noter que, parmi les laboratoires ayant bénéficié de cette permission, figurent une forte proportion de centres privés tels que les laboratoires Abbott au nord de Chicago, ceux d’Hoffman-Laroche de Nutley, New Jersey, ceux d’Eli Lilly d’Indianapolis, ceux de Miles de Elkhart et ceux de Merck et Pfizer à Rahway et Groton. Fait-on moins confiance aux organismes publics ou plutôt n’ont-ils pas les moyens pour mettre en œuvre les équipements qui sont garants d’une protection absolue ?

 

Mais ces louvoiements, qui se passent au niveau de l’élite des scientifiques, n’ont pas fait taire les prophètes de malheur, tout au contraire. L’ingénierie génétique compte notamment un véhément adversaire en la personne du maire de Cambrid­ge, Massachussetts, berceau même du MIT. Ce sexagénaire truculent, grand père vingt deux fois, n’entend pas qu’on mette impunément en danger la communauté qui l’a élu. « Je ne veux pas que mes enfants soient les victimes de quelque Frankenstein échappé d’une éprouvette. En vérité, personne parmi les scientifiques ne peut prévoir les résultats ni les effets qu’auront ces expériences dans 10 à 20 ans. Dieu seul sait ce qui va sortir de ces laboratoires. Cela peut aussi bien être une maladie incurable qu’un monstre. C’est la réponse au rêve de Frankenstein ».

 

Velluci demande à corps et à cris l’établissement d’un nouveau moratoire sur ces essais de création de nouvelles formes de vie. Une partie de la communauté de Harvard (université qui abrite le MIT) le soutient dans sa lutte mais d’autres savants ne sont pas d’accord.

 

Paul Berg de Stanford, qui fut à l’origine de la réunion au sommet de Asilo­mar, semble se satisfaire des mesures qui ont été prises à la suite de ce colloque sans précédent. Il pense que désormais les risques sont minimes et condamne sévèrement l’ingérence des milieux politiques dans une polémique sur les fondements de laquelle ils n’entendent rien.

 

Le docteur Matthew S. Meselson, autorité en matière de biologie moléculaire à Harvard, estime quant à lui qu’il n’aurait jamais entrepris de tels travaux s’il subsistait le moindre danger. « Les recherches sur la recombinaison du DNA mèneront à la connaissance fondamentale des mécanismes de la vie. Nous sommes tenus en échec par les maladies telles que le cancer et les désordres génétiques justement à cause de notre méconnaissance des lois biologiques de base. A mon avis, l’apport de la méthode de la recombinaison du DNA dans cette voie sera, de loin, supérieure à ce­lui qu’a apporté le microscope dans le domaine de la microbiologie.

 

Et au sujet de l’éventuelle création d’une bactérie mutante indomptable, Mesel son dit « qu’il ne croit pas aux miracles, arguant que tous les microorganismes actuellement présents sur la Terre sont les survivants d’une bataille acharnée pour la vie née il y a plusieurs millions d’années ».

 

Nous conclurons en rapportant l’opinion de Herbert Boyer, du centre médical de l’université de Californie, découvreur du mécanisme du clivage des gènes d’une espèce animale à une autre: « Il existe trois types de dangers dans l’expérimentation sur l’ADN: soit la création d’un germe qui peut détruire l’humanité, soit la production d’une bactérie qui cause le cancer, soit l’apparition de classes d’individus destinés à des tâches spécifiques : des soldats agressifs, des travailleurs résistants à l’amiante, des gens capables de taper à la machine sans arrêt et d’en tirer du plaisir ».

Voilà qui finalement ne laisse pas d’être inquiétant. Le meilleur des mondes est-il pour demain... ou bien l’Apocalypse ?

 

   Publié dans NOSTRA du 28 juillet 1983

 

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